1 ECONOMIE GENERALE - LA REGULATION PAR L’ETAT Les défaillances du marché justifient pour certains l’intervention de l’Etat dans l’économie. Cette intervention destinée à assurer les grands équilibres économiques et sociaux se fait par la politique économique dont les principales composantes sont la politique budgétaire, la politique monétaire et la politique de l’emploi (cette dernière fera l’objet d’un dossier particulier). I. LE ROLE DE L’ETAT Actuellement, l’Etat intervient de 3 manières dans l’économie : L’Etat est producteur : de services non marchands (enseignement, santé… ) financés par les impôts. Il satisfait les besoins collectifs et créé des externalités positives essentielles pour le développement économique à long terme de biens et de services marchands par l’intermédiaire des entreprises publiques – mais de moins en moins depuis les privatisations L’Etat est protecteur : il favorise la cohésion sociale en opérant une redistribution des revenus. Il réduit les inégalités nées de la répartition primaire des revenus en procédant à la redistribution d’une partie des richesses dégagées par la nation. Il prélève des cotisations sociales pour verser des revenus de transfert. L’Etat est régulateur : il s’efforce de réguler l’activité économique en mettant en place des politiques économiques. On parle d’Etat providence. II. LA POLITIQUE ECONOMIQUE Définition : la politique économique représente l’ensemble des interventions des pouvoirs publics dans l’économie ; elle vise à parvenir aux objectifs suivants : croissance économique (mesurée par le taux de croissance du PIB) stabilité des prix (mesurée par le taux d’inflation) plein emploi (mesuré par le taux de chômage en % de la population active) équilibre des échanges extérieurs (mesuré par le solde de la balance commerciale) Ces objectifs sont représentés par le « carré magique » qui schématise leur réalisation simultanée et donne un aperçu de la situation générale d’un pays. La situation d’un pays est jugée d’autant plus satisfaisante que la surface du quadrilatère est grande et proche du carré. Ces 4 grands objectifs sont réalisés grâce à de nombreux moyens ou instruments dont les principaux sont : la politique budgétaire la politique monétaire la politique de l’emploi la politique de change (voir chapitre sur les paiements internationaux) la réglementation (lois, décrets…) III. LA POLITIQUE BUDGETAIRE La politique budgétaire repose sur l’utilisation des dépenses publiques ou des recettes fiscales pour réguler la conjoncture. A. Moyens d’action de la politique budgétaire 1. Stimulation de l’activité économique Pour les Keynésiens, la politique budgétaire est un instrument efficace pour stimuler l’activité économique en période de ralentissement économique : 2 une augmentation des dépenses publiques injecte de nouvelles ressources, stimule la production et la création de revenus supplémentaires ce qui accroît la demande une baisse de la pression fiscale augmente le revenu disponible qui peut être consacré à la consommation ou à l’investissement ce qui stimule, là encore, la production et l’emploi. Un accroissement des dépenses publiques sans augmentation parallèle des recettes provoque ou augmente dans un premier temps le déficit budgétaire. L’Etat, en cas de récession, pallie ainsi partiellement à l’insuffisance de la consommation ou des investissements privés et augmente la demande globale. Mais le déficit est ponctuel. Il relance l’économie. Cette relance génère ensuite des recettes fiscales accrues. Le déficit budgétaire peut donc être temporairement recherché pour les effets positifs qu’il a sur l’activité économique. 2. Freinage de l’activité économique Une croissance trop rapide qui entraîne des tensions inflationnistes peut être freinée par l’augmentation des impôts ou par la diminution des dépenses publiques ce qui limite la demande. L’Etat dispose donc avec le budget d’un instrument efficace pour réguler l’activité économique, les politiques de relance augmentant la demande pour réduire le chômage et les politiques de rigueur la freinant pour combattre l’inflation. B. La mise en œuvre des politiques budgétaires Dans les années 70 et 80, l’instrument budgétaire a été largement utilisé comme moyen de régulation conjoncturelle, que ce soit pour relancer l’économie (ex : 1975 et 1981) ou pour la freiner et lutter contre l’inflation (ex : plans de stabilisation de 1977 et de 1983). A la fin des années 80, la politique budgétaire a perdu une partie de son efficacité. Elle s’est avérée incapable de limiter la hausse du chômage en dépit de l’importance des déficits. De manière générale, les critiques apportées à la politique budgétaire portent sur les éléments suivants : sa lourdeur ; les mécanismes de mise en œuvre sont longs son coût : les déficits accroissent la dette publique à rembourser il faut que l’offre des entreprises puisse augmenter et donc qu’il existe des capacités de production disponibles. Dans le cas contraire, la stimulation de la demande a des conséquences inflationnistes tous les revenus distribués grâce à la politique budgétaire ne sont pas forcément dépensés (cela dépend de la propension à consommer des bénéficiaires) ni forcément dépensés en produits nationaux : la relance peut provoquer une hausse des importations et une détérioration du commerce extérieur La France a d’autre part du réduire progressivement ses déficits pour pouvoir participer à l’euro ; voir les critères de convergence du traité de Maastricht dont l’un limitait le déficit possible à 3% du PIB. IV. LA POLITIQUE MONETAIRE Définition : la politique monétaire vise à agir sur l’économie par l’intermédiaire de la monnaie en circulation. Son objectif est d’adapter les moyens de paiement aux besoins de l’économie. Elle cherche à éviter un excès de création monétaire, susceptible de provoquer une hausse des prix. Mais, à l’inverse, elle ne doit pas conduire à une insuffisance de liquidités qui freinerait l’activité économique La politique monétaire est à présent définie par la Banque Centrale Européenne (BCE) et relayée pour la France par la Banque de France. Elle a pour objectif la stabilité des prix dans la zone euro. Il existe 2 types d’instruments pour conduire la politique monétaire. A. Les taux d’intérêt 3 Tout octroi de crédit de la part d’une banque se traduit par une « fuite » de « monnaie centrale » vers d’autres organismes. Pour s’en procurer, les banques doivent collecter des dépôts ou se refinancer soit auprès d’établissements disposant, eux, d’excédents de trésorerie soit auprès de la banque centrale. Pris dans son ensemble, le système bancaire est plutôt emprunteur et demandeur de monnaie centrale car il distribue plus de crédits qu’il ne peut en financer sur ses ressources. Les banques doivent donc s’adresser à la Banque centrale pour obtenir les liquidités dont elles ont besoin. La Banque centrale approvisionne alors le marché mais en fixant ses conditions. Une augmentation de ses taux incite les banques à augmenter les taux qu’elles exigent de leurs clients. Cela freine la demande de crédit. des taux demande de crédit de la création monétaire masse monétaire inflation A l’inverse, une baisse des taux contribue à stimuler l’activité. B. Les réserves obligatoires Les banques sont obligées de bloquer à la Banque centrale des réserves sous forme d’avoirs en compte non rémunérés. Une hausse du taux des réserves obligatoires accroît le besoin de refinancement des banques. En effet, les réserves obligatoires augmentent artificiellement leurs besoins en « monnaie centrale » puisqu’elles ne peuvent pas utiliser les fonds dont elles disposent ni les prêter sur le marché interbancaire aux autres établissements. La conséquence des réserves obligatoires est une dépendance accrue de la Banque de France qui peut alors élever à sa guise ses conditions de refinancement. réserves demande de monnaie banque centrale dépendance du refinancement de la banque centrale et donc de ses taux Compte tenu de la faiblesse actuelle des taux d’intérêt et de l’absence d’inflation, le système des réserves est peu usité. V. LES EVOLUTIONS DEPUIS LES ANNEES 80 A. Le « retour du marché » L’augmentation du chômage et la crise des années 90 ont remis en cause l’Etat providence qui s’était développé après la guerre. L’Etat s’est avéré incapable de solutionner ces problèmes en dépit de déficits et de prélèvements obligatoires croissants. D’autre part, le poids de l’endettement public fait du service de la dette (sommes à payer chaque année qui incluent les remboursements et les intérêts) la première dépense de l’Etat. D’où, à partir de la fin des années 80, un retour à des idées plus libérales et diverses mesures pour restaurer la concurrence et favoriser le libre fonctionnement des marchés. L’idée est que les entreprises et la concurrence valent mieux que les dépenses publiques pour stimuler la croissance, augmenter l’offre et créer des richesses. L’Etat a ainsi privatisé de nombreuses entreprises nationalisées et « dérèglementé » de nombreux secteurs. Il s’agit, là, de libérer les agents économiques des contraintes administratives pour favoriser le développement des marchés. Les déréglementations ont été effectuées : sur le marché des biens et des services : liberté des prix : les prix sont librement déterminés par le jeu de la concurrence – ouverture à la concurrence de certains services publics (électricité, télécommunications…) sur le marché du travail : possibilité d’annualiser le temps de travail depuis 93 - développement des contrats précaires… sur les marchés de capitaux : désintermédiation des financements et rôle accru des marchés dans le financement de l’économie. 4 B. Perte d’autonomie dans le cadre de la construction européenne 1. La politique monétaire La politique monétaire est définie par la Banque Centrale Européenne pour l’ensemble de la zone € et mise en œuvre par chaque banque nationale. Les taux court terme sont identiques dans toute la zone et fonction de la situation économique d’ensemble. Le risque est toutefois que les mesures décidées au niveau européen ne soient pas exactement adaptées à la situation conjoncturelle de chaque pays (par exemple, un pays qui connaît une inflation supérieure à celle de la zone euro aurait besoin d’une hausse des taux d’intérêt). 2. La politique budgétaire C’est le seul levier que conservent les états pour réguler l’activité. Mais ceci sous la contrainte du pacte de stabilité qui limite les déficits publics à 3% du PIB. Le but est d’éviter que l’endettement excessif d’un Etat ne provoque une hausse des taux d’intérêt, hausse préjudiciable à l’ensemble des autres pays membres. La liberté d’action de la politique économique se restreint donc dans le cadre de l’Europe. CONCLUSION Pendant les 30 glorieuses, l’Etat est massivement intervenu dans l’économie. La tendance actuelle est à une certaine remise en cause de son pouvoir d’intervention et de l’efficacité de son action. Les politiques économiques coûtent cher et accroissent les prélèvements obligatoires ; l’Etat apparaît comme trop interventionniste, trop technocrate ; les services publics sont accusés de manquer d’efficacité. Mais la régulation par le marché, même si elle est privilégiée, ne peut suffire. L’Etat doit toujours corriger les imperfections et les dysfonctionnements du marché même si les instruments et les modes de régulation doivent être adaptés. Le rôle de l’Etat évolue vers un Etat arbitre qui veille au respect par les différents acteurs économiques des règles du jeu concurrentiel.