1 La concurrence imparfaite La concurrence imparfaite désigne les situations où les conditions de la concurrence ne sont pas respectées. La conséquence est que des entreprises ont le pouvoir de modifier sensiblement les conditions d'équilibre du Marché. Certaines situations de concurrence imparfaite sont emblématiques Le monopole, l'oligopole et le cartel. Le monopole Définition et hypothèses du modèle. Le monopole est une entreprise qui se trouve seule à produire un bien ou un service et doit donc satisfaire la totalité de la demande exprimée sur le marché correspondant. Quand on passe du modèle de la concurrence parfaite à celui du monopole, on abandonne d'une part l'hypothèse d'atomicité (grand nombre de producteurs). Et d'autre par l'hypothèse de libre entrée (accès au marché), puisque certains types de monopole ne peuvent durer que parce d'autres entreprises sont empêchées d'entrer sur le marché. Les trois autres hypothèses du modèle de concurrence pure et parfaite sont compatibles avec le monopole (Homogénéité, mobilité, information parfaite). Les origines des monopoles Pour l'essentiel, les raisons de l'existence d'un monopole entrent dans l'une des trois catégories générales suivantes: monopole naturel, monopole d'innovation ou monopole légal. Le monopole naturel Les conditions techniques de production et la taille du marché font qu'à long terme, des entreprises concurrentes ne sont jamais rentables. Dans ce cas, le processus concurrentiel lui-même, par concentration progressive et élimination des producteurs les moins performants, débouche sur la constitution inéluctable d'un monopole. (La présence de rendements croissants en longue période peut contribuer à l'apparition de monopoles). Le monopole d'innovation Particulièrement étudié par Schumpeter (économiste autrichien, 1883-1950), cette catégorie rassemble les entreprises qui, à la suite d'une innovation technique, créent un nouveau produit et se trouvent momentanément seules à le distribuer sur le marché. Ce monopole a en commun avec le monopole naturel d'être le résultat du processus concurrentiel, en revanche, il est toujours temporaire, la concurrence amenant plus ou mois rapidement d'autres entreprises à maîtriser l'innovation et à entrer à leur tour sur le marché. Le monopole légal On peut considérer qu'à par le monopole naturel et le monopole d'innovation dans tous les autres cas, le monopole ne subsiste que parce qu'il existe des obstacles réglementaires ou législatifs à l'entrée de concurrents sur le marché. En effet, si d'autres entreprises peuvent de façon rentable entrer sur un marché (pas de monopole naturel) et savent produire le bien qui y est échangé (pas de monopole d'innovation), il n'y a aucune raison pour qu'elles n'y entrent pas si l'accès est libre. L'équilibre du monopole Le monopole étant le seul offreur sur le marché, il se trouve confronté directement à la totalité de la demande exprimée sur ce marché.Contrairement à ce qui se passe pour l'entreprise concurrentielle, il n'y a pas de différence entre la demande à la firme et la demande de marché. La principale conséquence de cette situation concerne évidemment la détermination des prix. Le prix n'est pas fixé en dehors de l'entreprise par des forces de marché qui échappent totalement à son influence (concurrence parfaite), mais par l'entreprise elle-même, qui négocie seule avec la totalité des acheteurs. Le prix n'est plus une constante indépendante du volume de production (demande faite à la firme parfaitement élastique), mais une variable qui décroît avec la quantité produite (courbe de demande décroissante). 2 Le monopole discriminant Pour le monopole, le prix est une variable de décision et non une donnée de marché qui s'impose à lui. Dans la limite des contraintes imposées par l'élasticité de la demande, il peut donc agir sur le prix; en particulier, rien ne l'oblige à pratiquer le même prix pour toutes les unités vendues ou pour tous les clients. Au contraire, s'il s'avère que les acheteurs sont disposes a payer certaines unités plus chères que d'autres, ou encore que certains clients sont disposés à payer plus cher que d'autres clients, le monopole est incité à opérer une discrimination par les prix. * La discrimination entre les clients Elle est possible si l'on peut identifier des catégories d'acheteurs dont l'élasticité de la demande est différente. Par exemple, si l'on constate que les jeunes consommateurs sont, pour certains produits ou services, plus sensibles au prix que les autres, on pourra pratiquer un tarif jeune plus avantageux et, au contraire, augmenter le prix pour les groupes moins sensibles au prix. Une autre condition est nécessaire : il faut pouvoir interdire les transactions secondaires entre les clients (c'est-à-dire, par exemple, empêcher les étudiants de revendre leurs billets de cinéma à ceux qui, dans la file d'attente, n'ont pas de carte d'étudiant). * La discrimination entre les unités consommées. Elle part simplement de l'observation de ce que la courbe de demande est décroissante. Comme nous l'avons montré dans l'analyse du surplus du consommateur, les consommateurs sont disposés à payer plus cher les premières unités, puis de moins en moins cher les suivantes. En leur facturant un prix unique (le prix d'équilibre) pour toutes les unité, consommées, on leur laisse ainsi un surplus de satisfaction par rapport au prix payé pour toutes les unités sauf la dernière. L'entreprise concurrentielle ne peut pas faire autrement puisqu'elle ne fixe pas le prix. Mais le monopole, lui, est incité à prélever une partie de ce surplus en faisant payer les premières unités achetées plus cher que les suivantes. Le monopole parfaitement discriminant A la limite, un monopole parfaitement discriminant parviendrait à faire payer chaque unité exactement au prix correspondant sur la courbe de demande. Ainsi, , le monopole fixe un prix Pl pour la première unité vendue, puis P2 pour la deuxième, et ainsi de suite jusqu'à Pn pour la nième unité. Dans ce cas, les acheteurs paient chaque unité exactement ce qu'ils étaient disposés à sacrifier pour l'obtenir : le surplus du consommateur s'annule et est totalement accaparé par le producteur. Exemple : Le monopole naturel (autres cas monopole d'innovation, monopole légal Cette situation peut se produire quand les coûts fixes de production sont considérables par rapport au coût variable. On peut penser, par exemple, au coût de production de l'hydroélectricité : le coût des installations techniques engagé avant même que le premier Kwh ait été produit par la centrale hydroélectrique est démesuré par rapport aux coûts variables engagés ensuite pour assurer le fonctionnement de la centrale. Dans ce cas, le poids considérable des coûts fixes fait que le coût moyen reste très longtemps décroissant, il faut atteindre un volume de production très important avant que l'élévation du coût variable moyen ne compense la diminution du coût fixe moyen. Ainsi, dans certains secteurs où le coût des infrastructures de départ devient de plus en plus important (énergie, transports ferroviaires ... ), les petites entreprises concurrentes présentes au départ sont contraintes à la faillite ou à la fusion progressive pour atteindre les volumes de production permettant d'amortir les investissements initiaux. Si ce volume de production minimum (l'échelle minimum efficace) représente le tiers ou la moitié du volume que l'on peut écouler sur le marché, il reste de la place pour trois ou deux entreprises; s'il est proche du volume total que le marché peut absorber, il ne restera qu'une seule grande entreprise : un monopole naturel, engendré spontanément par le processus concurrentiel. 3 L'OLIGOPOLE Les caractéristiques du marché Un marché oligopolistique rassemble un petit nombre de producteurs face à un grand nombre d'acheteurs. Les lois qui gouvernent ce type de marché sont plus complexes que dans le schéma traditionnel de la concurrence. En effet les oligopoles comprennent un nombre suffisamment restreint d'entreprises pour que l'action de n'importe quelle d'entre elles ait une influence sur la situation des autres. Le niveau de profit de chaque firme résulte de l'interaction des décisions de toutes les firmes présentes sur le marché. Chaque entreprise cherche à fixer un niveau de production qui maximisera son profit. Mais ce calcul est aléatoire, car le profit dépend en grande partie du comportement des autres entreprises (les variations de production de chaque firme sont susceptibles d'influencer le prix de marché). Le prix va résulter des stratégies menées par les oligopoles, il n'est pas une donnée extérieure (cas de la concurrence pure et parfaite) ni une variable parfaitement déterminée par l'entreprise (cas du monopole). Si un oligopole abaisse son prix de vente, les conséquences de cette décision isolée sont incertaines. II est possible que les firmes rivales adoptent le même type de comportement, mais il se peut aussi qu'elles ne le fassent pas. Avec l'oligopole, on est en présence d'une situation de marché, dans laquelle la concurrence existe, mais elle est atténuée (possibilités d'ententes, les produits ne sont pas véritablement identiques). L'équilibre du marché oligopolistique Chaque firme va chercher à prévoir les réactions de ses concurrents avant d'arrêter sa stratégie. Les entreprises peuvent prendre leurs décisions indépendamment les unes des autres (équilibres non coopératifs) ou au contraire cherchent à s'entendre (équilibres coopératifs). Les firmes en oligopole ont tout intérêt à éviter une guerre de prix grâce à une entente implicite. Chaque producteur sait que ses concurrents le suivront s'il réduit ses prix, alors qu'ils ne suivront pas ses augmentations de tarifs. LE CARTEL La théorie des cartels L'adhésion a un cartel est le plus souvent volontaire et les entreprises qui en sont membres gardent leur propre direction et leurs propres objectifs (contrairement au trust). L'action du cartel se fait au travers d'une politique de prix commune ou d'une limitation des quantités produites ou encore d'un partage des marchés. La cartellisation conduit à une augmentation des profits pour chacune des firmes, grâce aux prix élevés qui sont pratiqués ou à la réduction des quantités produites imposée à chaque membre. La solution d'équilibre pour un oligopole cartellisé se détermine de la même manière que pour un monopole à plusieurs établissements. Il se peut que les entreprises les plus compétitives soient amenées à verser à certains producteurs dont les coûts son trop élevés une part de profit pour qu'ils ne produisent rien. L'instabilité des cartels Dans la plupart des pays les cartels sont illégaux (les ententes sont combattues par les pouvoirs publics). Si les cartels ne deviennent pas une forme dominante de marché, c'est aussi qu'ils sont par nature instables. En effet il doivent faire face à plusieurs types de difficultés : - Ne pas tomber sous le coup de la politique antitrust menée par les Etats. - Faire respecter par chaque firme la discipline du cartel (certains membres peuvent être tentés de rompre cette discipline afin de maximiser leur profit à court terme). - Faire face à la concurrence des producteurs refusant de s'associer au cartel. - Négocier rapidement de nouvelles répartitions de quotas de production lorsque les structures de coûts des membres du cartel se modifient à la suite de l'apparition de nouvelles techniques productives. - Dissuader l'entrée sur le marché de firmes qui ne feraient pas partie du cartel. 4 - Résister à l'apparition de produits substituts à un prix proche du coût marginal du cartel. Comme les entreprises cartellisées proposent un prix supérieur au coût marginal (le prix de monopole) elles sont fragiles. Il est possible de démontrer que - Si toutes les firmes respectent la discipline des quotas ou la discipline de prix, leurs profits sont supérieurs à ceux qu'elles auraient sur un marché concurrentiel. - Si une seule firme ne respecte pas cette discipline, alors elle obtient des profits encore supérieurs aux dépens des autres firmes qui conservent un comportement légaliste. - Si plusieurs firmes membres du cartel se libèrent des contraintes, on retrouve une situation proche de la concurrence, les profits de chaque firme et ceux de 1'M*dustrie diminuent. Les conditions de survie du cartel La survie du cartel est facilitée dans les cas suivants - Les firmes sont en petit nombre et il existe des barrières à l'entrée. - Il existe un producteur dominant qui possède des capacités de production excédentaires qu'il peut utiliser comme moyen de dissuasion. Ce producteur sera le chef de file du cartel et il jouera un rôle de gendarme en contraignant par la menace les autres membres à respecter leurs engagements. Son pouvoir repose sur sa capacité à inonder le marché par ses produits avec un risque d'effondrement des prix. Les différentes situations de marché Situation de marché Concurrence Monopole Oligopole Duopole Monopole bilatéral Monopsone Duopsone Oligopsone Acheteur(s) Très nombreux Très nombreux Très nombreux Très nombreux Un seul Un seul Deux Peu nombreux Vendeur(s) Très nombreux Un seul Peu nombreux Deux Un seul Très nombreux Très nombreux Très nombreux