FRANCE, EUROPE VERS LA FAILLITE ECOLOGIQUE ET FINANCIERE ? 1 Introduction L’empreinte écologique a été adoptée, ces dernières années, par différents organismes (instituts universitaires, instituts de statistiques, organisations internationales..) comme instrument d’évaluation ou comme indicateur de performance des politiques nationales mises en œuvre pour lutter contre le changement climatique et assurer un développement durable. Dans ce contexte, plusieurs études statistiques récentes ont souligné l’ampleur croissante du déficit écologique dans un grand nombre de pays, l’empreinte écologique par habitant de ces pays dépassant largement la bio capacité par habitant. Rappelons que l’empreinte écologique convertit en ha la consommation d’un territoire en comptant les importations et en déduisant les exportations, l’énergie fossile utilisée est aussi convertie en empreinte. La bio capacité mesure en ha les capacités de production du milieu de façon renouvelable. Cette tendance est naturellement préoccupante, un développement durable ne pouvant être soutenu que si le déficit est égal à zéro. Tout dépassement, en effet, traduit une surexploitation des ressources renouvelables qui ne peut être rendue possible que par un apport supplémentaire d’énergie fossile et/ou par une exploitation excessive des stocks de ressources renouvelables. La grave crise économique et sociale que traversent actuellement, en particulier les pays de l’Union Européenne se caractérise notamment dans la majorité de ces pays par une détérioration importante de leur balance commerciale ainsi que de leur balance de paiements. Il nous a paru intéressant d’examiner s’il existait dans ces pays une corrélation étroite, sur une période suffisamment longue pour être représentative, entre le déficit écologique en ha/habitant et le déficit commercial (en milliards €). A cet effet, nous avons examiné de 1997 à 2003 l’évolution de 9 pays européens, dont la France, en comparant d’une part l’évolution dans ces pays de leur déficit écologique et d’autre part, celle de leur déficit commercial. . 2 Evolution du déficit écologique. Le tableau ci après traduit l’évolution des 9 principaux pays Européens dont la France de 1997 à 2003.Tous sont en déficit important avec une augmentation en moyenne de +3% par an en moyenne des 9 pays. Déficit écologique en ha/hab. Allemagne : France : Italie : Belgique : Angleterre : Pays bas : Danemark : Grèce : Espagne : Moyenne 1997 -3,4 -1,1 -3,1 -3,8 -3,5 -3,6 -0,7 -2,6 -1,6 -2,7 ___________________________________________________________________________________ 2003 -2,8 -2,6 -3,1 -4,4 -4,0 -3,6 -2,2 -2,8 -3,6 -3,2 Déficit empreinte écologique Ha/hab 9 pays UE 3,4 3,2 3 2,8 2,6 2,4 3,2 Déficit Ha/hab 2,7 1997 2003 Année source GFN Le retour à l’équilibre suppose une inflexion et une réduction constante chaque année des facteurs de déséquilibre (Démographie, efficacité énergétique de l’économie, PIB, empreinte de l’énergie), ce qui n’est généralement pas le cas aujourd’hui, .ainsi en 2008 le déficit moyen pour ces 9 pays était de 3,94 ha/hab. sachant que la méthode de calcul avait été modifiée en 2006, l’énergie nucléaire n’étant plus prise en compte dans le calcul, ce qui a eu pour effet de réduire artificiellement le déficit. 3 Déficit commercial Les indicateurs examinés sont la balance commerciale qui regroupe les échanges de biens et la balance des paiements qui comprend en plus les services et les transactions financières correspondant au compte courant de chaque pays. Déficit commercial en Mrds € (balance commerciale BC et balance paiements BP) Allemagne : France : Italie : Belgique : Angleterre : Pays Bas : Danemark : Grèce : Espagne : TOTAL BC +67 +15 +43 +7 -26 +16 +4,6 -12 -18 +96,6 1997___________________________________________________________________________________ 2008 +175 -68 -11 +4 -110 +40 +4 -36 -90 -143 Allemagne : France : Italie : Belgique : Angleterre : Pays bas : Danemark : Grèce : Espagne TOTAL BP -39 +24 +43 +10 -+4,5 +16 +0,8 -12 +2,5 +49,8 1997___________________________________________________________________________________ 2008 +165 -38 -56 -6,5 -26 +23 +4,1 -33 -103 -158 Seuls 4 pays sur 9 en 2008 sont bénéficiaires en BC et 3 sur 9 en BC, alors qu’en 1997 ils étaient 6 sur 9 en BC et 7 sur 9 en BC. Les bilans se sont inversés en une dizaine d’année, avec une augmentation continue des déficits de l’ordre de 6% par an au total. Evolution commerce extérieur 9 pays Europe valeur Mrd € 150 100 100 50 50 balance paiements balance commerce 0 -50 1997 2008 années -70 -100 -150 -200 -143 source Quid Le total des déficits en BP sont en 2008 de –38mdrs pour la France et de –70mdrs pour les 9 pays .pour la balance des paiements c’est –68 pour la France et –143 pour les 9 pays. Seuls 3 pays ont une balance positive l’Allemagne, les pays bas et le Danemark alors que 3 pays s’enfoncent dans le déficit l’Espagne (-103), l’Italie (-56), la France (38). Analyse des causes - Allemagne : Ces bons résultats financiers résultent de fortes exportations de biens industriels (machines- outils, automobiles) notamment vers les pays émergents. - Pays -Bas : Ils bénéficient du commerce d’importation vers l’Europe avec les grands ports de la mer du Nord. - Danemark : Le pays possède des réserves de gaz et de pétrole qui lui permettent d’exporter de l’énergie et de profiter de la rente pétrolière. - - Les autres pays subissent la mondialisation par l’ouverture de leurs marchés sans barrières douanières à l’entrée de l’Europe, et sans sources d’énergie internes les importations de produits énergétiques sont considérables .En même temps que l’Empreinte écologique augmente le déficit commercial augmente pour importer l’énergie et faire tourner les machines et l’économie. En outre la dette de ces pays croit pour financer la machine économique. Cette situation est de nature à appauvrir tous ces pays à moyen terme et ne peut durer. 4- le cas de la France en détail : Les axes de politique écologique et économique pour améliorer la situation. - les services Pour 2008 et 2009 le solde est positif, il est de 11,5 Mrds € en 2009 (tableau ci après) dont 7,1 pour le poste voyage et transport et 4,4 pour le reste essentiellement le négoce international (+7), les constructions (+3), les licences et redevances (+3), les autres postes sont négatifs. Ce bilan positif repose sur l’accueil touristique ; les voyages et les transports, Il s’agit de valeurs peu durables dès que le prix de l’énergie fossile va augmenter, car reposant sur le développement de la mobilité (tourisme motorisé) et les échanges de produits internationaux (négoce).Ces postes creusent par ailleurs le déficit énergie. Les exportations de licences et brevets sont un créneau durable mais limité. Le poste voyage et transports est écologiquement antagoniste et pourrait faire l’objet de mesures dissuasives, de même que les importations considérées comme non indispensables. -les échanges de biens * hydrocarbures, mines, électricité, déchets Le déficit est de -33Mdrs€pour 2009 et varie en fonction du prix de l’énergie fossile (-52 Mrds € en 2008).Pour acheter ces produits la France doit exporter d’autres produits, mais lesquels ? Tableau douanes ci après. * Produits agricoles, sylvicoles, pèche, aquaculture Pour 2009 solde positif de 1,7 Mrds €, le potentiel d’exportation est de 11Mrds. Conjugué à l’empreinte écologique de ces secteurs, on peut développer la production forestière de bois brut, la foret privée étant sous exploitée. La production agricole déjà très intensive et énergivore peut difficilement augmenter .La pèche est déficitaire et l’empreinte écologique est supérieure à la bio capacité .Les mesures possibles pour rééquilibrer financièrement et écologiquement pourrait consister à réduire la consommation de produits de la pèche importés qui détruisent les stocks et parallèlement à augmenter l’aquaculture biologique. Pour les produits agricoles maintenir les exportations vers les pays en déficit dans ce secteur, avec une conversion vers l’agriculture biologique moins énergivore donnant davantage de valeur aux produits exportés. Les importations pourraient diminuer en pénalisant les produits hors saison ou à faible qualité environnementale. *Produits des industries agricoles et alimentaires Pour 2009 solde positif de 3,5 Mrds € avec un potentiel d’exportation de 33 Mrds .la réduction des importation permettrait un gain notable d’autant que la France est dans ce secteur largement autonome .Cette politique contribuerait à améliorer la balance commerciale. Dans ce tableau sont inclus les vins et spiritueux spécificité Française .Se pose néanmoins la question de la transformation des produits agricoles dans chaque région, ce qui éviterait les transports internationaux sauf pour quelques produits spécifiques à chaque pays. Ces deux secteurs agricoles et transformation constituent un atout majeur et durable pour notre pays. * équipements mécaniques, électroniques, informatiques Pour 2009 solde négatif de –15 Mrds Ce tableau montre l’effet des importations massives de matériels informatiques et de communication. *Transports (automobiles, aéronautique) Solde positif de 7 Mrds € .La France exporte sur ce créneau mondial 72 Mrds de biens. C’est un secteur soumis à terme à des aléas, compte tenu que l’énergie fossile va se raréfier et qu’il faudra le reconvertir, en grande partie, vers des industries durables. Le volume des importations/exportations risque donc de diminuer, la concurrence dans ce secteur des pays émergents étant appelée par ailleurs à modifier l’économie de ce secteur qui, en outre, contribue fortement au déficit énergétique. *Autres produits industriels Pour 2009 solde négatif de –15mrds€, seul le secteur pharmaceutique est positif. Des secteurs entiers sont soumis à la concurrence des pays tiers en contrepartie d’exportations spécifiques. Il s’agit du textile /habillement/cuir (solde – 7Mrds), du papier/ carton (solde –4Mrds), des caoutchoucs/plastiques (-4Mrds). Les exportations spécifiques encouragées sont les produits chimiques, les parfums /cosmétiques (+7Mrds), les transports (cf. ci dessus), les produits pharmaceutiques (+4Mrds).La chimie verte offre des possibilités de développement. Pour les partisans de la mondialisation ,il suffit d’être dans le bon créneau, peu importe l’intérêt général, ce qui conduit à développer des secteurs sans avenir (transports ,nucléaire ) ,ou sur un créneau spécifique comme le luxe (parfums/cosmétiques) ou l’armement. Les intérêts privés dominants de ces firmes poussent à encore plus d’échanges et de circulation des marchandises, quitte à sacrifier dans les négociations commerciales les secteurs moins influents. Ce phénomène se retrouve dans toute l’Europe (excepté l’Allemagne avec son créneau porteur de machines-outils) et conduit à l’appauvrissement général voire à la faillite de certains états moins adaptés au mondialisme par leur économie (par exemple la Grèce). Pour la France le déficit de la balance des paiements représente en 2009 -38Mrds sur 417Mrds d’exportation soit 9% ceci contribue à la baisse rapide des réserves financières du pays et -75 Mrds en 2011 soit environ 20%. Les accords OMC/Europe ou France /reste du monde seraient donc à revoir dans un objectif de rééquilibrage, puis de retour vers une relocalisation très importante des productions nationales ou régionales. Notons également la répartition géographique des échanges montrant la part de la Chine dans les causes du déficit national. (Tableau ci dessous) et Européen. Conclusion Selon toute probabilité, si l’on se réfère aux statistiques disponibles depuis une dizaine d’années, il existe une corrélation, dans un grand nombre de pays dits industrialisés, entre le déficit de l’empreinte écologique et celui de la balance extérieure (commerciale, paiements). Le modèle économique de ces pays est donc à revoir, sans tarder, car il conduit progressivement à un Krach écologique ; en effet une augmentation continue de la production et de la consommation de certains produits, telle qu’elle est comptabilisée aujourd’hui à travers les échanges commerciaux, va buter sur les limites physiques de la planète. En particulier, les pays industrialisés devront mettre un frein à la tendance actuelle à une surconsommation, notamment dans les secteurs alimentaire et énergétique. Cela passera inévitablement par des mesures visant à modifier, par touches successives, certains modes de consommation. Dans ce contexte, il sera nécessaire de mieux contrôler certains grands lobbies industriels et de les inciter à convertir leurs activités dans des secteurs économiques contribuant à une réduction de l’empreinte écologique (produits renouvelables ou à faible empreinte). JY /11/2011