Article 2016

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JO 2016. Badminton : pourquoi le volant est-il le
projectile le plus rapide ?
Publié le 18-08-2016 à 11h00 - Modifié le 19-08-2016 à 09h02
Par Christophe Clanet et Caroline Cohen
Physiciens
Démonstration avec Christophe Clanet et Caroline Cohen, physiciens.
Édité par Paul Laubacher Auteur parrainé par Sébastien Billard
OK
Smash du Japonais S.Sasaki aux JO de Londres en 2012 (à gauche, AFP photo/Antonin Thuilier). Vitesses
records enregistrées dans les différents sports de balles (à droite, LadHyX).
C'est au badminton qu'on observe les balles de sport les plus rapides : le malaisienTan Boon
Heong a réalisé le smash du record et frappé le volant à 137 m/s (soit 493km/h !).
Si l'on regarde l'échelle des vitesses ci-dessus, c'est quasiment 2 fois plus que le record au
tennis (73 m/s), 4 fois plus qu'au volley (37 m/s) et 8 fois plus qu'au handball (15 m/s). Pourtant
on ne peut pas vraiment dire que les handballeurs soient moins forts que les joueurs de
badminton : Karabatic fait 1,95m et 102kg, contre 1,81m et 75 kg pour Heong.
Pour comprendre ce classement des sports les plus rapides, il faut comprendre comment on
transmet la vitesse à la balle.
Lancer vs. frapper
Dans certains sports comme le handball, on lance la balle. On observe sur la chronophotographie
d'un tir ci-dessous qu'elle part à la vitesse de la main au moment de lâcher (la longueur du trait
bleu est égale à la longueur du trait rouge).
Par contre, lorsque le balle est frappée, comme au volley ou au tennis (chronophotographie de
droite), sa vitesse est égale à 2 fois celle de la raquette. En frappant plutôt qu'en lançant, on
gagne donc déjà un facteur 2 !
Cela n'est vrai que s'il n'y a pas (trop) de dissipation d'énergie à l'impact, et si la balle est plus
légère que l'objet qui la frappe. Sinon, le rapport des vitesses balle/impacteur est plus faible que
deux. Si la balle est lourde (handball 450g, basket 650g, pétanque 700g, poids 7,26kg), on ne
gagne pas grand chose à la frapper, si ce n'est de se blesser. Alors on lance ! Il s'agit des sports
où les vitesses de balles sont les plus faibles (en bas de l'échelle dans le diagramme du début).
Chronophotographie d'un tir au handball (à gauche, LadHyX) et d'un service au tennis (à droite,
H.E.Edgerton) Le trait bleu représente la distance parcourue par la main/raquette entre deux flashs
(soit 0,04 secondes) et le rouge, la distance parcourue par la balle pendant le même temps.
Comment augmenter la vitesse de frappe ?
Puisque tout vient de la vitesse de l'objet qui lance (main, pied, raquette…), il faut la
maximiser pour réaliser des records. Pour cela, il existe plusieurs moyens :
1. augmenter la longueur du bras avec une raquette
2. se servir des articulations
3. utiliser une raquette élastique
La vitesse de la main est égale à la longueur du bras multipliée par sa vitesse de rotation autour
de l'épaule. Pour augmenter cette vitesse, on peut augmenter la longueur du bras avec une
raquette. Si la raquette est de même longueur que le bras, on gagne à nouveau un facteur 2 (qui
permet de
passer du record du volley à celui du tennis) !
Mais on ne gagne ce facteur 2 que si l'on est capable de mettre en rotation l'ensemble (bras
+ raquette) à la même vitesse que le bras seul. C'est à cela que servent les articulations : pour
un effort fixé des muscles, il est plus facile de faire tourner un bras articulé, qu'un bras rigide de
même longueur. Et cela est d'autant plus vrai que les segments articulés sont de plus en plus
légers.
Flexible vs rigide
C'est le cas pour la jambe et le bras (une personne de 80kg a une cuisse de 11kg, un mollet
de 3,4kg et un pied de 1,1kg, un bras de 2,2kg, un avant-bras de 1,3kg et une main de 500g). Et
les raquettes sont toutes plus légères que la main (280g au tennis et 80g au badminton). Le
dernier point à comprendre est le facteur 2 entre le record du badminton et celui du tennis.
En effet, dans ces deux sports, la balle est frappée, et avec une raquette de même taille.
La différence vient du fait que la raquette au badminton est flexible, alors qu'elle est rigide au
tennis. Lors d'un smash, le manche de la raquette de badminton subit une telle accélération (340
m/s^2=4*g) que le shaft se tord et la tête de raquette reste en arrière, comme on peut l'observer
sur la chronophotographie du smash ci-dessous.
On stocke ainsi de l'énergie élastique dans le shaft (comme si on comprimait un ressort). Puis,
lorsque l'accélération diminue, le shaft se déplie et restitue l'énergie stockée, la tête de raquette
revient violemment vers l'avant. Si l'impact avec le volant a lieu au moment où la vitesse de la
raquette est maximale, on peut gagner encore un facteur 2 sur la vitesse de tête de raquette.
Jouer sur l'élasticité est un autre moyen d'augmenter la vitesse de la raquette. Cet effet est aussi
utilisé au hockey pour le "slap-shot" ("tir-frappé") : le joueur racle la crosse sur la glace pour la
tordre, et utilise le fouetté élastique pour frapper le palet avec une plus grande vitesse.
Tir au hockey sur glace "Slapshot" : le joueur tord la crosse sur la glace pour utiliser son élasticité et
frapper le palet (à gauche). Forme de la raquette de badminton à différents instants d'un smash au
badminton (à droite, LadHyX)
Le secret du record de vitesse est donc de frapper la balle (x2), d'utiliser une raquette et des
articulations (x2) et l'élasticité de la raquette (x2). Au final, la vitesse de "l'impacteur" peut donc
être multipliée par 8, ce qui permet de passer de 15 m/s à 120 m/s comme observé (à peu près)
sur l'échelle des vitesses.
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