JOURNEES DE VALIDATION REIMS MAI 2005 ERIC PELLETIER PATRICK MONTANGERAND 1 – STATISTIQUES: Bien que ces accidents soient relativement rares au niveau professionnel, la gravité peur être importante, voire létale (environ 100 décès par an dont 50 % à la maison). Ils représentaient 0,12 % des accidents de travail en 2002, mais 1,1 % des accidents mortels; on peut donc dire qu'ils sont 10 fois plus mortels que les accidents ordinaires. C'est pourquoi un accident électrique doit toujours être considéré comme potentiellement grave jusqu'à preuve du contraire. 2 – DEFINITIONS: Au niveau de la matière, les atomes sont formés d'un noyau (positif) autour duquel tournent un ou plusieurs électrons (négatifs), les atomes étant neutres (autant de charges + que -). L'électricité peut être statique, résultant du frottement entre deux matériaux isolants et du passage d'électrons de l'un à l'autre (en général de faible intensité) , ou dynamique, constituée par un flux d'électrons libres circulant dans une seule direction (circuit électrique d'intensité variable). Le courant est dit continu si celui-ci circule toujours dans le même sens (pile, batterie), ou alternatif si le courant change de sens en fonction de la fréquence (EDF avec une fréquence de 50 Hz), le courant alternatif étant plus dangereux car nécessitant une intensité moindre pour provoquer des effets néfastes. Un circuit électrique est constitué d'un générateur, de fils conducteurs et d'un ou plusieurs récepteurs, et le courant ne peut circuler que si ce circuit est fermé (d'où l'intérêt de mettre des systèmes de coupure à l'intérieur de ce circuit). Un arc électrique peut jaillir entre deux conducteurs voisins portés à des potentiels différents, et correspond à l'émission de particules en fusion lors du choc entre les atomes d'un des deux conducteurs et les atomes de l'air (les éclairs observés lors des orages sont des arcs électriques entre deux nuages ou entre un nuage et la terre). Un court-circuit résulte d'une liaison accidentelle entre deux pièces conductrices présentant entre elles une différence de potentiel (souvent dangereux car responsable d'un courant d'intensité élevée). Au niveau humain, on peut définir les électrisations (encore appelées électro-traumatismes) qui sont l'ensemble des manifestations liées au passage du courant dans le corps et les électrocutions qui sont les manifestations mortelles de ce passage. L'autre type d'accident qui peut survenir est l'incendie soit par échauffement, court-circuit ou formation d'étincelles (1 incendie sur 3 serait d'origine électrique), pouvant évidemment avoir des conséquences humaines. 3 – RAPPELS PHYSIQUES : Trois données caractérisent le courant électrique : °L'Intensité I: quantité de courant circulant dans un circuit dans un temps déterminé, mesurée en ampères (A). °La Tension U: correspondant à la différence de potentiel existant entre deux points du circuit, mesurée en volts (V). °La Résistance R: ce qui va s'opposer au passage du courant, exprimée en ohms (O). Une formule est à retenir : U = RI (loi d'ohm) qui permet d'observer que pour une tension donnée, l'intensité sera d'autant plus importante que la résistance sera faible. D'autre part, l'effet Joule, exprimé par la formule : W = UIT mesure la quantité d'énergie produite par le passage du courant et donc la chaleur dégagée, responsable des brûlures. On peut résumer les effets du courant par la phrase suivante : LES AMPERES TUENT LES VOLTS BRULENT 4 – PHYSIOPATHOLOGIE : A - Le courant rentre dans le corps humain de deux façons possibles: - la victime entre simultanément en contact avec les deux bornes: il passe un courant pouvant être de forte intensité qui atteint les organes situés entre les deux bornes : contact direct. - la victime touche involontairement une borne tandis que sa peau nue et/ou mouillée se trouve au contact de la terre, constituant donc un circuit fermé, le courant passant alors à travers n'importe quelle partie du corps situé entre la borne et la terre : contact indirect B - L'intensité du courant est dangereuse à partir de 5 mA, mais différents seuils sont à connaître. Le seuil de perception (1 mA), à partir duquel l'individu va ressentir quelque chose (picotements). Le seuil de non lâcher (10 mA), où l'individu va être "collé" à la source de courant par tétanisation musculaire. Le seuil d'asphyxie respiratoire (25 mA), par tétanisation du diaphragme, entraînant un arrêt respiratoire. Le seuil de fibrillation cardiaque (80 mA), avec tétanisation du muscle cardiaque. Le seuil d'inhibition des centres nerveux (3 à 4 A), entraînant une mort immédiate (sidération). C – Le temps de passage du courant : plus il est important, plus graves seront les lésions, en particulier les brûlures (W = UIT). D – La résistance au passage du courant (ou impédance) a aussi un rôle important (U = RI), comprenant la résistance interne du sujet (environ 500 ohms) plus la résistance de la peau; cette dernière pouvant varier en fonction de différents paramètres (humidité, modalités et durée du contact, tension). E – La forme du courant est importante avec une dangerosité moindre du courant continu (seuil atteint avec une intensité environ 4 fois supérieure), la fréquence du courant alternatif ( plus dangereux) jouant elle aussi un rôle (manifestations musculaires à 50 Hz, effets thermiques à 100 Hz). F – La tension joue un rôle lui aussi important (U = RI), en particulier en provoquant des brûlures. G – Les modalités de contact: * l'état de la peau, * la surface du sol, * la surface en contact, * la nature du contact avec le sol (importance des chaussures de sécurité), * la trajectoire du courant à l'intérieur du corps humain (coté gauche plus dangereux car passe par le cœur), * le type de contact (direct ou indirect) jouent aussi un rôle important. 5 – ASPECTS CLINIQUES : Ceux-ci peuvent être classés : °en effets immédiats: *secousses voire tétanisations musculaires. *atteinte respiratoire avec arrêt respiratoire par tétanisation du diaphragme. *atteinte circulatoire : troubles du rythme, fibrillation ventriculaire. *atteinte neurologique : perte de connaissance, sidération neurologique. *brûlures (présentes dans 80 % des cas), locales (cutanées ou oculaires), visibles de différent degré ou internes non visibles pouvant entraîner des nécroses organiques. *lésions associées, en particulier traumatiques. °en effet retardés ou séquellaires: *oculaires (cataracte), *cardiaques (troubles du rythme, infarctus), *neurologiques (œdème cérébral, hémiplégie), *rénaux (crush syndrome, insuffisance rénale, nécrose tubulaire) *psychologiques (asthénie, névrose) *séquelles des brûlures: rétractions tendineuses, cicatrices vicieuses. 6 – MODALITES D'APPARITION : Plusieurs facteurs peuvent expliquer la survenue de l'accident: *Mode opératoire innaproprié *Méconnaissance des risques, imprudences *Application incomplète des procédures *Formation insuffisante *Mauvais état du matériel *Etat du sol *Inadaptation aux usages Nous allons maintenant étudier deux cas cliniques, aux conséquences très différentes qui vont illustrer ces différentes atteintes. CAS N° 1: M. C, homme de 31 ans, sans ATCD, électricien, accidenté (accident de travail) en changeant un luminaire alors qu'il était éteint (tube néon, 220 V, courant alternatif) et adressé aux Urgences pour bilan. A ressenti secousses musculaires puis douleur bras gauche et oppression thoracique, avec un point d'entrée du courant au niveau de la main gauche et un point de sortie à la main droite; pas de brûlures visibles. Examen clinique sans anomalie, ECG normal, bilan biologique (CPK, troponine) normal. M. C a été gardé en surveillance 24 hrs en UHCD, sans complications. Analyse de l'accident: salarié habilité, portait des chaussures de sécurité, durée de contact très brève, pas de tétanisation, origine probable de l'accident: mauvais état d'un isolant par usure du tube néon. CAS N° 2 M. X., 42 ans, sans ATCD hormis une hépatite C active sans traitement est caténairiste à la SNCF, affecté à la ligne TGV (en entretien nocturne), son travail consistant à vérifier, changer les caténaires ou à intervenir sur les branchements de ceux-ci dans les sous stations ( interfaces pour transformer le courant EDF en 25000 V SNCF). Normalement lors des travaux, le courant est coupé sur la ligne (procédure centralisée à Paris) et la mise à terre est assurée par une perche. Le 27 juin 2003, de nuit, opération de maintenance programmée sur les sectionnaires de têtes de câbles, programme modifié quelques heures avant l'intervention avec consignation donnée pour la voie (certification de la mise hors tension de la voie). M. X. monte avec une échelle de protection, à 4 m environ (80 cms de la tête de câble). Il se produit un arc électrique intense avec explosion, entraînant la chute de M.X. Conséquences : victime en feu (extinction par équipe accompagnante), inconsciente (mise en PLS). PEC par pompiers + SAMU sur CHU puis centre de grands brûlés à Lyon. Bilan: polytraumatisé avec hémo-pneumothorax, fracture épaule, volet costal, brûlures face et thorax (2ème et 3ème degré); 3 mois d'hospitalisation avec multiples complications. Salarié toujours en arrêt de travail à ce jour. 7 – CAT EN CAS D'ACCIDENT : Commencer par couper le courant sans toucher la victime *Protéger: dégager l'accidenté, c'est à dire le soustraire du contact électrique. *Secourir: manœuvres de réanimation si nécessaire. *Alerter les secours spécialisés . L'état de mort apparente doit toujours bénéficier de manœuvres de réanimation chez les électrisés car l'atteinte cardiaque survenant à priori sur un coeur sain, la récupération se fera la plupart du temps ad intégrum. De plus, il faudra toujours respecter les consignes de sécurité et se rappeler que : "Toute sauveteur" intervention imprudente risque d'accidenter le 8– PREVENTION : Celle-ci , vu la dangerosité du risque obéit à des normes et une réglementation strictes. Elle doit se faire à tous les niveaux pouvant être responsables des accidents: niveau de l'installation , du matériel ,de l'utilisation de celui-ci , des travailleurs et lors des interventions. A – Les installations : *protection contre les contacts directs: isolation, armoires, éloignement, mise en place de disjoncteurs ou fusibles. *protection contre les contacts indirects: mise à la terre des masses, double isolation, utilisation de très basse tension de sécurité (TBTS) ou de protection (TBTP). *vérifications et surveillance périodique de ces installations *une affiche doit être opposée dans tous les locaux où existe un risque électrique. Triangle d'avertissement du danger électrique B – Le matériel et son utilisation: *classes de matériel (norme NFC20-030) : 4 classes 0,I,II,III (classe 0 interdite sur les lieux de travail). *degrés de protection du matériel (normes NF EN 60529 et NF EN 50102) symbolisés IP suivis de deux chiffres et d'une lettre. *vérifications et surveillance périodique du matériel. *des matériels d'intervention comprenant: *une perche de sauvetage *un tabouret ou tapis isolant *une paire de gants isolants *un vérificateur d'absence de tension *une pince coupe-câble à manches isolants Ces matériels font l'objet de normes et doivent être à disposition lors d'un accident électrique. C – Les travailleurs : *port des EPI: obligatoire, conformes à directive européenne 89/686/CEE : combinaison en coton ignifugé, chaussures isolantes de sécurité, gants isolants, casque isolant, écran facial et protèges-bras isolants Tous ces EPI devant obéir à des normes . *outils isolants (normes) *aucun objet conducteur porté. *habilitation des travailleurs: ° délivrée par le chef d'établissement, ° après avis d'aptitude médicale, ° après formation spécifique dans un centre agrée par le Comité des travaux sous tension, ° réévaluée annuellement, °équivaut à une reconnaissance d'une qualification. Il existe plusieurs niveaux d'habilitation suivant la nature des travaux et des interventions, la tension des installations, symbolisés par une lettre, un indice et une deuxième lettre (publication UTE C18-510). La protection des travailleurs obéit au Décret 88-1056 (14 novembre 1988) modifié par le Décret 95-608 (06 mai 1995) et leurs différents arrêtés; le Décret 92-141 (14 février 1992) et son arrêté concernant lui les premiers soins à donner aux victimes d'accident électrique. D – Lors des interventions: La publication UTE C 18-510 précise les normes et la réglementation lors des interventions: signalisation, consignation, utilisation du matériel … pour la basse tension (moins de 1000 V CA ou 1500 V CC). Des dispositions spécifiques existent pour les hautes tensions. 9 – CAS PARTICULIER DE L'ELECTRICITE STATIQUE : Elle résulte de la formation d'une charge électrique par contact entre 2 surfaces isolantes, est dissipée immédiatement à la terre en cas de surface métallique mais est retenue où elle est formée dans les autres cas, pouvant s'accumuler et libérer une étincelle responsable d'un accident, en particulier incendie et/ou explosion. Elle est constamment présente dans l'environnement industriel. La prévention des risques liés à l'électricité statique consiste à éviter l'accumulation de ces charges par: *mise à la terre des conducteurs *port de chaussures anti-statiques *humidification de l'air (air sec facilite l'accumulation) *utilisation de matériaux anti-statiques (textiles) *utilisation de neutralisateurs industriels dans les zones dangereuses. 10– REPARATION : Tout accident électrique même bénin doit être déclaré en accident de travail; en effet les effets secondaires et/ou retardés peuvent exister et avoir des répercussions sur la santé et l'aptitude au travail du salarié. 11 – CONCLUSION : Tout salarié peut être confronté au risque électrique, avec en cas d'accident, des conséquences pouvant être dramatiques. En pratique, ces accidents sont rares, étant donnés l'importance de la réglementation et des normes en vigueur, associées aux mesures de prévention et à l'habilitation des personnels. BIBLIOGRAPHIE INRS. dossier: accidents d'origine électrique - 2004. INRS. dossier: introduction au risque électrique - 2004 PICART P. Prévenir les risques d'accidents électriques. Dossier de chantiers BTP n° 33 - 2001. BERNARD P. C. Ergonomie Hygiène et Sécurité Conditions de Travail et Environnement. Les Editions D'Ergonomie. 2004 CATILINA P. ROURE-MARIOTTI M.-C. Médecine et risque au travail. Ed. Masson. 2002 WWW.URGENTISTE .COM Accidents électriques.