RAPPEL DU SUJET - VERSION CAPES BLANC Jerome K. Jerome, Three Men in a Boat, 1889 We finished up the tea and cherry tart. Montmorency* had a fight with the kettle during tea-time, and came off a poor second. 5 10 Throughout the trip he had manifested great curiosity concerning the kettle. He would sit and watch it, as it boiled, with a puzzled expression, and would try and rouse it every now and then by growling at it. When it began to splutter and steam he regarded it as a challenge, and would want to fight it, only, at that precise moment, someone would always dash up and bear off his prey before he would get at it. Today he determined he would be beforehand. At the first sound the kettle made, he rose, growling, and advanced towards it in a threatening attitude. It was only a little kettle, but it was full of pluck, and it up and spat at him. ‘Ah! Would ye!’ growled Montmorency, showing his teeth; ‘I’ll teach ye (...) ye miserable, long-nosed, dirty-looking scoundrel, ye. Come on!’ And he rushed at that poor little kettle, and seized it by the spout. 15 20 Then, across the evening stillness, broke a blood-curdling yelp, and Montmorency left the boat, and did a constitutional three times round the island at the rate of thirtyfive miles an hour, stopping every now and then to bury his nose in a bit of cool mud. From that day Montmorency regarded the kettle with a mixture of awe, suspicion, and hate. Whenever he saw it, he would growl and back at a rapid rate, with his tail shut down, and the moment it was put upon the stove he would promptly climb out of the boat, and sit on the bank, till the whole tea business was over. George got out his banjo after supper, and wanted to play it, but Harris objected: he said he had got a headache, and did not feel strong enough to stand it. George thought the music might do him good – said music often soothed the nerves and took away a headache; and he twanged two or three notes, just to show Harris what it was like. 25 Harris said he would rather have the headache. Corrigé du CAPES blanc, Octobre 2010 – Faits de langue VERSION Questions sur la version 1) Vous proposerez une analyse grammaticale des segments ci-dessous et vous dégagerez la valeur qu’ils prennent dans leur contexte d’apparition. Expliquez, à partir de cette analyse, votre choix de traduction. - Then, across the evening stillness, broke a blood-curdling yelp l.14 - wanted l. 21 - might l.23 2) Vous proposerez une analyse grammaticale des segments ci-dessous en tenant compte de leur contexte d’apparition et en vous fondant sur la valeur des opérateurs qu’ils contiennent. - the tea and cherry tart l. 1 - the music, Ø music l. 23 - would l. 8 ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------Dans ces deux exercices d’analyse, il s’agit de traiter un par un des faits de langue hétérogènes. Si vous tenez à commencer par un chapeau commun, il vaut mieux dire que ces faits de langue sont révélateurs de la polyphonie narrative du passage : discours direct, discours indirect, narration subjective, narrative objective, pour l’exercice un par exemple. 1 / ICI seulement, il fallait intégrer la justification de votre traduction en fin d’analyse. - Then, across the evening stillness, broke a blood-curdling yelp l.14 Le segment à étudier est une proposition principale, qui se caractérise par une inversion sujet/verbe. On a donc affaire à un ordre de mots non canonique que l’on peut schématiser : COMPL localisation + GV + GNSujet. Plus précisément, la partie « complément » est constituée d’un adverbe de temps et d’un groupe prépositionnel introduit par la préposition across. Le groupe verbal est composé d’un verbe au prétérit simple, qui réfère, par son sémantisme combiné au prétérit, à un événement ponctuel. Enfin, le groupe nominal est constitué d’un nom dénombrable singulier qui fait référence à une occurrence de bruit (cf. un jappement), et qui fait l’objet d’une détermination indéfinie, typique de la construction ou prédication d’occurrence. C’est bien de cela qu’il s’agit ici. L’inversion locative permet tout d’abord de focaliser sur la prédication du bruit, qui apparaissant en position finale de l’énoncé, prend une valeur rhématique. De plus, d’un point de vue narratif, l’inversion locative permet d’exprimer une rupture dans la narration. On passe d’un récit pris en charge par un narrateur, au renvoi quasi Corrigé du CAPES blanc, Octobre 2010 – Faits de langue VERSION direct à la situation de référence, comme si elle était accessible, comme projetée devant nos yeux. C’est une tournure de style bien connue, qui apparaît pour souligner le suspense. Ici, on réfère à un événement qui vient à la suite des actions concrètes : And he rushed at that poor little kettle, and seized it by the spout. Ces deux fonctions de l’inversion locative existent aussi en français avec une structure équivalente. On la trouve par exemple dans les contes. (Puis arriva un chevalier, bardé de diplômes…) ICI justifier votre traduction en montrant qu’elle remplit (si possible) toutes les fonctions de l’inversion. Je pars de la traduction suivante : Puis, rompant la tranquillité du soir, retentit un jappement déchirant. C’est pourquoi, il est souhaitable de conserver dans le passage vers le français l’inversion locative. Une transposition est nécessaire pour la traduction du GP spatial, puisque « à travers la tranquillité du soir » n’aurait pas de sens. Voici la traduction retenue : Puis, rompant la tranquillité du soir, retentit un jappement déchirant. - wanted l. 21 L’élément à analyser est le verbe want au prétérit simple, qui apparaît dans une série énumérative qui renvoie à différentes actions ponctuelles : George got out his banjo after supper, and wanted to play it, but Harris objected: Il y a une succession implicite, de par l’énumération et l’aspect simple, de sorte que got out ,précède wanted, qui lui-même précède objected. En effet, on sait que le prétérit simple permet de référer à une occurrence de procès validée dans un repère fictif, passé ou imaginaire, et que l’aspect zéro permet de construire la référence globale : l’occurrence de passé dans sa globalité (borne de fin comprise). Ce qui est remarquable ici, c’est que WANT, en tant que verbe de volonté, apparenté aux verbes de sentiments et d’état, est normalement peu compatible avec une représentation d’occurrence bornée , et une mise sur le même plan que des verbes d’action ponctuelle come got out et objected. Ainsi, dans ce contexte d’apparition want au prétérit simple prend une valeur assez différente. Il ne s’agit plus d’exprimer la volonté du personnage, mais l’occurrence ponctuelle pendant laquelle cette volonté a été exprimée. Il peut s’agir d’un geste ou d’une parole, d’un échange de regard. Pour rendre compte de cette valeur ponctuelle en français, il est nécessaire d’utiliser le passé simple : George sortit son banjo, voulut en jouer mais Harris l’arrêta. L’imparfait ici ne permettrait pas de référer à l’expression de la volonté de George. Néanmoins, une traduction avec un imparfait dans une subordonnée temporelle du type …et alors qu’il s’apprêtait à en jouer, Harris l’interrompit demeure possible : elle permet de souligner l’idée d’interruption (dans la lancée de George). Corrigé du CAPES blanc, Octobre 2010 – Faits de langue VERSION - might l.23 L’élément à traiter est un auxiliaire modal, la forme « passée » ou en –ED de l’auxiliaire MAY. Il est suivi d’un infinitif présent do ; de plus, il apparaît dans une proposition subordonnée complétive, complément du verbe thought : George thought the music might do him good Le segment might+ infinitif présent, dans un contexte de narration au passé, se justifie parce qu’on a affaire à du discours indirect : ici il s’agit de pensées représentées sous la forme d’un monologue intérieur. C’est la règle en anglais, attestée aussi par exemple avec MUST : she said she must do it quick. Ainsi, il ne faudrait pas confondre la forme passée de MAY avec une quelconque concordance des temps. D’ailleurs au discours direct, le contenu de la proposition subordonnée pourrait être : The music might do him good. Ainsi en anglais, le décalage temporel n’est assuré ici que par le verbe de la proposition principale. L’opération fondamentale de MAY/MIGHT concerne le champ du possible. Ici, avec une valeur épistémique, MIGHT permet d’exprimer une probabilité i.e. que quelque chose se réalise (ça / lui faire du bien), qui est prise en charge par un énonciateur. En français, il est nécessaire que le décalage temporel soit exprimé dans la subordonnée (cf. ??il m’a dit qu’il m’aime (difficile à l’écrit) et il m’a dit qu’il m’aimait.). De plus l’expression de la probabilité peut se faire par le biais d’un auxiliaire ou d’un adverbe, combiné avec du conditionnel. - George se dit que sa musique pourrait lui faire du bien. George se dit que sa musique lui ferait peut-être du bien. Dans ma traduction, j’ai opté pour le second choix, pensant qu’il rendait mieux l’aspect discursif du passage, grâce à une tournure idiomatique bien reconnue. 2/ ICI il n’y a que l’analyse du fait de langue : il s’agit souvent d’analyser ce que ces formes ont de remarquable. - the tea and cherry tart l. 1 Le segment à analyser est un Groupe Nominal complexe constitué de deux noms coordonnés. Ce GN a pour fonction dans la phrase, complément d’objet du verbe à particule finish up : We finished up the tea and cherry tart Ce qui est remarquable dans ce segment, c’est la détermination. En effet, le déterminant défini THE porte sur l’ensemble « tart and cherry tart ». On aurait pu avoir : We finished up the tea and the cherry tart. Qu’implique ce choix , cette mise en facteur commun de la détermination? Nous avons affaire à un cas de coordination notionnelle. C’est-à-dire que la mise en commun de l’opération de fléchage, permettant de référer à une occurrence dont l’existence est déjà construite, correspond à une mise en commun notionnelle : on réfère à une notion complexe (un tout) par la mention de ses parties constituantes. Corrigé du CAPES blanc, Octobre 2010 – Faits de langue VERSION Ainsi, ici, ce qui est présenté comme étant bel et bien fini, c’est le « tea party », ou la collation. Si on avait eu deux fois le déterminant THE, on aurait eu la construction de deux occurrences de notion distinctes. On remarquera au passage qu’en français l’équivalent de la coordination notionnelle est rare et limité à quelques expressions (cf mes faits et gestes). - the music, Ø music l. 23 Dans la même phrase, il y a deux apparitions du nom dénombrable singulier music faisant l’objet de déterminations différentes : George thought the music might do him good – said music often soothed the nerves (…) Dans le premier cas, music est précédé du déterminant défini THE. On renvoie ainsi à une occurrence déjà connue de musique. Dans le contexte il s’agit de la musique que George s’apprêtait à jouer. Dans le second cas, music est précédé du déterminant zéro. On renvoie ainsi non pas à une occurrence précise de musique mais à tout ce qui est identifiable qualitativement à de la musique. Ici, dans le contexte, cela permet de construire une propriété générique (du type, la musique adoucit les mœurs). On voit que la différence de référence va de pair avec un décalage entre ce qui est pensé (ma musique peut lui faire du bien) et ce qui est dit (la musique, en général, ça calme…). - would l. 8 L’élément à analyser est un auxiliaire modal, la forme en –ED de l’auxiliaire WILL. Il est suivi d’un infinitif présent. Par ailleurs, il se situe dans une proposition subordonnée complétive, intégrée à une proposition principale dont le verbe est determine , verbe de cognition qui exprime la prise d’un décision : Today he determined he would be beforehand On remarque la présence de l’adverbe today, qui est la marque d’un repérage spécifique dans la situation de référence. La proposition subordonnée représente le contenu de la décision prise. Sans que la complétive représente explicitement une pensée ponctuelle (type monologue intérieur), on peut néanmoins noté qu’une interprétation allant dans ce sens est plus que possible. En effet, il faut distinguer : he was determined (un état, en lien avec une résolution) et he determined (prise ponctuelle d’une décision). La décision prise est , dans sa forme non transposée est : I will be beforehand. Dans le cadre de la transposition dans le passé (he determined, comme he said to himself), la forme passée de WILL se justifie entièrement, par le principe de la concordance des temps. Dans ce contexte, l’auxiliaire WILL /WOULD prend une valeur supplémentaire par rapport à la simple référence à l’avenir (ici l’avenir par rapport au passé). C’est aussi la volonté qui est exprimée par le choix de WOULD par opposition à He WAS GOING TO / HE WAS TO BE… On rappellera que la valeur de volonté est la valeur d’origine du marqueur. Il y a encore quelques cas de figure dans lesquels cette valeur de volonté est activée (cf. If you will open the door…)