La jussie terrestre, nouvelle menace pour les marais Ouest France mercredi 25 août 2010 Benjamin Bottner, de l'Institut d'aménagement de la Vilaine, au milieu d'un champ couvert de jussie. Au premier plan, on peut voir les fleurs de la plante, derrière, une zone fauchée par un agriculteur. « La jussie terrestre est rampante et ses feuilles sont plus petites. A partir du moment où les graines tombent sur le sol, il y a risque de dissémination ». La plante invasive a proliféré dans les cours d'eau du Pays de Redon. On commence depuis peu à la trouver sur les terres, où elle pourrait avoir un impact sur les écosystèmes et l'agriculture. Pourquoi ? Comment ?Comment la jussie est-elle apparue sur les terres ? Ce n'est ni une nouvelle espèce ni une mutation. Juste une adaptation à un nouvel habitat, et elle inquiète. On connaissait la jussie sous sa forme aquatique, voilà maintenant qu'elle s'attaque aux prairies. Cette plante invasive, venue d'Amérique du sud, a fait son apparition au milieu des années 80 sur le bassin aquatique breton. Dans le Pays de Redon, sa prolifération a longtemps menacé d'asphyxier certaines rivières et voies d'eau, comme au mortier de Glénac. Des terres contaminées ? Le phénomène est relativement nouveau. « Nous commençons à recevoir des appels d'agriculteurs », indique Benjamin Bottner, chargé de mission à l'Institut d'aménagement de la Vilaine (IAV). Pour l'instant, ce sont les marais de l'Isac qui sont les plus touchés. Au lieu-dit le Clandre, sur la commune de Guenrouët, il indique la progression de l'invasion sur une parcelle agricole. Il a suffi d'une douve gagnée par la jussie aquatique pour que les terres soient attaquées. Peut-on lutter contre son invasion ? La plante prolifère à un rythme soutenu : « Sa biomasse peut doubler en 15 jours. » Les zones humides, un excellent terreau pour la plante envahissante : « Elle a beaucoup d'humus pour se nourrir », estime le chargé de mission à l'IAV. Il faut un rien pour qu'elle se répande. « Des boutures peuvent se coller aux sabots du bétail, ou sous les roues du tracteur, et circuler de parcelle en parcelle », assure-t-il, en indiquant une zone où la plante a fleuri. « Les graines peuvent aussi se disséminer en période de floraison ». Ce qui préoccupe l'IAV ? « Nous savons traiter la jussie aquatique, en l'arrachant », explique Benjamin Bottner. Pour sa forme terrestre, par contre, « il n'y a pas encore de solutions ». L'emprise des racines est profonde, « il faudrait retourner une énorme couche du sol ». Ce qui, de toute façon, est impossible : les marais sont des zones protégées Natura 2000. Quelle menace représente-t-elle ? En traversant le champ, Benjamin Bottner fait un rapide calcul. 4 ha sont couverts par la plante. « La jussie s'impose sur l'herbe et les espèces indigènes. » Sauf qu'elle n'est pas exploitable. « Les animaux n'aiment pas son goût. » Mais en attendant, elle gagne sur les fourrages. À l'IAV, on estime que la plante risque de poser un problème aux agriculteurs. « Le phénomène est peu connu, car cela ne concerne que des marais. Mais une année comme celle-ci, avec la sécheresse, ces zones représentent une ressource bien utile en fourrages, voire essentielle, pour certains », déclare Benjamin Bottner. Dans l'Ouest, la jussie terrestre est également apparue dans les marais de Brière. Les premières études, peu concluantes, n'ont pas permis de trouver une méthode pour l'éradiquer. À l'IAV, on entend faire des premiers tests dans le cadre du contrat de restauration et d'entretien des zones humides. Sans se précipiter, surtout. « On ne sait pas comment la plante réagit, regrette Benjamin Bottner. Il vaut mieux éviter des grosses bêtises. » Mais on préfère prévenir : d'ici quatre à cinq ans, c'est toute une chaîne écologique et économique qui risque d'être bouleversée.