faut-il craindre la deflation

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FAUT-IL CRAINDRE LA DEFLATION ?
Introduction
 Retour de la question de la déflation dans l’actualité économique : Japon et zone euro
 Débat important dans l’analyse économique avec expression de craintes autour de la
déflation (Keynes (1923), « La réforme monétaire » : « l'inflation est injuste et la déflation dangereuse.
Des deux maux, la déflation, si l'on excepte l'émission folle de papier-monnaie, telle qu'elle s'est produite en
Allemagne, est sans doute le pire. Il est pire en effet, dans un monde appauvri, de causer du chômage que de duper
les rentiers. »)
Mais expériences historiques de déflation (Grande Dépression de la fin du 19ème siècle,
Crise de 29, période actuelle)
 Nécessité de définir la déflation sous ses différents aspects : baisse du niveau général des prix,
contraction en valeur de l’activité économique + double appréhension du verbe « craindre » : dans
l’absolu, dans la période actuelle
A) La déflation : un mécanisme d’ajustement qui peut s’inscrire dans une dynamique
cyclique normale…
1- La dynamique déflationniste n’est pas contradictoire avec la croissance
La baisse du niveau général des prix :
favorise la consommation (effet d’encaisses réelles ou effet Pigou)
favorise l’investissement (effet Keynes) : la hausse du pouvoir d’achat de la monnaie, ou valeur réelle
de la monnaie (M/P), a exactement le même effet qu’une augmentation de l’offre de monnaie (hausse
de M) (dans le modèle IS-LM : déplacement de LM vers la droite) : le taux d’intérêt baisse.
favorise la compétitivité-prix (schéma du rééquilibrage des balances dans l’étalon-or – Hume,
Ricardo, Grèce et Espagne à l’heure actuelle)
2- La déflation peut s’interpréter comme le résultat d’une dynamique productive efficace
Déflation dans un contexte de croissance et de mutations structurelles de l’offre : innovations avec des
gains de productivité se répercutant sur les prix (principe sectoriel qui peut se généraliser) expansion de la
logique marchande (constitution des marchés nationaux à la fin du 19ème), exacerbation de la
concurrence (mondialisations : fin 19ème, impact de la mondialisation contemporaine)
Déflation contraint à l’efficacité et la rationalisation de la production (incitation aux innovations dans un
contexte de contraintes sur la rentabilité - Schumpeter)
3- La déflation s’inscrit dans une dynamique cyclique et peut être souhaitée
Dans un contexte de crise cyclique, déflation permet de rétablir des déséquilibres réels (baisse des coûts,
disparition d’entreprises inefficaces) et financiers (spéculation)  peut avoir un impact positif sur les
profits
Déflation peut être le résultat de politiques visant à accélérer la résolution des déséquilibres (Royaume
Uni - années 20, crise de 29 : politiques centrées sur la hausse des taux d’intérêt, la maîtrise du déficit
budgétaire et une pression sur les salaires – Mellon, Brüning, Laval)
Mais constat historique de l’inefficacité de ces politiques (bloc or) oblige à reconsidérer la déflation
B) …ou la manifestation d’une spirale déflationniste ?
1- La déflation peut perdurer et s’autoentretenir
Rôle des anticipations de prix : report de consommation en cas d’anticipation d’une poursuite de la
baisse des prix (anticipations auto-réalisatrices) => pas d’effet Pigou
Trappe à liquidité (thésaurisation - courbe LM horizontale) et/ou investissement indépendant du taux
d’intérêt (« on ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif »- courbe IS verticale) => pas d’effet Keynes.
Effets redistributifs en faveur des créanciers (qui bénéficient de liquidités supplémentaires issues des
remboursements de crédits = valeur garantie de leur patrimoine) et au détriment des débiteurs pèsent
négativement sur la propension à consommer (les créanciers ont une plus forte propension à épargner)
2- Le risque de spirale inflationniste est aggravé dans un contexte d’endettement des agents
économiques
Déflation par la dette (debt deflation) I. Fisher (1933) : réaction des agents endettés passe par une vente
d’actifs qui accroît les pressions à la baisse des prix et renforce le poids de la dette
Lorsque le processus déflationniste s’enclenche dans le contexte d’une crise bancaire, la course au
désendettement s’accompagne d’un rationnement du crédit (donc d’une diminution de M, qui se
combine à la baisse de P)
Rôle central de l’approvisionnement en liquidités dans un contexte déflationniste : Friedman et Schwartz
(1963), Bernanke avec le rôle clé de la contraction des crédits dans la crise de 29 pour la transmission
des difficultés financières à l’économie réelle
3- Les risques d’une politique non coopérative
Politiques déflationnistes peuvent s’étendre à l’échelle internationale : contraction du marché des pays
engagés dans ces politiques, concurrence accrue sur les marchés en expansion
Impact accentué lorsque les flux commerciaux sont intenses et que certains pays disposent d’un fort
avantage compétitif (zone euro dans les années 2000)
La politique de déflation compétitive est susceptible de se généraliser à tous les pays : « la dangereuse
obsession » (Krugman)
C) Moment du cycle ou spirale déflationniste : quel scénario aujourd’hui ?
1- Des mutations structurelles et institutionnelles qui pourraient nous ramener à des cycles
inflation-déflation ‘normaux’
Cycles inflation – déflation disparaissent dans les « 30 Glorieuses » au profit de cycles inflation –
désinflation
Mutation des politiques économiques (remise en cause des politiques keynésiennes et plus largement des
politiques activistes, priorité à la lutte contre l’inflation, contrôle de la croissance de la masse monétaire),
libéralisation de l’économie avec flexibilité accrue des valeurs nominales (déréglementation des
2- Le risque de « déflation par la dette » semble cependant significatif aujourd’hui
Constat de cycles d’endettement-désendettement depuis les années 1980 (on pourra faire référence à
Minsky et l’hypothèse d’instabilité financière)
Mécanismes de la debt deflation de Fisher semblent pouvoir être à l’œuvre et occasionner une activité
économique durablement ralentie même lorsque l’on affaire à une « lowflation » (ou inflation négative)
plutôt qu’à une déflation (cas de la « déflation japonaise »)
3- Des situations différenciées face au risque de déflation aujourd’hui
Réaction des autorités face au choc de la crise des subprime permet d’éviter des enchaînements
déflationnistes (été 2007 – automne 2008) avec le retour à des politiques activistes et malgré des signes de
rationnement du crédit (asymétrie d’information - Stiglitz)
Action budgétaire des Etats qui permet de soutenir l’activité quand les acteurs privés sont financièrement
contraints, capacité des autorités monétaires à faire évoluer les politiques face à l’ampleur des problèmes
(politiques monétaires non conventionnelles)
Réalité du désendettement dans certaines économies (Etats Unis), plus ambivalente dans d’autres (Japon et
l’incertitude autour de l’efficacité des Abenomics, Europe et questions autour de la gestion de la crise des
dettes publiques dans un contexte de baisse des prix des matières premières)
Conclusion
Déflation représente un phénomène complexe dont les significations peuvent être lues de différentes
manières : expression d’une dynamique concurrentielle positive, en particulier dans un contexte
d’innovations technologiques et de mondialisation mais aussi risque d’enchaînements déflationnistes
engageant l’économie dans une spirale économique de déclin, en particulier lorsque les politiques
économiques ne peuvent répondre aux forces à l’œuvre dans l’économie.
Il apparaît ainsi que la déflation est à craindre dans certaines situations, en particulier dans la zone euro à
l’heure actuelle, mais que la capacité des politiques économiques à y répondre est sans doute l’élément
essentiel à prendre en compte.
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