voies_d-_abord_vasculaire

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VOIES D’ABORD VASCULAIRE
D’EPURATION EXTRA RENALE
ET D’INSUFFISANCE RENALE AIGUE
Dr Jean Louis PALLOT
Service de Réanimation Médico-Chirurgicale - Montreuil
La réalisation d’une EER nécessite un abord vasculaire à une ou à double voie
veineuse ou artério-veineuse. Dans un contexte d’insuffisance rénale aiguë (IRA), l’abord
vasculaire se résume à la mise en place du cathéter de dialyse veineux profond par voie
percutanée ou chirurgicale. Les shunts artério-veineux ne sont plus utilisés. Les cathéters
artériels sont réservés aux EER continues spontanées d’indication restreinte.
SHUNT ARTERIO-VEINEUX
Scribner en 1960 réalise le premier abord vasculaire permanent en créant un courtcircuit entre une artère et une veine, utilisé dans le traitement de l’insuffisance rénale
chronique. En fait, cet abord vasculaire s’avèrait, du fait de sa faible longévité, mieux adapté
au traitement de l’IRA .
Le Shunt de Quinton-Scribner comporte deux canules de téflon introduites
respectivement dans un artère de moyen calibre et dans une veine voisine, prolongées par 2
tubulures en silastic, connectées par un raccord amovible en téflon ou par une pièce en T. Le
shunt est mis en place le plus souvent entre une artère radiale et une veine de l’avant bras ou
entre une artère tibiale postérieure et une veine saphène interne.
La pose facile et rapide sous anesthésie locale est la possibilité d’utilisation immédiate
sont contre-balancées par le risque d’infection et de thrombose et par l’amputation définitive
du capital vasculaire d’une artère et d’une veine. D’autres type de shunt artério-veineux ont
été mis au point pour limiter les risques infectieux (shunt de Buselmeier) et de thrombose
(shunt de Thomas) sans pour autant augmenter la durée d’utilisation du dispositif.
En raison de leur faible longévité et des progrès techniques réalisés dans la conception
des cathéters veineux profonds, les shunts artério-veineux ne sont pratiquement plus utilisés.
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CATHETERS VEINEUX PROFONDS
Les cathéters veineux profonds représentent actuellement la voie d’abord vasculaire
temporaire préférentielle pour l’EER. Ils sont utilisés au cours de l’IRA mais également dans
l’IRC pour réaliser les dialyses en cas de fistule artério-veineuse (FAV) non fonctionnelle.
Les abords vasculaires doivent répondre à plusieurs critères :
-
site d’implantation propre pour limiter l’infection
-
site d’implantation confortable pour préserver l’autonomie et la mobilité du patient
-
biocompatibilité suffisante pour prévenir les complications infectieuses et
thrombotiques
-
préservation du capital vasculaire
-
obtention d’un haut débit et d’une faible recirculation
-
facilité et sécurité lors de la mise en place.
1°) Les différents types de cathéters
Les cathéters temporaires d’EER ont bénéficié d’importants progrès tant sur leur
présentation que sur l’optimisation de leurs modalités d’utilisation. Nous disposons
actuellement de cathéters rigides à ne plus utiliser et de cathéters semi-rigides et souples à
double lumière permettant de fonctionner avec une seule pompe à sang, de longueur variable,
adaptée à tous les sites de ponction (15-16 cm, 20 cm, 24-25 cm, 28-30 cm).
Les cathéters semi-rigides à simple lumière, type shaldon (hémoclav Vygon) ou désilet :
Ces cathéters en téflon ou polyuréthane sont de longueur variable adaptés aux
différentes veines centrales avec 6 orifices latéraux et une perforation distale.
La pose rapide et facile s’effectue selon la technique de Seldinger. Ils sont donc parfaitement
adaptés aux situations d’urgence. Une pièce en Y permet leur utilisation en unipuncture avec
double pompe, mais au prix d’une forte recirculation. Leur petit calibre entraîne de forte
pression veineuse et de faible débit sanguin, source de thrombose.
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Les cathéters en téflon ou polyuréthane à double lumière :
Ces cathéters se posent également selon la méthode de Seldinger, mais leur gros
calibre impose l’emploi préalable d’une dilatation. Ils sont donc plus traumatisants et leur
tolérance veineuse est médiocre. Il sont aussi adaptés au contexte de l’urgence. Ils autorisent
de haut débit sanguin avec un régime de pression veineuse basse et permettent une meilleure
épuration d’autant que le décalage entre les orifices veineux et artériels diminue le phénomène
de recirculation.
Les cathéters en silicone à simple ou double lumière :
Ces cathéters en silicone à simple ou double lumière de gros calibres sont souples avec
une excellente tolérance veineuse et ont pour la pluspart une possibilité de tunnellisation.
Leur voie d’abord élective est jugulaire interne .
Leur mise en place est le plus souvent chirurgicale après dénudation veineuse sous
anesthésie locale ou générale, mais une pose transcutanée est possible pour quelques uns
d’entre eux. Le temps d’implantation de ces cathéters est long, incompatible avec les
situations d’urgence et leur coût élevé les fait réserver aux IRA d’une durée prévisible
supérieure à 30 jours avec au moins 20 EER.
Ils permettent une excellente épuration grâce à des débits sanguins élevés et à une
faible recirculation, avec un risque infectieux diminué grâce à la tunnellisation et à la présence
éventuelle d’un cuff sous cutané en dacron, tout en épargnant le capital veineux. Leur risque
essentiel est représenté par l’embolie gazeuse lors de la pose, et les branchements
/
débranchements du circuit extra corporel.
Les accès artériels :
La canulation artérielle utilisée au cours de l’HD et de l’HF artério-veineuse continue
(C.A.V HD – C.A.V HF) fait appel à des cathéters de différents calibres et matériaux, posés
selon la technique de Seldinger, le plus souvent en artère fémorale.
Les accès artériels exposent à des complications sévères : hémorragie, hématome,
dissection, fistule artério-veineuse, thrombose et embolie.
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2°) Les sites d’implantation des cathéters
Les sites de ponction utilisables en EER comportent la voie jugulaire interne de
préférence et la voie fémorale en cas d’urgence, de détresse respiratoire ou de décubitus
impossible. La voie sous-clavière avec un risque de sténose de 42 à 50% et de plicature du
cathéter ne devrait plus être utilisée. L’insertion écho-guidée du cathéter est recommandée en
cas d’IRC mais n’est pas indispensable dans un contexte d’IRA.
3°) Positionnement du cathéter
La position de l’extrémité du cathéter conditionne la qualité du débit sanguin
extracorporel et le taux de recirculation. La position idéale en territoire cave supérieur se situe
à 1 cm au dessus de l’abouchement de la veine cave supérieure dans l’oreillette droite pour les
cathéters semi rigides et dans l’oreillette droite pour les cathéters souples. Dans le territoire
cave inférieur, l’extrémité doit se situer le plus près possible de l’origine de la veine cave
inférieure.
4°) Le Taux de recirculation
Le taux de recirculation est fonction du site d’insertion, de la longueur du cathéter, de la
distance entre les orifices des 2 lumières qui doit être au minimum de 3 cm et du débit
cardiaque du patient. Il est évalué à 4% en jugulaire interne, 10% en fémoral pour un cathéter
de 24 cm et 18% si la longueur est de 15 cm. Des cathéters de 28-30 cm sont souhaitables en
fémoral. L’inversion des lignes vasculaires majore le taux de recirculation.
5°) Diamètre et texture du cathéter
Le diamètre du cathéter et sa texture sont les deux principaux déterminants du débit
sanguin extra corporel et donc de la qualité de l’épuration. Les cathéters actuels de 13.5 à
14.5 F permettent des débits plus élevés que les classiques cathéters de 11.5 à 12 F. Les
cathéters souples en silicone ou en polymère de polyruréthane autorisent des débits élevés,
jusqu’à 400 ml/min. L’HDI et l’hémofiltration à haut débit, qui nécessitent des débits
sanguins extra corporels élevés, devraient être réalisées avec des cathéters souples de gros
calibre. La qualité de l’épuration des EERC à bas débit d’UF, avec ou sans dialyse associée,
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est moins dépendante des caractéristiques intrinsèques du cathéter autorisant l’utilisation de
cathéter de diamètre 11.5 à 12 F.
6°) Complications des accès vasculaires d’EER
Les complications des accès vasculaires d’EER sont celles des cathéters veineux
profonds auxquelles s’ajoutent les complications propres à l’épuration extra rénale.
Les complications traumatiques qui s’observent lors de l’implantation veineuse du
cathéter sont secondaires le plus souvent à des difficultés techniques.
Certaines complications sont mineures, source de gène et d’inconfort : douleurs au point
de ponction (cervicalgie, scapulalgie), hémorragies ou hématomes aux points de ponction.
D’autres complications traumatiques peuvent mettre en jeu le pronostic vital telles que
le pneumothorax, l’hémothorax, l’hémo-pneumothorax et l’hémomédiastin, observées lors de
la pose des cathéters jugulaires ou sous claviers. La voie sous clavière n’est pas recommandée
pour l’épuration extra rénale compte tenu du risque de sténose post ponction compromettant
la réalisation ultérieure d’une FAV.
Des complication traumatiques plus rares peuvent s’avérer invalidantes à long terme :
paralysie phrénique, plaie nerveuse, plaie du canal thoracique.
Les dysfonctionnements du cathéter sont responsables d’une épuration de mauvaise
qualité.
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Les dysfonctionnements précoces sont d’origine mécanique : plicature du cathéter,
extrémité du cathéter au contact de la paroi veineuse, trajet aberrant du cathéter….
-
Les dysfonctionnements tardifs sont d’origine thrombotique : la thrombose endoluminale du cathéter peut aboutir à l’occlusion. La reperméabilisation du cathéter
peut être tentée de façon mécanique(mandrin métallique / brosse endo-luminale)
ou chimique (fibrinolyse par urokinase). La thrombose externe du cathéter est due
à un manchon fibrono-cruorique engainant l’extrémité distale du cathéter. La
sanction est souvent dans ce cas l’ablation et le remplacement du cathéter.
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La thrombose de la veine canulée est un risque commun à toute prothèse endoveineuse. L’introduction dans la circulation sanguine d’un matériel étranger active les facteurs
de la coagulation à partir de l’adhésion et l’activation des plaques. Il active également le
système complémentaire.
La thrombose de la veine canulée (veine sous clavière, veine jugulaire, veine
fémorale) se situe à deux niveaux. La thrombose proximale débute au point de pénétration
veineux du cathéter. La thrombose distale débutant vers l’extrémité du cathéter peut être
partielle ou totale avec dans ce cas un risque majeur d’embolie pulmonaire.
La sténose de la veine canulée est une complication gênante au long cours
compromettant la réalisation ultérieure de la FAV et s ‘accompagne de troubles fonctionnels
(circulation collatérale) et de séquelles inesthétiques (gros bras).
Ce risque est plus fréquent avec les cathéters rigides ou semi-rigides et au niveau de la
sous clavière.
L’infection est un risque permanent des cathéters de dialyse . C’est la plus fréquente
des complications des cathéters de dialyse et représente 50 à 70 % des motifs d’ablation des
cathéters de dialyse.
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L’infection peut être localisée à l’orifice cutané ou au trajet sous cutané mais avec
toujours un risque de propagation systémique. L’infection orificielle peut être
curable par des soins locaux associés ou non à une antibiothérapie générale. En
revanche, l’existence d’une tunnellite (infection du trajet sous cutané) impose
l’ablation du cathéter et une antibiothérapie systémique. Les staphylocoques sont
les germes les plus fréquemment incriminés.
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L’infection généralisée
bactériémique ou septicémique entraîne un tableau
septique grave. Les bactériémies « sans lendemain » permettent la conservation du
cathéter après avoir décapé le biofilm endo-luminal par des fibrinolytiques sous
couvert d’une antibiothérapie par voie générale et d’un verrou antibiotique. Les
septicémies imposent par contre l’ablation du cathéter et une bi antibiothérapie
bactéricide. La septicémie peut parfois s’inscrire dans un contexte de thrombose
infectée de la veine canulée nécessitant une anticoagulation efficace associée à
l’antibiothérapie, avec parfois nécessité d’une ligature de la veine thrombosée.
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La migration embolique du cathéter dans la circulation sanguine survient à l’occasion
d’une rupture de cathéter ou d’un desancrage. Le cathéter est récupérable par crochetage par
une sonde « lasso » introduite par voie fémorale
L’embolie gazeuse est un risque commun à tous les cathétérismes thoraciques lors de
la pose du cathéter ou lors de l’ouverture du cathéter, et ce d’autant plus que le calibre du
cathéter est élevé et que le malade est hypovolémique.
La survenue d’arythmie peut survenir à la pose du cathéter lors de l’introduction du
mandrin métallique.
7°) Perspective d’avenir des cathéters
Les progrès attendus dans le domaine des cathéters de dialyse concernent 2 lignes de
recherche : d’une part l’amélioration de l’hémocompatibilité qui a pour objectif de réduire
l’adhésion plaquettaire et l’activation de la coagulation (cathéter imprégné de substances
anticoagulantes) et d’autre part la diminution du risque infectieux qui passe par la prévention
de l’adhésion bactérienne en utilisant des cathéters avec imprégnation argentique,
antiseptique, antibiotique ou par un verrouillage du cathéter avec des solutions
anticoagulantes et antiseptiques.
CONCLUSION
La qualité de l’accès veineux en EER conditionne le débit sanguin et donc l’efficacité
de l’épuration .
La qualité de l’accès veineux repose sur un choix judicieux du site d’implantation avec
une longueur de cathéter adéquate. Le diamètre du cathéter et de sa texture doivent être
adaptés au type de l’EER.
Les cathéters veineux ont transformé la gestion des accès vasculaires du patient en
épuration extra rénale aussi bien dans le domaine de l’IRA que dans celui de l’insuffisance
rénale chronique.
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