1091_texte Freud = moi étranger à lui

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Philosophie – Mme Duprey
Séquence I, chap. 3
L'homme, quelque rabaissé qu'il soit au-dehors, se sent souverain dans sa propre âme. Il s'est
forgé quelque part, au coeur de son moi, un organe de contrôle qui surveille si ses propres
émotions et ses propres actions sont conformes à ses exigences. Ne le sont-elles pas, les voilà
impitoyablement inhibées1 et reprises. La perception intérieure, la conscience, rend compte au
moi de tous les processus importants qui ont lieu dans l'appareil psychique, et la volonté,
guidée par ces renseignements, exécute ce qui est ordonné par le moi (...).
Dans certaines maladies, et, de fait, justement dans les névroses que nous étudions, il en est
autrement. Le moi se sent mal à l'aise, il touche aux limites de sa puissance en sa propre
maison, l'âme. Des pensées surgissent subitement dont on ne sait d'où elles viennent ; on n'est
pas non plus capable de les chasser. Ces hôtes étrangers semblent même être plus forts que
ceux qui sont soumis au moi; ils résistent à toutes les forces de la volonté (…).
La psychanalyse entreprend d'élucider ces cas morbides 2 inquiétants, elle organise de
longues et minutieuses recherches (…) et, finalement, peut dire au moi: « Il n'y a rien d'étranger
qui se soit introduit en toi, c'est une part de ta propre vie psychique qui s'est soustraite à ta
connaissance et à la maîtrise de ton vouloir. C'est d'ailleurs pourquoi tu es si faible dans ta
défense; tu luttes avec une partie de ta force contre l'autre partie, tu ne peux pas rassembler
toute ta force ainsi que tu le ferais contre un ennemi extérieur. (...)
La faute, je dois le dire, en revient à toi. Tu as trop présumé de ta force lorsque tu as cru
pouvoir disposer à ton gré de tes instincts sexuels et n'être pas obligé de tenir compte le moins
du monde de leurs aspirations. Ils se sont alors révoltés et ont suivi leurs propres voies
obscures afin de se soustraire à la répression (...)
Le psychique ne coïncide pas en toi avec le conscient: qu'une chose se passe dans ton âme
ou que tu en sois de plus averti, voilà qui n'est pas la même chose (...). Qui pourrait, même
lorsque tu n'es pas malade, estimer tout ce qui se meut dans ton âme dont tu ne sais rien ou sur
quoi tu es faussement renseigné ? Tu te comportes comme un monarque absolu qui se
contente des informations que lui donnent les hauts dignitaires de la cour et qui ne descend
pas vers le peuple pour entendre sa voix. Rentre en toi-même profondément et apprends
d'abord à te connaître, alors tu comprendras pourquoi tu vas tomber malade, et peut-être
éviteras-tu de le devenir. »
C'est de cette manière que la psychanalyse voudrait instruire le moi. Mais les deux clartés
qu'elle nous apporte: savoir, que la vie instinctive de la sexualité ne saurait être complètement
domptée en nous et que les processus psychiques sont en eux-mêmes inconscients, et ne
deviennent accessibles et subordonnés au moi que par une perception incomplète et incertaine,
équivalent à affirmer que le moi n'est pas maître dans sa propre maison.
Sigmund FREUD Une difficulté de la psychanalyse, Essais de psychanalyse appliquée (1917),
trad. Marie Bonaparte et Mme E. Marty, 1982, pp. 143-146.
Exercice :
1) Analysez la structure précise de ce texte. Distinguez différents moments logiques et
donnez leur un titre.
2) Pour chacun des paragraphes de ce texte, résumez l’idée principale.
3) D’après ce texte, qu’est-ce que le moi ?
1
2
Empêchées, censurées.
Morbides = maladifs. Allusion à la névrose et à la souffrance qu’elle induit chez le sujet.
Philosophie – Mme Duprey
Séquence I, chap. 3
1er § L’homme vit au départ dans l’illusion d’une parfaite maîtrise de lui-même et d’une
parfaite conn de ses pensées.
Pourquoi ? Parce qu’une instance de censure est à l’œuvre s’exerce en permanence en nous,
qui poursuit le travail du refoulement en rejetant hors du domaine cst les pensées, les désirs
jugées inconciliables avec nos pensées et nos volontés cstes.
La cse donne à l’homme le sentiment de voir clair en lui. La volonté semble se soumettre à
la cse, être son bras droit, et nous ft agir en fonction de nos buts csts, raisonnables et réfléchis.
 En apparence, le moi est en parfaite possession de lui-même, de ses facultés et il
paraît maîtriser ses pensées et ses actes.
2ème § Dans la maladie, la vraie position du « moi » est percée à jour : le « moi » ne maîtrise
pas tt ce qui se passe en lui ; sa connaissance et sa maîtrise apparaissent limitées.
Ds la névrose, le « moi » se sent étranger à lui-même, envahi par des pensées, des
émotions, des souffrances qu’il ne comprend pas, parce qu’ils proviennent d’une part
incste de lui-même.
Elles lui apparaissent donc énigmatiques et inquiétantes, menaçantes pr son identité. Le moi a
l’impression d’abriter des hôtes étrangers = la conn que le « moi » a de lui-même apparaît
limitée.
D’autre part, il est incapable de chasser de telles pensées. Les pensées par lesquelles il se sent
envahi s’imposent avec force et ne sont pas faciles à évacuer = limite à sa puissance.
 Ds la névrose, l’illusion d’une parfaite conn et maîtrise de soi est donc mise à mal, la
maladie devient révélatrice d’un certain nbre de vérités sur notre vie psychique.
3ème - 5ème § Réponse que la psychanalyse apporte face à ce malaise
1) Ce qui apparaît au premier abord comme étranger au moi ne l’est pas en réalité. Les
pulsions incstes font partie intégrante de notre psychisme. Il faut cesser de considérer
comme étranger ce qui est en réalité une composante de nous-même. C’est parce que
le moi est divisé en lui-même qu’il se ressent affaibli. Le conflit psychique =
déperdition de forces, d’énergie et une souffrance.
2) Le sujet doit apprendre à reconnaître l’importance, en lui, non seulement de la
raison, mais aussi des pulsions, donc du corps, de la sexualité etc. Il doit aussi
comprendre que cette part de nous-mêmes ne se laisse pas aisément dompter, maîtriser.
Mieux vaut reconnaître nos limites, plutôt que de vivre dans l’illusion d’une
parfaite maîtrise de soi.
3) Le sujet doit aussi accepter l’idée qu’il existe tte une part de lui-même qui lui
échappe, qu’il ne connaît pas ou sur laquelle il n’est que peu ou mal informé. La
conn de nous-mêmes est nécessairement partielle, lacunaire. Cette part obscure de
nous-mêmes peut néanmoins être approchée à travers la psychanalyse. Cette conn
approfondie de nous-mêmes (même si elle n’est jamais parfaite et intégrale) est utile
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car elle permet de résoudre certains conflits psychiques et nous évite ainsi certaines
souffrances.
6ème § Conclusion
La psychanalyse nous apporte une plus grande clarté sur nous-mêmes en nous révélant 2
choses :
-
L’importance du corps et des pulsions qui en émanent ds notre vie mentale.
L’existence en nous de phénomènes psychiques inconnus de nous.
 Cette découverte impose au moi une certaine blessure d’orgueil. Cela met fin à
l’illusion d’une parfaite conn et maîtrise de soi. Le moi est comme décentré = notre
vie psychique n’est pas tt entière placée sous la direction de la cse. Il existe en nous
une part d’ombre, des zones inconnues…Nous n’avons qu’une maîtrise partielle de
nos pensées et de nos actes.
 Le moi : position précaire et plus fragile qu’il n’y paraît. Désigne cette dimension de
nous-mêmes qui voudrait se représenter notre personnalité comme unifiée, cohérente,
en pleine possession de soi. Le moi se donne l’illusion qu’il se domine intégralement
lui-même alors qu’il est traversé par des forces qui lui échappent : le « ça » = partie
incste de nous-mêmes qui correspond aux pulsions ; et le « surmoi » = instance qui
juge, contrôle, censure qui s’est formée au contact de la vie sociale, par
l’intériorisation d’un certain nbre d’interdits.
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