LES DROITS DE L’HOMME EN CHINE Bulletin n°17 du groupe de travail Chine Ligue française des droits de l’homme CE BULLETIN MENSUEL NE DOIT PAS LIGUE DES DROITS DE L’HOMME. ETRE REPRODUIT A L’EXTERIEUR DE LA L’INFORMATION, POUR QUOI FAIRE ? Nos lecteurs s’interrogent sur l’utilisation de ce bulletin. Ils ont raison : l’information pour l’information n’a qu’un intérêt limité, encore qu’il soit très souhaitable que les membres de la Ligue y voient clair sur les réalités du « miracle économique » chinois et sur la sauvagerie de cette dérégulation économique et sociale. Les actions à mener en direction d’un pays si éloigné par la géographie et la culture, par l’histoire et le niveau de vie, par les structures politiques et sociales, sont peut-être plus difficiles à définir et à mener que pour des pays européens, si proches de nous. Mais il est un domaine sur lequel on peut s’avancer sans trop risquer de faux-pas : c’est celui de la solidarité. Le mouvement démocratique chinois subit tant de pressions, de menaces et de brutalités, physiques ou mentales, qu’il lui est difficile de s’affirmer. Quelques professions jouent à cet égard un rôle essentiel. Il existe des avocats, des journalistes, des écrivains et des syndicalistes dont l’action porte une demande collective. Ils sont particulièrement visés par un pouvoir qui les craint. Des démarches de soutien, de parrainage, de jumelage seraient précieuses et même, tout au début, l’organisation de contacts et de connaissances réciproques, Car être connu à l’étranger offre un commencement de protection. S’agissant des avocats, nous avons entamé un tel processus. Reporters sans frontières travaille remarquablement en faveur des journalistes. S’agissant des syndicalistes, rien ou presque rien. Dans ces trois domaines en tout cas, il reste beaucoup à faire ou à amplifier car le pouvoir chinois est un des plus obstinés et des plus difficiles à influencer. Cependant il tient à ce que le reflet flatteur qu’il est parvenu à répandre ici et là ne soit pas terni par le dévoilement des réalités : il reste donc une marge pour les initiatives et pour l’action. Les démocrates chinois l’espèrent, en particulier avec l’ouverture sur l’extérieur que pourrait favoriser la tenue des Jeux Olympiques l’année prochaine. LES DROITS DE L’HOMME ET LA CHINE. Bulletin n°17 février 2007 2 Les rubriques suivies dans ce numéro sont Libertés d’information et d‘expression. Liberté religieuse. Démocratie. Liberté d’aller et de venir. Justice Condition ouvrière Mouvements populaires Minorités nationales Informations diverses (Les dates figurant en début de rubrique sont celles de la diffusion des dernières informations ; celles des faits sont dans le texte, lorsqu’elles sont différentes. Les chiffres donnés en euros équivalent au montant en yuan, sur la base d’un euro pour dix yuan). 1. LIBERTE D’INFORMATION ET D’EXPRESSION. 24 février. Lors d’une réunion tenue le 12 janvier avec les services officiels de la radio, de la télévision et du cinéma, l’administration a défini vingt domaines d’accès limité ou prohibé aux médias. Afin de favoriser une « atmosphère harmonieuse », sont écartés des sujets historiques tels que la campagne antidroitière, la révolution culturelle et, plus récemment, la campagne de lutte contre la corruption, le débat sur la liberté des médias et les campagnes sur la défense des droits et de la légalité. Ces décisions furent prises en même temps que les mesures à l’encontre de huit livres et de leurs éditeurs (cf. bulletin précédent) et se sont accompagnées d’orientations quant à la politique de propagande. Il n’est, entre autres sujets, pas recommandé de parler de l’effondrement du bloc soviétique ou de célébrer l’anniversaire de la Révolution d’octobre comme aussi de pointer du doigt la vie luxueuse des groupes les plus fortunés, voire, de trop célébrer l’année du cochon pour ne pas irriter les minorités musulmanes. (South China Morning Post) 22 février. Li Minying, ancien directeur du Nanfang Dushi Bao (Southern Metropolis News) de Guangzhou, a été libéré le 13 janvier à mi peine, après trois ans de prison. Il avait été arrêté en janvier 2004 et condamné avec Yu Huafeng pour corruption à sept ans de prison. En réalité, le journal avait mécontenté les autorités en parlant de la mort en 2003 dans les locaux de la police d’un diplômé de Wuhan qui n’avait pas sur lui de carte d’identité. Il avait plus tard parlé des premiers cas de S.R.A.S., ce qui avait amené les services financiers à examiner les comptes du journal et à placer en détention les deux journalistes. Yu Huafeng est toujours derrière les barreaux mais selon son avocat, sa peine aurait été réduite d’un an. (Ming Pao ; South China Morning Post ; Reporters sans frontières) LES DROITS DE L’HOMME ET LA CHINE. Bulletin n°17 février 2007 3 14 février. Les autorités chinoises se sont efforcées de bloquer la mise en vente à Hongkong d’un livre concernant l’ancien secrétaire du parti Zhao Ziyang, destitué et assigné à résidence après la répression de Tiananmen de 1989. L’auteur, Zong Fengming (87 ans), a rédigé « Conversations captives » à partir d’une série d’entretiens qu’il eut avec Zhao de 1991 à 2004. On y trouve les points de vue l’ancien premier ministre sur les problèmes économiques et politique ainsi que sur les anciens chefs du parti. Les responsables venus voir Zong souhaitaient qu’il coopère pour obtenir le retrait du livre des librairies de Hongkong. Mais l’auteur s’y est refusé. Zhao est mort en janvier 2005 mais les autorités chinoises s’opposent toujours à des discussions à son sujet. (South China Morning Post) 9 février. Le département de la propagande du parti a établi un système de punition à points destiné au contrôle de la presse, à l’approche du dix-septième congrès du parti et des Jeux Olympiques de 2008. Chaque organisme de presse recevra douze points sur lesquels pourront être prélevés un, trois, six ou douze points selon la gravité de la faute commise. Un comité composé de membre de ce département et du Service général de la Presse et des Publications déterminera cette gravité et le nombre des points à soustraire. Si tous les points étaient perdus, la publication devrait cesser ses activités. Les autorités ont récemment révoqués des éditeurs de journaux trop libres de paroles comme Les Nouvelles de Beijing, les Nouvelles de la métropole du Sud (Nanfang Dushi) et le Public Interest Times. Elles ont fermé pour quelques temps Bingdian, le supplément du Journal de la Jeunesse. (South China Morning Poste) 2. LIBERTE RELIGIEUSE. DEMOCRATIE. LIBERTE D’ALLER ET DE VENIR. 27 février. La mère du pasteur Hua Huiqi, Shuang Shuying, âgée de 77 ans, a été condamnée le 26 février à deux ans d’emprisonnement par la cour du district de Chongwen à Beijing, pour dommages portés à la propriété publique et privée. La date choisie pour le procès n’a pas laissé le temps à son avocat de rechercher des preuves de son innocence. Elle avait été arrêtée alors qu’elle se rendait au bureau de Chongwen pour avoir des nouvelles de son fils. Hua Huiqi avait été arrêté le 26 janvier. (China Information Center) 27 février. Dans une lettre ouverte à l’Assemblée national populaire et à la Conférence nationale consultative du peuple, Ding Zilin et d’autres « mères de Tiananmen » demande que les événements du 4 juin 1989 ne soient plus exclus du champ des discussions et que la vérité soit faite sur l’écrasement par la force de manifestants sans armes. La lettre est signée de 128 survivants et familles de victimes tuées à cette date. Elle récuse le terme officiel d’ »émeute » et demande que les faits soient qualifiés à l’occasion d’une procédure judiciaire. Elle propose la remise en circula- LES DROITS DE L’HOMME ET LA CHINE. Bulletin n°17 février 2007 4 tion de trois livres traitant du sujet et pour l’instant retirés de la vente. Enfin elle réitère leur requête constante d’une enquête et d’un traitement sérieux et sincères des évènements et des responsabilités. L’âge élevé des membres du groupe (nombreuses octogénaires et nonagénaires) rend d’autant plus urgent pour elles d’obtenir des succès dans leur démarche. (Human Rights in China) 5 février. Plus de vingt écrivains chinois n’ont pu se rendre à une réunion du Pen Club international, tenue à Hongkong, et ce, par divers moyens : refus de documents de voyage, injonctions de ne pas partir, voire plus simplement pour deux d’entre eux, retenues au passage de la frontière. Les autorités n’ont fourni aucune explication à la direction du Pen Club chinois. Elles ont laissé une quinzaine de leurs confrères participer à la conférence. L’un d’entre eux, Zhang Yu, secrétaire général du Pen Club chinois, a été empêché à son retour à de revenir en Chine et il a été reconduit par avion à Hongkong. (RTHK ; Radio Free Asia) 4 février. Gao Yaojie, connue pour avoir exposé les réalités du virus HIV et de la crise du Sida en Chine, n’a pu quitter sa maison du Henan pour se rendre aux Etats-Unis où elle devait recevoir une médaille pour son action. La police a ainsi contraint ce médecin octogénaire de rater son avion pour la capitale, où elle souhaitait obtenir un visa de sortie. Des millions d’habitants du Henan avaient vendu leur sang à des cliniques qui ne respectaient pas les règles d’hygiène élémentaires (bien que souvent relevant du secteur public). La province est ainsi devenue le centre du problème national du Sida. (China Digital Times) Note : Selon le China Information Center, le chef de l’État Hu Jintao lui aurait fait délivrer un visa de sortie le 17 février, peut-être pour satisfaire à la demande de Hillary Clinton. 3. JUSTICE 20 février. Condamné à trois ans de prison en octobre 2005 pour « troubles à l’ordre public, Xu Zhengqing, un pétitionnaire de Shanghai, s’est plaint lors d’une visite de sa famille qu’il était soumis à des violences physiques parce qu’il refusait de reconnaître ses erreurs et de porter le costume des prisonniers. Il a été traité comme un malade mental et placé dans la même cellule que des condamnés à la détention perpétuelle qui le frappent et ont pour mission de le surveiller. Xu est en mauvaise santé. Xu avait été arrêté en janvier 2005 alors qu’il se rendait à une cérémonie à la mémoire de Zhao Ziyang, l’ancien premier ministre. Mais les autorités l’accusent d’avoir causé des troubles dans un bus en ne payant pas sa place puis dans un train en criant qu’on l’avait frappé ; elles n’en ont apporté aucune preuve lors du procès. L’appel de Xu a été rejeté le 20 janvier 2006. (Human Rights in China) LES DROITS DE L’HOMME ET LA CHINE. Bulletin n°17 février 2007 5 8 février. En 2006, la commission d’inspection disciplinaire du parti a puni cent trente membres du parquet, dont cinquante-deux procureurs ou assistants du procureur et soixante-dix-huit fonctionnaires occupant des postes de directions dans les services de ces parquets, ceci dans le cadre d’un combat contre la corruption et les comportements répréhensibles dans les milieux judiciaires. Un rapport précédent faisait état de 273 punitions pour corruption dans les parquets nationaux. D’autre part, 178 officiers de police ont été inculpés pour délits criminels en 2006, selon une déclaration du même jour du ministère de la Sécurité publique. Les services d’inspection auraient découvert 4.442 cas de violation de la discipline administrative, dont extorsions d’aveux pour la torture, usages d’armes non autorisés, acceptations de pots de vin et irrégularités dans les décisions administratives. Ces délits concerneraient 5.942 officiers. Le nombre des cas signalés serait de 8,4% inférieur à celui de 2005. (Agence Xinhua) 4. CONDITION OUVRIERE 10 février. Pour minimiser les effets d’un incendie survenu dans une mine du Henan, la direction avait fait le silence sur dix-sept morts, n’en annonçant que sept au lieu de vingt-quatre. Le feu avait pris le 2 février dans la mine Xing’an de la ville de Tianchi (district de Mianchi). Le 27 mars 2006, la mine avait, reçu l’ordre de suspendre ses activités mais avait poursuivi l’extraction. Les journalistes, une fois rendus sur place, ont fait état de la probabilité des dissimulations. (Agence Xinhua ; Journal de la jeunesse ; China Labour Bulletin) 5. MOUVEMENTS POPULAIRES 22 février. Le 19 janvier, les habitants de la rue Hualou à Wuhan (Hubei) ont organisét une manifestation pour protester contre l’acquisition forcée de leur quartier. Le jour du Nouvel an, ils ont fabriqué un bateau de dragon brodé en style traditionnel de Hubei et l’ont baptisé ‘‘Weiquan » (Défense des droits civiques). Le bateau-dragon est passé dans chaque rue pour y dénoncer la politique du gouvernement en matière d’acquisition. Les manifestants ont décidé continuer à défendre leurs droitss. (Boxun) 6. MINORITES NATIONALES 15 février. Un membre de l’organisation Eastern Turkestan Liberation Organisation, Muhamedali Tursup Talip (29 ans), a été arrêté dans la ville d’Uzgen (Kirghizstan). La police locale l’accuse de vouloir mettre en place une organisation religieuse extrêmiste., en liaison avec le parti islamique du Turkestan, avec Hezb-e Tahrir et Wahabi. Il était recherché depuis son évasion de prison (novembre 2006) alors qu’il purgeait au Kirghizstan une peine de sept ans de prison pour franchissement illégal de la frontière. (Bishek) LES DROITS DE L’HOMME ET LA CHINE. Bulletin n°17 février 2007 6 15 février. Exécution le 8 février à Urumqi, chef lieu du Xinjiang, de Ismail Semed, condamné à mort le 31 décembre 2005 pour « avoir tenté de diviser la mère patrie ». Les autorités l’accusaient aussi de détenir des armes à feu et des explosifs. Il avait été renvoyé du Pakistan en 2003. (Amnesty International) INFORMATIONS DIVERSES (Cette rubrique regroupe des informations qui, sans toucher directement aux droits de l’homme stricto sensu, éclairent sur les tensions de la société chinoise). 18 février. La province du Shanxi a fermé 3.550 mines de charbon illégales en 2006. Elle a parallèlement clos cette même année 2.517 mines exploitant d’autres ressources minérales. L’année dernière, 149 incidents ont fait 476 morts dans les mines de charbon du Shanxi. La province fournit un quart de la production nationale ; celle-ci s’élevait à 2,1 milliards de tonnes de charbon en 2005. (Xinhua) 16 février. La moitié des agents publics corrompus partis à l’étranger pour échapper à des poursuites sont des dirigeants d’entreprises d’État, aux dires d’une étude portant sur quarante-deux cas menée par un groupe de recherche sur la corruption. En mai 2006, on comptait 800 hommes d’affaires recherchés à l’étranger pour crimes économiques (Agence Xinhua) 15 février. Des majorations de prix injustifiées sont courantes dans les domaines de l’Éducation et de la Santé, affirme la Commission nationale pour le développement et les réformes. Selon celle-ci, il aurait été découvert 84.760 cas de surprix en 2006, dont 60% se rapportant à des charges scolaires ou de Santé. (Xinhua) 13 février. Selon le ministère de la Santé, les cas de maladies épidémiques ont dépassé 4,6 millions en 2006. 85% des cas se rapporte à la tuberculose, l’hépatite B, la diarrhée, la syphilis et la gonorrhée. On compte 10.726 morts, dont 88% pour tuberculose, rage, Sida, hépatite B et méningite cérébrospinale. (Agence Xinhua) 14 février. Le cardinal Zen Ze-kiun, chef du diocèse catholique de Hongkong, a rejeté le 13 février les accusations des autorités de Beijing selon lesquelles il aurait empêché l’approbation par le Vatican des nominations d’évêques en R.P.C.. Il a critiqué le refus chinois de discuter avec Rome, estimant qu’un accord n’était pas impossible sur les modalités de désignation des évêques. (South China Morning Post) 12 février. La Chine n’a pas atteint ses objectifs pour 2006 en matière de contrôle des pollutions. La production de SO2 a augmenté de 1,8% et l’indice de LES DROITS DE L’HOMME ET LA CHINE. Bulletin n°17 février 2007 7 pollution des eaux (C.O.D.), de 1,2% alors que le gouvernement recherchait une diminution de 2% de ces deux indices. Ces accroissements sont liés à celui de la consommation d’énergie ; les autorités voudraient réduire de 20% avant 2011 la part de cette dernière dans la production intérieure mais l’objectif pour 2006 ne serait pas atteint. La consommation de charbon a augmenté de 230 millions de tonnes l’année dernière, ce qui a engendré une production supplémentaire de 2,8 millions de tonnes de SO2. La production de papier a crû de 58 millions de tonnes (20%), ce qui a considérablement contribué à la pollution de l’eau. (Agence Xinhua) 30 janvier. Le gouvernement chinois a rejeté toute possibilité de privatisation des terres. Selon le directeur de l’office central sur le travail rural, la propriété des terres est définie par la Constitution et non par le gouvernement. L’absence de propriété paysanne permet des évictions au profit de la construction de routes ou de voies ferrées ou encore de l’implantation de sites industriels ou résidentiels. Ces évictions sont la source d’incidents nombreux et parfois violents. (Agence Xinhua) Sources d’information : Agence France-presse, Agence Xinhua, Amnesty International, Apple Daily, B.B.C., China Information Center, China Labour Bulletin, Chinese Human Rights Defenders, Confédération internationale des syndicats libres, DaJiyuan (La Grande Epoque), Fondation Duihua, Human Rights in China, I.F.E.X. (Echange international de la liberté d’expression), Kyodo News Agency, Laogai Research Foundation, Ming Pao, Radio Free Asia, Radio Free China, Reporters sans Frontières, South China Morning Post, The Standard, Wen Wei Po.