1. Identifier trouble et difficulté

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Difficultés langagières
Identifier
1. IDENTIFIER TROUBLE ET DIFFICULTE................................................................................................................ 2
1.1. Repérer, dépister, diagnostiquer, aider.................................................................................................... 2
1.2. Le bilan orthophonique .......................................................................................................................... 5
1.3. Des difficultés de langage ....................................................................................................................... 6
1.4. Des différences de niveau ....................................................................................................................... 7
1.5. Le symptôme ........................................................................................................................................... 9
1.6. La difficulté ........................................................................................................................................... 10
1.7. Le trouble ............................................................................................................................................... 11
1.8. Le retard ............................................................................................................................................... 12
2. CLASSIFICATION DES TYPES DE DIFFICULTES ET TROUBLES RENCONTRES ...................................................... 13
3. QUELQUES SYMPTOMES LANGAGIERS ........................................................................................................... 15
3.1. Le bégaiement et/ou le bégayage .......................................................................................................... 15
3.2. Le bredouillement ................................................................................................................................. 20
3.3. L’écholalie ............................................................................................................................................ 20
3.4. La logorrhée ......................................................................................................................................... 20
3.5. Le monologue ....................................................................................................................................... 21
3.6. Le soliloque .......................................................................................................................................... 21
3.7. Le verbiage ........................................................................................................................................... 21
4. LE SILENCE COMME PAROLE ? ....................................................................................................................... 21
4.1. Le silence : des définitions .................................................................................................................... 22
4.2. Le mutisme : des définitions ................................................................................................................. 24
4.3. Les conséquences du silence, pour le développement et les apprentissages ......................................... 25
5. REPERER, DEPISTER AUX CYCLES 1 ET 2 ....................................................................................................... 26
5.1. Le Repérage .......................................................................................................................................... 26
5.2. Le dépistage .......................................................................................................................................... 29
6. REPERER, DEPISTER, AU CYCLE 3 ET AU COLLEGE ......................................................................................... 32
6.1. Le repérage ........................................................................................................................................... 32
6.2. Le dépistage .......................................................................................................................................... 33
6.3. Le diagnostic ........................................................................................................................................ 35
6.4. Exemple d'un PEI ................................................................................................................................. 36
1
1. Identifier trouble et difficulté
1.1. Repérer, dépister, diagnostiquer, aider
Il est indispensable que soient engagés avec les parents les échanges
nécessaires afin de les informer et de les associer à toute démarche de
repérage, de dépistage et de diagnostic ainsi qu'à toute démarche d'aide.
2
Quatre étapes importantes :
le repérage
c'est remarquer, porter une
attention particulière aux
difficultés relatives du
langage oral ou écrit quelles
que soient leur nature, leur
forme ou leur intensité.
le dépistage
c'est identifier dans une
population à priori en bonne
santé, des sujets porteurs
d'une anomalie donnée, à un
stade précoce dans le but de
réaliser
des
examens
complémentaires
de
diagnostic et de prendre des
mesures préventives ou
thérapeutiques
le diagnostic
l'aide ou la prise en
charge
c'est identifier le trouble, en
précisant
le
caractère
spécifique et la sévérité de
celui-ci.
Le
diagnostic
pluridisciplinaire s'appuie sur
un
bilan
médical,
orthophonique et (neuro)
psychologique.
C’est toujours la conjonction
de plusieurs éléments qui
permet
de
poser
le
diagnostic
En
milieu
scolaire,
le
repérage
incombe
aux
enseignants en collaboration
avec les membres du
RASED. Il s'appuie sur
l’observation
et
la
connaissance
fine
des
élèves par l'enseignant, et
différents outils d'évaluation.
En milieu scolaire, le
dépistage est du ressort du
médecin de PMI en petite et
moyenne section de
maternelle puis du médecin
de santé scolaire pour le
reste de la scolarité, en
collaboration avec la
psychologue scolaire.
Le travail en équipe :
médecin infirmière,
psychologue, RASED,
enseignant (e) est une des
conditions de la réalisation
d'un dépistage pertinent qui
permet la mise en place d'un
suivi et d'une guidance
pédagogique adaptée et
parfois d'un suivi spécialisé
extérieur à l'école.
Il est le plus souvent fait à
l'extérieur auprès de
professionnels de santé ou
pour les cas complexes dans
des centres de référence
hospitaliers.
L'aide peut être apportée à
l'école :enseignants, RASED
ou à l'extérieur, une prise en
charge peut être proposée
(orthophonistes, CMPP…)
3
Chaque professionnel qui intervient autour de l'enfant en difficulté doit
connaître son rôle, ses missions, ses limites et privilégier le travail en réseau.
L’évaluation des compétences langagières n’est pas chose facile, car on
peut apprendre à parler en se taisant, chacun d’entre nous ayant des
capacités de récepteur et de producteur avec une prédominance des
premières. L’activité langagière représente l’ensemble des comportements
verbaux et non verbaux auxquels l’enfant va recourir pour communiquer.
Les enseignants sont très attentifs aux différentes conduites langagières de
l’enfant, ainsi qu’à ses capacités de communication. Ils doivent pouvoir être
en mesure de nommer les difficultés et de les expliciter, afin de les exposer à
l’équipe éducative et à la famille, et de prendre toute leur place dans la
concertation avec les professionnels du RASED, le médecin scolaire,
l’orthophoniste ou le centre de soins qui prendront en charge l’enfant.
Pour le repérage, il s'agit de sensibiliser chaque enseignant aux difficultés
langagières des enfants, sensibilisation qui permet aussi la mise en place
concertée de l'aide si besoin est.
Le repérage que nous pouvons faire à l'école méritera d'être affiné en cas de
problème.
Des enseignants d’école maternelle du Rhône ont travaillé à la réalisation
d’une fiche d’observation (voir en annexe). Durant une activité orale en
grand groupe, pendant laquelle un enfant distribue la parole, l’enseignant se
tient en retrait afin d’observer et de définir ensuite des petits groupes de
travail :
- bons parleurs,
- mauvais parleurs,
- non parleurs.
Il peut aussi faire appel au RASED pour affiner l'observation et apporter une
aide complémentaire.
Dans le dépistage, les médecins de la Protection maternelle infantile (PMI) et
de la médecine scolaire apportent leur spécificité. Ils connaissent les
situations de vulnérabilité, des facteurs de risques biologiques et sensoriels
intriqués à des facteurs environnementaux. Les savoir-faire des différents
partenaires s'appuient sur des compétences différentes, mais il faut
compléter les diagnostics quand il y a un écart dans les différentes
observations. Le contexte joue un rôle non négligeable aussi. Il faut avancer
avec prudence et précaution pour tenir compte des variabilités
interindividuelles.
Les enseignants ne sont pas seuls. Concernant le langage, par exemple, il est
demandé aux enseignants se préparant à la fonction de rééducateur, de
connaître « les troubles du développement du langage chez l’enfant et
sache faire une évaluation du niveau de langage ».
Voir en annexe différents outils possibles, pour se créer le sien, en fonction des
besoins.
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Pour créer un ensemble cohérent de repérage, de dépistage et d’aide en
milieu scolaire, nous allons mettre en place des échanges, en partenariat
avec les parents. Tout malaise ressenti par les parents concernant le langage
de leur enfant risque d’induire une pathologie, alors il faut parfois
dédramatiser.
Enseignants
Dans l’école
RASED
PMI et médecine scolaire
Médecin généraliste
Orthophoniste
Hors de l’école Autres spécialistes
CMP ou CMPP
CHU, services spécialisés
Repérage, diagnostic, aides
Dépistage, diagnostic,
prise en charge, soins
1.2. Le bilan orthophonique
Lorsque le repérage à l’école laisse à penser que l’enfant peut avoir un
trouble, l’école (enseignants, RASED), le médecin de PMI, le médecin scolaire
peuvent proposer aux parents de demander au médecin une ordonnance
pour un bilan orthophonique.
Celui-ci a pour but d’explorer différents versants du langage : la
compréhension et l’expression.
Les épreuves de compréhension comportent des consignes qui vont du plus
simple au plus complexe, autant dans le contenu que dans leur structure
syntaxique.
L’orthophoniste rédige un compte-rendu pour le médecin traitant et peut
proposer :
- soit un nouveau bilan dans quelques mois
- soit un soutien à l’entourage sous forme de conseils adaptés
- soit des examens complémentaires
- soit une rééducation orthophonique.
Les épreuves de réalisation comportent une étude
- des possibilités articulatoires sur des phonèmes isolés ou intégrés
- de la parole, par des dénominations d’images et des répétitions de mots et
de phrases, de son rythme spontané ou reproduit
- du langage sous l’angle du vocabulaire
- de l’organisation syntaxique par des épreuves de classement d’images
- des épreuves de rétention visuelle et auditive.
L’orthophoniste peut traiter chez l’enfant :
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- les troubles spécifiques du langage oral (troubles articulatoires, retards de
parole, retards de langage) à partir du 3ème anniversaire, mais bon nombre
d’orthophonistes disent qu’il est difficile d’engager des rééducations
orthophoniques avec des enfants qui n’ont pas conscience de leurs
difficultés
- les aphasies
- les troubles spécifiques du langage écrit (lecture, écriture, calcul)
- le bégaiement
- les troubles de la voix
- les rééducations ou conservation du langage ou de la parole dans les
surdités
- les troubles de la déglutition.
1.3. Des difficultés de langage
Le langage oral est un domaine où les enseignants repèrent vite les enfants
qui rencontrent des difficultés. Il est évident que certaines difficultés ne se
corrigeront pas seules. Nous serons attentifs à la façon dont l’enfant vit son
problème de parole ou de langage. S’il a conscience de ce trouble et qu’il
en souffre, s’il est empêché de communiquer, alors il faut l’aider et voir si
cette aide peut relever de l’école ou s’il faut conseiller aux parents des soins
à l’extérieur. Une rééducation orthophonique n’aura de sens pour l’enfant
que s’il a pris conscience de son trouble et s’il accepte cette aide.
Alexandre est un enfant de grande section. L’enseignante nous dit qu’il a du
mal à se plier aux règles de l’école, au niveau des apprentissages et dans son
comportement. Il est élevé par sa grand-mère portugaise et il vient le weekend chez ses parents. C’est un enfant qui est dans la toute-puissance et qui
n’accepte pas les contraintes.
Le rééducateur a indiqué dans son projet rééducatif :
- offrir à Alexandre un cadre sécurisant dans lequel il acceptera d’évoluer
et d’abandonner un peu de ses défenses
- amener Alexandre à se départir de son sentiment de toute-puissance et à
rencontrer l’autre
- mobiliser les capacités imaginaires et la dimension symbolique à partir de
différentes médiations
- rendre Alexandre capable de différer ses désirs immédiats, d’accepter les
frustrations et de respecter les règles.
Le langage a été un élément important dans le travail rééducatif. Cet enfant
avait un langage très développé mais à certains moments, il était
incompréhensible, parlait très vite, sans articuler. Le rééducateur était alors
suspendu à ses lèvres. Ce qu’il lâchait un peu au niveau de la relation, se
jouait au niveau du langage. Le rééducateur était « suspendu » aux paroles
d’Alexandre.
Progressivement, la maîtrise de l’autre s’est manifestée dans les jeux
symboliques. L’omnipotence s’est déplacée par le biais du langage et à
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travers le jeu. Alexandre a progressivement expérimenté le « lâcher-prise ». Il a
maintenant pris sa place dans le groupe et a accepté les lois de l’école.
Le travail mené en parallèle avec les parents nous permet d’apprécier la
place de la parole et de l’énonciation dans la famille. René DIATKINE a pu
nous dire combien « tout changement dans le mode d’expression ou le mode
relationnel d’un enfant entraîne des modifications dans son équilibre
psychique ».
Parler, c’est organiser le monde qui nous entoure, c’est s’impliquer, c’est
s’articuler aux autres, c’est aussi accepter un système, un code extérieur à soi
et se l’approprier. On comprend combien cela peut être difficile pour
certains enfants quand ils ne peuvent investir ce dont ils devraient parler!
Mais, la plupart du temps, l’enfant qui ne parle pas ou parle mal est resté un
bébé. L’état de son langage révèle celui de son développement
psychologique. Au lieu de lui apprendre à parler au moyen de techniques
diverses, aidons-le d’abord à grandir, quitte à lui proposer ensuite un
accompagnement psychopédagogique adéquat s’il souffre d’un éventuel
retard par rapport aux autres de sa tranche d’âge. Toute rééducation ou
intervention qui ne prend pas en compte la dimension de symptôme des
retards et des troubles du langage expose l’enfant au déplacement de celuici sous une autre forme (énurésie, troubles du sommeil ou du comportement)
ou plus tard. Freud écrivait en 1909 : " Il me semble que nous nous
préoccupons trop des symptômes et nous soucions trop peu de ce dont ils
proviennent. Et quand nous élevons des enfants nous voulons simplement être
laissés en paix, n’avoir pas de difficultés, bref nous visons à faire un " enfant
modèle " sans nous demander si cette manière d’agir est bonne ou mauvaise
pour l’enfant ". C’est pourquoi la meilleure prévention est d’entendre le
symptôme comme un langage à décoder, dans le respect de sa fonction de
compromis défensif et d’expression de sa difficulté à vivre et à grandir. Aider
l’enfant de cette manière dans le présent, c’est prévenir un bon nombre de
troubles de l’adulte qu’il sera demain.
Pour accéder au langage, l’enfant doit être capable d’imaginer, de
symboliser, de se représenter un objet absent. Compréhension et expression
langagière marchent de concert et organisent la pensée de l’enfant et ses
relations sociales. On comprend alors l’importance qu’il y a à réduire les
troubles du langage de l’enfant pour qu’il accède au statut d’élève.
1.4. Des différences de niveau
L'école maternelle va accueillir des enfants dont les expériences langagières
varient de façon considérable. Les différences de niveau ne seront pas
stigmatisées. Certains s'expriment clairement dans un parler fluide, d'autres
disposent seulement de quelques mots et ont recours aux gestes et aux
7
mimiques, d'autres encore ne parlent pas, ce qui ne signifie pas qu'ils ne
possèdent pas le langage, mais qu'ils refusent de prendre la parole.
La raison de cette inégalité est à rechercher dans les milieux de vie des
enfants. Il n’y a pas de parole sans écoute.
Selon René DIATKINE,
- un certain nombre d’enfants ont pu investir positivement le langage, en
ayant à leur disposition des modèles linguistiques à leur portée et qui leur
soient adressés,
- d’autres n’ont pas eu l’expérience du langage comme mode de
communication privilégié
- d’autres encore, ont eu une relation très étroite avec la mère et n’ont pas
eu l’occasion d’investir le langage qui met l’interlocuteur à distance.
Beaucoup de choses se sont jouées avant l’entrée à l’école maternelle. Les
travaux contemporains montrent comment la relation mère-enfant est
déterminante pour la construction du langage et de la pensée. Dès sa
naissance, l'enfant ouvre son intelligence à la langue. La plupart des enfants
qui se développent dans des conditions correctes ont un langage organisé à
trois ans. Il existe encore bien des incorrections, des maladresses, mais à trois
ans, ils peuvent :
- parler
- raconter ce qu’ils ont fait
- demander ce dont ils ont besoin
- tenir leur place dans une petite conversation.
L'école peut apporter beaucoup à certains enfants, car il est des familles où
l'on se comprend presque sans mot. Les enfants qui arrivent à l'école à deux
ans ont des expressions langagières diverses. On peut parler à cet âge de
langage du corps par l'engagement même du corps de l'enfant. Ses gestes
sont pétris de langage, l'enfant parle seul en jouant, le langage
accompagne presque toujours l'action, puis il relaie progressivement le
débordement d'activité sensori-motrice. Le langage de l’adulte
accompagne l’action de l’enfant pour l’aider à donner du sens à ce qu’il vit,
et à anticiper ce qui va se passer.
Le comportement de l’enfant est empreint de langage : la recherche de
contacts, les mimiques, les regards. Ces rencontres réussies déclenchent la
parole. Le fait d’adopter à l’école maternelle un rôle passif ou actif dans la
communication est déterminant pour la suite de sa scolarité.
La parole fonctionne à la fois comme lien et comme lieu de la séparation
qu'elle rend plus aisée. La langue sert à parler le monde, elle est aussi ce qui
fait l'humain, car elle est le pilier central de la communication. Quand l'enfant
arrive à l'école maternelle, il est encore tout empreint d'une communication
infraverbale par l'éprouvé émotionnel et corporel.
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Pour que l’enfant entre dans l’humanité, dans la scolarité, il faut qu’il ne soit
plus « tout corps », qu’il dispose d’un langage oral interne qui lui permette de
relier les choses, de questionner la réalité. S’ils n’ont pas cette capacité, le
corps prédomine et ce sont ces enfants « bolides » qui n’entrent en relation
que par l’action. Il faut donc rechercher des voies éducatives qui nous
permettront de ne pas laisser de côté les enfants qui ne valorisent pas les
échanges verbaux.
Nous allons permettre à l’enfant de se constituer une somme d’expériences
communes à celles des autres, à partir desquelles pourra s’établir la
communication. Pour favoriser l’élaboration de la fonction langage, il faudra
créer le besoin de communiquer et trouver le moyen de satisfaire ce besoin.
Le langage s’installe quand l’enfant est capable de s’exprimer au sujet
d’objets, de personnes, hors de leur présence, ou d’exprimer des sentiments,
des sensations, des désirs, des jugements. Le rôle de l’école maternelle est
d’amener l’enfant à utiliser ses capacités mentales pour construire un
langage de plus en plus élaboré, support d’une pensée de plus en plus
abstraite.
Françoise DOLTO présentait ainsi l'éducation :
"Le monde entier intéresse l'enfant et lui appartient. Il suffit de lui dire les mots
des choses du monde entier pour que ce monde entier, il l'ait en lui. C'est
cela qui est merveilleux et c'est cela éduquer un être humain".
1.5. Le symptôme
"Le symptôme a son mot à dire" a écrit S.FREUD. Le symptôme est un trouble
qui révèle un malaise. Il est important de ne pas le prendre au premier degré
en diagnostiquant un déficit de fonction, mais de considérer l'enfant dans sa
globalité.
Étymologiquement, symptôme se réfère au grec symptôma , proprement
"coïncidence". Progressivement, ce mot a pris le sens de "ce qui va avec".
C'est pourquoi on l'emploie souvent pour dire qu'il s'agit de l'effet d'une cause
qui est ailleurs.
En médecine, le symptôme est la relation établie entre un trouble interne et
ses manifestations externes, manifestations que le patient montre, et
manifestations qui sont perçues par le praticien en tant que signes, signes
puisqu'il peut les articuler à une maladie, un tableau clinique.
C'est le parti pris d'une relation duelle pour "traiter" la difficulté : le malade - le
médecin.
La multiplicité des composantes qui participent au développement du
langage peut expliquer la fréquence et la variété des difficultés et des
troubles qui y sont liés. Ces troubles ne sont parfois qu’un retard isolé ou
peuvent s’intégrer dans un tableau pathologique plus complexe.
9
Le symptôme est une parole. CIFALI Mireille (1994) nous dit que « Derrière
cette parole, il y aurait toute une élaboration du sujet. Derrière la simple
description d’une « difficulté » il y aurait la singularité d’une construction, un
entrelacs psychique aux motifs multiple[…]Il (l’enfant) lance à la cantonade
un signal dont il n’a pas le code. »
Pour J.L.GRABER (Le symptôme comme parole avortée in Thérapie
Psychomotrice N°82), le symptôme est comme un texte à déchiffrer, comme
un hiéroglyphe, comme un message codé dont l’enfant à la clé mais il
l’ignore. L’enfant utilise donc son symptôme, gênant, invalidant, pour parler. Il
ne peut pas dire avec des mots ce qui le dérange.
« Ce sont les mots qui manquent ou qui ont manqué à l’enfant pour dire,
avouer, ou demander les mots morts, les mots avortés qui font le lit du
symptôme »
La difficulté et le trouble marquent -au niveau de l'image de soi- l'individu qui
les vit. C'est toujours une souffrance, même si elle n'apparaît pas au premier
abord ; on voit l'enfant mettre en place des réactions de prestance
(H.WALLON).
Dans ces difficultés, le langage est souvent impliqué dans une double
dimension :
- comme produit de l’activité cognitive
- comme vecteur privilégié de la communication humaine, ce qui
suppose l’investissement de cette fonction et l’investissement
d’un autre à qui s’adresse cette communication.
Tout le problème consistera à repérer lequel de ces aspects est le plus
particulièrement à l’origine des difficultés.
1.6. La difficulté
P.WATZLAWICK écrit "Une difficulté, c'est une situation indésirable,
désagréable, mais on ne peut pas faire autrement ; en particulier dans tout
apprentissage, il y a des difficultés. S'il n'y avait pas de difficultés, il n'y aurait
pas d'apprentissage".
Le langage tient une part dans ces difficultés repérées. Est-il cause ou
conséquence ? Nous considérons comme difficulté un retard simple ou
fonctionnel du langage.
Tout est dans la mesure, ne pas oublier la dimension du sujet.
Les origines d'une difficulté langagière peuvent être d'origine :
- sensorielle (problème anatomique ou fonctionnel des organes
sensoriels ou phonatoires)
- neurologique (immaturité du système nerveux central)
- affective (entraves psychologiques au développement de la
communication)
10
cognitive (équipement normal ne progressant pas de manière
homogène)
- familiale et sociale (bain de langage insuffisant ou climat pathogène)
- d'adaptation à l'institution.
L'origine de la difficulté peut donner des indications sur l'aide à apporter.
Il est important de ne pas « chosifier » l’enfant, mais d’être dans une
recherche de sens.
-
1.7. Le trouble
Selon le Petit Robert, c'est une modification pathologique des activités de
l'organisme ou du comportement de l'être vivant (physique ou mental).
Le trouble se distingue d'une difficulté par la fréquence de signes, leur
durabilité, leur permanence et leur résistance aux remédiations, le tout mis en
relation avec l’âge de l’enfant.
Par exemple, jusqu’à huit ans, on ne peut pas dire d’un enfant qu’il est
dyslexique ou atteint de trouble spécifique du langage écrit. On parlera de
troubles normaux de l’apprentissage. Les mesures mises en place pour l’aider
seront à destination de ces troubles d’apprentissage, et pas de troubles
spécifiques du langage.
La classification des troubles mentaux de l‘enfant et de l’adolescent met en
évidence, dans les troubles des fonctions instrumentales :
- le retard de langage
- les troubles isolés de l’articulation
- les troubles complexes du langage oral .
Cette classification est simple à appliquer, mais elle ne nous renseigne pas sur
la nature du trouble. Elle est utile pour une approche diagnostique, mais
attention de ne pas nous laisser enfermer dans ce type de classification qui
nie la dimension du sujet, car n’oublions pas que tout symptôme est une
situation de compromis, il est porteur de sens. Il constitue un langage destiné
autant à soi-même qu'à autrui. C'est un signal d'alarme, une déviance qui
n'est pas forcément pathologique, mais l’expression d’une difficulté.
Le symptôme est souvent une adaptation à une situation difficile. Son
apparition entraîne une modification de la conduite du sujet et par
conséquent celle de son entourage. Si rien n'est fait, la situation est bloquée,
le symptôme continue à se manifester et se chroniciser. C'est cette
permanence ou son intensité qui en font un trouble.
N'oublions pas que l'enfant est un être global et que le langage est un
phénomène et une fonction. L'étude du langage comme fonction montre le
processus dynamique à travers lequel s'établit pour le sujet sa relation avec le
monde et avec lui-même.
Les troubles nécessiteront des soins orthophoniques au sens large : traitement
spécifique visant à informer, guider, restructurer, réadapter, réhabiliter,
11
réinsérer un patient souffrant dans sa communication langagière, qu’elle soit
orale ou écrite.
Les troubles du langage et de la parole sont classés en trois entités, selon le
DSMIII-R :
- les troubles de l’acquisition de l’articulation
- les troubles de l’acquisition du langage (versant expressif)
- les troubles de l’acquisition du langage (versant réceptif).
1.8. Le retard
On entend par retard un décalage chronologique par rapport à des normes
attendues, dans l’acquisition d’une fonction. Ne pas focaliser sur les retards, il
y a des retards simples qui s’améliorent avec le temps. Il est importe
cependant d’être vigilant devant une absence de progrès.
Les retards de parole
L’enfant prononce bien les phonèmes isolément, mais il déforme les mots :
« cocholat, tacalogue… Essentiellement, défaut d'encodage phonologique
(mots plus ou moins correctement émis) qui se traduit par un décalage par
rapport à la chronologie habituelle des acquisitions.
Ces retards de parole sont répandus jusqu’à 4 ans et ils sont souvent liés à une
immaturité générale. On retrouve là les caractéristiques du langage bébé ou
enfantin, qui sont parfois liés à un refus de grandir ou à l’intérêt de rester petit.
Il s'agit plus dans ce cas d'un problème de développement psychologique
que d'une déficience. Seule leur persistance au-delà de 4 ans et demi / 5 ans
sera considérée comme un retard de parole, ce qui n'empêche pas d'y être
attentif et de s'en occuper auparavant dans des actions de prévention.
-
-
les retards de parole (« il parle bébé » dit l’enseignant). Une prévention
de ce type de problème est possible au moment même où l’enfant
arrive à l’école: si on observe que le langage n’est compréhensible
que par la mère, si elle seule peut traduire ce qu’il dit, alors il nous faut
travailler à la séparation, à l’individuation. Pour que l’enfant parle, il
faut qu’il accepte la distance avec l’autre, un espace de pensée
propre.
voix et débit de parole souvent liés à des troubles du comportement
tels qu’une grande inhibition ou de l’excitation.
Les retards de langage
Aux altérations phonétiques, peuvent s’ajouter des anomalies portant sur la
syntaxe et le niveau sémantique. Ils évoluent souvent moins favorablement
que les troubles de la parole, bien qu'ils soient plus travaillés dans le cadre de
12
la classe. Deux éventualités sont possibles, soit il s'agit d'un retard simple qui
peut se limiter à un simple décalage chronologique des acquisitions, soit ce
retard est beaucoup plus grave avec une perturbation déficitaire de
l'organisation du langage :
-
-
une non compréhension de ce qu'on lui dit
un défaut d'encodage syntaxique (forme du discours non adaptée)
un lexique limité
la difficulté à manier des pronoms personnels et qui peut témoigner
d’une indifférenciation entre Moi et l’autre. Le sentiment d’identité a
besoin de s’affirmer, n’oublions pas que le langage est une fonction du
Moi.
un retard simple de langage: atteinte de la structure de la phrase,
langage simplifié sans respect des règles de syntaxe
une confusion masculin/féminin
Nous sommes dans le champ de la difficulté si nous constatons qu'il s'agit
d'acquisitions plus tardives que la norme, mais avec un développement
harmonieux, une évolution positive.
Nous devons nous mobiliser aussi avec les enseignants autour des difficultés
communicationnelles et langagières de l'enfant. L'école n'attend pas que "ça
passe", croyant à une évolution spontanée de ces problèmes. Il est évident
que certaines difficultés ne se corrigeront pas seules et méritent la
mobilisation de tous les partenaires éducatifs: enseignants, parents, membres
des Réseaux d'aides spécialisées et partenaires extérieurs si besoin.
Lorsque le code oral a du mal à se mettre en place, on comprend bien que
les tentatives pédagogiques menées en grande section pour instaurer le
code écrit seront vouées à l'échec. C'est pourquoi la moyenne section de
maternelle est une bonne période pour remédier à ces difficultés, car l'enfant
a souvent conscience de son trouble, mais la petite section nous a déjà
permis de mener des actions de prévention.
Il faut toujours partir de là où en est l’enfant, et ce, à tous les niveaux.
Il nous faut apprécier si l'aide peut relever de l’école ou s’il faut conseiller aux
parents des soins à l’extérieur, car certains défauts d'articulation exigent une
technique précise qui ne s'improvise pas. Il faut être attentif à la façon dont
l’enfant vit son problème de parole ou de langage. Une rééducation
orthophonique n’aura de sens pour lui que s’il a pris conscience de son
trouble et s’il accepte cette aide.
2. Classification des types de difficultés et troubles rencontrés
Il est important de pouvoir différencier les troubles de la communication, de
la parole et les troubles du langage, qui peuvent se présenter isolément ou
associés.
13
Les troubles de la communication
- une grande timidité, voire une grande inhibition pouvant aller jusqu'au
mutisme
- une excitation empêchant une communication lisible et efficace
(anomalies de forme, concernant l’articulation, le débit, l’intonation, le timbre
de la voix…)
- le développement d'un jargon inaccessible à autrui, sauf peut-être
aux parents
La relation à l'autre implique la prise de parole. BAKTINE disait "le mot est un
pont jeté entre moi et l'autre".
Sur la mise en mots de l'expérience, repose la relation sociale la plus
immédiate. Les contraintes sociales de l'école induisent aussi des
comportements langagiers.
Les difficultés et les troubles articulatoires
Ils sont vite repérés. L’enfant prononce mal un ou plusieurs phonèmes.
Ils ont parfois pour origine un léger retard dans la motricité bucco faciale. Ils
sont parfois majorés par des particularités morphologiques (forme du palais,
absence momentanée de dents…) ou résultent de difficultés de perception
(ch/j/Z/S, t/d…).
On peut aussi y voir un avatar de l’investissement de la sphère orale qui
conditionne, en particulier, la mise en place de certaines praxies buccophonatoires. Dans le même temps, les parents vous disent que cet enfant
refuse de manger des éléments solides, reste fixé à la déglutition de liquides
et continue à investir sa bouche comme quand il était tout-petit.
On peut distinguer :
*les problèmes de mauvaise position des organes phonateurs:
+ le sigmatisme interdental: zozotement, zézaiement
+ le sigmatisme latéral: chuintement
+ le sigmatisme nasal
*le retard articulatoire par substitution d'une consomme par une autre
*l'assourdissement des consonnes sonores ( T pour D)
*des altérations diverses:
+ substitution de sons voisins
+omissions de finales
+inversions...
Quand on identifie une telle difficulté en moyenne section, par exemple, une
vigilance et une observation sur quelques mois permettent de voir si nous
sommes dans le champ de la difficulté ou du trouble, et permettent
d'envisager une aide éventuelle à l'extérieur de l'école.
Mais ces difficultés s’amendent généralement spontanément vers 6 ans.
14
Les troubles spécifiques du langage oral
Les dysphasies
Terme signifiant "difficulté à parler". Ce trouble se manifeste comme un retard
de langage et des altérations déviantes. Il s'agit d'un trouble sévère et
durable de l’acquisition du langage oral chez un enfant qui ne présente pas
de trouble psychiatrique associé. F. L GERARD a identifié des anomalies
particulières ou des "marqueurs de déviance".
On parlera de dysphasie si trois de ces marqueurs sont validés
- troubles de l'évocation lexicale
- troubles de l'encodage syntaxique (agrammatisme, dyssyntaxie)
- troubles de la compréhension verbale
- hypospontanéité
- troubles de l'informativité
- dissociation automatico-volontaire.
Il y a atteinte du versant expressif et du versant réceptif du langage (ce
qu’on comprend et ce qu’on produit).
Les aphasies
Détérioration du langage due à certaines atteintes cérébrales.
- chez l'adulte, symptôme transitoire ou définitif (s'il ne s'est pas rétabli dans les
six mois)
- chez l'enfant, si l'altération a lieu entre 4 et 10 ans, généralement, la
récupération est assez active, même si elle peut s'étendre sur plusieurs
années.
Les troubles spécifiques du langage écrit
3. Quelques symptômes langagiers
3.1. Le bégaiement et/ou le bégayage
Le bégayage : on parle parfois de "bégayage" quand c'est une difficulté liée
au développement et on parle de "bégaiement" quand on est en présence
d'un trouble durable. De trois à quatre ans, l’enfant peut avoir une phase de
« bégayage » au cours de l’acquisition du langage, quand les mots se
bousculent. Il ne s’autorise plus l’à peu près, veut témoigner de ses progrès,
veut parfois parler mieux qu’il ne peut le faire, bredouille… et il importe que
l’entourage ne dramatise pas en posant un diagnostic un peu rapide.
15
Le bégaiement est un symptôme si polymorphe, si rebelle, d'étiologie si mal
élucidée, qu'il est un sujet d'étude toujours passionnant, et aussi un terrain
d'élection pour les querelles d'école.
Un bégaiement chez l’enfant de 4 ans n’est parfois qu’une phase normale de
l’installation de son langage. L’angoisse de l’entourage devant ce symptôme
peut provoquer sa fixation.
C'est un trouble extrêmement complexe qui n'est pas un trouble de la parole,
mais un trouble de la communication.
Le bégaiement est-il un trouble de la relation, ou trouble-t-il la relation ?
La rééducation à l'école peut-elle être une indication d'aide pour des enfants
présentant un bégaiement ? Nous tenterons de comprendre un peu mieux
ce problème. L'aide à apporter à l'enfant pourra varier en fonction de son
âge et du degré de bégaiement.
Le bégaiement peut être défini comme une suite d'accidents qui altèrent la
fluidité de la parole, avec une ou plusieurs des manifestations suivantes :
(1) répétitions de sons et de syllabes
(2) prolongations de sons
(3) interjections
(4) interruption de mots (par exemple, pauses dans le cours d'un
mot)
(5) blocages audibles ou silencieux (pauses dans le cours du
discours, comblées par autre chose ou laissées vacantes)
(6) circonlocutions (pour éviter les mots difficiles en leur
substituant d'autres mots)
(7) tension physique excessive accompagnant la production de
certains mots
(8) répétitions de mots monosyllabiques entiers (exemple:"je-je-jeje le vois")
Le bégaiement touche environ 1% de la population avec une proportion
d'environ 4 sujets masculins pour 1 sujet féminin, sans discrimination de langue
ou de niveau socioculturel.
Le bégaiement n'existe que dans le contexte de la communication
spontanée face aux autres (pas dans le chant ou le théâtre, généralement
moins dans la lecture).
Il est à noter que la gêne éprouvée par le sujet ne correspond pas toujours à
l'importance du trouble. Tel supporte assez bien une parole remplie
d'accrocs, de répétitions de syllabes, de blocages, semblant ne pas se rendre
compte de l'altération de sa parole. Tel autre se trouve infiniment malheureux
malgré une parole à peine altérée.
Il existe des bégaiements physiologiques, des bégaiements cloniques
(répétitions de syllabes), qui se déclarent souvent avant cinq ans et qui vont
assez rapidement disparaître. Ils ne font pas l'objet d'un travail spécifique,
juste d'un accompagnement.
16
Il y a ceux qui surgissent à la suite d'un traumatisme. Ces bégaiements sont
généralement tonico-cloniques (blocage de l'émission vocale, puis émission ;
le blocage s'accompagne de contractures, de manifestations motrices). Ils
font l'objet d'un travail spécifique.
Événements déclencheurs
Toutes les approches s'accordent à dire qu'il n'y a pas une cause, mais des
facteurs favorisants et des événements déclenchants. Il est important aussi de
repérer si ce bégaiement est sélectif, à savoir, s'il ne se manifeste que dans un
certain contexte.
DE AJURIAGUERRA : "Nous croyons que le bégaiement est un trouble de la
réalisation du langage dans le cadre d'une pathologie de la relation, et que
tous les ordres de la réalisation du langage peuvent jouer un rôle dans la
genèse du bégaiement".
Pour comprendre les origines du bégaiement, sortons de l'idée d'une cause
unique pour envisager différents facteurs possibles :
- liés à l'individu
o facteurs neuro-psychologiques
o troubles moteurs (de la latéralité par exemple)
o une très grande tension (liée à une agressivité parfois)
o états émotionnels
o liens avec les périodes de développement (voir plus loin)
- liés à l'environnement
o familial (naissance d'un puîné, séparations…)
o scolaire
- des événements traumatisants
o reconnus ou non
On parle aussi du bégaiement lié à "un mort dans le placard" (une mort non
parlée à l'enfant).
On retient la période de 2 à 5 ans comme la période la plus exposée pour
l'installation d'un bégaiement, période de l'apprentissage le plus intensif de la
parole et du langage. L'entrée au CP peut aussi être une période
d'apparition du bégaiement, comme si l'enfant faisait subitement un retour
en arrière montrant qu'il n'est pas prêt à s'engager dans une nouvelle
conquête de la langue. On comprend que ces symptômes apparaissant aux
moments clés dans la scolarité fassent l'objet d'une demande d'aide au
RASED.
Comprendre ce trouble
On raconte que DÉMOSTHENE était bègue ; ce qui ne l'a pas empêché de
devenir le plus grand orateur de l'antiquité. Il s'exerçait à parler au bord de la
mer déchaînée, tout seul, et très fort, avec des petits galets dans la bouche.
17
Ce désir de s'en sortir est à la base de toute aide que nous pourrons
envisager.
Cette métaphore "des cailloux dans la bouche" est souvent reprise pour
parler des bègues. C'est aussi le titre du livre de Nicole FABRE (1986). Être
bègue, c'est parler avec des cailloux dans la bouche, des cailloux qui finissent
par construire un mur entre soi et le monde. Ces personnalités se construisent
autour de ce bégaiement, avec des astuces, des évitements, en un mode
défensif qui les isole et en même temps les protège des autres. On ne bégaye
jamais en chantant, et jamais quand on est seul !
Retrouver une fluidité de parole, est-ce une affaire de volonté ou au contraire
de lâcher prise ? Les phoniatres témoignent que le bégaiement vient toujours
de la volonté de ne pas bégayer.
Des psychanalystes ont étudié ce symptôme en lien avec les étapes du
développement :
- l'oralité
Didier ANZIEU fait un lien entre l'allaitement et l'expression verbale. Le
bégaiement est un fonctionnement inversé par rapport au fait de manger. La
difficulté est de faire sortir des mots de la bouche.
- l'analité
Si produire des mots est une sublimation anale, on peut poser l'hypothèse que
l'enfant qui bégaie retient ses mots comme il a pu retenir les matières fécales.
Il y a suspension de la parole.
- l'angoisse de castration
peut être un motif de bégaiement. L'enfant coupe les mots.
- l'image narcissique
L'enfant bègue lie l'autre à sa parole, on reste suspendu à ses lèvres, à ce qu'il
cherche à nous dire.
Aides à apporter
Il n'y a pas de solution universelle, car les différentes approches évoquées ne
s'excluent pas.
Si ce trouble n'est pas installé, il peut encore être qualifié de "difficulté" et
intéresser le rééducateur de l'Éducation nationale. Nous ne traiterons pas le
symptôme lui-même mais nous allons travailler la qualité de la relation, de la
communication que l'enfant entretient avec les autres. S'affirmer, retrouver
l'estime de soi pourra permettre à l'enfant d'accéder au plaisir de parler et
peut-être retrouver une fluidité de parole. Nous remarquons que ces enfants
ont souvent des difficultés relationnelles sur lesquelles nous pourrons travailler,
mais il est difficile de repérer celles qui pourraient être à l'origine du
bégaiement, et celles qui en sont ka cause (repli sur soi, anxiété, timidité…).
18
Différents spécialistes pourront aussi apporter une aide à un enfant bègue :
- l'orthophoniste, qui rééduque les troubles de la voix, de la parole et du
langage oral et écrit
- le phoniatre qui se charge du diagnostic et de l'orientation de la
thérapeutique peut aussi pratiquer des rééducations
- le psychanalyste, si on privilégie les facteurs liés au développement affectif
- le psychomotricien intervient sur le plan psychomoteur et perceptif et en
travaillant par la médiation corporelle, il peut permettre un mieux-être de
l'enfant qui favorisera l'épanouissement du langage
- des psychothérapies
- comportementalistes peuvent apporter des conditionnements qui vont
aider le sujet à maîtriser son trouble, mais ne résoudront pas l'origine
- avec une prise en charge familiale
J'ai vu le symptôme de bégaiement disparaître chez un enfant après
quelques séances chez l'orthophoniste, mais l'enfant présentait ensuite des
tics de la face. Était-ce une manière de continuer à mettre en actes une
pensée qui ne pouvait toujours pas se dire ?
L'aide rééducative à l'école
Notre première précaution sera déjà, lorsque nous recevons la demande
d'aide, de voir s'il s'agit d'un véritable bégaiement. Je pense à de jeunes
enfants dont le langage n'est pas installé et qui cherchent leurs mots, qui
temporisent en répétant quelques syllabes. L'enfant achoppe sur les mots, il
veut prendre la parole, prend conscience de ses manques et bégaie pour
maintenir l'attention de ses partenaires. Cela passera d'autant plus vite que
l'entourage ne se focalisera pas sur cette difficulté. Nous remarquons qu'il y a
parfois un décalage considérable entre le symptôme et la manière dont il est
vécu par l'enseignant ou la famille. C'est notre premier axe de travail face au
bégaiement.
Vers trois ans, la famille peut tout à fait gérer un bégaiement si elle n'est pas
trop angoissée par ce symptôme. Nous pouvons les étayer dans le cadre des
actions de prévention conduites à l'école maternelle.
Une orthophoniste de Dole (39) me disait d'ailleurs que c'était difficile pour
elle de gérer dans son cabinet des situations de bégaiement, et qu'avec de
jeunes enfants, les groupes de prévention conduits par les rééducateurs
pouvaient permettre à certains enfants de gérer leur problème au niveau
relationnel, dans ces petits groupes. Par contre, le même symptôme à partir
de 4 ans et demi- 5 ans appelait un bilan orthophonique, selon elle.
Attitudes à adopter
19
L'attitude de l'entourage au moment où sa parole présente des signes
manifestes de bégaiement est très importante, car elle peut l'entretenir,
l'aggraver, ou aider à sa disparition.
-
Créer un espace sécurisant autour de l'enfant
Plus on regarde ce symptôme, plus on lui donne de la valeur, et plus
l'enfant risque de s'y tenir
Ne pas souligner la difficulté de parole tout en s'intéressant avant tout à
ce qu'il veut dire l'aide à dépasser cette difficulté
Ne jamais mettre l'enfant en situation d'échec, en parlant à sa place,
par exemple…
3.2. Le bredouillement
Il se présente comme un langage plus ou moins désordonné, émaillé
d'incorrections, de reprises. C'est une perturbation du rythme de la parole qui
peut traduire
- un malaise de la personne, un manque de contrôle sur soi
- le fait que pensée aille plus vite que la parole…
3.3. L’écholalie
Répétition en écho et parfois par jeu, que font les jeunes enfants. Selon
WALLON, elle serait une tentative de compréhension, ou un inventaire des
connaissances.
Elle a une fonction dans le développement de l’enfant. Selon René DIATKINE
« répétition immédiate ou différée, qui traduit un certain intérêt de l’enfant
pour autrui, elle est signal de l’existence d’autrui et signal de sa propre
existence ».
A travers l’écholalie, l’enfant envisage les entrecroisements possibles de sa
propre chaîne signifiante. Il transite par les mots de l’autre et cette
expérience va lui permettre d’entrer dans une appropriation de sa propre
langue à travers le langage.
L'écholalie est fréquente entre 18 et 24 mois. Si elle perdure au-delà de trois
ans, elle est l’expression d’une difficulté. L’enfant répète ce qu’il voit, ce qu’il
entend, et nous pouvons craindre qu’il il y ait une confusion entre le Moi et le
non-Moi.
3.4. La logorrhée
L’enfant parle mais sans relation de signification entre le signifiant et le signifié.
Parfois les phrases sont correctes, mais elles paraissent inadaptées à la
situation, à la réalité.
20
A un premier niveau, c’est peut-être le signe que l’enfant ne se soumet pas
au code, que les mots ont pour lui une signification privée.
A un autre niveau, on voit des enfants développer un langage
incompréhensible, ils manipulent le langage de telle façon qu’il perd son
essence communicative.
3.5. Le monologue
L’enfant parle et agit : il s’accompagne de mots, pense son action à haute
voix.
L’enfant parle ou agit : à certains moments, on peut penser que les mots
compensent son impossibilité d’agir.
Dans ces monologues, nous allons être attentifs au contenu :
- se parle-t-il à lui ? de lui ?
- prend-il en compte le fait que quelqu’un d’autre soit là sans toutefois
s’adresser à lui ? Mais dans ce cas, on peut penser qu’il n’est pas entré
dans un langage socialisé.
Dans la relation d’aide, nous travaillerons à ce que l’enfant différencie ses
interlocuteurs, et s’adresse à eux.
3.6. Le soliloque
L’enfant parle essentiellement quand il est seul, comme s’il ne souhaitait pas
se faire entendre, ou comme si parler à quelqu’un pouvait être dangereux.
On repère parfois une différence de niveau de langage selon que l’enfant
est seul ou avec quelqu’un d’autre. Il est important de consulter.
3.7. Le verbiage
Le langage est utilisé dans la fonction de vocalisation, et pas dans sa fonction
de communication. Il y a une jubilation dans l’émission des mots. Le langage
redevient comme au temps des lalations, une source personnelle de plaisir
issu de lui seul. Certains psychanalystes disent aussi que l’enfant n’a pas de
continence verbale, ou qu'il est dans un "marcissisme ou une marsturbation
phonatoire" !.
4. Le silence comme parole ?
"A son heure, le silence est d'or ! Mais comment savoir si l'apparente absence
mentale d'un élève cache une tempête sous son crâne ou une douce
rêverie ?" Philippe PERRENOUD
21
4.1. Le silence : des définitions
Le silence est déroutant à l’école. Il est parfois intolérable. Zerdalia Dahoun
(1995) : « le silence fait naître chez l’autre des affects éprouvants, parfois
violents, ou un sentiment douloureux d’impuissance. Il déroute et autorise
toutes sortes d’improvisations personnelles. L’enfant silencieux est pensé
comme incoopérant, résistant, hostile, et l’adulte, qui se sent agressé par le
mutisme, agresse à son tour. Le comportement silencieux suscite une telle
angoisse, une telle intolérance, qu’au lieu de chercher à en comprendre le
sens, on s’acharne à le vaincre. » Z. DAHOUN propose un décryptage du
mutisme des enfants de migrants, là où la rencontre de deux cultures a son
importance. Ses approches peuvent nous éclairer pour poser des hypothèses
de compréhension possibles.
Le silence-abri, silence-frontière
Il serait, selon Zerdalia DAHOUN, le fait d’enfants issus de familles isolées, repliées sur elles-mêmes, véhiculant le message d’un monde extérieur
menaçant. Vigé FRANQUI, psychologue clinicienne, lors d’une conférence
donnée à l’IUFM de Lyon, « La dynamique identitaire en interculturel », parlait
de « parents-kangourous ». Ceux-ci gardent l’enfant près d’eux, transmettent
leur culture, et sont méfiants vis à vis de la société, ressentie comme une
menace.
Le rééducateur pourra alors faire tiers, dans cet espace protégé, hors
menace, de la rééducation.
La grande proximité entre les membres de la famille fait penser à l’image de
la maison-peau, maison enveloppe du groupe familial, de carapace protectrice. […] Le silence de l’enfant devient une manière de préserver sa bulle de
survie : le silence-abri, ou une façon d’exprimer une hostilité, une distance,
avec un monde qui vous refuse, le silence-frontière » (Dahoun, 1995, p.84)
Diatkine et Lebovici, cités par Dahoun (1995, p.147) expliquent qu’un des
problèmes majeurs rencontré chez les enfants silencieux est une image
dévalorisée du père.
On peut aussi faire l’hypothèse qu’inconsciemment, par fidélité à sa famille,
l’enfant ne se donne pas le droit de parler la langue sociale, différente de la
langue maternelle. Parler le français est ressenti comme une transgression.
L’enfant ne se sent pas autorisé à parler par l’école ou par sa mère. Le poids
des relations entre l’école et la famille est déterminant. A l’école, on
demande à l’enfant de parler le français, et implicitement de rejeter la
langue maternelle, et à la maison, l’inverse : « L’injonction de parler
s’accompagne d’une injonction non dite de faire silence ; cet interdit aboutit
dans l’inconscient de l’enfant au silence, au mutisme » (Dahoun, 1995, p.243)
Le silence est une réponse trouvée par l’enfant : parler la langue de l’école,
différente de la langue familiale, est considéré par l’enfant comme une
trahison
22
Z DAHOUN explique que c’est dans ce type de familles que l’on peut
retrouver des cas de mutisme électif dans une fratrie : « Il s’agit de l’expression
d’une réaction homogène au milieu, les frères et sœurs cadets s’identifient à
l’aîné, lui-même identifié à l’un de ses parents » (1995, p.184 -185)
Ce type de silence, où l’enfant se tait pour réaliser un compromis, entre la société et sa famille peut être comparé au silence nommé silence-compromis
par Z DAHOUN, qui est pour l’enfant un compromis entre son père et sa mère,
quand les deux ne parlent pas la même langue.
Le silence-révolte, silence-opposition
Il est utilisé pour protester, il devient une manifestation extrême du non, le dernier refuge de la liberté : «Pour l’enfant prenant conscience qu’une injustice
frappe les siens en raison de leur catégorie sociale défavorisée, l’interruption
de la communication par la parole signifie une ultime protestation face à une
situation vécue comme intolérable. » (Dahoun,1995, p.88)
Le silence a la même valeur quand il s’installe pour marquer une opposition,
affirmer une puissance. L’enfant retient ses mots comme il retient ses selles au
stade anal, montrant son pouvoir sur les autres.
Le silence-compromis
Il est une réponse trouvée par l’enfant : Il ne veut pas choisir entre parler la
langue de son père ou parler langue de sa mère, différente de celle de son
père. Un conflit de loyauté anime l’enfant qui est pris entre deux langues :
par son mutisme, il réalise un compromis.
Le silence-mémoire de mort
Sigmund FREUD a montré que le mutisme, dans les rêves, est une
représentation usuelle de la mort : « Quand un enfant mort précède l’enfant
muet, tout se passe comme si les parents prolongeaient la vie de l’aîné à
travers l’enfant qui porte le symptôme… » » (Dahoun,1995,p96)
Le silence-fusion
« Il est un moyen de maintenir une relation très forte à la mère afin de lutter
contre l’anxiété de la séparation » (Dahoun,1995, p.29)
D’ après A. Manigand (1999), formateur au CEFISEM de Bordeaux, Docteur en
sciences de l’éducation, beaucoup de mères d’enfants mutiques sont isolées
ou déprimées. Du fait qu’elles n’adhèrent pas au projet de leur mari, de part
leur arrivée tardive en France, elles vivent en France physiquement, mais
psychiquement ailleurs. Leur tête et leur cœur sont restés là-bas. Elles ont
donc un comportement imprévisible, désorganisateur pour l’enfant, elles sont
distantes ou trop collées à leur enfant, pour compenser leur manque.
Le silence-persécution
23
De nombreux enfants mutiques ont eu une ou plusieurs hospitalisations en bas
âge. Pour les enfants de migrants, la rencontre avec la langue française peut
coïncider avec leur hospitalisation. Elle est ainsi associée au traumatisme de
l’hospitalisation, à la séparation d’avec la mère et à la douleur des soins
médicaux.
Le silence-repli
Il est caractérisé par de la timidité et de l’inhibition. D’après J. Bowlby, (attachement et perte, PUF 1978) la peur de l’étranger est une réponse
élémentaire, distincte de l’angoisse de séparation, car elle intervient même
en présence de la mère. Z Dahoun explique que ces enfants ont peur du
regard des autres.
Un même symptôme : le silence, des étiologies diverses
Un seul symptôme : le silence, possède de multiples explications, intriquées.
Mais aucune ne semble être « l’Explication » à elle seule. Ces hypothèses nous
ouvrent un horizon dans le cadre d’une relation d’aide, mais il n’y a jamais de
causalité linéaire.
4.2. Le mutisme : des définitions
Le mutisme est défini par la «Classification Française des Troubles Mentaux de
l’Enfance et de l’Adolescence» (CFTMEA –R2000) comme étant « la
suspension ou la disparition de la parole chez un enfant qui l’avait acquise
antérieurement. Le mutisme peut être total ou électif. »
Un enfant peut se retenir de parler par inhibition ou par peur, mais en ce cas,
il parle autrement, avec son regard et ses gestes. L’attention à ces modes
non-verbaux et à leur traduction en paroles par un adulte concerne tous les
professionnels, en particulier de la petite enfance, car l’infans, celui qui ne
parle pas encore, parle muettement dans l’interrogation d’un regard ou la
mise en acte dans un comportement ou dans un jeu d’une question qui n’a
pas de mots pour se dire ni même de représentations internes pour se penser.
Il ne peut trouver les mots tout seul, sans témoin de ce qui cherche à se dire
ainsi.
Le mutisme peut être l’effet d’un traumatisme ou d’une transgression majeure
dont l’enfant a été l’objet. Parce qu’il a été trompé et a perdu confiance, la
victime de violence ou d’abus sexuel partage avec le violent la même
méfiance envers la parole, comme si parler ne servait à rien et qu’il valait
mieux ou se taire ou agir dans la répétition de la violence subie. De plus, la
confusion des places dans la génération et la perte des repères qui s’ensuit
rend difficile de se faire sujet d’énonciation en disant " je ".
Il arrive aussi que des enfants se murent dans le silence pour protéger un
secret de famille dont ils se sentent à torts ou à raisons porteur ou exclu. Dans
24
tous les cas les retrouvailles de la parole passe par le rétablissement des
conditions de fiabilité de son cadre d’exercice et cela prend du temps.
Enfin, plus rarement, il y a des enfants qui ne parlent pas à cause d’une
surdité physique, mais aussi, ceux qui se sont fermés plus ou moins
précocement à la communication dans le repli sur soi psychotique ou
autistique. Dans le dédoublement qu’ils vivent, le langage se débite tout seul,
comme hors parole et déconnecté du corps sur lequel il n’a que peu de
prise. Ce langage sans effet subjectif, éventuellement correct sur le plan
linguistique, doit nous alerter sur la souffrance d’un enfant se coupant des
autres et du monde extérieur.
Le mutisme peut être considéré comme un investissement négatif du
langage. Le refuge dans le silence est parfois la seule voie qui s’offre à
l’enfant pour refouler une agressivité qu’il ne peut exprimer.
Le mutisme total
Il survient le plus souvent brutalement, à la suite d’un événement à valeur
traumatique ou à forte charge émotionnelle (agression, deuil, séparation,
etc.) Il peut s’observer au cours de l'adolescence ou dans le cas de troubles
psychotiques.
Le mutisme électif durable
Il est considéré par la «Classification Française des Troubles Mentaux de
l’Enfance et de l’Adolescence» comme un trouble du fonctionnement social
de l’enfance, ne se manifeste que dans certaines conditions ou vis à vis de
certaines personnes. Le plus souvent, il s’agit d’un mutisme extra- familial :
l’enfant parle aux personnes familières et reste mutique vis à vis des étrangers,
y compris le plus souvent en milieu scolaire. A l’école, l’enfant est le plus
souvent inhibé, participe peu aux activités ou seulement aux activités écrites.
Le mutisme électif chez les enfants de migrants
Les recherches sur le mutisme sont peu nombreuses. Lesser-Katz en 1986, interprète le mutisme comme un refus de parler qui protégerait ces enfants non
seulement d’objets angoissants au sens large(personnes, lieux, situations),
étrangers pour eux mais aussi de situations inacceptables, telles que la
séparation d’avec la mère.
4.3. Les conséquences du silence, pour le développement et les
apprentissages
"Tout ce qui ne peut danser au bord des lèvres s'en va brûler au fond de
l'âme". Auteur inconnu
Brown J. et L.Lyod, cités par A. Manigand (1999) estiment qu’au delà de 6
mois, le mutisme de ces enfants provoquerait leur exclusion sociale et
scolaire : pour les autres enfants, ils ne feraient plus partie de la classe.
Wright H arrive à la conclusion que 20% développeraient un handicap de
langage et 30% une immaturité de langage.
25
Le Bulletin officiel de l’éducation nationale hors série n°1 du 14 février 2002,
« Les programmes d’enseignement à l’école primaire » affirme : « Dans
l’appropriation active du langage oral se développent des compétences
décisives pour tous les apprentissages »
Par le jeu, par l’activité motrice, par le langage, l’enfant construit sa pensée.
« Sans action motrice ou verbale, l’idée manque de vigueur pour se former
ou se maintenir.»(Wallon, 1968, p.160)
Mais le langage ne peut être mis au même niveau que les activités motrices :
il permet à l’enfant de construire sa pensée en l’étendant sur des domaines
spatio-temporels bien plus vastes que ne le permettent les adaptations
sensori-motrices, et d’accéder à des représentations d’ensemble simultanées.
Si le silence est un refuge, une parole, il mérite d’être entendu pour ne pas
devenir mortifère :
« Les habitants s’étaient fait, comme vous, nettoyer de tous leurs mots. Au lieu
de venir chez nous les réapprendre, ils ont cru qu’ils pourraient vivre dans le
silence. Ils n’ont plus rien nommé. Mettez-vous à la place des choses, de
l’herbe, des ananas, des chèvres… A force de n’être jamais appelées, elles
sont devenues tristes, de plus en plus maigres, et puis elles sont mortes. Mortes,
fautes de preuves d’attention ; mortes, une à une, de désamour. Et les
hommes et les femmes, qui avaient fait le choix du silence, sont morts à leur
tour. Le soleil les a desséchés. Il n’est bientôt plus resté de chacun d’entre eux
qu’une peau, mince et brune comme une feuille de papier d’emballage,
que le vent, facilement, a emportée ». Erik ORSENNA (2001)
5. Repérer, dépister aux cycles 1 et 2
5.1. Le Repérage
Le développement du langage de l'enfant et les signes d'alerte
A la maternelle, il convient que les enseignants connaissent les grandes étapes du
développement du langage oral afin de pouvoir alerter les professionnels en cas de
trouble repéré.
Développement normal
Signes d'alerte
2 ans :
comprend les phrases. associe 2 mots
sans article, pronom, conjugaison ou
affixe. Ex : papa pati. a acquis entre 50
et 70 mots
l'enfant n'enrichit pas son vocabulaire,
est inintelligible
26
3ème année :
Le nombre de consonnes bien
prononcées augmente. Se nomme, a un
lexique de 400 à 900 mots.
Enrichissement rapide du vocabulaire.
Explosion grammaticale (utilise tu, il,
elle, on). Acquisition de morphème
(conjugaison du verbe, accord des
adjectifs et de l'article, coordonne des
phrases. A 3 ans 90 % des enfants font
des phrases de 3 mots. La longueur
moyenne des énoncés est de 3,5 mots.
lgros troubles articulatoires sans signe
d'amélioration. Pas de phrase simple
4ème année :
La maîtrise phonologique devient
efficace pour de plus en plus de
consonnes. Croissance du vocabulaire.
Utilise le passé et le futur, conjugue.
Emploie des relatives. Accorde les
noms et les adjectifs.
les confusion de son : b/p ; d/t ; g/c ; v/f ;
an = a. Langage peu productif, très
limité, inintelligible, parler bébé.
A 5 ans :
Tous les sons de la langue sont acquis.
Il progresse en vocabulaire, en
construction du langage, les phrases de
complexifient.
confusion de son, langage pauvre, peu
construit qui ne s'améliore pas malgré
l'aide pédagogique. Le développement
du langage semble stagner.
A 6 ans :
Il a acquis une conscience
phonologique. (retrouve des rimes,
segmente les mots en syllabes, joue
avec les syllabes). Il a une mémoire
immédiate et des capacités
attentionnelles qui lui permettent de
retenir des phrases simples d'environ 12
syllabes. Il a un vocabulaire d'environ
3000 mots en production et 8000 mots
en réception.
troubles de la conscience phonologique.
Retard de langage et de parole.
Les outils de repérage :
· Le questionnaire langage et comportement Chevrie-Muller - 3 ans ½
Cet outil a été mis au point pour les enseignants qui feront une première observation
individuelle des enfants.
Age de passation : entre 3 ans 6 mois et 3 ans 8 mois ; cela permet de programmer
27
toute la classe au fur et à mesure des dates d'anniversaire des enfants de Petite
Section.
Méthode de passation :
L'enseignant, par son observation quotidienne des enfants, fera une évaluation au
moins d'aussi bonne qualité qu'un examen individuel par une personne étrangère. Il
répondra aux questions en portant une attention particulière à l'enfant au sein du
groupe et en ayant recours à une évaluation individuelle courte.
Champs d'observation :
La voix et la parole (défauts d'articulation, déformation des mots, parler bébé) ; la
compréhension de notions simples (sur, sous…) ; l'expression (construction des
phrases, syntaxes) ; la motricité globale et manuelle ; la mémoire ; le comportement
dans le jeu (dans les activités scolaires, dans le groupe en général).
Cotation : par oui ou non. On additionne le total des non. De 10 à 13 : l'enfant est à
surveiller, à revoir. De 14 à 17 : difficultés probables, intérêt d'une procédure
d'examen individuel (médecin, orthophoniste, psychologue…).
Plus de 18 : examen individuel indispensable.
La valeur prédictive positive de ce test est de 54 % (la moitié des enfants repérés
sera effectivement en retard). La valeur prédictive négative est très bonne : 92 %
(8% seulement des enfants non repérés présenteront un retard).
· Le livret d'évaluation et d'aide aux apprentissages GS-CP
proposé pour la première fois en septembre 2001 à l'intention de l'enseignant.
Age de passation : 5 - 7 ans
Méthode de passation : épreuves individuelles et semi-collectives
Champs d'observation :
le comportement de communication : articulation, intensité de la voix, prise de parole,
écoute ; la compréhension de consignes, de récits, de vocabulaire ; le lexique dans
le domaine de la vie quotidienne et de la connaissance des métiers ; la production
langagière : finir une histoire et transmettre des consignes ; les compétences
transversales : orientation temporo-spatiale, partage de l'attention et dextérité à la
copie.
· Le livret pour les maîtres du cours préparatoire
"Lire au CP- Repérer les difficultés pour mieux agir ", Janvier 2003 ; propose en
complément deux tableaux de synthèse : "L'entrée en cours préparatoire" et "Au
milieu du cours préparatoire" permettant de guider l'évaluation et de repérer les
compétences définies dans les programmes :
comprendre/comprendre des textes ; établir des correspondances entre l'oral et
l'écrit ; écrire ; identifier des composantes sonores du langage ; dire, redire,
raconter/lire à haute voix.
· Les bilans systématiques
Les maîtres E ou G, membres des RASED, peuvent réaliser des bilans
28
systématiques des compétences scolaires des élèves avec certains outils : grille
d'évaluation des acquis préélémentaires, BAT-ELEM, Batterie Prédictive et Batterie
de Lecture d'Inizan …
5.2. Le dépistage
Une fois les enfants repérés par les enseignants, un avis pourra être demandé aux
professionnels qui interviennent dans l'école : médecins PMI ou Éducation nationale,
psychologues scolaires, infirmières.
Ces professionnels peuvent alors, à l'aide de différents outils, avancer vers le
diagnostic.
Les outils de dépistage (références chapitre XIII) :
· ERTL 4 : Épreuves de Repérage des Troubles du Langage à 4 ans
C'est un outil d'aide au dépistage médical et non pas un test diagnostique
Age de passation : 3 ans 9 mois à 4 ans 6mois en MS de maternelle.
Mode de passation : évaluation individuelle lors du bilan des 4 ans
Champs d'observation :
Explore de façon globale la production et la compréhension du langage, ne permet
pas de différencier les différents troubles : anomalies de la voix, retard de parole ou
de langage, trouble du langage, retard de la communication, troubles auditifs et
perceptifs, anomalie de la segmentation, troubles mémoriels, retard de la
structuration spatiale. Comporte 4 épreuves (logatomes, répétitions de phrases,
étude du lexique sémantique dans le domaine spatial et de la morphosyntaxe,
production) et l'étude du débit et de la qualité de la voix.
Cotation : sous forme d'un score global, attribution d'une couleur
Évaluation : langage satisfaisant : vert ; enfant à risque, nécessitant une surveillance
médicale : orange ; enfant suspecté d'un retard ou d'un trouble : rouge
Pourcentage dans la population de référence : 80 % vert ; 8 % orange ; 12 % rouge
· ERTL 6 : Épreuves de Repérage des Troubles du Langage et de l'apprentissage
C'est aussi un outil d'aide au dépistage médical et non pas un test diagnostique
Age de passation : 5-6 ans en GS de maternelle ou durant le1er trimestre du CP
Mode de passation : évaluation individuelle
Champs d'observation :
Évalue de façon globale les compétences nécessaires aux apprentissages
fondamentaux : la capacité de repérage spatial et temporel ; la mémoire à court
terme ; l'articulation ; les capacités phonologiques ; la parole, le langage. Comporte
18 épreuves qui ne sont pas toutes spécifiques d'un processus cognitif.
Cotation : 1 point par épreuve échouée. Score global de 0 à 18
Évaluation : en cours
· BSEDS Bilan de Santé - Évaluation du développement pour la scolarité
Centré sur le développement de l'enfant. Il s'appuie sur des modèles
29
neuropsychologiques largement reconnus. Ces modèles font apparaître les activités
cognitives essentielles qui doivent être efficientes chez l'enfant de 5 - 6 ans afin de
lui permettre l'apprentissage de la lecture (voir chapitre 3).
Age de passation : 5 - 6 ans, en GS de maternelle ou début de CP
Mode de passation : évaluation individuelle + questionnaire à l'enseignant
Champs d'observation :
1) Compétences sous jacentes à la reconnaissance des mots :
La consciences phonologique (jugement de rimes, comptage syllabique et
suppression syllabique) ; la mémoire à court terme (test d'empan de chiffres) ; les
capacités de perception visuelle et de maintien en mémoire visuelle (épreuve de
reproduction de figure) ; la discrimination visuelle fine (épreuve de reconnaissance
de lettres) ; l'attention visuelle fine (test des cloches ; deux épreuves visuoattentionnelles sont étalonnées et permettent de compléter l'examen si nécessaire).
2) Compétences en langage oral :
La discrimination phonémique ; les compétences lexicales (test de vocabulaire) ; la
compétence implicite d'analyse syntaxique (épreuve de compréhension de phrases) ;
l'analyse du versant expressif du langage est effectuée par le croisement de
l'évaluation qualitative de l'enseignant et du médecin associant une épreuve
standardisée de répétition de logatomes.
3) Recherche d'éventuelles déficiences au niveau neuromoteur ou neurosensoriel
(acuité auditive) ; évaluation du développement somatique, psychomoteur, social ;
évaluation du comportement en situation scolaire.
La participation des enseignants est indispensable pour évaluer le comportement à
l'école, la motricité globale et fine, la production du langage, le développement
spatio-temporel et la perception visuelle. Avant la visite médicale, ils doivent
renseigner un questionnaire.
Cotation :
Par l'enseignant, réponse par oui/non correspondant à un score 1/0 pour tous les
items sauf pour la perception visuelle score /6.
Par l'équipe de santé scolaire, score quantitatif spécifique par épreuve.
Évaluation :
Suivant un étalonnage (moyennes, écart-types, percentiles) pour toutes les variables
quantitatives en fonction de l'âge des élèves au moment de l'examen, en deux
classes d'âge de 6 mois : 4 ans 11 mois à 5 ans 4 mois et 5 ans 5 mois à 6 ans
inclus.
Pour les variables qualitatives, pourcentages d'enfants par score.
Pourcentage dans la population de référence :
4 à 5 % nécessitent un bilan complémentaire du langage ou du développement
20 à 35 % nécessitent un avis sur une guidance pédagogique.
· BREV Batterie Rapide d'EValuation des fonctions cognitives
C'est une batterie de dépistage des troubles cognitifs utilisant des tests
neuropsychologiques. L'objectif étant de faire un profil de ces enfants pour les diriger
vers les professionnels compétents en fonction des troubles cognitifs dépistés.
30
Age de passation : 4 à 8 ans inclus en classe de MS de maternelle à CE 2
Mode de passation : évaluation individuelle ; utilisable en deux versions : complète
comprenant les 17 subtests ou abrégée comprenant 10 subtests complets et 3
abrégés.
Champs d'observation :
La compréhension syntaxique ; la production de langage (logatomes, fluence,
évocation lexicale, expression syntaxique) ; la conscience phonologique
(suppression syllabique et phonémique) ; les fonctions non-verbales et exécutives ;
le graphisme ; l'attention et discrimination visuelles ; la planification (labyrinthe) ; le
raisonnement visuo-spatial ; l'attention et la mémoire (attention sélective motrice,
mémoire phonologique à court terme, mémoire verbale, mémoire visuo-spatiale) ; les
apprentissages scolaires (lecture, orthographe, calcul).
Cotation : En score et en temps, spécifique pour chaque épreuve
Détermination d'un score verbal et d'un score non-verbal
Évaluation :
Suivant un étalonnage (moyenne, écart-types, percentiles) pour toutes les variables
en fonction de l'âge des élèves au moment de l'examen, en classe d'âge de 6 mois
de 4 à 8 ans.
· Observations en classe, fiches de signalement, tests psychométriques :
Les psychologues scolaires réalisent des observations en classe et ne font que très
rarement des dépistages systématiques. Dans d'autres secteurs les psychologues
font remplir aux enseignants des fiches de signalement pour les enfants repérés. Ces
fiches sont propres à chaque psychologue et ne sont pas normées.
Il est important d'évaluer l'efficience intellectuelle, en particulier si on soupçonne un
retard global. Les psychologues font cette évaluation grâce au WIPPS-R (voir
commentaires WISC-III, paragraphe suivant).
Les acteurs
En maternelle les enfants bénéficient de 2 bilans de dépistage systématiques : en
moyenne section à 4 ans par le médecin et l'infirmière de la protection maternelle et
infantile (PMI) et en grande section entre 5 et 6 ans par médecin et l'infirmière du
service de promotion de la santé en faveur des élèves.
L'objectif de ces bilans est de diagnostiquer les dysfonctionnements somatiques,
sensoriels, cognitifs sociaux et psychologiques. Ils sont orientés en fonction des
éléments du repérage effectué par les enseignants. La passation systématique évite
de passer à côté de ceux qui n'auraient pas été repérés par les enseignants. Cet
effort de dépistage axé sur la maternelle en continuité sur 2 ans est fondamental
pour le dépistage précoce des troubles cognitifs dont on sait que les actions de
remédiation seront d'autant plus efficaces sur la prévention de l'échec scolaire
qu'elles auront été apportées le plus tôt possible aux enfants au cours de la période
de leur développement la plus favorable.
31
Ces examens de dépistage peuvent aussi être réalisés par le médecin généraliste ou
le pédiatre de ville. Les psychologues scolaires évaluent l'efficience intellectuelle et
dépistent les troubles de la personnalité.
6. Repérer, dépister, au cycle 3 et au collège
6.1. Le repérage
Les signes d'alerte :
De nombreuses confusions sont notées en production orale ou écrite. Elles ne sont
parfois mises en évidence que lorsque la séquence est non connue de l'enfant. La
production de non-mots aidera au repérage. Il peut s'agir de :
· confusions entre phonèmes sourds et sonores : p/b, t/d, k/g, f/v, s/z, ch/j,
· confusions entre lettres visuellement proches : b/d, m/n, u/n, a/o, E/F, C/G,
· inversions : or/ro, cri/cir,
· omissions : ba pour bar, arbe pour arbre, vigule pour virgule
· additions : ordeur pour odeur
· substitutions : coukeau pour couteau, chauffeur pour faucheur,
· paraphonémies, confusions de sons complexes : oin/ion, eur/ère, ien/ein,
· lexicalisation, lecture d'un mot pour un non-mot : aivron lu aviron,
· régularisation, lecture phonologique d'un mot irrégulier : chorale lu / Soral /
· paralexie, lecture d'un mot pour un autre : soin lu soie.
Aucun type d'erreurs n'indique un trouble spécifique, toutes peuvent être observées
en début d'apprentissage. C'est la persistance de ces erreurs et la lenteur qui
caractérisent ces troubles.
Les outils de repérage (références chapitre XIII) :
· Le livret d'évaluation à l'entrée au CE 2
comporte des épreuves collectives. Il est maintenant utilisé de manière systématique
dans toutes les classes de CE 2.
Champs d'observation en français :
la compréhension orale (de consignes scolaires), le lexique, la compréhension écrite,
la reconnaissance d'un mot par association image-mot, la production d'écrit (dictée,
recopie et expression écrite), les connaissances acquises dans le domaine de la
grammaire et de la conjugaison, l'orientation temporo-spatiale et l'attention.
On peut remarquer que cette évaluation ne comporte pas de compréhension orale de
textes. Un élève présentant un trouble du langage écrit portant sur la reconnaissance
des mots obtiendra des scores faibles. L'évaluation en mathématiques quant à elle
est faite avec des consignes orales ou des consignes écrites courtes. Ainsi un bon
score en mathématiques et un score significativement plus faible en français peuvent
alerter sur un trouble du langage écrit. De même un score de non-réponses élevées
dans l'évaluation évoque une lenteur de déchiffrage qui est aussi un signe d'alerte et
doit entraîner l'étude plus approfondie des items échoués (voir exemple de grille
dévaluation qualitative complémentaire, chapitre 10).
· Les livrets d'évaluation 6ème et 5ème
peuvent fournir des éléments : une différence de score notable entre les évaluations
32
de mathématiques et français au dépend du français évoquent des difficultés
spécifiques en lecture surtout si à cela s'ajoute un taux de non-réponses élevé. Une
lecture lente ne permet pas de finir les épreuves qui sont en temps limité et influe
peu sur les épreuves de mathématiques car les consignes y sont courtes.
· Évaluations, tests, fiches de liaison
Il existe de nombreuses batteries de tests et d'évaluation des acquisitions scolaires
utilisées par les enseignants et les membres des RASED.
De manière plus informelle, dans certaines écoles existent des fiches de signalement
aux membres du RASED mises en place par ceux-ci et qui aident au repérage de
signes d'alerte.
Une fiche de liaison CM 2 - 6ème peut être mise en place pour mieux connaître les
difficultés spécifiques à l'entrée en 6ème et organiser la répartition des élèves.
les acteurs :
Les parents peuvent être les premiers à faire part aux enseignants des difficultés
particulières de leur enfant. L'enseignant observe et évalue les élèves. Il repère les
difficultés d'apprentissage dans les activités menées en classe. Il doit en informer les
parents. Les membres du RASED peuvent apporter une aide pour le repérage par la
passation d'épreuves individuelles et semi collectives. Le conseil de cycle peut être
sollicité pour donner son avis. Un examen par le médecin et l'infirmière scolaires
pourra alors aider au dépistage d'une pathologie, d'un trouble ou d'un simple retard.
Des examens complémentaires sont demandés s'ils s'avèrent nécessaires.
6.2. Le dépistage
Il nécessite la collaboration du psychologue scolaire, du médecin et de l'infirmière de
santé scolaire. En effet pour avancer vers le diagnostic de " trouble spécifique des
apprentissages ", il est nécessaire de faire une anamnèse, d'éliminer des troubles
sensoriels, une déficience mentale et un trouble envahissant de la personnalité. Des
outils permettant une approche cognitive vont permettre le dépistage.
Les outils de dépistage (références chapitre XIII) :
· L'Alouette
Test de lecture qui permet d'attribuer à l'élève un âge lexique. Lors de la lecture
chronométrée de ce texte dénué de sens, on note les erreurs de lecture. Des
abaques donnent l'âge lexique en tenant compte de la vitesse de lecture et des
fautes.
· L'ODEDYS : Outil de DEpistage des DYSlexies.
Ce test réalisé après l'évaluation de l'âge lexique permet d'observer les processus
cognitifs.
Age de passation : du CE1 au CM2
Mode de passation : individuel
Champs d'observation :
les procédures de lecture utilisées (lecture chronométrée et dictée de listes de mots
réguliers, irréguliers et de non-mots) ; les compétences en métaphonologie
(épreuves de suppression et de fusion de phonèmes) ; la mémoire verbale à court
terme et de travail ; le traitement visuel ; les capacités visuo-attentionnelles.
33
Évaluation :
Suivant un étalonnage (moyenne, écart-types, percentiles) pour toutes les variables
en fonction de la classe des élèves du CE 1 au CM 2.
· BREV Batterie Rapide d'EValuation des fonctions cognitives :
(voir paragraphe précédent)
· le WISC- III Les échelles de Wechsler
Batteries psychométriques standardisées des fonctions cognitives et
développementales. Ces batteries mesurent l'efficience intellectuelle, selon un niveau
ordinal - le quotient détermine le rang auquel les performances d'un sujet le classent
dans un groupe du même âge.
La notion d'intelligence repose sur l'évaluation des compétences verbales et nonverbales, à travers 13 sub-tests diversifiés de par leurs contenus et leurs opérations
de résolutions.
Age de passation :
- WPPSI-R Wechsler Preschool and Primary Scale for Children - Revised (1995)
pour les enfants de 2 ans 11 mois à 7 ans 3 mois.
- WISC-III Wechsler Intelligence Scale for Children 3° édition (1996) pour les enfants
de 6 ans à 16 ans 11 mois.
Mode de passation : individuel
Champs d'observation :
La formation des concepts verbaux - la pensée abstraite - la compréhension verbale
- les aptitudes à faire face à des problèmes sociaux ; l'organisation des réseaux
sémantiques et les capacités à synthétiser ; la reconnaissance, l'identification, la
discrimination et le traitement visuels ; la coordination visuo-motrice - la planification
et l'automatisation des procédures - la flexibilité mentale ; l' attention - la
concentration ; l'analyse et le raisonnement visuo-spatial ; les stratégies de
résolution.
Évaluation :
Ces batteries, à travers le Quotient Intellectuel, permettent une interprétation
standardisée et normative de l'efficience intellectuelle.
Le QI ne peut se réduire à un nombre. Pris isolément, il n'est pas suffisant pour
soutenir des interprétations sur le fonctionnement des composantes de l'intelligence.
Une analyse plus fine des différents sub-tests ainsi qu'une analyse qualitative des
réponses permet d'orienter et/ou d'affiner un diagnostic sur les composants cognitifs
fonctionnels ou déficitaires. Ultérieurement, l'ensemble de ces analyses permet la
mise en place d'une rééducation spécifique et la mise en place d'une pédagogique
adaptée aux difficultés de l'enfant.
Une analyse systématique de la distribution (intra et inter test) des performances par
sub-tests, l'analyse de la dispersion des notes par rapport à la moyenne et la
détection d'une dissociation entres les échelles verbales et non-verbales s'imposent.
Exemples :
Trouble attentionnel - Hyperactivité : distribution très hétérogène des performances
inter et intra sub-tests.
Dyslexie phonologique : Difficultés sur les épreuves qui nécessitent l'activation de la
mémoire de travail (mémoire à court terme ; arithmétique).
Dyslexie de surface : Difficultés sur les épreuves qui impliquent le traitement
perceptif visuel et visuo-attentionnel (codes ; symbole)
Dysphasie : Dissociation entre scores non-verbal et verbal au détriment de ce
34
dernier.
Dyspraxie : dissociation entre scores verbal et non-verbal au détriment de ce dernier.
Une analyse qualitative des réponses données par les enfants renseigne sur la
qualité de la production orale [dysphasie - retard de parole - nature des erreurs] ; sur
la compréhension orale [dysphasie - nature des troubles] et sur la nature des
facteurs pénalisants [anxiété, mutisme, lenteur extrême, trouble sévère de l'attention,
dyspraxie, troubles visuels, troubles auditifs].
les acteurs :
La réunion d'une équipe éducative est fondamentale. C'est par la mise en commun
des observations de chaque membre (parents, enseignants, membres du RASED et
de la santé scolaire) qu'un diagnostic de trouble spécifique peut être envisagé ainsi
que la nécessité d'examens complémentaires.
6.3. Le diagnostic
2.3.1 les outils de diagnostic :
Ils sont spécifiques à chaque professionnel.
A noter l'importance des Questionnaires de Conners : ces questionnaires sont à
remplir par les parents et les enseignants ; ils renseignent le pédopsychiatre sur les
troubles du comportement, de l'attention et de l'impulsivité des enfants suspectés
d'hyperactivité. Ils permettent au pédopsychiatre de porter un diagnostic après
évaluation clinique complémentaire.
2.3.2 les acteurs :
Le partenariat est indispensable car le diagnostic est pluridisciplinaire. Le médecin en
est le référent. Il réunit tous les éléments médicaux et paramédicaux nécessaires, en
particulier les bilans réalisés par les partenaires extérieurs (orthophoniste,
psychologue et neuropsychologue, pédopsychiatre, généraliste et pédiatre, bilan des
CMP ou CMPP, bilan des centres de référence). En cas de trouble sévère ou
complexe, l'enfant est adressé à un centre de référence des troubles du langage.
Les parents, l'enseignant, le directeur, les membres du RASED, le psychologue
scolaire, le médecin et l'infirmière scolaires, éventuellement les partenaires
extérieurs, médicaux et paramédicaux se réunissent en équipe éducative. Celle-ci
devra définir un projet d'enseignement adapté aux difficultés particulières de l'enfant
en relation avec la prise en charge thérapeutique et rééducative mise en place à
l'extérieur de l'établissement. Les décisions peuvent être contractualisées dans un
projet d'éducation individualisé qui permet un meilleur suivi. Un signalement à la
commission de circonscription préélémentaire et élémentaire est fait s'il y a nécessité
d'enseignement spécialisé.
3 Conclusion
La nécessité d'établir un réseau de compétence autour de l'enfant est indispensable
et des dispositifs ont été mis en place pour permettre un tel partenariat.
1) cas d'enfants présentant des troubles légers à moyens qui permettent de suivre
une scolarisation normale. Les adaptations scolaires rentrent dans le cadre général,
les enseignants tenant compte des difficultés spécifiques de ces élèves. Les
adaptations nécessaires spécifiques à chaque enfant sont discutées en équipe
35
éducative.
Le partenariat enseignant-RASED-parents-orthophoniste est nécessaire pour un
projet cohérent entre le travail en rééducation, le travail en classe et les devoirs à la
maison.
Des interventions adaptées peuvent être proposées grâce au " Programme
Personnalisé d'Aide et de Progrès " (PPAP). Au sein du collège, ces élèves peuvent
bénéficier d'un adulte tuteur.
Ces aménagements pédagogiques peuvent faire aussi l'objet d'un Projet d'Accueil
Individualisé proposé dans le cadre de l'intégration des enfants atteints de maladies
chroniques (les troubles spécifiques du langage oral et écrit sont rentrés dans la
classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé
connexes lors de sa 10° révision, nomenclature de l'Organisation Mondiale de la
Santé, adaptée par l'Éducation nationale par arrêté du 10 janvier 1989). Ces PAI
intègrent dans la prise en charge de l'enfant, les temps de rééducation hors ou
pendant le temps scolaire (circ. du 22 juillet 1993).
2) cas d'enfants présentant des troubles plus sévères. Intégrés soit en circuit
ordinaire, soit en classe spécialisée (CLISS, SEGPA, EREA, VPI), ils peuvent
bénéficier d'un projet d'intégration (PEI) mis en place dans le cadre de l'accueil des
élèves handicapés et soumis aux commissions de l'Éducation spéciale (CCPE CCSD - CDES).
Cela est indispensable quand l'intégration s'accompagne d'intervention
d'établissements spécialisés et/ou de Service d'éducation spéciale et de soins à
domicile - SESSAD - (circulaires des 29 janvier 83,18 novembre 91,21 février
2001,31 janvier 2002).
Ce projet quel qu'il soit permet de définir les priorités éducatives pour l'enfant ou
l'adolescent. Il est construit en équipe constituée de l'enfant, de ses parents, et des
divers professionnels ou intervenants autour de l'enfant en difficulté. A ce projet
s'associe la notion d'interdisciplinarité indispensable à sa bonne réussite. Une
interface est indispensable entre le système de soin (les professionnels de santé qui
interviennent dans le diagnostic et la rééducation) et l'école. Ce rôle est assuré par le
médecin scolaire et ou le psychologue scolaire.
6.4. Exemple d'un PEI
Exemple : mise en place d'un P.E.I pour trouble du langage.
C…8 ans 7 mois a été signalée par les enseignants de CE1 et la psychologue
scolaire pour échec massif dans l'apprentissage de la lecture malgré 3 ans
d'apprentissage (2 ans de CP et le CE1) et en dépit de capacités intellectuelles non
déficitaires. Le médecin scolaire a réalisé un ODEDYS qui retrouve un déficit des 2
procédures de lecture et du langage oral.
Devant ce déficit important, une consultation au Centre du Langage est demandée
afin d'affiner le diagnostic. Suite aux bilans médical, neuropsychologique et
orthophonique, un diagnostic de dysphasie phonologico-syntaxique avec alexie,
déficit de la mémoire verbale, des capacités métaphonologiques et un traitement
visuel hétérogène, est posé.
Afin d'intégrer au mieux C…, nous organisons un P.E.I regroupant les parents,
l'institutrice, l'orthophoniste, le maître E du RASED, le médecin scolaire, la
36
psychologue scolaire. Le diagnostic multidisciplinaire du CHU nous a permis de
pointer précisément les difficultés de C…ainsi que ses points forts.
Contenus du PEI :
1) L'aide spécifique du maître E est demandée pour intensifier l'apprentissage de la
lecture par la méthode " d'imprégnation syllabique " et pour l'entraînement de la
conscience phonologique ; il interviendra 2 fois par semaine.
2) La rééducation orthophonique est prévue 2 fois par semaine sur le temps
scolaire. Les mots travaillés en classe seront communiqués à l'orthophoniste.
3) En classe : la maîtresse insistera beaucoup sur l'apport de connaissance à l'oral :
des photocopies seront données à C…pour permettre un suivi plus facile des leçons
par les parents à la maison. Pour les dictées, C…aura quelques mots à préparer.
Ces mots seront communiqués à l'orthophoniste à l'avance. C…aura à faire une
dictée à trous et elle sera évaluée sur les mots préparés qu'elle aura à replacer dans
les trous. Une version audio des livres étudiés en classe sera enregistrée pour
C…afin qu'elle ait accès comme les autres enfants au lexique et à la syntaxe de la
littérature adaptée à son âge.
Une réévaluation du projet est envisagée chaque trimestre par l'équipe
pluridisciplinaire
Le P.E.I a été soumis à la Commission de Circonscription Primaire qui l'a approuvé.
Il a permis une articulation entre le système de soin, les professionnels intra et extra
Éducation nationale.
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38
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