Le tiers monde et la guerre froide

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La Guerre Froide
Fiche de l’ouvrage de Stanislas Jeannesson, éditions La découverte
Introduction
La guerre froide a dominé les relations internationales pendant plus de quarante ans, de 1947 à 1990. Elle oppose
principalement deux blocs, les Etats-Unis et l’URSS, qui s’appuient chacun sur des réseaux d’alliances soudés et
cohérents, les blocs. Néanmoins, les deux superpuissances dominant le monde au lendemain de la Seconde
Guerre Mondiale n’en sont jamais venues à l’affrontement, et c’est en ce sens que cette guerre, première en
son genre, est restée « froide ». Mais l’originalité de cette guerre tient également à sa dimension planétaire :
progressivement, toutes les régions du monde deviennent enjeu stratégique et champ de rivalité (Europe, MoyenOrient, Afrique, Asie…
Alors, comment est-il possible d’expliquer la naissance d’une telle guerre ? De plus, celle-ci est de durée exceptionnelle :
comment expliquer le fait que la guerre froide, née dans des circonstances très particulières, ait pu conditionner
l’ensemble des relations internationales pendant si longtemps ? En effet, jusqu’à l’effondrement du bloc soviétique,
l’ordre mondial s’est construit autour de cet équilibre Est Ouest, équilibre fragile mais aussi largement codifié. Avant
l’accès aux documents et archives soviétiques, plusieurs tendances se sont succédées pour expliquer l’origine et
l’entretien de la guerre froide. A présent, l’ouverture des archives soviétiques permet non pas de clore le débat, mais
au moins de le recentrer. Ainsi, il est désormais possible, dans un climat plus apaisé, de faire le point sur nos
connaissances au sujet de cette guerre particulière. Ce sont elles, ainsi que ces nouveaux documents, qui nous
permettront de répondre aux deux questions posées précédemment.
Les origines de la guerre froide.
La question des origines de la guerre froide est particulièrement complexe : en février 1945 à Yalta, les « Trois
Grands » semblent s’accorder sur l’après-guerre et sur la lutte contre l’Allemagne nazie ; en 1947, l’alliance
vole en éclats, l’atmosphère cordiale disparaît, et deux camps se forment dans un monde à présent dominé et régi par
deux superpuissances. Comment expliquer cette rupture ?
Deux systèmes universalistes.
La dimension idéologique de la future guerre froide prend corps en 1917, lorsque, de part et d’autre d’une
Europe ravagée, l’URSS et les Etats-Unis prétendent chacun édifier un nouvel ordre mondial fondé sur des
principes novateurs, radicalement opposés, et par conséquent, incompatibles.
L’URSS et la révolution mondiale.
Pour Lénine, la révolution d’octobre 1917 est le prélude à la révolution mondiale. En effet, les conflits coloniaux et la
guerre sont les signes des contradictions internes du système capitaliste, et annoncent son effondrement : le monde
est bientôt prêt à accueillir la révolution. Mais l’URSS est aussi un état avec des intérêts particuliers et Staline résout
le dilemme en prônant la construction prioritaire du socialisme dans un seul pays. Les considérations idéologiques,
malgré tout, ne disparaissent pas. Elles tiennent dans la conduite de la politique extérieure soviétique une place parfois
secondaire, mais toujours importante.
Les Etats-Unis et l’internationalisme wilsonien.
C’est aussi en 1917 que Woodrow Wilson décide l’entrée en guerre des Etats-Unis. Il jette en même temps les bases
d’un ordre mondial qu’il souhaite voir construit sur les principes de la new diplomacy. Ces principes sont résumés
dans ses Fourteen Points (diplomatie ouverte et rejet des alliances secrètes ; droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ;
création d’une Société des Nations, etc…) Wilson croit en l’universalité de la démocratie politique et du libéralisme
politique ; il souhaite voir se construire un monde plus juste, fondé sur le droit.
Ainsi, dès l’entre-deux-guerres, l’URSS et les Etats-Unis se présentent comme les tenants de systèmes universalistes,
opposés dont l’affrontement ne peut cesser qu’avec la victoire de l’un sur l’autre.
On ne peut cependant affirmer que la guerre froide commence en 1917. En effet, la véritable guerre froide ne
peut commencer qu’à partir du moment où le conflit idéologique se double d’un conflit géopolitique entre les deux
Etats, ce qui n’est pas le cas en 1917 (pas d’antagonisme à l’échelle mondiale). L’année 1941 apparaît alors comme
le « tournant du siècle » (René Girault et Robert Frank): les deux pays entrent en guerre cette année-là et s’installent
au-devant de la scène internationale, pour ne bientôt plus quitter leur place. Toutefois, dans l’immédiat, les deux grands
sont toujours dans le même camp. Comment imaginer que cette alliance de circonstance conduise à terme les idéologies
à converger, l’une vers plus de liberté, l’autre vers plus d’égalité ?
Une mésentente croissante.
Téhéran.
Entre les trois grands alliés (URSS, Etats-Unis, Grande-Bretagne), le climat est bon jusqu’en 1945, au moins tant que
les préoccupations directement liées à la guerre restent prioritaires. En effet, les divergences fondamentales naissent
lorsqu’on évoque l’après-guerre. Staline, Churchill et Roosevelt se rencontrent à Téhéran du 28 novembre au 2
décembre 1943. Chacun y dévoile ses stratégies à long terme. Le principal objectif de Roosevelt est de faire accepter
sa conception d’une organisation internationale chargée de maintenir la paix après le conflit. Staline et Churchill
donnent leur accord de principe, mais restent évasifs. Les préoccupations de Staline, elles, sont plus concrètes. Il s’agit
pour lui de se doter, en Europe orientale d’un « glacis protecteur » ; il insiste sur le droit de son pays à la sécurité.
Mais le point fondamental est l’adoption du principe selon lequel en pratique, les pays libérés seront
administrés par la seule puissance occupante, en attendant la restauration d’un pouvoir politique (menant à la
« course à la libération. C’est accepter à terme, mais encore de façon provisoire, la constitution de fait de vastes
zones d’influence.
L’accord des pourcentages.
C’est la Grande-Bretagne qui s’inquiète le plus de la suprématie prévisible de l’URSS en Europe de l’Est.
Churchill analyse la situation avec réalisme, et raisonnant en termes d’intérêts particuliers, sauver ce qui peut l’être.
L’« accord des pourcentages » est le résultat d’une rencontre à Moscou en 1944 entre Staline et lui. L’accord,
largement favorable à l’URSS, révèle la réalité des rapports de forces et le réalisme des deux interlocuteurs.
Yalta.
Elle se tient du 4 au 12 février 1945. Les décisions les plus importantes qui y sont prises sont le partage de
l’Allemagne en quatre zones d’occupation (Fr, URSS, GB, USA), ainsi que la promesse de Staline de tenir des
élections libres dans les pays de l’Est contrôlés par l’Armée Rouge dès le retour d’une stabilité politique (cette
promesse n’est pas tenue). Les divergences apparaissent au sujet des réparations réclamées par Staline (20 milliards de
dollars). Mais Yalta n’est un partage ni de l’Europe, ni du monde, et on ne peut y trouver l’explication des origines
de la guerre froide. Au contraire, elle est une tentative d’aller contre ce partage en zones d’influence, pour œuvrer
à la renaissance démocratique de l’Europe. Mais l’esprit de Yalta ne pouvait subsister qu’avec le maintien de la
grande alliance.
Potsdam.
Cette troisième rencontre au sommet se déroule du 17 juillet au 2 août 1945 dans un contexte très différent :
Truman remarque que la promesse d’élections libres n’a pas été tenue et l’atmosphère est donc tendue. Tant
qu’il s’agit de tourner la page du nazisme, l’accord est facilement trouvé. Pour le reste, c’est l’heure du marchandage,
lorsqu’il s’agit d’aborder la question de la reconnaissance des frontières (celles de la Pologne notamment). Mais la
décision la plus lourde de conséquences concerne les réparations allemandes, et le seul moyen pour les alliés
de s’entendre est de laisser chacun libre d’agir où ses troupes sont présentes (les USA concèdent à l’URSS de se
payer elle-même en puisant des richesses dans sa propre zone d’occupation allemande par exemple). Ce compromis
résulte de l’obstination de chacun, et non d’une volonté américaine d’isoler la zone soviétique pour construire une
Allemagne occidentale à leur goût. Paradoxalement, sur le plan politique, Potsdam s’efforce de maintenir l’unité
allemande, d’où un décalage entre intention et réalité : comment maintenir l’unité politique allemande (intention)
avec un tel compromis sur les réparations (réalité) ?
La conférence de Moscou.
Les responsables des Affaires Etrangères des trois pays se réunissent à Moscou en décembre 1945. L’idée que chacun
est « maître chez soi » est admise petit à petit. Exemple : Molotov laisse les USA administrer le Japon comme ils
l’entendent et aider les nationalistes chinois. Les principes de Yalta sont maintenus par Byrnes (sec. d’Etat américain)
non parce qu’il souhaitait la division allemande, mais parce que la conjurer allait forcément provoquer un conflit avec
l’URSS. La notion de zone d’influence s’est peu à peu imposée, et l’alliance se détériore progressivement dans un
engrenage dépassant la volonté des uns et des autres.
La puissance des Etats-Unis.
La question de l’impérialisme américain.
Au lendemain du conflit mondial, les Etats-Unis disposent de tous les atouts pour imposer leur vision des
relations internationales. Une question se pose donc inévitablement : sont-ils animés d’une volonté délibérée de
domination ? Cette superpuissance subordonne-t-elle l’ensemble de sa politique à ses intérêts économiques ? Nul ne
songe à nier les réalités d’un impérialisme qui se manifeste par exemple au Moyen-Orient. Mais mettre la diplomatie
de Washington au service du big business et l’accuser d’avoir rompu la grande alliance pour pouvoir étendre et affirmer
ses marchés serait excessif. En 1945, le projet américain s’appuie aussi sur la recherche de la paix et l’extension
de la démocratie. Autre question qu’il est possible de se poser : on sait que la décision d’employer la bombe sur
Hiroshima et Nagasaki fut motivée par la volonté d’achever le conflit mondial. Mais dans quelle mesure la volonté
d’impressionner les Soviétiques a-t-elle joué dans la prise de décision ? Ainsi, ceci montre que si l’on ne peut accuser
l’impérialisme américain d’avoir été à l’origine de la guerre froide, il ne faut pas non plus sous-estimer les
ambiguïtés, la duplicité de la diplomatie américaine, ni nier les effets de cet impérialisme : les réalités sont plus
complexes que cela. Le drame d’Hiroshima montre combien il est difficile de démêler dans la question des
origines ce qui relève de la réaction (préoccupation défensive), et ce qui relève de l’intention (préoccupation
offensive).
Les organisations internationales.
La pax americana voulue par Washington repose sur quelques principes : nécessité de tirer un trait sur
l’isolationnisme, et de reconnaître qu’il ne peut y avoir de paix que mondiale. La paix doit être mondiale et fondée
sur le droit à l’opposé de l’équilibre européen traditionnel. L’instrument de cette politique, c’est l’ONU. L’assemblée
générale au sein de l’ONU assure le leadership américain (chaque pays dispose d’une voix, et les 20 pays d’Amérique
Latine soutiennent les USA dans leurs décisions…) Le Conseil de Sécurité, véritable organe décisionnel de l’ONU,
compte parmi ses membres permanents trois pays favorables aux USA (GB, Fr, Chine) ; ainsi, si l’URSS ne peut
utiliser le Conseil à ses fins contrairement aux USA, elle dispose néanmoins d’une possibilité de blocage avec
son veto. Les institutions économiques et financières internationales mises en place à Bretton Woods en 1944
confirment la prédominance américaine (seul le dollar est convertible en or). Le FMI est dominé par les USA et
n’accorde des crédits qu’aux pays dont la politique économique s’accorde aux directives de Washington. Idem pour les
aides provenant de la Banque Mondiale. Mais ces organismes ne s’inscrivent pas dans la perspective de la guerre
froide : ils ne sont pas dirigés contre l’URSS mais contre les concurrents potentiels des USA (GB, et à un moindre
degré, Fr…).
Les initiatives soviétiques.
Les objectifs de Staline.
Il est difficile d’apprécier les objectifs réels de l’URSS en 1945, surtout à l’égard des pays de l’Europe de l’Est. En
premier lieu, il existe une multitude d’organismes traitant des Affaires Etrangères, Staline coiffant le tout et prenant
les décisions importantes. Que Staline, en deuxième lieu, décide seul, donne à la politique étrangère de l’URSS
un caractère imprévisible et désordonné, reflet des hésitations et de la prudence extrême du dictateur. Entre 45 et
52, la politique allemande de l’URSS semble osciller entre trois solutions :
- une Allemagne neutre, unifiée et démilitarisée
- une Allemagne unifiée et sous contrôle communiste (mais à caractère « démocratique » pour pouvoir
convaincre les populations ouest-allemandes)
- la transformation de la zone orientale en Etat « soviétisé », solution qui n’a pas les faveurs de Staline, seulement
celles des communistes est-allemands. D’ailleurs, le blocus de Berlin en 48 serait une ultime tentative de
la part de Staline pour éviter la division de l’Allemagne.
Ne pouvant connaître les objectifs de Staline, on ne peut que formuler des hypothèses et s’appuyer sur l’examen des
réalisations. Celles-ci manquant de cohérence, on peut en conclure que Staline n’avait pas de politique allemande
prédéfinie, agissait sur le court terme et de façon réactive. Ou alors, ses projets initiaux se sont heurtés à des obstacles,
et il a dû composer avec les réactions des alliés et de la population ouest-allemande. Enfin, il est difficile de démêler
ce qui relève de l’idéologie et ce qui relève de la realpolitik. Soit l’idéologie a inspiré l’expansionnisme
soviétique (et alors l’URSS est largement responsable de la guerre froide), soit les préoccupations de sécurité
donnent à cette politique un caractère surtout défensif (et c’est l’enchaînement des faits et réactions qui est à
l’origine de la crise). Or les archives soviétiques permettent d’éclaircir ce point. Si l’on favorisait auparavant
davantage la seconde hypothèse, l’examen des archives montrent un Staline certes inquiet de la sécurité de son
pays (programme minimal : le glacis protecteur), mais aussi prudemment expansionniste (programme
maximal : les objectifs expansionnistes). Idéologie et realpolitik ne s’opposent pas forcément. C’est ce que les
historiens Zubok et Pleshakov appellent le paradigme révolutionnaire-impérial. Ainsi, par son double jeu,
Staline supporterait la part la plus lourde des responsabilités dans les origines de la guerre froide.
L’expansion du communisme en Europe de l’Est.
Staline suit en Europe de l’Est la politique du « tout le monde impose son système aussi loin que son armée puisse
avancer ». En conséquence, l’avancée de la soviétisation en Europe de l’Est se fait très rapidement ressentir,
notamment en Hongrie, en Tchécoslovaquie, en Pologne, en encore en Yougoslavie (même si le cas yougoslave diffère
quelque peu des autres, puisqu’il échappe plus tard au contrôle de Moscou). En effet, dès 1945, si les communistes
ne dominent pas encore totalement dans ces pays, ils contrôlent les rouages essentiels qui leur permettront
d’accéder au pouvoir très rapidement.
Les crises de 1946.
Si l’année 1946 n’est pas encore celle de la guerre froide, c’est toutefois celle où les ambiguïtés se révèlent telles
que tout accord semble impossible.
L’épisode iranien montre, outre l’incompétence de l’ONU, la prudence de Staline qui fait marche arrière devant
le risque d’un conflit (car l’Iran, pour Staline, ne présente pas le même intérêt stratégique immédiat que l’Europe de
l’Est). Autre crise, plus longue et plus complexe, celle de la Grèce. Face à la guerre civile, l’ONU, interpellée par le
gouvernement d’Athènes, est incapable d’agir : elle rend en mai 47 deux rapports aux conclusions opposées…Sur
le dossier allemand, les discussions restent au point mort, les vues de chacun étant incompatibles entre elles; et en
1947, avec la création de la bizone et l’absorption du parti socialiste par le parti communiste dans la zone
soviétique, la partition semble inévitable. Ainsi, les caractéristiques de la période à venir sont déjà annoncées :
impuissance des organisations internationales, échec des tentatives négociées entre alliés. Le nouvel ordre
mondial censé survivre à la grande alliance a déjà fait faillite.
La perception anglo-américaine d’un danger soviétique.
Il est important de savoir si la politique stalinienne était offensive ou défensive, inspirée par l’idéologie ou la
géopolitique ; il l’est encore plus, pour comprendre la suite des événements, de savoir comment les Américains en 1946
interprètent ses initiatives. Jusqu’en 1946, Truman pensait réellement trouver un terrain d’entente. Mais le tournant
décisif date du 22 février 1946 : pour Georges Kennan, porteur d’une nouvelle analyse, la nature expansionniste du
communisme est évidente, et il ne croit pas à la bonne volonté de Staline. C’est l’idéologie, tout autant que le besoin
de sécurité, qui mènent son action. Le compromis est inutile selon Kennan, et les USA doivent réagir avec
fermeté. C’est ainsi qu’est apparu le containment ou volonté d’endiguer le communisme partout où il tente de
s’imposer, tout en admettant sa présence là où il est déjà en place. C’est reconnaître la perte de l’Europe de l’Est, tout
en poussant implicitement les Américains à constituer leur propre zone d’influence. En moins de deux ans, entre les
USA et l’URSS, la confiance a laissé place à la méfiance puis à la défiance.
1947, l’aboutissement d’un processus.
La doctrine Truman.
Le 12 mars 1947, Truman tire les conséquences du containment, Truman prononce devant le Congrès un discours
qui jette les bases de la nouvelle doctrine. Le ton du discours est volontairement agressif. Il n’y a plus de place
pour la nuance : «chaque nation se trouve désormais en face d’un choix à faire entre deux modes de vies
opposés », dit-il. Les Américains tournent définitivement le dos à l’isolationnisme : la résolution Vandenberg du 11
juin 1948 consacre ce changement total de philosophie. L’intervention américaine dans les affaires grecques souligne
aussi les limites de la puissance britannique qui n’a plus les moyens d’assumer sa politique impériale. Il n’y a bien
que deux superpuissances.
Le plan Marshall.
Le plan Marshall, annoncé en juin 1947, a pour but de reconstruire l’Europe, et de trouver des débouchés aux
produits agricoles et industriels américains. Il a donc pour fonction première de rétablir le plus rapidement possible
un certain équilibre de part et d’autre de l’Atlantique : c’est tout le système de Bretton Woods qui est en jeu. On y
retrouve aussi l’idée selon laquelle seule la prospérité et le libéralisme économique garantissent les libertés politiques
(a contrario, les difficultés économiques de l’Europe et la misère sociale qui en découle sont d’excellent tremplins pour
le communisme). Le plan s’inscrit donc parfaitement dans le containment. Toute la subtilité du plan tient dans le
fait qu’a priori, l’aide s’adresse aussi à l’URSS. Mais l’aide a pour objectif de participer à la « renaissance d’une
économie active dans le monde, afin que soient crées les conditions politiques et sociales où de libres institutions
puissent exister » selon Marshall. Ainsi, l’URSS se voit obligée de refuser l’aide, et cet artifice permet à
Washington de rejeter sur l’URSS les responsabilités de la rupture. Ce n’est pas le plan Marshall qui coupe
l’Europe en deux, mais le refus soviétique. Le plan aboutit par ailleurs à la création de l’OECE : ce premier organisme
européen rassemblant les 16 pays bénéficiaires et tenants du libéralisme est l’ébauche d’un bloc occidental face à
l’Europe communiste. L’Europe occidentale se tourne sans équivoque vers l’Atlantique.
Le Kominform.
Face au bloc occidental nouveau-né, l’URSS organise son camp et consolide ses liens. Le Kominform, crée en
septembre 1947, est un véritable organe de coordination politique du communisme en Europe. Les discours
marquants d’Andrei Jdanov et du délégué yougoslave Djilas sont une confirmation du fait qu’à présent, la division du
monde en deux blocs est une évidence, s’imposant à l’échelle mondiale, européenne, et même nationale (ex : le PCF
adopte une attitude d’extrême intransigeance face au plan Marshall après le discours de Djilas). Chacun doit faire un
choix : il n’y a plus de place pour la diplomatie ou la conciliation.
Guerre froide et coexistence pacifique (1948-1962)
L’Europe divisée
Le blocus de Berlin : l’échec du coup de force de Staline qui débouche sur l’union des alliés dans la création de la RFA
Le statut de Berlin Est reflète en miniature celui de l’Allemagne : elle est divisée en quatre secteurs dirigés par les
commandements d’occupation.
Après l’échec de la conférence de Londres de décembre 1947, dite « conférence de la dernière chance », les
occidentaux sont convaincus de l’impossibilité de trouver une solution commune au problème allemand, les
occidentaux amorcent alors un processus de création d’une Allemagne indépendante. Ils se réunissent sans les
Soviétiques dès 1948, à Londres, en juin sont publiées les « recommandations de Londres » qui prévoient : la fusion
des trois zones d’occupation, la création d’un état fédéral allemand et la création d’une assemblée constituante pour
septembre.
C’est l’annonce en Juin 1948 de l’introduction d’une nouvelle monnaie en dans les zones occidentales (y compris dans
les secteurs de Berlin) qui incitent Staline à contre-attaquer. Le 24 juin 1948, Staline ferme tous les accès aux secteurs
occidentaux de la ville. Le blocus dure de juin 1948 à mai 1949. Les Américains et la GB ont résisté par un pont
aérien, ravitaillant la ville pendant presque un an. On note le refus de l’escalade armée, Truman renonce à envoyer les
chars et envoie plutôt une centrale électrique en pièces détachées qui est montée sur place et permet de surmonter
l’hiver.
L’objectif de Staline était d’empêcher la création d’un état ouest allemand sous domination occidentale, de récupérer
l’enclave de Berlin Ouest, et de faire échouer la reconstruction d’une Europe occidentale sous influence américaine.
En mai le blocus est levé, les administrations quadripartites ne sont plus convoquées, Berlin est désormais divisés en
deux secteurs et municipalités restreintes.
Bilan de la crise : échec patent de Staline, il obtient finalement les résultats inverses de ses objectifs, le blocus visait à
empêcher la constitution d’une All de l’ouest, et finalement il a accéléré l’unification des alliés et la création de la
RFA : la France se range dans l’urgence du côté américain, son nouveau ministre des AE Schuman incarne une
politique allemande atlantique et européen.
Deux Allemagnes
8 mai 1949, création de la RFA par l’adoption de la « loi fondamentale » du nouvel état, fusion des trois zones
occidentales. Konrad Adenauer, leader du parti démocrate-chrétien. Réaction : 7 octobre 1949, création de la RDA
Désormais l’Europe est divisée en deux, la frontière passe au cœur de l’All et même au cœur de Berlin, RFA et RDA
ne se reconnaissent pas l’une l’autre, ont chacune la prétention de représenter seule l’ensemble des Allemands et
apparaissent comme la vitrine de deux systèmes opposés.
Les systèmes d’alliances
Après le coup de Berlin a lieu « le coup de Prague », qui achève de convaincre les européens que le danger premier
n’est plus seulement l’Allemagne et qu’ils doivent solliciter l’aide américaine.
-Coup de Prague : La Tchécoslovaquie était gouvernée par un gouvernement de coalition dirigé par Gottwald
(communiste). Mais l’injonction soviétique de refuser le plan Marshall provoque un fort mécontentement de la
population, les 12 ministres non communistes démissionnent. Ils manifestent contre le noyautage de la Sureté par la
PC et pour provoquer des élections anticipées. Gottwald déclare alors l’état de siège, fait procéder à de multiples
arrestations, organise des manifestations ouvrières de masse. Le 25 fev 1948, le gouvernement Benès doit accepter
la formation d’un gouvernement largement dominé par les communistes, à l’exception de Jan Masaryk, ministre
des affaires étrangères, qui se suicide deux semaines plus tard dans des conditions mystérieuses. Benès lui-même
démissionne le 7 juin après des élections où seuls figurent sur liste unique, des candidats communistes.
-L’Alliance atlantique : Le traité de l’Atlantique Nord est signé le 4 avril 1949, par 12 pays. Les pays européens
ont dû convaincre au cours de long mois un congrès isolationniste. En échange, les EU obtiennent un engagement
d’aide européenne en cas d’agression.  En pratique, l’Europe remet volontairement sa sécurité entre les mains des
EU. Les EU, à regret, en signant ce pacte d’alliance régionale, reconnaissent l’incapacité de l’ONU à garantir la
paix mondiale. Les EU troquent leur idéal fondé sur le droit international pour en revenir à une conception plus
traditionnelle et réaliste de l’équilibre des forces.
-Le camp soviétique : Premier Schisme du camp Soviétique : juin 1948, exclusion de Yougoslavie du Kominform
pour « déviationnisme idéologique ». Pourquoi ? Staline n’a jamais réussi à contrôler la Yougoslavie comme les
autres démocraties populaires. Tito lui fait de l’ombre : sa personnalité indépendante est très populaire, or il ne peut y
avoir deux chefs dans le camp communistes. D’autant plus que Tito cherche à former une confédération avec
l’Albanie et éventuellement la Grèce.
L’accusation de « Titisme » permet à Staline de renforcer son influence sur les démocraties populaires : les
équipes dirigeantes souvent issues des mouvements de résistance sont dès 1949 systématiquement épurés, c’est le cas
de l’ancien ministre de l’intérieur Laszlo Rajk en Hongrie, exécuté après un simulacre de procès exemplaire.
Cette reprise en main achève de faire de Staline un maitre absolu en Europe de l’Est
Janvier 1949 : Formation du COMECON : réponse au plan Marshall. Le COMECON s’en distingue par la
domination exercée par Moscou au sein du conseil économique d’assistance mutuelle. Le comecon devient un
instrument de contrôle de l’économie des états communistes, et d’exportation du modèle économique de
l’URSS (éco planifiée, étatisée, centralisée, collectivisée). Pays membres satellisés : Pologne, Tchécoslovaquie,
Roumanie, Hongrie, Bulgarie et RDA à partir de 1950. Le comecon est un instrument majeur de la satellisation : les
états n’ont pas les moyens de leurs plans quinquennaux, donc création d’entreprises mixtes financées par les
soviétiques ce qui se traduit par une vassalisation. La dépendance nouvelle créée se manifeste par la structure du
commerce extérieur de ces pays : 65% des échanges totales de ces pays se font entre états membres.
Les débuts de la construction européenne
La guerre froide permet aux projets européens de susciter un intérêt nouveau. Les EU sont très favorables à une
intégration européenne qui souderait un camp contre le bloc de l’Est de plus en plus soudé. Ainsi ils souhaitent
que l’OECE devienne plus qu’un simple instrument de distribution du plan Marshall et deviennent une véritable union
économique. Toutefois : France réticente, car méfiance vis-à-vis de l’Allemagne, la GB craint pour son indépendance
et ses liens privilégiés avec les EU.
L’amorce d’une intégration européenne par l’économie se fera donc hors de l’OECE et sans la GB : à l’initiative de
Schuman en 1950, création de la CECA, communauté européenne du charbon et de l’acier, plaçant l’ensemble de la
production française et allemande sous une Haute autorité commune, c’est un organe supranationale, qui a la possibilité
d’imposer ses vues au gouvernement.
En fait, la CECA est vue comme une première étape et non une fin, dans l’établissement d’une union garantissant
la paix. De plus, on note l’habileté de Monnet : la CECA concerne le secteur sidérurgique, et donc l’armement, cette
union permet à la France de contrôler indirectement le réarmement All tant redouté, l’habileté de Monnet a été de
jouer sur les craintes de la classe politique française pour amorcer la coopération.
La guerre froide en Asie
La victoire du communisme en Chine
Les communistes chinois, qui ont su gagner les campagnes, proclament la République populaire de Chine le 1
octobre 1949. Résulte non d’une satellisation de l’URSS mais d’un processus interne, autonome, pour la première fois
un régime communiste hors d’Europe.
Dans l’immédiat, le bloc communiste est renforcé, dès décembre 1949, Mao est à Moscou pour définir avec Staline les
formes d’une coopération sino-soviétique. Un traité d’alliance économique est conclu en février 1950. Il prévoit
une alliance défensive contre le Japon et ses alliés (les EU sont donc visés), et une coopération militaire étroite. Les
deux pays agissent de concert : reconnaissance du Vietminh communiste comme le gouvernement légitime du Vietnam
alors que la France est en guerre contre le mouvement en Indochine.
 On note toutefois les divergences idéologiques entre l’URSS de Staline et la Chine de Mao : marxismeléninisme de Staline vs communisme chinois qui s’appuie sur les paysans
Réaction Américaine : Crainte des républicains isolationnistes, il faut reconsidérer l’influence américaine dans le
Pacifique. Fait capital : le 29 août 1949, l’URSS fait exploser sa première bombe atomique. Enclenche une course
aux armements beaucoup plus agressive. Les dépenses militaires des EU, en 1953, représentent 67% du budget fédéral.
L’objectif s’éloigne du containment et s’attaque directement à l’influence soviétique. En janvier 1950, Truman lance le
projet de mise au point de la Bombe H (thermonucléaire)
La guerre de Corée (1950-1953) : La guerre de Corée est l’un des sommets de la GF.
A l’issue de WWII, la Corée, ancienne colonie japonaise, est occupée par les vainqueurs. Au Nord par les EU, au Sud
par l’URSS. Victime de la GF, l’ONU ne peut concrétiser le projet d’union et entérine la séparation au moment
de l’évacuation des troupes alliées : en octobre 1947, le scénario All semble se répéter, deux états, deux
gouvernement : Kim Il Sung, communiste proche de Staline / Syngman Rhee, dictateur imposé par Washington.
Kim Il Sung convainc que le moment de l’unification est venu, et reçoit des munitions, des conseillers militaires, du
matériel. Décision de Staline liée à l’assurance retrouvée à la suite de la prise du pouvoir communiste en Chine,
l’obtention de la Bombe atomique et volonté de compenser l’échec du Blocus de Berlin qui a constitué un aveu
de faiblesse. L’absence de réaction des EU en Chine leur donne l’illusion que les EU n’interviendront pas en Asie.
L’erreur de Mao, Staline et Kim Il Sung : avoir sous-estimé la réaction américaine. Or les EU profitent de l’erreur
tactique de l’URSS : l’URSS fait la politique de la chaise vide au conseil de sécurité pour protester contre la non
reconnaissance par l’ONU du gvt Chinois, ce qui permet au conseil de voter une résolution exigeant le retrait des
troupes nord coréennes sur le 38ème parallèle. Une coalition de 16 pays est envoyée en Corée, sous la bannière de
l’ONU, mais 90% des effectifs sont américain et la coalition est dirigée par la général Mc Arthur. S’ensuit :
invasion des armées nord coréennes dans le sud, puis repoussées même au-delà de la frontière, montrant la volonté des
EU d’outrepasser les objectifs initiaux de l’ONU en enclenchant une réunification de la Corée, puis intervention des
« volontaires » chinois, contre-attaque des EU et armistice.
L’armistice est signé le 27 juillet 1953 à Panmunjon, rétablissant le statu quo ante, rétablissant deux états séparés
par le 38ème parallèle => une guerre pour rien ?
Enseignements du conflit :
-Révèle la grande prudence des EU et de l’URSS : l’URSS n’envoie pas l’armée rouge, les EU interviennent sous
couvert de l’ONU, la Chine utilise le prétexte de « volontaires » chinois et non armée nationale. Truman congédie
même Mc Arthur quand celui-ci propose d’utiliser l’arme nucléaire => refus d’enclencher une guerre mondiale, on
note que paradoxalement, la Bombe atomique est efficace comme instrument de dissuasion mais incapable de
résoudre ce genre de crise.
-Désormais, la guerre froide prime sur toute autre considération : les EU soutiennent des régimes aux antipodes
de leur idéaux comme la Corée du Sud, les Philippines ou Taiwan. On souligne les contradictions de la politique
extérieure des EU: la défense du modèle démocratique est la finalité de la GF et pourtant transgression de cet
idéal par anticommunisme. De même, soutiennent la France en Indochine alors que dans les conflits coloniaux leur
position était celle d’une puissance qui défendait les mouvements indépendantistes.
Les conséquences de la guerre de Corée en Europe
Offensive idéologique et militaire des EU :
-idéologique : propagande atlantiste, aux EU, le Red Sacre de McCarthy (cf execution sans preuve du couple Rosenberg
accusés d’être des espions)
-militaire : expérimentation de la Bombe H en 1952. L’Alliance atlantique affermit sa dimension militaire par la mise
en place en 1951 d’une organisation du traité de l’Atlantique Nord. (OTAN) : doté de structures de commandement
internationales : le Conseil de l’Atlantique est la plus haute autorité de l’alliance, les structures militaires comportent
un état-major international, 300 000 soldats américains prennent pieds en Europe occidentale.
Les réactions de l’URSS : Il semble que , impressionné par le dispositif militaire américain, Staline ait craint une guerre
imminente, d’où : plan quinquennaux qui placent l’industrie lourde et l’armement en priorité, préparation d’une grande
épuration.. Politique interrompue par la mort du dictateur.
Le problème du réarmement Allemand :
Les Européens, soucieux pour leur sécurité, ont largement insisté pour les EU dotent le pacte Atlantique d’une
structure militaire et déploie ses forces sur le continent. Les Américains acceptent, mais sous conditions : le
réarmement allemand et le rétablissement de la pleine souveraineté de de la RFA.
Or à l’époque, la préoccupation sécuritaire française est double : crainte de l’URSS, et même peut-être encore plus
crainte de l’Allemagne. Voir l’All se réarmer 5 ans seulement après la guerre est impensable.
De nouveau, Jean Monnet décide d’utiliser, après l’initiative de la CECA, la construction européenne pour encadrer la
reconstruction et le réarmement allemand. En octobre 1950, par le biais du pst du conseil René Pléven, présente
son projet de CED (communauté européenne de défense), c’est-à-dire une armée européenne incluant des contingents
allemands. L’objectif des Français est le même que pour la CECA : placer l’armée allemande sous contrôle français.
Appuyés par les EU, les six membres de la CECA signent à Paris en 1952 le traité instituant la CED. La veille,
le traité de Bonn rétablit la pleine souveraineté de la RDA. Les deux questions sont liées.
Mais en France, le refus de l’AN de ratifier la CED met le projet en échec en août 1954. Pq ce refus ? Les
gaullistes refusent une amputation de la souveraineté nationale dans un domaine aussi fondamental que l’armée. Refus
des communistes. Le principal obstacle était d’ordre psychologique : il était sans doute trop tôt pour voir défiler
ensemble armée allemande et françaises.
CSQ : réoriente la construction européenne dans la sphère de l’intégration éco. Adoption de la solution initiale : la
RFA intègre l’OTAN par les accords de Paris en 1954. Les Français n’osent pas protester.
Dégel et coexistence pacifique
Le dégel
Décès de Staline. Evincement rapide de Beria, Malenkov, Molotov, Khrouchtchev est le maître du Kremlin dès 1953.
Dès lors : évolution de l’attitude de l’URSS, avant la proclamation officielle de la « coexistence pacifique ». Comment
l’expliquer ?
-le retard accumulé par l’URSS, notamment en matière d’armement nucléaire, est tel qu’une guerre contre les EU
est pour l’instant inenvisageable. Il faut d’abord combler le décalage.
-K est convaincu de la supériorité du communisme, le capitalisme, en prise avec la décolonisation, est condamné à
l’implosion.
Surtout : la doctrine Jdanov de lutte agressive contre le camp occidental a eu l’effet inverse de l’objectif
escompté, le camp n’a cessé de se renforcer par des alliances.
L’évolution des dirigeants américains contribue aussi au dégel. La nouvelle équipe au pouvoir, avec le président
Eisenhower dès 1952 et son secrétaire d’état Jon Foster Dulles veulent réduire les dépenses militaires et mettre un
terme à l’escalade des tensions entamée par la politique de Truman. Les EU prennent conscience que la politique de
« représailles massive » était efficace comme outil de dissuasion, afin d’éviter une guerre mondiale, mais non pour
régler des conflits localisés et limités, dans ce cas, il faut favoriser la négociation.
Amorces de la détente :
-Armistice de Panmunjom
-Traité d’Etat Autrichien, signé le 15 mai 1955, par les quatre ministres des AE des puissances occupantes, pour
la première fois depuis 47 les représentants des 4 se réunissent. =>L’Autriche retrouve sa pleine souveraineté et adopte
de son plein gré un statut de neutralité.
La déstalinisation : le dégel se manifeste aussi à l’intérieur du monde communiste : Voir cours que-sais-je XXème
Congrès, puis émeutes en Pologne, et en Hongrie.
Création du pacte de Varsovie en 1955, alliance militaire réunissant sous la direction soviétique l’ensemble des
démocraties populaires. Le pacte institutionnalise des relations entre l’URSS et ses satellites, qui reposaient jusque-là
sur des accords bilatéraux.
La crise de Suez
Année 1956 : très riche en évènements. La crise de Suez focalise l’attention sur une région du monde où la guerre
froide ne s’est pas encore clairement manifestée : le Proche et le M-Orient.
Décolonisation, réveil du monde arabe. Le 26 juillet 1956, le colonel Nasser, qui dirige l’Egypte depuis peu,
annonce en public, d’un ton provocateur, la nationalisation du canal de Suez pour financer la construction du
Barrage sur le Nil, à hauteur d’Assouan. Objectif : hydroélectricité + irriguer l’agriculture, participe au projet de
modernisation de l’Egypte de Nasser. C’est un camouflet pour la GB, principale actionnaire de la compagnie et ancienne
puissance « protectrice » de l’Egypte. C’est également un échec pour les EU, qui avaient refusé l’octroi d’un prêt par
la banque mondiale sous prétexte de la proximité de Nasser avec l’URSS, en effet Nasser reçoit des équipements de la
Yougoslavie.
Ce geste spectaculaire a une grande portée symbolique : symbolise la volonté d’émancipation dans tout le monde
arabe, que traduisent au même moment les indépendances du Maroc et de la Tunisie et le combat mené en Algérie
contre la France par le Front de libération nationale.
La nationalisation contre l’Egypte provoque la formation d’une coalition aux motifs hétéroclites, hors guerre froide :
la France est convaincue que Nasser finance le FLN, la GB est rapidement convaincue par la France car elle cherche
désespérément à récupérer ses intérêts perdus en Egypte et Israël est inquiet quant au nationalisme arabe dans la
région. A Sèvres, en octobre, les trois puissances mettent au point une stratégie machiavélique pour récupérer
le canal sans montrer à la communauté internationale qu’il s’agit d’un coup de force : Israël envahira en premier, alors
Paris et Londres lanceront un ultimatum exigeant le retrait des troupes Israéliennes et Egyptiennes, face à leur refus
leur intervention trouvera une justification et aura lieu, le but est de pousser Nasser à libérer le canal et à céder le
pouvoir.
Mais l’intervention soviétique et américaine déjoue le scénario : L’URSS réagit vit et violemment, K évoque une
riposte nucléaire sur la France et l’Angleterre, c’est un coup de bluff, l’URSS n’a pas les moyens techniques d’une telle
attaque, mais l’avertissement est efficace. Parallèlement, les EU sont furieux de ne pas avoir été consulté, et considère
l’intervention franco-britannique comme une violation du pacte atlantique (d’autant plus que les EU ont des appuis
stratégique en Arabie Saoudite, il ne veut pas envenimer un conflit dans la région, il faut ménager le nationalisme
arabe). De fait, ils font pression à l’ONU qui condamne massivement l’opération, et lancent une attaque décisive contre
la livre Sterling, laquelle modère immédiatement les prétentions britanniques. Les forces françaises, anglaises,
Israéliennes quittent l’Egypte, remplacée par une force d’interposition de l’ONU, ce sont les premiers casques bleus.
Conséquences fondamentales, crise révélatrice d’un nouveau partage des pouvoirs à l’échelle du monde :
-La crise consacre l’effacement, au MO comme dans le monde des anciennes grandes puissances que sont
devenues la France et la GB. Le temps du colonialisme et de la diplomatie de la canonnière est révolu. En contrant
l’intervention de la France et de la GB en Egypte, en invoquant le prétexte d’une intervention hors OTAN, non
négociée multilatéralement, les EU imposent de fait la fin de l’indépendance de la politique extérieure de ces
deux pays.
Réactions : l’Angleterre résignée, réintègre vite le giron américain, et place dès 1957 ses forces nucléaires sous le
contrôle de Washington. La France à l’inverse redéfinit sa stratégie et décide en 1956 de se doter à court terme de
l’arme atomique pour retrouver une influence qui lui échappe.
De leur côté, les EU et l’URSS en profitent pour prendre le relais des puissances coloniales au MO : Eisenhower
définit une nouvelle politique d’assistance financière et matérielle aux pays en dvpt qui n’adoptent pas le modèle
communiste. L’URSS passe des accords avec Nasser, finance en parti le barrage d’Assouan et fait pour une vingtaine
d’années l’Egypte le bastion de sa présence dans la région.
 Le Tiers monde devient un nouveau champ de rivalités.
La politique extérieure de Nikita Khrouchtchev
K, dans sa personnalité, ses méthodes, ses attitudes, forme un immense contraste avec Staline. L’homme d’abord :
extraverti, jovial, autoritaire, capable de passer du rire à la colère la plus noire. L’image de son discours à l’ONU en
60 où il martèle son propos en frappant le pupitre de sa chaussure a fait le tour du monde. Il sait se rendre
populaire et utiliser les média. K, au contraire de Staline qui ne sortait jamais de l’URSS, voyage beaucoup, en Autriche,
en France, aux EU, en Chine. A Pittsburg il déclare devant les caméras « je suis venu voir comment vivent les esclaves
du capitalisme ; eh bien, dois dire qu’ils ne vivent pas mal. A l’image du personnage exubérant, sa diplomatie manque
parfois de calcul, de subtilité, sous-estime les risques.
On note toutefois que le changement est avant tout formel, dans le fond, la politique extérieur de l’URSS évolue
peu : la coexistence pacifique ne marque pas la fin de la guerre froide, comme le montre l’écrasement des
revendications en Pologne et en Hongrie en 1956, ainsi que la construction du mur de Berlin en 1961.
L’interprétation de l’URSS de la « coexistence pacifique » est la suivante : certes, pas d’intervention dans le camp
adverse MAIS en aucun cas abandon de l’objectif d’expansion du modèle communiste (d’où des conflits avec les
EU qui ont une interprétation plus large de la coexistence pacifique). Son apport à la politique extérieure soviétique :
plus de souplesse idéologique en acceptant que ses alliés divergent parfois sensiblement de l’idéologie marxisteléniniste, ce qui s’avère efficace à Cuba, en Egypte et dans certains pays d’Afrique. En revanche, elle le brouille avec la
Chine. Porte un nouvel intérêt aux pays du tiers-monde.
Après une période de relative détente, (rapprochement avec la Yougoslavie..), la période 1957-1962, marque un net
durcissement de la politique vis-à-vis de l’occident.
1957 : lancement du Spoutnik, donne de l’assurance à K, prouesse technologique qui donne de l’avance à l’URSS
K décide alors de relancer l’offensive sur Berlin : l’enclave capitaliste selon lui est comme une « une tumeur
cancéreuse », un îlot capitaliste au sein du bloc communiste, c’est une brèche ouverte dans le rideau de fer qui se
traduit par une hémorragie démographique : de 1952 à 1961, 2,3 M d’Allemands passent à l’Ouest via Berlin. En nov
1958, une note soviétique exige le rattachement de Berlin Ouest à la RDA ou son internationalisation sous le contrôle
de l’ONU. Menace d’accorder à Berlin Est sa pleine souveraineté si aucune solution n’est trouvée passé le délai de
6mois. Ce qui mettrait l’Ouest dans une situation intenable. Les Américains, soutenus par DG et Adenauer, optent
pour la fermeté et K revient sur ses prétentions. Il se résout finalement à stopper l’hémorragie de pop par la manière
forte : en interdisant tout passage entre les deux parties de la ville, dans la nuit du 12 au 13 août 1961, est construit le
mur de Berlin. C’est un terrible aveu d’échec pour l’URSS.
La conquête de l’espace : Domaine où la compétition pacifique entre les deux grands fut des plus spectaculaires et
passionnées. Au moins jusqu’au début des années 1970, elle revêt une importance idéologique et stratégique majeure au
service de la propagande américaine et soviétique.
1957 : lancement de Spoutnik par l’URSS, le premier satellite, qui pdt des mois fait entendre sur toutes les radios son
signal sonore. Le choc provoqué par Spoutnik est considérable : « Le ciel m’était toujours apparu comme amical, mais
il me sembla soudain lourd de menaces, et je réalisai pour la première fois que mon pays n’occupait peut être pas la
première place en toutes choses ».
1961 : Yori Gagarine devient le premier homme à accomplir une révolution autour de la terre.
=>Le prestige de l’URSS est à son apogée, récits dithyrambiques à l’intérieur comme à l’extérieur.
Réaction des EU : création de la NASA en 1958, représente un quart des dépenses fédérales de Recherche.
En 1961, Kennedy relève le défi de la « nouvelle frontière » à conquérir, il lance le programme Apollo dont l’objectif
est d’envoyer les hommes sur la Lune avant la fin de la décennie. C’est chose faite en 1969, les EU ont in fine
gagné la conquête de l’espace.
L’espace est avant tout un enjeu idéologique, K déclare «Les Spoutniks prouvent que le socialisme a gagné la compétition
entre les pays socialistes et capitalistes (…) que l’économie, la science, la culture et le génie créateur du peuple se développent mieux
et plus vite sous le socialisme ».
La crise de Cuba
Le point culminant des tensions, révélant les limites totales de la détente, est la crise de Cuba qui met le monde au
bord d’une guerre nucléaire. En janvier 1959, Fidel Castro et ses partisans renversent le dictateur Batista. Cuba
est alors, depuis le début du siècle sous la dépendance économique des EU qui lui achètent sa production sucrière.
Fidel Castro est nationaliste, influencé par l’Argentin Che Guevara, marxiste et révolutionnaire, et instaure une
réforme agraire hostile aux grandes compagnies américaines => détérioration des relations avec les EU. Les EU
utilisent alors l’arme économique : cessent d’importer le sucre cubain pour faire pression, Castro se tourne vers
l’URSS qui s’empresse d’acheter le sucre cubain. C’est une victoire pour le bloc de l’est qui inclut un nouvel
adhérent : en 1960, Che Guevara annonce que Cuba fait désormais parti du camp socialiste.
Revers diplomatique américain se transforme en désastre : convaincu par la CIA, Kennedy envoie des opposants
au régime exilés aux EU débarquer sur la baie des Cochons à Cuba, dans l’objectif de déclencher un soulèvement
populaire qui renverserait le régime, le débarquement accompagné de bombardement est un échec total, une
décrédibilisassions de Kennedy, et conduit Castro à demander (et à obtenir) des armes de l’URSS. Octobre 1962, les
avions américains découvrent des rampes de lancement pouvant accueillir des missiles nucléaires à moyenne
portée, autrement dit pouvant atteindre les EU. Réaction ferme de Washington, une telle menace à 150km de la
Floride est intenable, Kennedy organise un blocus pour empêcher l’arrivée d’armes à Cuba. K et Kennedy
échangent menaces et notes diplomatique, intervention d’un médiateur de l’Onu et finalement, le 28 octobre les
navires soviétiques se retirent.
Bilan : Pour Kennedy, grand succès. K fait l’objet de vives critiques, son imprudence lui est amèrement reproché,
l’échec de cuba est une des causes de son éviction en 64. L’armée soviétique se sent profondément humiliée. MAIS on
peut noter que K ne revient pas les mains vides : un régime durablement communise est instauré sur le continent
américain ! Il a su s’arrêter à temps avant la guerre nucléaire.
La crise de cuba, paroxysme de la guerre froide, est aussi l’un de ses principaux tournant, comme à Berlin en 1948,
les deux grands se sont trouvé face à face et le monde a failli basculer. Mais ils ont cette fois pris conscience du danger
encouru
Réalités et illusions de la détente (1962-1977)
Le 10 juin 1963, Kennedy, devant les étudiants de l’université de Washington, appelle l’URSS et les EU à
retrouver les vertus du dialogue : « en dernière analyse, notre lien commun le plus fondamental est que nous habitons
la même petite planète, que nous respirons tous le même air, que nous chérissons tous l’avenir de nos enfants et que
nous sommes tous mortels ».  Discours qui dénote un nouvel état d’esprit.
La « détente » à proprement parler ne signifie pas la fin de la guerre froide, la compétition se poursuit, s’intensifie
même, s’étend à de nouveaux domaines. A partir de 1963, le dialogue et la négociation occupent le devant de la scène
et s’accompagnent d’une coopération nouvelle dans les domaines économiques, scientifiques et culturels.
Le retour de la diplomatie
L’arms control
Après Cuba, un constat s’impose : poursuivre la course aux armements alors que chacun dispose des mêmes
atouts serait une escalade d’armement suicidaire, qui ruinerait les pays, mais dans le même temps, un
désarmement est impensable, le monde serait alors dénué de moyen de contrôle. Donc : élaboration d’une solution
originale, l’ « arms control », la maitrise des armements, il s’agit selon les historiens Ayache et Demant d’une
« véritable philosophie des rapports stratégique et des rapports internationaux ». => l’objectif est de développer
une collaboration une connivence afin d’éviter les risques d’accident qui mettraient immédiatement le monde au bord
d’une guerre nucléaires.
Initiatives :
-Rétablir un dialogue pour éviter les malentendu qui peuvent avoir des conséquences désastreuses en cas de
crise, comme l’a montré Cuba, résolue par la dialogue, mise en place du célèbre « téléphone rouge » entre la maison
blanche et le Kremlin. Entre 1972 et 1975, Brejnev rencontre Nixon, puis Ford. Enfin reprise des échanges
économiques, les deux pays signent un accord commercial qui accorde à l’URSS la clause de la nation la plus favorisée,
la valeur globale des échanges entre les deux grands de 1971 à 1976 est multipliée par 8. Surtout importation
de céréales américaines par l’URSS.
-Eviter la prolifération nucléaire :
Traité de 1969 sur l’Antarctique établit une zone non militarisée au sud du 60ème parallèle en spécifiant bien
l’interdiction de toute explosion atomique. Le traité de Moscou de 1963 interdit les expériences nucléaires dans
l’atmosphère et l’espace marin. Il est signé par 100 pays.
Juillet 1968 : traité de non-prolifération nucléaire, les pays qui possèdent la bombe s’engagent à ne pas aider
d’autres pays à l’acquérir et ceux qui ne l’ont pas certifient ne pas chercher à l’obtenir. 62 pays adhèrent, mais dont
l’URSS, les EU et la GB. Mais pas la France ni la Chine qui ont respectivement la bombe depuis 60 et 64, veulent
perfectionner leur armement.
-Traités bilatéraux : Accords SALT (startegic arms limitation talks) signé le 26 mai 1972 et considérés comme
le sommet de la détente. => gèle pour 5 ans le nombre de missiles soviétiques et américains. Les Armes concernées
sont les missiles continentaux à grande portée, lancés du sol et des sous-marins.
Paradoxe de la détente : de 1960 à 1980, le nombre de tête nucléaire détenu par les deux pays fait plus que
doubler, l’armement se développe comme jamais, mais dans un cadre désormais bilatéralement fixé.
L’Ostpolitik
La détente influe inévitablement sur la question allemande, qui est l’épicentre de la GF depuis le début. Ce qui
montre la nouveauté de l’esprit de la détente c’est que l’initiative ne vient pas des deux grands mais du chancelier
Ouest Allemand Willy Brandt, principal artisan de l’Ostpolitik, autre signe que les temps ont décidément changé.
Depuis 1949, la RFA est résolument tourné vers l’Ouest, elle adhère à l’Otan et joue un rôle déterminant dans la
construction européenne, sa politique étrangère dans les années 1950 suit la doctrine définie par Walter Hallstein,
qui s’appuie sur quelques grands principes :
-la non reconnaissance de la RDA
-l’absence de relation diplomatique avec les pays qui reconnaissent la RDA
-le refus d’entériner les frontières issues de la WWII
Pour le chancelier Willy Brandt, élu en 1969, cette doctrine trop rigide ne correspond plus aux réalités de la
détente et conduit à l’impasse, contrairement à ce qu’on lui a reproché, il n’a pas voulu « cimenter les frontières de
1945 » mais entamer une réconciliation qui serait favorable à terme à une réunification de l’Allemagne. Brandt
inaugure une politique de normalisation de ses relations avec la RDA. « Reconnaitre les frontière existantes, ne
signifie pas qu’on veuille les cimenter »  il a une approche plus réaliste de la question de l’unification allemande, il
faut du temps.
En 1970, la RFA conclut des traités avec l’URSS et la Pologne, soit les deux pays qui en 1945, se sont agrandis
aux dépens de l’Allemagne. => Reconnaissance de fait de la frontière germano polonaise et dvpt de ses échanges avec
l’Union soviétique. En geste symbolique et solennel, Brandt s’agenouille devant le monument érigé en mémoire
des victimes du ghetto de Varsovie.
Le traité fondamental, signé le 2 décembre 1972 par les deux Allemagnes est le point d’Orgue de l’Ostpolitik :
RFA et RDA se reconnaissent mutuellement, dans leurs frontières de 1949. Toutes deux entrent à l’ONU en 1973.
Puis rétablissement des relations diplomatiques avec l’ensemble des pays de l’Est.
La conférence d’Helsinki
Depuis 1954, l’URSS réclamait la tenue d’une conférence qui permettrait la reconnaissance des frontières de
1945. La première Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe s’ouvre à Helsinki. L’acte final est signé le
1er aout 1975, par 35 pays => c’est un document de 110 pages, une liste de bonnes résolutions, illustrant tout à la
fois les réalités et les illusions de la détente :
-dix principes, inspirés de la charte des NU, que les états s’engagent à respecter : égalité entre les états, règlement
pacifique des conflits, inviolabilité des frontières, respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
-deuxième partie : coopération économique, scientifique, technologique
-troisième : coopération des les domaines humanitaires et culturels.
Vœux pieux ? En effet signé par la Chine Maoiste, l’Espagne dictatoriale de Franco, les démo pop alors qu’il prône
les libertés individuelles, par les EU et l’URSS alors que la conférence condamne les atteinte à l’indépendance des
états…
Bilan de cette conférence : beaucoup d’occidentaux ont reproché aux EU d’avoir cédé trop facilement sur la
question des frontières pour n’obtenir que de vagues promesses cyniques sur les droits de l’homme. Pas d’effet
immédiat pour les dissidents politiques du bloc de l’est mais permet aux opposants de s’appuyer sur un texte qui
souligne les contradictions des gouvernements, dans les démocraties populaires, surtout en Tchécoslovaquie
et en Pologne, se forment des « comités de surveillance des accords d’Helsinki » qui alimentent la contestation.
L’éclatement du monde communiste
Le conflit sino-soviétique
Mao Zedong en 1957 impute l’échec de sa « campagne des cents fleurs » au « révisionnisme », qui a 2 causes :
une cause interne (influence bourgeoisie en Chine) et externe (capitulation devant l’impérialisme américain) Cette idée
devient le fondement d’une opposition vigoureuse à la ligne de « coexistence pacifique » de Khrouchtchev. Les
relations sino soviétiques se dégradent à partir de 1959, lorsqu’il devient évident que K cherche un modus
vivendi avec les EU. Immédiatement après son voyage aux EU K se rend à Pékin où il prêche publiquement les
mérites de la détente, les dirigeants répondent, quelques mois plus tard, en faisant publié dans le Quotidien du peuple ,
un éditorial intitulé « vive le léninisme » , qui critique vigoureusement la politique extérieure soviétique, comme
s’écartant du marxisme léninisme, de l’internationalisme prolétarien et de la révolution. Réaction de l’URSS : retrait
des experts soviétiques qui apportaient leur assistance à l’industrialisation de la Chine, retard dans la livraison de
matières premières, demande du remboursement anticipé des crédits accordés depuis les années 1950. La crise cubaine
précipite alors la rupture, le recul de K est qualifiée de « nouveau Munich ». Publication dans le Quotidien du
peuple de critiques vigoureuses du « capitulationnisme » de K, du triomphe du révisionnisme soviétique. A la suite
de plusieurs expulsions de diplomates, plénum de février 1964 du PCUS accusant Pékin de visées impérialistes
sur sa politique de soutien aux peuples luttant contre le colonialisme.
Le conflit avec la Chine est de deux ordres :
-idéologique : Mao se positionne comme le seul leader véritablement communiste, l’US a capitulé devant les
EU. Réaction qui se manifeste par une radicalisation de l’édification de la société communiste chinoise qui montre le
rejet du modèle soviétique : le « grand bond en avant » = industrialisation brutale dans les campagnes. Le résultat
est catastrophique mais le message est clair.
-Conflit géopolitique, la Chine a des ambitions impérialiste, notamment sur le Tibet, au moment de la guerre contre
l’Inde en 1962 reste neutre et a même plutôt tendance à soutenir son allié indien : ici on voit l’entrée en conflit de la
politique extérieur de K visant à favoriser les mouvements indépendantistes du TM et le maintien de la cohésion du
bloc coco +) litiges de frontière, la Chine revendique des territoires sur le fleuve Amour et OUSSOURI.
le conflit sino soviétique révèle que la politique de K a sans doute fait progresser l’influence communiste
dans le monde mais a fait voler en éclat la cohésion du bloc, notamment l’homogénéité idéologique du bloc,
on voit apparaitre des modèle concurrent : le Vietnam, la Chine, cubain
Le communisme en Europe
-Le printemps de Prague : Depuis les évènements de 1956, les Soviétiques ont réussi une certaine
« normalisation ». En Hongrie, notamment, la « kadarisation » constitue un exemple inédit d’une remise en ordre
plutôt bien supportée par la population. La vie politique est restée sous le contrôle absolu du parti communiste, mais
une certaine ouverture s’est manifestée dans le domaine culturel, surtout une habile politique économique assure
des conditions de vie exceptionnelles par rapport à celles que connaissent les autres démocraties populaires.
Mais la situation est toute autre en Tchécoslovaquie où la contestation grandit. La rigidité de la direction
communiste, les échecs économiques, alimentent une contestation qui, dépassant les cercles de l’intelligentsia et gagne
une partie de l’appareil de l’Etat. En juin 1967, sur l’initiative d’écrivains communistes, le congrès des écrivains
critique vivement la politique suivie par le parti. On note que la contestation provient non pas d’anticommunistes mais de communistes insatisfaits de la politique du parti. A l’automne, l’agitation gagne les milieux
étudiants. En janvier 1968, devant la montée des mécontentements, Novotny doit céder la direction du parti à
Alexander Dubcek. La nouvelle équipe passe une série de réforme pour répondre aux mécontentements : fin de la
censure, le Parti accepte l’élection de ses responsables, les petits partis minoritaires peuvent reprendre leur
autonomie et exprimer des points de vue alternatifs. On envisage même d’autoriser un parti d’opposition
d’obédience social-démocrate ! Sur le plan éco, on réfléchit à accorder une large autonomie aux entreprises dans le
cadre d’une planification indicative.
Ces réformes inquiètent rapidement Moscou et les dirigeants communistes des démocraties populaires qui
craignent une contagion des contestations. En fait ces réformes remettent profondément en cause le système
politique et économique imposé par l’URSS. Aussi le PC tchécoslovaque est violemment mis en accusation par les
différents partis coco réunis en conférence. Brejnev rencontre Dubcek, mais celui-ci refuse de revenir sur les réformes
entreprises. Cq : une intervention est décidée, non sans hésitations du côté soviétique, mais avec un fort appui de la
RDA. Dans la nuit du 20 au 21 aout, les troupes du pacte de Varsovie envahissent la Tchécoslovaquie, cinq
pays sont représentés. Les soviétiques éliminent complètement l’équipe de Dubcek, et nomment à la tête du parti
Husak, qui fait procéder dans tout le pays à une large épuration, signe un nouveau traité avec l’URSS.
Cette intervention est très significative, elle répond à deux types de raison :
-raison stratégique, de politique extérieure : Avec la Pologne et la RDA, la Tchécoslovaquie constituait une pièce
maitresse du dispositif stratégique du pacte de Varsovie. En effet les Soviétiques ne pouvaient que s’inquiéter des
déclarations des dirigeants tchèques souhaitant réduire l’influence soviétique au sein de l’alliance militaire du pacte de
Varsovie. De plus, les Soviétiques craignent un rapprochement entre la Tchécoslovaquie, la Roumanie et la
Yougoslavie, (Tito puis Ceausescu avaient été triomphalement reçu à Prague), dans le cadre d’une nouvelle « Petite
Entente ».
-raisons d’ordre intérieure, renvoyant au problème de la cohésion interne du système du soviétique : plus encore que
ces questions de politique extérieure, ce qui inquiète les Soviétiques c’est l’évolution interne du parti communiste
tchécoslovaque (fin de la censure, démocratisation, voire social démocratisation avec un parti d’opposition) => risque
de contagion à l’appareil du Parti de l’URSS ! (cf Mazower : montre à quel point l’effondrement soviétique a des
causes interne, c’est une implosion).
On note que contrairement à l’intervention de 1956, l’intervention de l’armée reposait davantage sur des
craintes, sur des risques redoutés que sur des dangers concrets. Profondément conservatrice, la direction
soviétique redoutait le développement d’une situation qui lui échappe. On note que la rigueur idéologique des
dirigeants soviétiques les ont conduit à interdire toute déviation à la ligne dominante, alors qu’une acceptation de
réformes du système politique et économique tchécoslovaque, revendiqué par des communistes qui par ailleurs ne
remettaient pas en cause le communisme en Tchécoslovaquie, aurait sans doute permis une stabilisation à LT, alors
qu’une normalisation par la force constitue une bombe à retardement.
Les occidentaux protestent mais ne prennent aucune mesure particulière contre l’URSS : la Tchécoslovaquie fait partie
du bloc soviétique et il n’est pas question d’intervenir au-delà du rideau de fer. La Chine, la Roumanie, l’Albanie et la
Yougoslavie condamnent l’opération => confirmant par là même l’éclatement du bloc communiste
Cette « normalisation » accélère le processus d’intégration des pays d’Europe de l’Est à l’Union Soviétique. En plus
du pacte de Varsovie et du Comecon sont créés dans les années 1970 de nombreuses institutions interétatiques
chargées de réglementer l’organisation des transports, la production et la distribution de l’énergie, la
coordination du fret, des industries lourdes et des biens de conso, la production de matériel militaire. AINSI
est mis en application, par-delà l’ »accident de Prague » la doctrine de « souveraineté limitée » résultat de la
doctrine élaborée en 1968 par Brejnev (acceptation des spécificités nationales, si la collectivisation reste la règle,
accepte une adaptation aux ressources nationales).
Ce processus d’intégration provoque des résistances croissantes, ce sont les Polonais qui à terme, ouvrent la plus
grande brèche dans le système. Faute de réformes, l’éco polonaise est endettée, et contraint le gouernement à
appliquer des hausses de prix. Ce qui provoque des grèves à la fin des années 1970, qui culminent l’été 1980 à Gdansk,
le gouvernement n’a d’autre choix que de reconnaitre la formation d’un syndicat indépendant, Solidarnosc, dont le
réseaux couvre, en quelques semaines, tout le pays. Solidarnosc se présente comme un contrepouvoir qui prend
en compte les aspirations de la société civile. C’est une situation inédite pour l’URSS, comment réagir ? Renonce
à intervenir directement militairement, et la « normalisation est confiée à un polonais, le général Jruzelski.
-Les partis occidentaux une position de plus en plus critique vis-à-vis de l’URSS et une relative émancipation:
Deux partis communistes principaux en Europe de l’Est : le PCI en Italie et le PCF. PCI : prend très tôt ses distances
avec Moscou, reproche un manque d’autocritique, de libéralisation. PCF : au contraire, avec Maurice Thorez, très
fidèle, soutient l’URSS dans son conflit face à la Chine. Après l’intervention soviétique à Prague, le PCI affirme « un
grave désaccord », le PCF, tjs plus timide, sa « réprobation ».
Les années 1970, nouvelle étape vers l’émancipation. Le nouveau secrétaire général du PCI, Enrico Berlinguer,
de plus en plus critique vis à vis de Moscou, revendique son indépendance. Il veut concilier communisme, libertés
et démocratie, admet l’intégration de l’Italie dans l’Alliance Atlantique, et voit même des avantages à la construction
européenne. Après les élections de 1976 où son parti obtient 34% des suffrages, il envisage un « compromis
historique » avec la démocratie chrétienne pour accéder au pouvoir. Il tente de rallier les partis français et
espagnols pour affirmer l’autonomie du communisme occidental au sein de ce qu’il nomme : l’ « eurocommunisme ».
Le PCF hésite longuement et finit par pencher du côté italien. Le dirigeant du PCF, George Marchais, signe en
1972, un parti commun avec le parti socialiste.
Les discours se font de plus en plus critiques vis-à-vis de l’URSS, et commencent à dénoncer timidement les camps
de travail et le sort réservé aux dissidents.
Au cours de la deuxième conférence européenne communiste de Berlin Est, en Juin 1976, deux camps se
dessinent : les partis tchèques, est-allemand, hongrois, bulgare, polonais, et portugais reconnaissent officiellement la
prééminence de l’Union Soviétique. Les Italiens, Espagnols, Français, rejettent cette suprématie. Il n’est pas
question d’envisager une rupture, mais l’emprise de Moscou s’est considérablement relâchée.
Le bloc occidental en question
Le défi gaullien
De Gaulle a une « certaine idée de la France », dont découle sa politique étrangère. Objectif : redonner à la France son
rang de grande puissance. Deux objectifs de sa politique étrangère :
-Indépendance, se libérer de toute influence étrangère=> s’affranchir de la tutelle américaine.
D’où : -mise au point de la bombe nucléaire, premiers essais dans le Sahara en février 1960
-Proposition de Kennedy de former une « communauté atlantique », entre EU d’Amérique et EU d’Europe,
pour renforcer les liens, les forces nucléaires et françaises seraient intégrées dans l’OTAN et l’utilisation de l’arme
nucléaire serait tributaire d’une autorisation des EU => mise en échec du projet par DG qui refuse catégoriquement
-DG s’attaque au rôle prédominant joué par les EU dans l’OTAN. DG accepte mal la présence d’un Etat-major
américain à St Germain en Laye. Dès 58, il propose que la gestion des crises et les questions nucléaires soient discutées
à trois, GB, FR, EU, sur un pied d’égalité. Eisenhower répond à peine. Coup d’éclat : la France quitte l’OTAN en
1966. Les autorités américaines de l’OTAN quittent le territoire français.
-Prise de positions qui se désolidarisent ostensiblement des positions américaines : au cours d’un voyage
au Cambodge en 1966, condamnation de la politique des EU au Vietnam et prédiction de leur défaite, au cours de la G
des six jours, prise de position contre Israël en 1967 qui bénéficie du soutien de la maison blanche.
-dépasser la logique des deux blocs, pour s’imposer sur la scène internationale et ne pas laisser aux deux
grands le monopole de la gouvernance du monde. Pour DG, les deux grands se partagent tacitement la
domination du monde depuis Yalta, sans prendre en compte les intérêts européens
En effet : -voyage en URSS de DG, parle d’une Europe qui irait « de l’Atlantique à l’Oural »
-refus d’une Europe pro Américaine, Atlantiste, se manifeste par le double rejet de la candidature de la GB à l’entrée
dans le marché commun en 1963 et 1967.
-volonté de saper l’influence anglo-saxonne sur le continent américain : visite en Amérique Latine (1964), son séjour
à Québec émaillé de déclarations fracassantes : « vive le Québec libre ! »
-reconnaissance de la Chine en 1964 contre l’avis des EU
La guerre du Vietnam et ses conséquences
La contestation la plus radicale au sein du bloc occidentale vient du cœur de la société américaine elle-même.
A la suite des accords de Genève qui mettent fin à la guerre d’Indochine en 1954, le Vietnam est divisé en
deux par le 17ème parallèle. Le Nord communiste dirigé par Ho Chi Minh et le Sud où prennent pieds les américains.
La présence des EU au Sud s’explique par la doctrine du containment : il faut combattre l’influence communiste. Le
Vietnam est vu comme un point névralgique : en vertu de la théorie des dominos, crainte qu’un V communiste
fasse basculer le Cambodge, le Laos, et l’ensemble de l’Asie du Sud Est. Les EU installent un pouvoir dévoué : Diem,
et repoussent les élections qui devaient avoir lieu pour réunifier le territoire, car étant donné la popularité de Ho Chi
Minh, la défaite aurait été inévitable. Mais les EU font l’erreur de soutenir le gouvernement dictatorial de Diem
qui est très impopulaire, catho alors que la majorité de la pop est bouddhiste. Les EU refusent de surcroit de
voir dans le mouvement d’indépendance qu’est le Vietminh autre chose qu’un mouvement communiste. Ho Chi
Minh soutient activement l’opposition Vietcong au régime de Diem, qui gagne de plus en plus de partisans.
Kennedy dépêche au Vietnam 16 000 conseillers, l’engrenage est en marche, son successeur, Johnson, obtient à la
quasi-unanimité l’autorisation du Congrès d’envoyer les GI’s, s’enclenche alors une escalade de l’engagement
militaire. L’offensive générale lancée par le Vietcong en janvier 1968, au moment du Têt, le nouvel an VN,
révèle l’ampleur du désastre, une centaine de villes et de bases américaines sont attaquées en même temps et les
combats font rage jusque dans les jardins de l’ambassade à Saigon. Mars, annonce par Johnson du désengagement
partiel et la suspension des bombardements. Au terme de 4 années de laborieuses négociations et d’enlisement dans la
guerilla, Nixon aboutit aux accords de Paris, le 27 janvier 1973. (cessez le feu, retrait des troupes étrangères du Sud
VN, libération des prisonniers américains, formation d’un conseil national de réconciliation au Sud)
Mais, deux ans plus tard, en 75, le VN nord envahit le Sud, s’empare de Saigon et unifie le pays, peu après que
les communistes se sont emparés du pouvoir au Laos et au Cambodge. => traumatisés par 15 ans de G, les EU
ne bronchent pas, le containment connait alors sa plus lourde défaite.
Crise de l’universalisme américain : C’est toute une société qui doute soudain de ses valeurs et de son universalisme.
Crise du wilsonisme. Les GI’s étaient censés combattre au nom de la justice et de la démocratie pour aider un pays
victime d’une agression communiste. Mais les reportages, les images, révèlent une toute autre réalité : les EU jouent
le mauvais rôle d’une puissance militaire qui soutient un régime corrompu et rejeté par la majorité de la
population. A tel point que pour beaucoup, c’est le Vietcong qui finit par incarner le droit des peuples à disposer d’euxmêmes et le combat pour la liberté. C’est tout le consensus sur la politique étrangère qui s’effondre. Les
justifications idéologiques qui légitimaient le containment sont remises en cause. A tout le moins, les Américains ont
désormais conscience que le discours manichéen qui organisait le monde en deux blocs opposés et justifiait
l’interventionnisme des deux leaders ne correspond plus à la réalité.
Le tiers monde et la guerre froide
L’émergence politique du tiers-monde
Désigne les pays pauvres en voie de dvt, soit dans les années 1960, la quasi-totalité des pays d’Asie, d’Afrique et d’AL.
« Ce tiers monde ignoré, exploité, méprisé comme le tiers état, veut lui aussi être autre chose » Sauvy
1955, conférence de Bandung : pour les peuples d’Afrique, d’Asie, première occasion de se manifester hors de toute
présence occidentale ou soviétique. Marque selon Senghor « la fin du complexe d’infériorité des peuples de
couleur »
Le non alignement
Réunion fondatrice du mouvement : 1961, à Belgrade, à l’initiative de Tito. Nehru Nasser, et le dirigeant
yougoslave en sont les instigateurs. Le neutralisme n’est pas une attitude passive mais une politique active,
visant à contrecarrer la gestion bipolaire du monde. La définition de l’identité et des objectifs du mouvement
rencontre des difficultés en raison de la grande hétérogénéité des pays qui constitue le mouvement : le mouvement
doit-il mener une lutte acharnée contre le colonialisme et l’impérialisme comme le soutient le président ghanéen
Nkrumah ou donner la priorité à l’instauration d’une coexistence pacifique et renforcer son rôle possible
d’intermédiaire entre les deux blocs comme le préconise Nehru ? Le non alignement doit-il rester à équidistance des
deux grands comme le pense le colonel Kadhafi ou tend il à l’alliance naturelle avec les Etats socialistes de Fidel
Castro ? De 25 à Belgrade, le nombre de ses membres est passé à plus de 100 à Harare au sommet de 1986.
Néanmoins, mouvement qui ne réussit pas à former un troisième bloc qui ferait contrepoids aux deux autres.
En cause : divergences internes, conflits de personnes (Nehru supporte mal l’autoritarisme et l’opportunisme de
Nasser), priorité aux intérêts nationaux… Malgré tous leurs efforts, les pays du TM échappent difficilement au clivage
Est-Ouest, ils deviennent l’objet de rivalité pour les deux grands.
Les Etats-Unis contestés en Amérique Latine
Malgré la détente, les affrontements se poursuivent sur un autre terrain : le TM et d’une façon indirecte.
L’AL est depuis longtemps considérée comme la chasse gardée des EU. Le pacte de Rio de 1947, traité d’alliance
global, place la quasi-totalité des états américains dans le camp occidental. La révolution cubaine bouleverse la
situation, après la crise des fusées, Cuba se fait le champion de l’idéologie révolutionnaire : Castro fait une
conférence « tricontinentale » en 1966 où il appelle à multiplier les « Vietnam » sur toute la planète. Sous
l’impulsion de Che Guevara, des mouvements révolutionnaires naissent en Colombie, au Pérou, au Chili, en Bolivie.
La politique des EU apparait contradictoire : pour maintenir à tout prix leur influence sur le territoire, soutien de
régimes dictatoriaux, ultraconservateurs, aux antipodes de leurs idéaux. Ex : malgré l’élection démocratique du
socialiste Allende au Chili en 1970, soutien du coup d’état fomenté trois ans plus tard par Pinochet.
Les rivalités Est-Ouest au MO
Cette région est sans doute la plus sensible et les rivalités y sont exacerbées par des enjeux pétroliers et
stratégiques considérables. Objectifs des USA : maintenir la stabilité (car compagnies de pétrole implantées depuis
la PGM) ; contenir l’expansionnisme soviétique vers le Sud ; trouver après la crise de Suez un point d’appui. Principaux
alliés : Arabie Saoudite, Turquie, Iran, Israël. Alliés soviétiques : l’Egypte nasserienne, la Syrie, l’Irak. Objectifs sont
stratégiques et non idéologiques. Première remise en cause de l’équilibre : 5 juin 67, avec l’attaque d’Israël sur
l’Egypte et la Syrie. Les deux grands soutiennent d’abord leurs protégées, puis s’en remettent à l’ONU qui prescrit
l’évacuation des tous les territoires occupés, ainsi que la reconnaissance de l’intégralité territoriale de tous les Etats de
la région (y compris Israël). La mort de Nasser brouille la donne une seconde fois : son successeur prend ses distances
avec Moscou et pour contraindre Israël à négocier, Il lance avec la Syrie l’offensive de Kippour. Là encore ; les deux
grands s’entendent pour résoudre le conflit. Il y va de la stabilité de toute la région. Dans l’immédiat, la guerre a
des conséquences néfastes pour les Occidentaux : les pays arabes augment prix du pétrole et utilisent l’arme éco
contre les USA et leurs alliés. Mais l’Egypte achève son évolution et finit par se rapprocher de Washington et conclut
en 89 les accords de paix de Camp David. L’URSS est perdant, puisque tenue à l’écart des accords de paix, et perd un
allié important.
Les initiatives soviétiques en Afrique
Dans les années 1970, l’Afrique devient le terrain privilégié de la politique d’influence soviétique. Enjeux à la
fois éco et stratégique. Dans les années 70, les colonies portugaises (Mozambique+ Angola, en 1974 et 1975)
obtiennent leur indépendance et les EU sont affaiblis par la guerre du Vietnam => c’est le moment d’intervenir. La
progression de l’influence soviétique se manifeste de plusieurs manières :
-resserrement des liens éco avec des pays d’Afrique du Nord, comme l’Algérie ou la Lybie du colonel Kadhafi, au
départ tiers modiste et non aligné, signe un traité en 1974 avec l’URSS.
-aide fournie aux mouvements d’opposition et de guérilla, en Afrique du Sud, Namibie et Rhodésie.
-émergence de mouvements qui se réclament d’un socialisme tantôt « scientifique », tantôt « spécifique », divergeant
souvent fortement du modèle de Moscou (Congo, Bénin, Guinée Bissau, Somalie, Madagascar)
-intervention de façon directe et massive au Mozambique et en Angola, dès la proclamation de l’indépendance.
En Ethiopie, le coup d’Etat de Mengistu en1977 s’accompagne également d’un alignement sur l’URSS.
Politique de Brejnev diffère de celle de K, ne se contente pas de soutenir des mouvements indépendantistes, mais
met en place des régimes qui reproduisent de façon radicale et souvent inadaptée le modèle soviétique
(collectivisation des terres).
CITATIONS
Basil Davidson « En traçant une frontière au milieu de l'Allemagne on a divisé l'Europe »
De Gaulle : « Pas question de faire table rase de la grande majorité des serviteurs de l'Etat ».
« Ce tiers monde ignoré, exploité, méprisé comme le tiers état, veut lui aussi être autre chose » Sauvy
Senghor « la fin du complexe d’infériorité des peuples de couleur » (Bandung)
La fin de la GF
Une nouvelle guerre froide ?
L’Afghanistan.
L’Afghanistan entretient de bonnes relations avec l’URSS depuis le milieu des années 50, d’autant que le Pakistan,
voisin et rival, est l’allié des EU. Le coup d’Etat de 1973 renverse la monarchie et proclame la République. Rapidement,
le nouveau régime, très autoritaire, mène une politique d’indépendance nationale et prend ses distances envers l’URSS.
Moscou favorise alors en 1978 l’accession au pouvoir du Parti communiste afghan. Mais se heurte vite à
l’opposition religieuse grandissante des mollahs (notamment en raison de sa politique agraire et de dispositions visant
à protéger les droits des femmes. La situation tourne à la guerre civile. En décembre 1979, les troupes soviétiques entrent
dans Kaboul, rétablissent l’ordre et portent le communiste Barbak Kamal à la tête de l’Etat.
Officiellement, Moscou justifie son intervention au nom de « l’internationalisme prolétarien » : l’URSS répond
aux appels d’un gouvernement communiste en péril. L’explication ne convainc guère : l’Assemblée générale de l’ONU
condamne l’initiative soviétique par 104 voix contre 18 et 18 abstentions. Les pays du tiers monde dénoncent ce qu’ils
considèrent comme une ingérence manifeste.
Raisons profondes de l’opération ? On assiste indéniablement, à partir de 75, à un durcissement de la politique
extérieure soviétique. Les difficultés rencontrées par les EU depuis le Vietnam et la conviction que l’Armée rouge est
devenue la première au monde peuvent encourager Brejnev à mener une politique offensive globale. Dans le cas précis,
il semble toutefois que l’intervention réponde aussi à des préoccupations défensives. Après la révolution iranienne de
79, il fallait préserver les positions acquises pour empêcher que l’islamisme ne gagne l’Afghanistan, et au-delà, les
républiques soviétiques d’Asie centrale de religion musulmane. -> URSS n’aurait pas volontairement tourné le dos
à la détente, mais l’épisode marque bien le début d’une nouvelle phase de tensions.
Les EU rapprochent l’intervention soviétique des progrès du communisme en Afrique. L’engagement soviétique en
Afghanistan, qui inaugure en fait après une décennie de montée en puissance une période de crises dont l’URSS
ne se relèvera pas, est interprété sur le moment comme le début d’une vaste offensive et le signe de la vitalité
retrouvée du communisme.
Les EU réagissent avec force : embargo partiel sur la vente à l’URSS de céréales et d’équipements de haute technologie
et annoncent le boycott des JO prévus à Moscou en 1980. Carter réintroduit dans les relations internationales le thème
idéologique des droits de l’homme. Il cesse de soutenir des régimes dictatoriaux comme celui du shah d’Iran ; il dénonce
avec vigueur le sort réservé aux dissidents soviétiques. Le désarmement n’est plus la pierre angulaire des relations EstOuest : le Congrès ne ratifie pas les accords SALT II, jugés trop favorables à l’URSS, et l’affaire des euromissiles vient
soudainement remettre en cause l’arms control.
La crise des euromissiles.
L’URSS rattrape son retard en matière d’armement dans les années 70 en consacrant 15% de son PNB aux dépenses
militaires. Les accords SALT sont contournés par la technique du mirvage, également adoptée par les EU. En 1977,
l’URSS commence à déployer 330 SS-20, à trois têtes, tous tournés vers l’Europe occidentale. Comme celle-ci ne
possède pas de missiles équivalents capables d’atteindre le sol soviétique, l’équilibre est rompu.
En janvier 79, l’OTAN prend une double décision : négocier avec l’URSS le retrait complet des SS-20, et si refus,
installer en RFA des missiles intermédiaires. On voit qu’avant même l’Afghanistan, la page de la détente est
tournée. C’est l’URSS qui, en multipliant des propositions de désarmement qu’elle sait être inacceptables, provoque
les refus systématiques des Occidentaux et se donne le beau rôle. Un large mouvement d’opinion s’élève notamment en
RFA pour protester contre le déploiement de missiles américains. Le SPD (le propre parti d’Helmut Schmidt qui avait
été le premier à s’emparer du pb des missiles) finit par adopter les positions pacifistes et désavouer le chancelier. La
crise conduit Schmidt à démissionner en octobre 82. Son successeur, le démocrate-chrétien Helmut Kohl parvient à
la fin de l’année 83 à faire voter au Bundestag l’installation de 108 Pershing II et plus de 400 missiles Cruise.
Au total, l’Alliance atlantique en sort renforcée : elle a montré sa cohésion. Exemple : voix de Mitterrand lors
d’un retentissant discours au Bundestag le 20 janvier 1983 qui a clairement soutenu le chancelier allemand et les
positions de l’OTAN.
Reagan et la lutte contre « l’empire du mal ».
L’élection triomphale du républicain R. Reagan à la présidence des EU en novembre 1980 correspond à la volonté
d’une majorité de surmonter le traumatisme vietnamien. Reagan est persuadé que le communisme confronté à des
difficultés économiques et politiques nouvelles est condamné à brève échéance, du moins en URSS. Les EU doivent
saisir l’occasion, ne plus se satisfaire du containment, mais combattre le communisme sur tous les points du globe. Il
faut dépasser la guerre froide et laisser place à un système où les EU joueront seuls les premiers rôles. Reagan rompt
avec la philosophie de la détente. C’est le retour en force de l’idéologie dans sa version la plus pure, celle de
l’ultralibéralisme économique au service d’une croisade anticommuniste, d’une lutte de tous les instants contre
l’« empire du mal ».
La fin justifie les moyens : budget de défense multiplié par deux, les EU s’engagent à soutenir dans le tiers monde
tous les gouvernements menacés par la guérilla communiste, quel que soit leur peu de respect pour la démocratie. En
Afghanistan, l’aide fournie aux moudjahidin se double d’une dangereuse politique de subversion religieuse qui s’appuie
sur le fondamentalisme islamique. -> nouvelle politique américaine à l’égard du tiers monde est certes offensive,
mais reste dans le cadre du containment. Pas le cas avec l’affaire polonaise et l’Initiative de défense stratégique.
La crise polonaise : en Pologne, un mouvement contestataire profond gagne les milieux ouvrier et paysan dans les années
70. Il bénéficie du soutien de l’Eglise catholique, que renforce encore en 1978 l’élection du pape Jean-Paul II, ancien
archevêque de Cracovie. Les grandes grèves de 1980 dans les chantiers navals de Gdansk donnent naissance au syndicat
indépendant Solidarnosc (Solidarité), très vite des millions d’adhérents. Le gouvernement joue d’abord le dialogue des
concessions mais, en décembre 1981, le nouveau chef de l’Etat, le général Jaruleski, en accord avec Moscou, établit
l’état de siège, interdit Solidarité et organise la répression.
Cette reprise en main musclée est la marque de l’échec du communisme polonais : la contestation émane de la
classe ouvrière, dont le parti au pouvoir est censé défendre les intérêts (contrairement aux mouvements intellectuels
et étudiants en Hongrie ou Tché). La remise en cause est radicale et touche les fondements même du régime. La réaction
américaine est également inédite : frappent d’embardo le matériel de construction destiné au gazoduc transsibérien et
Solidarité, devenu clandestin, reçoit une aide financière et matérielle, tant d’ailleurs de Washington que du Vatican.
Pour la première fois les EU interviennent ouvertement au cœur du bloc communiste. Première entorse aux règles
de GF donc.
L’Initiative de défense stratégique (IDS) : le 23 mars 83, Reagan annonce la mise en place prochaine d’un dispositif
spatial permettant d’intercepter et de détruire au vol les missiles nucléaires stratégiques lancés contre les EU avant qu’ils
n’entrent dans l’atmosphère. L’IDS, aussitôt baptisée « guerre des étoiles » par les journalistes est un projet coûteux et
encore très incertain. Mais il bouleverse les données de l’équilibre nucléaire et rend en particulier caduc le traité
ABM de 1972 limitant les dispositifs antimissiles. La stratégie américaine est désormais fondée sur la défense. Si les
EU n’ont plus à craindre les fusées soviétiques, rien ne les empêche de lancer une offensive nucléaire sur l’URSS. L’IDS
modifie profondément la logique de la course aux armements et s’attaque au concept même de la dissuasion.
 Ainsi la période de tensions qui s’ouvre à la fin des années 70 est une phase profondément déstabilisatrice
qui, dans l’immédiat, contraint l’URSS à s’aligner dans une compétition nouvelle, qu’elle n’a pas les
moyens techniques, ni surtout financiers de remporter.
Le dénouement.
Gorbatchev et la nouvelle politique soviétique.
Gorbatchev est élu le 11 mars 1985 secrétaire général du PCUS. Il incarne la volonté de réformer un système sclérosé
après le long règne de Brejnev et de ses éphémères successeurs. A la situation économique catastrophique, aux
pesanteurs de la bureaucratie, à la corruption, s’ajoutent les difficultés rencontrées en politique extérieure.
L’Afghanistan, où les 150 000 soldats soviétiques, harcelés par les rebelles, ne contrôlent pas la moitié du
territoire, est en passe d’être le Vietnam de l’URSS. Avec le déploiement des Pershing et l’IDS, les EU ont par
ailleurs pris une avance décisive dans la course aux armements. L’explosion du réacteur nucléaire de la centrale de
Tchernobyl en mars 86 révèle l’ampleur du désastre, des dysfonctionnements et des retards accumulés. C’est
l’occasion pour Gorbatchev de mettre en pratique les slogans de sa nouvelle politique : glasnost (transparence) et
perestroïka (restructuration).
Il est difficile de définir en quoi consiste exactement la perestroïka. L’objectif est d’abord, en 85 et 86, de lutter
énergiquement contre les carences les plus flagrantes comme la corruption et l’alcoolisme. La population est invitée
à s’exprimer, à dénoncer les insuffisances et les injustices du système, sans toutefois s’attaquer aux fondements du
communisme : « c’est dans le cadre du socialisme et non pas à l’extérieur que nous cherchons les réponses » écrit
Gorbatchev.
Devant le peu de résultat, une 2ème étape est franchie en 87 : de véritables réformes économiques et politiques sont
introduites, engageant des évolutions irréversibles. Le démantèlement du système planificateur, le passage progressif à
l’économie de marché désorganisent les circuits d’approvisionnement et provoquent le mécontentement croissant de la
population. La perestroïka échappe de plus en plus au contrôle du pouvoir. La contestation populaire est relayée, dans
les républiques périphériques, notamment dans le Caucase et les Etats baltes, par l’agitation nationaliste.
Troisième phase décisive dès lors : Gorbatchev, tout en essayant jusqu’au bout de sauver l’Union, même sous une forme
altérée, fait adopter des réformes fondamentales (suppression en 90 de l’article 6 de la constitution sur le rôle
dirigeant du parti communiste).
Au moins à partir de 1987, les changements bien réels qui bouleversent l’URSS ont des répercussions considérables sur
les relations Est-Ouest et précipitent le dénouement pacifique de la GF.
La « nouvelle pensée » (nom donnée à la politique extérieure de Gorbatchev) : procède du même constat que la
perestroïka. L’URSS n’a plus les moyens économiques, financiers et technologiques de relancer une course aux
armements sur les bases jetées par l’IDS, ni de perpétuer la politique d’expansion coûteuse et incertaine menée par
Brejnev en direction du tiers monde ; les dépenses militaires absorbent déjà plus de 20% du PNB. Le choix de la
détente, du désarmement est au départ presque forcé. La manœuvre est aussi tactique : l’indéniable séduction que
G exerce à l’Ouest sur certains dirigeants (comme Thatcher) ou sur une frange toujours plus importante de l’opinion
publique (alors que même son impopularité va croissant en URSS) sert évidemment ses projets (inverser la tendance et
faire apparaître des désaccords au sein de l’Alliance atlantique). Mais pas seulement des manipulations : l’URSS
privilégie désormais clairement ses intérêts nationaux au détriment des considérations idéologiques, met sa
politique extérieure au service de la reconstruction de son économie.
Dans une 1ère phase de 1985 à 1987 : rencontres au sommet et négociations avec les EU sur le désarmement. Les
résultats, spectaculaires, sont autant de victoires pour G qui obtient par la diplomatie ce que Brejnev n’avait pu arracher
par la force. Il bénéficie désormais de la confiance et des crédits américains. Ses appels à la coopération internationale,
à la promotion des « valeurs humaines universelles » relèvent certes discours mais annoncent également des réalisations
concrètes.
A partir de 1988 : phase marquée par la reprise des relations régulières avec la Chine, le désengagement en Afrique et
surtout le retrait pur et simple des troupes stationnées en Afghanistan. Le 14mars à Belgrade, G se prononce pour
l’indépendance des PC d’Europe de l’Est. Il comprend que l’intérêt de l’URSS est de sortir d’une logique des blocs
qui ne profite plus qu’aux EU, et de renouer avec l’Europe occidentale. Ainsi, développe à Strasbourg en juillet 89 le
concept de « maison commune européenne » : évoque la constitution d’un espace juridique européen, le désarmement
nucléaire, les droits de l’homme, le rapprochement de l’OTAN et du pacte de Varsovie, le retrait des troupes étrangères
et donc américaines du continent. L’URSS peut retrouver en Europe une influence à la mesure de sa puissance, mais
dans un cadre global et désidéologisé. 14ans plus tard, les mots de l’acte final de la conférence d’Helsinki prennent tout
leur sens.
Encadré sur les accords de désarment :
Dès 85, Gorbatchev fait du désarmement son cheval de bataille. Trois raisons : difficultés économiques de l’URSS + la
dénucléarisation de l’Europe laisserait l’URSS en position dominante + la démarche est populaire et sert l’entreprise de
séduction initiée par G. Il y a sans doute aussi, surtout à partir de 88, le désir sincère de coopérer avec l’Occident et de
mettre un terme à l’absurde accumulation d’armes. EU ravis de négocier.
-
Novembre 85 : Sommet de Genève. Première rencontre entre Reagan et G qui met un terme à une longue période
de tensions, mais ne donne aucun résultat concret.
Décembre 87 : traité de Washington qui élimine d’Europe les missiles nucléaires intermédiaires, dont les
Pershing et les SS-20. Option dite « double zéro ». Premier traité de désarmement.
Juin 90 : Signature à Washington d’un traité réduisant de moitié d’ici l’an 2000 les stocks d’armes chimiques
américaines et soviétiques.
Novembre 90 : traité sur la réduction des forces conventionnelles en Europe, conclu par les pays membres de
l’OTAN et du pacte de Varsovie.
Juillet 91 : sommet de Moscou, dit « premier sommet d’après guerre froide » et signature par Gorbatchev et
Bush du traité START qui prévoit la destruction de 25 à 30% des arsenaux nucléaires stratégiques des deux
grands.
La fin des démocraties populaires
Les effets de la « nouvelle pensée » sont évidemment considérables dans les démocraties populaires. L’abandon de la
doctrine Brejnev (de « souveraineté limitée ») s’ajoute aux revendications de moins en moins contenues des populations.
Tout au long des 1989 s’effondrent des régimes dépassés par l’ampleur et la soudaineté des évènements. Le processus
se déroule le plus souvent de façon pacifique et négociée, sauf en Roumanie, où Ceausescu doit céder la place
après de violents affrontements et est exécuté.
En Bulgarie comme en Roumanie, les nouveaux dirigeants issus des PC incarnent assez bien les espoirs placés par
Gorbatchev en une libéralisation contrôlée par Moscou. En Hongrie, en Pologne et en Tché, en revanche, les oppositions
sont trop puissantes pour que le communisme, même réformé, puisse se maintenir. Les libéraux qui accèdent au pouvoir
ouvrent les frontières, organisent des élections, adoptent de façon souvent brutale les principes de l’économie de marché
et se tournent résolument vers l’Ouest. Le pacte de Varsovie est dissous ; les liens économiques se dénouent d’un coup.
Le démantèlement de la présence soviétique est total.
La réunification de l’Allemagne : La construction d’une « maison commune européenne » passe d’abord par
l’établissement de relations privilégiées avec Bonn. Détourner la RFA de ses choix atlantistes est un vieil objectif de la
diplomatie soviétique, mais il réapparaît dans un contexte nouveau (dénué d’arrière-pensées idéologiques).
La RDA d’Erich Honecker est en 1989 loin d’être la vitrine du communisme qu’elle incarnait 10 ans plus tôt (économie
archaïque déprimée, se maintient grâce aux aides financières de la RFA). L’Ostpolitik, en multipliant les contacts entre
les deux Allemagne, accroît la force d’attraction qu’exerce l’Occident sur la population. Dès mai 89, la Hongrie ouvre
ses frontières avec l’Autriche, première brèche dans le rideau de fer. Les Allemands de l’Est s’engouffrent dans
l’ouverture pour gagner la RFA. D’autres manifestent chaque week end, réclament des salaires plus élevés et plus de
liberté. Gorbatchev, à Berlin le 6octobre, désavoue Honecker qui démissionne aussitôt. Les nouveaux communistes
réformateurs ne parviennent pas à enrayer l’agitation. Le 9novembre, alors que les manifestants s’attaquent au mur
de Berlin, ils annoncent l’ouverture des frontières avec la RFA. L’URSS ne réagit pas.
La chute du mur ne règle rien. L’exode s’amplifie encore : plus de 720 000 Allemands passent à l’Ouest en 89 et 90.
Les manifestations se poursuivent mais les slogans évoluent, se font plus politiques et réclament la réunion des deux
Allemagne. Le chancelier Kohl propose le 28 novembre un plan en 10 étapes menant à terme la réunification. Les EU
sont d’accord à la condition que la nouvelle Allemagne reste dans l’Otan.
Gorbatchev, en un premier temps rejette le plan. Or les élections législatives de mars 90, les premières du genre en
Allemagne de l’Est, accordent une large victoire aux partisans de la réunification parrainés par la CDU et
seulement 16% des voix aux communistes. Gorbatchev se résout la réunification les négociations s’engagent alors
entre les deux Allemagne et les 4 puissances occupantes de l’après-guerre, sur la base des accords signés à la conférence
de Postdam. Devant la fermeté de Kohl et des EU, la nouvelle Allemagne appartient à l’OTAN. L’Allemagne réunifiée,
entièrement souveraine, est libre de ses alliances ; ses effectifs militaires sont limités à 370 000 hommes ; le territoire
de l’ex-RDA ne recevra ni troues étrangères ni armes nucléaires. Ce traité des « 2+4 » signé le 12 septembre met fin
aux droits des anciens alliés et déclare inaltérables les frontières allemandes. L’Allemagne renonce solennellement aux
armes nucléaires et s’engage à défendre et respecter les valeurs démocratiques et libérales. La réunification est
officiellement proclamée le 3octobre 1990.
Une nouvelle Europe
Lors du sommet soviéto-américain de Malte en décembre 89, Gorbatchev franchit le pas et décide de coopérer en
toute franchise avec les EU, sans plus chercher à les exclure du continent européen. La nouvelle architecture de
sécurité doit à l’avenir reposer au sein de la CSCE sur la collaboration politique et militaire de l’URSS et des
pays membres de l’Alliance atlantique.
La conférence de Paris de novembre 90, qui réunit les EU, le Canada et la totalité des pays européens à l’exception
de l’Albanie, confirme ces intentions. Elle institutionnalise la CSCE désormais pourvue d’organes permanents ; les
signatures de la charte de Paris déclarent révolue « l’ère de la confrontation et de la division en Europe » et
affirment que leurs relations « seront fondées désormais sur le respect et la coopération » ; ils proclament leur
attachement à la démocratie, aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales.
 Ainsi prend fin la GF dans sa double dimension, idéologique et géopolitique : tous s’accordent sur la
même définition de la démocratie (occidentale et libérale) ; tus, et notamment l’URSS, acceptent la
présence américaine dans les affaires européennes.
Le système de guerre froide
Les règles
Permanences et dynamiques
Durant plus de 40 ans, la GF domine les relations internationales et affecte, directement o non, la plupart des quelque
cent conflits importants recensés entre 45 et 85 sur les 5 continents. Les règles du système bipolaire, évidemment tacites,
s’établissent de façon très empirique entre 47 et 50. Le blocus de Berlin et la guerre de Corée, deux conflits fort distincts,
font tout à la fois office de laboratoires, de tests grandeur nature et de paradigmes auxquels la lecture des crises
ultérieures peut se référer.
Les premières années de la GF sont décisives parce qu’elles déterminent certaines constantes dans les comportements
et fixent les représentations que l’on se fait de l’autre, du conflit et de son propre rôle. Il est indispensable, pour
comprendre la GF, de ne pas se limiter à l’examen chronologique des faits, mais de bien se figurer le monde vu
de Washington et vu de Moscou.
->Les EU se persuadent en 46 de la stratégie offensive de l’URSS. Pour Kennan, l’idéologie révolutionnaire rejoint
le « traditionnel et instinctif sens russe de l’insécurité » pour expliquer la nature expansionniste de la politique
soviétique, qui, sur certains points, n’est pas sans rappeler celle des tsars. Encore en 1979, les Américains usent de la
même grille de lecture pour interpréter l’intervention de l’Armée rouge en Afghanistan. Forts de leur puissance
économique et militaire, armés du projet idéologique wilsonien, les EU se sentent investis d’une mission : contenir
l’expansionnisme soviétique. « La GF est en fait une guerre réelle dans laquelle la survie du monde libre est en jeu »,
conclut la directive NSC 68. La GF profite aussi au complexe militaro-industriel et qu’au Moyen-Orient
l’organisation de la défense du « monde libre » fait directement le jeu des compagnies pétrolières américaines.
->Vue du Kremlin, la perspective est bien différente. OTAN, pacte de Bagdad, OTASE, Japon et Corée du Sud forment
un arc d’alliances encerclant les pays communiste d’Europe et d’Asie. L’URSS, avec Staline, choisit d’abord d’adopter
la stratégie du « camp retranché », de se couper du monde extérieur et de se replier farouchement sur les acquis de
l’après 1945 en imposant aux démocraties populaires un système calqué sur le modèle soviétique. La peur de l’invasion
et les sentiments alimentent un isolationnisme à l’échelle continentale. A partir de 1956, Khrouchtchev brise la logique
de l’enfermement, en élargissant au tiers monde le champ de la politique extérieure soviétique par-delà le « cordon
sanitaire » déployé par les EU. C’est une véritable révolution qui suppose notamment que l’URSS se donne les moyens
de devenir une puissance maritime. Même si tactique différente, l’objectif reste, à coups de programmes forcés et
de déclarations volontaristes, de rivaliser les EU dans tous les domaines idéologique, militaire, économique,
scientifique, voire « culturel ».
La dynamique des crises : la crise apparait à la fois comme révélateur de tensions et accélérateur de tendances nouvelles.
Se déroule principalement en 3 étapes :
-
Une phase de rupture : initiative de bouleverser l’équilibre, élément nouveau dans les règles du jeu. Ainsi mise
en place du blocus de Berlin ou annonce du projet d’IDS.
Une phase de gestion : souvent dans l’urgence, protagonistes tentent d’éviter l’affrontement. Exemple du
déroulement de la crise de Cuba.
Une phase de résolution : une fois dénouée, la crise redéfinit les termes d’un nouvel équilibre. Le blocus de
Berlin précipite la création de la RFA et la signature de l’Alliance Atlantique. La crise de Cuba est directement
à l’origine de la détente. Son issue illustre bien l’une des règles fondamentales de la GF : si entre les deux
grands la paix est impossible, la guerre n’en est pas moins « improbable » (formule de R. Aron).
Les conflits
Malgré leur diversité, tous les conflits de GF ont des points communs et obéissent à des règles strictes. Ils sont
essentiellement politiques. Ils sont localisés : Washington et Moscou ont constamment le souci d’éviter un affrontement
généralisé, en particulier en Europe, où la situation se fige dès 1949.
Idéologie et propagande
La dimension idéologique
Composante essentielle et constamment présente d’un conflit qui est aussi une guerre des propagandes. Le rôle joué par
l’idéologie est moteur : l’URSS et les EU sont porteurs tous deux d’un message universaliste et incarnent deux systèmes
de valeurs incompatibles. L’objectif de chacun consiste à convaincre l’autre du bien-fondé de ses conceptions, à
l’amener d’une façon ou d’une autre à évoluer de l’intérieur. En ce sens, la GF, son discours et ses effets ont
indéniablement accéléré la mondialisation.
Rôle également justificateur : de Jdanov dénonçant l’impérialisme réactionnaire et fasciste de Washington, à Reagan
tonnant contre l’empire du mal, les dirigeants soviétiques et américains prennent systématiquement la peine d’enrober
leurs politiques d’un discours figé, simpliste et manichéen qui, la plupart du temps, masque mal la réalité des objectifs.
Les Occidentaux se disent défenseurs de la démocratie, de la liberté, de la justice et du droit ; les régimes totalitaires (et
l’on assimile sur ce point communisme et fascisme) seraient par nature agressifs. Quant au bloc communiste, il prétend
incarner la paix et le progrès ; le capitalisme serait source de guerre et d’affrontements, l’impérialisme américain ayant
après 1945 pris le relais de l’expansionnisme nazi. On remarque comme on utilise dans les deux camps la référence
au nazisme pour qualifier l’adversaire.
Convaincre et mobiliser
Pour diffuser ses idées dans les démocraties occidentales, l’URSS peut s’appuyer sur des relais efficaces (PC, organes
de presse). Les EU en revanche, ne disposent pas de tels intermédiaires dans les pays communistes, où la liberté
d’expression n’existe pas. Malgré tout, l’URSS a du mal à convaincre au cœur même du système adverse : aux EU,
les effectifs du PC, victimes il est vrai de nombreuses restrictions légales au temps du maccarthysme, ne dépassent pas
quelques dizaines de milliers d’adhérents ; de même en GB, où les communistes perdent toute représentation
parlementaire après 1950. En RFA, le parti recueille 2,2% des suffrages en 53, avant d’être interdit par la Cour
constitutionnelle entre 56 et 68.
Le cas de la France et de l’Italie sont différents. Le PCF est un parti puissant, influent, auréolé du rôle qu’il a joué dans
la Résistance, soutenu par des intellectuels prestigieux, comme Louis Aragon ou F. Joliot-Curie, qui sous la IVème
république rassemble plus de 25% des voix. L’Appel de Stockholm, lancé en mars 1950, recueille en France de 9
à 10 millions de signatures. La venue à Paris du général Ridgway (« Ridgway-la-peste »), est l’occasion pour le PCF
d’organiser, le 28mai 1952, une manifestation de masse contre la présence des troupes américaines. Mais les
interventions soviétiques à Budapest et Prague ou les révélations sur le goulag éloignent les intellectuels du Parti.
Dans les années 60 et 70, ses résultats électoraux plafonnent autour de 20%, avant de s’effondrer ensuite. Le PCI, lui,
franchit dans les années 70 le cap des 30%, mais c’est précisément le moment où il se fait le plus critique à l’égard de
Moscou et cesse d’être le relais de la propagande soviétique.
La CIA organise, entre 51 et 56 des parachutages de quelque 300 millions de tracts et brochures en Pologne, Tché et
Hongrie. L’outil de propagande le plus efficace est cependant la radio, ce « journal sans papier ni frontières »
comme disait Lénine. Voice of America, radio officielle créée en 42 pour appuyer l’effort de guerre américain,
inaugure en février 1947 des émissions en russe, bénéficie de crédits extraordinaires et diffuse en 1950 dans le monde
entier en 50 langues. 3 autres radios s’adressent particulièrement : Radio in American Sector, Radio Free Europe, Radio
Liberation from Bolchevism. Ces deux derniers postes, qui se disent « privés », sont en réalité étroitement contrôlés par
la CIA.
En parallèle, il faut aussi assurer une certaine cohésion idéologique interne. La mobilisation de l’opinion publique est
une affaire de tous les instants. En URSS où déclarations, journaux, radios, syndicats, culture, enseignement sont par
définition officiels et ne sauraient dévier d’un pouce de la ligne adoptée par le partie. Aux EU, en revanche, où le premier
amendement de la Constitution reconnaît entre autres la liberté d’opinion, il est difficile de concilier combat idéologique
et respect des principes démocratiques.
Aux EU, après l’essoufflement du maccarthysme, la contestation prend de l’ampleur dans les années 1960,
favorisée par la détente et alimentée par la guerre du Vietnam et le rejet de la société de consommation. En URSS
également, la dégradation économique et l’immobilisme de la période Brejnev suscitent, à partir de 1968, diverses
formes de désaccord dont la dissidence est la plus radicale et spectaculaire. Regroupés de façon assez lâche en un
« Mouvement démocratique », autour de quelques fortes personnalités aux idées ailleurs très différentes, comme le
physicien Skharov et le prix Nobel de litté Soljenitsyne, les contestataires ne représentent que quelques centaines de
membres de l’intelligentsia. L’expulsion de Soljenitsyne en 74, l’assignation à résidence de Sakharov, l’arrestation
des membres du « Groupe de surveillance de l’application des accords d’Helsinki » font ainsi dans les années 70
du thème des droits de l’homme une question majeure des relations Est-Ouest et desservent sensiblement l’image
internationale de l’URSS.
Encadré : le maccarthysme. Une véritable psychose s’empare de la société américaine, révèle l’ampleur du
conditionnement opéré sur les esprits par la GF. La chasse aux sorcières touche d’abord l’administration fédérale. En
1946, Truman crée une commission chargée d’enquêter sur la loyauté des fonctionnaires et de démasquer les
sympathisants communistes et fascistes. Les suspects (les security risks) sont révoqués, parfois sur simple
présomption. 7000 démissionnent et 739 sont renvoyés, pour délit d’opinion, voire homosexualité ou immoralité.
Souvent surenchère dans la constitution de listes noires.
Le Congrès n’est pas en reste. En juin 1947, la loi Taft-Hartley entre en vigueur malgré le véto de Truman. Elle
s’attaque aux syndicats : elle limite l’exercice du droit de grève et oblige les responsables syndicaux à témoigner qu’ils
ne sont pas communistes. Le parti lui-même est directement touché : ses membres n’ont plus le droit d’enseigner ni de
voyager à l’étranger.
La Commission des activités antiaméricaines sévit même à Hollywood ! A deux reprises en 47 et en 51, elle interroge
sans relâche producteurs, réalisateurs, acteurs « amicaux » et « inamicaux ». Dix d’entre eux, dont E. Dmytryk et D.
Trumbo, invoquent la Constitution pour ne pas répondre à la question : « Etes-vous ou avez-vous été membre du PC ? »
ils sont condamnés à des peines de prison de 6mois à 1an. Des carrières sont brisées (Jules Dassin et Charlie Chaplin
doivent s’exiler).
Le paroxysme est atteint quand, en février 1950, le sénateur républicain du Wisconsin, J. McCarthy, affirme
posséder les noms de 205 communistes infiltrés au Département d’Etat. La presse s’empare de l’affaire et fait en
quelque jour de ce politicien démagogue et sans scrupules le héraut de la croisade anticommuniste. Dans un contexte
délétère, les époux Rosenberg sont exécutés en 1951. McCarthy finit par s’en prendre à Marshall et Acheson, accusés
de ne pas avoir répondu assez fermement aux provocations de l’URSS et d’avoir cédé la Chine au communisme.
A force, propos outranciers et populistes finissent par lasser. Après la mort de Staline, son discours est moins d’actualité.
Le phénomène se dégonfle en 1954. (Il est vrai que l’offensive visait aussi à ramener les républicains au pouvoir ; une
fois Eisenhower élu, plus besoin de ce démagogue encombrant.)
Au cœur du système : le nucléaire
La dissuasion
L’arme nucléaire ne fait pas seulement franchir un degré de plus dans l’échelle des destructions. C’est une arme de
nature totalement différente qui conduit à repenser les stratégies militaires et révolutionne les relations internationales.
Met en jeu des facteurs psychologiques difficiles à apprécier puisque irrationnels et non quantifiables.
Au lendemain de la guerre, les EU sont les seuls à posséder l’arme atomique, ce qui leur permet de compenser amplement
la supériorité soviétique en matière d’armements conventionnels. C’est dans les années 50 que le concept de dissuasion
nucléaire se met en place, à mesure que les EU perdent leur monopole (l’URSS possède la bombe dès 49) et leur
invulnérabilité (les premiers missiles intercontinentaux soviétiques sont en place à la fin de la décennie).
L’arme atomique est une arme défensive, elle ne sert pas à faire la guerre mais à l’empêcher. La dissuasion, pour être
efficace, suppose toutefois que l’on donne l’impression d’être effectivement prêt à riposter en usant du nucléaire. Ainsi
les EU et l’URSS ont toujours affirmé que l’Europe était pour eux un enjeu vital : chacun a cru les menaces de
l’autre et la dissuasion a fonctionné. En Corée en revanche, les Soviétiques étaient persuadés (à raison) que l’enjeu, pour
les EU, ne valait pas une guerre atomique.
La plupart des historiens s’accordent à penser que la dissuasion nucléaire a introduit dans les relations Est-Ouest un
facteur de stabilité qui a permis d’éviter une conflagration mondiale. Mais notons que le nucléaire en soi ne sert ni la
guerre ni la paix, tout dépend de l’usage qu’on en fait et des stratégies adoptées.
Les stratégies nucléaires
De 53 à 62, la stratégie américaine, élaborée par Eisenhower et J.F Dulles, est officiellement celle des « représailles
massives ». En cas d’attaque de l’URSS ou de ses alliés contre l’un des membres du bloc occidental, les EU riposteront
immédiatement par tous les moyens, y compris nucléaires. Seuls les Américains peuvent toucher le territoire adverse
grâce à leurs bombardiers et aux bases aériennes dont ils disposent en Europe. Dans la pratique, les « représailles
massives » posent toute une série de problèmes : un évident manque de souplesse (la guerre sera nucléaire ou ne
sera pas), et donc, à terme, de crédibilité ; une stratégie provisoire, obsolète dès que l’URSS aura comblé son retard.
L’équilibre de la terreur s’établit au début des années 60 lorsque les EU perdent leur invulnérabilité et que s’engage une
course aux armements permettant à chacun d’anéantir plusieurs centaines de fois l’adversaire. La dissuasion joue
alors à plein (système MAD mutual assured destruction). La stratégie des « ripostes graduées », définie par le
secrétaire à la Défense R. MacNamara, et officiellement adoptée par l’OTAN en 1967, tient compte de ces données
nouvelles. Les Américains adaptent désormais leur riposte à la menace adverse, en utilisant toute l’échelle des réponses
armées. Logique de l’escalade donc danger d’être amené à franchir naturellement le palier décisif, celui du nucléaire.
L’équilibre, même encadré par l’arms control, reste précaire.
Précarité d’autant plus importante que, de son côté, l’URSS ne rejette aucune hypothèse. L’ouvrage de référence de
l’armée soviétique, Stratégie militaire du maréchal Sokolovski, publié en 62 et souvent réédité, prône la supériorité
dans tous les domaines et s’attarde peu sur la dissuasion. L’URSS doit se préparer à mener une guerre atomique, si
nécessaire en quelques jours, et la gagner. Il semble toutefois qu’au-delà des discours officiels l’URSS n’ait pas
concrètement considéré les EU comme une menace sérieuse et se soit surtout préparée à un conflit limité soit en Europe,
soit avec la Chine.
La dissuasion à la française : la France décide en 56 de se doter d’une force nucléaire pour retrouver un rang de grande
puissance après l’humiliation subie à Suez et échapper aux logiques versatiles de la protection américaine. L’idée
fondamentale est qu’il suffit de posséder une capacité de destruction suffisante pour dissuader l’agresseur éventuel.
C’est ce que le général Gallois, théoricien de la dissuasion « du faible au fort » appelle le « pouvoir égalisateur de
l’atome ».
La peur de la bombe (c’toi la bombe bb)
Dès 46, divers reportages sur Hiroshima montrent les étendues dévastées, les corps brûlés et les effets de la radioactivité.
L’image du champignon atomique inquiète désormais plus qu’elle n’évoque la victoire sur le Japon. Les scénarios
catastrophiques élaborés par l’équipe Eisenhower-Dulles, le signal du Spoutnik survolant en 57 le territoire américain
entretiennent la psychose. Le gouvernement américain diffuse à des millions d’exemplaires des brochures sur la façon
de « survivre à une attaque atomique », encourage la construction d’abris.
Objectifs ? Surestimer la puissance de l’adversaire permet aux responsables de la défense de faire plus facilement voter
les programmes d’armement. Kennedy, qui fait campagne sur le prétendu missile gap américain et dramatise à
l’extrême, recueille les voix des électeurs inquiets.
Avec la détente, les craintes cèdent la place à une appréciation plus lucide des rapports de force et des dangers encourus.
Le cinéma fait bien écho de cette évolution. Les films des années 50-55 évoquent la guerre nucléaire sous l’angle de
l’espionnage ou de la science-fiction (destruction planète, explosion qui engendre des créatures monstrueuses). Dans les
années 60 le thème de l’apocalypse est toujours présent mais abordé de façon plus réaliste. Le film de Kubrick, Docteur
Folamour (63) montre comment l’accès de folie parano d’un simple général américain provoque un cataclysme
atomique. L’humour féroce et délirant du film, qui sort dans les premiers mois de la détente, souligne
l’irrationalité d’un système dont l’équilibre peut se rompre au moindre incident.
Conclusion. Durée de la GF expliquée par :
-
L’émergence de deux superpuissances capables d’exercer domination sur le monde
Deux systèmes idéologiques antagonistes figés
Un phénomène dramatisé qui s’entretient lui-même
La décomposition du système soviétique à la fin des années 70, puis les initiatives de Reagan ont indéniablement rompu
cet équilibre et précipité la fin de la GF. L’immense mérite de Gorbatchev est d’avoir compris la nécessité d’une
évolution et d’avoir ainsi permis la résolution pacifique du conflit.
On a coutume de dire que la guerre du Golfe est le premier affrontement d’après Guerre froide. On a vu l’URSS voter
à l’ONU aux côtés des EU les résolutions condamnant son ancien allié et légitimant l’intervention d’une force
internationale pour libérer le Koweit. En réalité, cette guerre consacre surtout l’émergence d’un monde désormais
dominé par la seule hyperpuissance américaine, apparemment sans contrepoids, jusqu’à ce qu’apparaissent de nouvelles
formes de contestation, moins conventionnelles mais tout aussi radicales.
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