Version 7 oct.2014 – Relecture AESN Les nouveaux bioindicateurs : Les espèces aquatiques nous renseignent sur l'état du milieu et guident les priorités d'actions pour atteindre le bon état écologique de l'eau. des outils plus performants pour évaluer l'état des eaux, agir pour des milieux vivants et engager ainsi des financements mieux ciblés Document de travail 11 septembre 1. Que sont les bioindicateurs ? Les êtres vivants qui peuplent nos rivières sont très sensibles aux altérations de la qualité chimique et physique des milieux aquatiques. Certaines espèces le sont plus particulièrement et sont des révélateurs de la santé de nos milieux aquatiques : ce sont les bioindicateurs. Leur présence et la composition des communautés d'espèces (ou a contrario leur absence), leur abondance, leur taille ou encore leurs caractéristiques biologiques renseignent sur la qualité du milieu et permettent ainsi de poser un diagnostic écologique. Les espèces animales ou végétales sont de bons révélateurs de l’histoire des modifications de l’environnement dans lequel ils vivent. En revanche, révèlera cette pollution. Ainsi, une pollution ponctuelle sera révélée par la composition des populations d’algues microscopiques qui peuplent le milieu aquatique et non par des analyses de la chimie dans l’eau faite plusieurs semaines, voire plusieurs mois après l’évènement. Pour chacune des catégories de milieux aquatiques définies par la Directive cadre pour l'eau (DCE) : eaux douces (rivières et plans d'eau), eaux côtières et eaux de transition (estuaires), sont identifiés des bioindicateurs spécifiques. Par exemple, l'indicateur "poisson" pour les lacs, sera différent de l’indicateur "poisson" pour les eaux de transition. 2. A quelles perturbations les espèces bioindicatrices sont-elles sensibles ? Les altérations liées à l'activité de l'homme peuvent être : - des altérations de la qualité chimique : présence dans l'eau de substances toxiques d'origine industrielle, domestique ou agricole (pesticides) ou d’intrants comme les nitrates issus de l'activité agricole ou encore de métaux lourds, d'huiles, de matières organiques, de dérivés chlorés, issus de rejets industriels ou de collectivités… - des altérations des composantes physiques d'un cours d'eau : modification de sa pente, de sa profondeur, de son débit, rectification de son tracé, présence de seuils et de barrages, de la forme de ses berges, altération de la végétation des berges… Quelques illustrations : - un aménagement de berges de rivières, une artificialisation du littoral ou un dragage de chenal peuvent dégrader les habitats essentiels au cycle de vie de certaines espèces aquatiques (nourriceries ou frayères) ; - une vidange de barrage peut entraîner un colmatage du fond du lit de la rivière, habitat fréquenté par de nombreuses espèces d’invertébrés, ou de réserve alimentaire pour les poissons vivant au fond du cours d’eau, - les herbiers marins (zostères ou champs d'algues) peuvent être altérés par des fréquentations excessives de l'estran par les activités humaines ou bien par des rejets urbains ou agricoles. 3. Quels sont les bioindicateurs utilisés jusqu’ici ? La directive-cadre sur l'eau (DCE) requiert l’utilisation de différents organismes biologiques pour évaluer l’état de santé des milieux aquatiques. En effet, un seul et même organisme, par exemple une espèce de poisson, n'est pas sensible à l’ensemble des dégradations susceptibles d’affecter les milieux et causées par l’homme. Pour les rivières, trois types d'organismes biologiques ont été pris en compte ces dernières années lors du premier cycle de gestion 2009-2015 : - les diatomées (indicateur : IBD), algues microscopiques sensibles à la qualité physicochimique du milieu (enrichissement en matière organique, ou en nutriments azote et phosphore, facteurs d'eutrophisation) ; Version 7 oct.2014 – Relecture AESN - les invertébrés benthiques (indicateur : IBGN) : crustacés, mollusques, vers vivant au fond des cours d’eau, sensibles principalement à l’enrichissement en matière organique ; les poissons (indicateur : IPR), plutôt sensibles à la qualité physique des cours d’eau, et, dans une moindre mesure, à la qualité physico-chimique des milieux. Pour les eaux côtières et de transition (estuaires), quatre types d'organismes biologiques ont été pris en compte ces dernières années. A chacun d'entre eux correspond un outil de bioindication spécifique : 1. le phytoplancton, organisme photosynthétique, regroupant les individus végétaux de petite taille qui se déplacent principalement sous l’influence des courants, sensibles à la qualité physico-chimique du milieu (enrichissement en matière organique, apports en nutriments) ; 2. les invertébrés benthiques (indicateur : M-AMBI) : crustacés, mollusques, vers vivant au fond des eaux côtières et estuariennes ( transition), sensibles principalement à l’enrichissement en matière organique ; 3. les macroalgues opportunistes (algues vertes : ulves) sensibles aux apports excessifs en nutriments par les bassins versants et révélateurs d’un phénomène d’eutrophisation ; 4. les poissons (indicateur : ELFI) uniquement pour les masses d’eau de transition, plutôt sensibles à la qualité physique (modification des habitats, présence de barrage empêchant la migration des poissons amphihalins tels les saumons, les truites de mer ou les anguilles, etc) et à la qualité physico-chimique des milieux (désoxygénation des fonds ayant une influence sur les juvéniles marins). Depuis 2013, deux bioindicateurs requis par la DCE (les angiospermes (plantes à fleurs) et les macroalgues intertidales (vivant dans la zone de battement des marées) - indice CCO en eaux côtières), sont utilisés. Ils sont sensibles tous deux aux activités ayant lieu sur l'estran et pouvant engendrer de la turbidité, du piétinement, du retournement de blocs de roches… Pourrait-on donner chiffre : combien de diatomées sont suivies ? d'invertébrés (plus de 300? de poissons? 4. Pourquoi la France a-t-elle été amenée à faire évoluer ses bioindicateurs ? La France, comme tous les États membres, doit faire évoluer ses bioindicateurs pour répondre à l’ensemble des conditions normatives requises par la directive cadre sur l'eau (DCE). Ces derniers doivent être sensibles aux pressions s'exerçant sur les milieux aquatiques et liées aux activités de l'homme. Il s'agit d'identifier de la manière la plus sûre possible les masses d’eau en mauvais état écologique ainsi que les pressions et leurs impacts qu’elles subissent afin d'agir judicieusement pour le bon état écologique. Avec les anciens indicateurs insuffisamment sensibles aux pressions (et ne prenant pas en compte l’ensemble des habitats et fonctionnalités du milieu ), les risques sont de planifier des actions de restauration non prioritaires et au détriment d’actions prioritaires ciblées. 5. Quels sont ces nouveaux bioindicateurs ? En rivières : L'indice diatomées (IBD) reste globalement inchangé. L'indicateur invertébrés IBGN devient I2M2 : l’IBGN permet de diagnostiquer principalement les pollutions de type organique et de donner une image de la qualité « générale » du milieu. Les pollutions organiques ayant été globalement traitées avec l'amélioration des stations d'épuration, ce bioindicateur a tendance aujourd'hui à indiquer par défaut un bon ou très bon état des cours d'eau. Le nouvel indicateur I2M2 est sensible aux pollutions agricoles (pesticides, nitrates..,), urbaines, industrielles (HAP, métaux, micropolluants…) et hydromorphologiques (végétation des berges, Version 7 oct.2014 – Relecture AESN intensité d'urbanisation, risque de colmatage..;) et est donc davantage adapté aux défis actuels posés par l’amélioration de la qualité écologique des cours d’eau. L’indicateur poissons IPR devient l'indicateur IPR + : il est désormais plus sensible aux altérations de l’hydromorphologie des cours d’eau (chenalisation, régulations du débit, altérations de la ripisylve, etc.) et prend en compte l’abondance des juvéniles de truite. Cela permet une évaluation plus fiable de la qualité écologique des cours d’eau situés en tête de bassin versant, où la truite domine. L’I2M2 et l’IPR+ sont actuellement testés, avant d'être utilisés au cours du prochain cycle de gestion pour les réseaux de surveillance (cf. question 9). L'indice macrophytes IBMR (indice biologique macrophytique en rivière) : ce nouveau bioindicateur requis par la DCE, n’était pas suivi jusqu’à présent. Il est sensible à la qualité physicochimique de l’eau (enrichissement en matière organique, eutrophisation), et, dans une moindre mesure, aux perturbations physiques des cours d’eau. Pour les masses d’eau littorales (côtières et de transition) : Les macroalgues subtidales (au-delà de la zone de battement des marées) : elles sont sensibles principalement à l’enrichissement en matière en suspension dans la colonne d’eau, à des modifications de pente du substrat rocheux. Le nouveau protocole intègre le descriptif de la faune associée aux laminaires sur certaines ceintures algales et prend en compte la composition de la strate arbustive. Ceci permet de mieux comprendre la variabilité interannuelle et d’améliorer l’indicateur. Ce nouvel indicateur, qui n’était pas utilisé jusqu’à présent, va encore évoluer au fil du temps. 6. Que vont apporter ces nouveaux bioindicateurs ? Ces nouveaux indicateurs sont plus sensibles que leurs prédécesseurs à une large gamme de pressions exercées par l'homme sur les milieux. Ils vont permettre : - d’identifier plus finement les altérations des milieux aquatiques et d'en révéler l'origine probable : pollution diffuse liées aux pesticides et aux nitrates, rupture de la continuité écologique des cours d’eau, modification du débit des rivières en aval des ouvrages, altération de la ripisylve…; - d'identifier de manière bien plus fiable les masses d'eau à restaurer en priorité pour atteindre le bon état écologique ; - de définir les actions pertinentes à entreprendre pour restaurer les milieux de façon efficace ; - d'améliorer les actions à conduire et d'engager ainsi des financements mieux ciblés ; - de mesurer plus rapidement les effets des opérations de restauration et donc de mettre en évidence les progrès réalisés de manière plus aisée que les anciens outils, significativement moins réactifs. 7. Pourquoi utiliser plusieurs indicateurs ? Ces indicateurs sont complémentaires. Ils apportent des informations différentes et permettent de comprendre quelles pressions agissent sur le milieu. Par exemple, pour les rivières : l’IBD et l’IBMR sont plutôt sensibles à la qualité physico-chimique de l’eau, l’IPR+ plutôt à la qualité physique, l’I2M2 montrant une sensibilité mixte. Version 7 oct.2014 – Relecture AESN Si un seul indicateur biologique indique que la masse d’eau n’est pas en bon état (moyen, médiocre ou mauvais), alors la masse d’eau est considérée en état dégradé par l’indicateur le plus déclassant . Cette règle européenne, qui s’applique de manière obligatoire à l’ensemble des États membres, est connue sous le nom de règle de l’élément déclassant (« One out, All out »). Exemples : Pollution par des substances toxiques : les algues, les macrophytes et les poissons peuvent témoigner d’un milieu en bon (ou très bon) état écologique, alors que les invertébrés qui vivent en contact étroit avec les sédiments vont révéler une contamination du milieu. Exemple de la pollution par des substances toxiques : les algues, les macrophytes et les poissons peuvent témoigner d’un milieu en bon (ou très bon) état écologique, alors que les invertébrés qui vivent en contact étroit avec les sédiments vont révéler une contamination du milieu. 8. L'adoption de ces nouveaux bioindicateurs est-elle susceptible modifie-t-elle l’évaluation de la qualité d'une masse d'eau ? Oui. Du fait de leur meilleure sensibilité aux pressions, l’adoption de nouveaux indicateurs est susceptible de déclasser des masses d’eau initialement classées en bon, ou très bon état écologique. Ce résultat peut conduire à devoir restaurer une masse d'eau alors que cela n'était pas prévu. De ce fait, les nouveaux indicateurs peuvent conduire à revoir les objectifs de reconquête du bon état écologique et les programmes de mesures. 9. Lorsqu'un nouvel indicateur apparait plus pénalisant que l'ancien, cela veut-il dire nécessairement que le milieu s'est dégradé ? Non. Cela peut aussi indiquer que le nouveau bioindicateur offre un niveau de diagnostic plus précis plus proche de la réalité de la dégradation. 10. Au final, l'état des eaux se dégrade-t-il depuis ces 20 ou 30 dernières années ? Oui et non. Si les nouveaux indicateurs peuvent donner cette impression, la situation s’est pourtant améliorée dans la plupart des cas. Le traitement des eaux usées a permis une diminution notable de certaines pollutions chimiques – phosphates, enrichissement en matière organique. Les nouveaux indicateurs, plus robustes et plus sensibles, mettent en évidence des pressions non prises en compte par le passé, notamment physiques - dégradation de l’habitat et des berges, de la végétation des berges, régulations de débit, rupture de continuité écologique affectant les espèces migratrices (saumon, anguille, etc.) -, ainsi que la présence de substances toxiques dans l’environnement. 11. Si ces bioindicateurs sont plus précis pour évaluer la qualité de l'eau, pourquoi ne pas les utiliser dès maintenant ? On pourrait les utiliser dès maintenant. Cependant, les nouveaux indicateurs étant susceptibles de modifier l'évaluation de la qualité des masses d'eau, il est nécessaire de prendre un temps pour adapter les programmes de surveillance et permettre aux gestionnaires des milieux aquatiques et aux usagers de l’eau de s’approprier les informations apportées par ces nouveaux outils. De ce fait, le 2 e cycle de gestion (2016-2021) sera l’occasion de se familiariser avec ces nouveaux outils avant leur adoption règlementaire. Ils seront notamment utilisés pour la prochaine révision des états des lieux des bassins en 2019.