Mondialisation financiere et pouvoir politique

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Le 9 avril 2009
MONDIALISATION FINANCIÈRE ET POUVOIR POLITIQUE
d’après la conférence de François d’Orcival, journaliste, éditorialiste (Valeurs Actuelles, Le
Figaro Magazine).
La crise actuelle nous révèle la relation étroite entre mondialisation et pouvoir politique,
pouvoir politique et finance.
A - Le G20 à Londres
Le G20 qui s’est réuni la semaine dernière à Londres est l’image-même de la mondialisation
car il a regroupé non pas seulement Américains et Européens, mais également les SudAfricains, Sud-Américains, les Indiens, les Chinois qui s’imposent désormais comme
puissance indéniable.
Les vingt chefs d’État n’ayant que cinq heures de discussion entre eux, les échanges sont
relativement rapides. C’est pourquoi le travail a été préparé en amont par les conseillers et
ministres de tous ces gouvernements depuis la réunion du 15 novembre 2008 à Washington.
L’affaire des paradis fiscaux
L’OCDE (organisme dont les Chinois ne font pas partie) a recensé une liste de vingt-deux
pays paradis fiscaux.
Juste avant que se termine la réunion du G20, au moment de la lecture du projet final
(comportant l’essentiel des directives et des décisions prises), Nicolas Sarkozy et Angela
Merkel découvrent que l’affaire de ces paradis fiscaux n’est pas convenablement traitée. Ils
sont soutenus par Barak Obama.
Mais le président chinois Hu Jintao réplique que Macao et Hong Kong ne font pas partie de la
liste des vingt-deux pays recensés par l’OCDE. Il est alors demandé à la Chine d’y appliquer
les mêmes règles de mise en place de transparence.
Ceci montre bien que les affaires se traitent désormais à l’échelon mondial, entre Européens,
Américains et les autres, en particulier les Chinois.
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L’opinion publique
Cette affaire des paradis fiscaux n’est pas essentielle dans le fonctionnement de l’économie,
mais elle l’est dans le domaine de la confiance que le public doit avoir dans ses institutions,
ses dirigeants, et le fonctionnement de l’économie. Si ces États deviennent transparents, tout
est désormais public, sans endroit camouflé où certains capitalistes irresponsables peuvent
aller s’abriter.
B - Le déroulement de la crise
La crise actuelle est d’abord une crise de confiance :
- des banques entre elles,
- des chefs d’entreprises à l’égard de l’évolution du marché,
- des consommateurs à l’égard du marché en général,
- des électeurs en leurs gouvernements.
Ce qui s’est passé ces dernières années est révélateur du comportement humain depuis
toujours.
La fable « La laitière et le pot au lait » de Jean de La Fontaine en est une illustration :
La période de prospérité
« …Il m’est, disait-elle facile
D’élever des poulets autour de ma maison ;
Le renard sera bien habile
S’il ne m’en laisse assez pour avoir un cochon.
Le porc à s’engraisser coûtera peu de son ;
Il était, quand je l’eus, de grosseur raisonnable :
J’aurai, le revendant de l’argent bel et bon… »
En temps de prospérité, il est facile de bâtir des projets, de faire fructifier ses biens, parfois
aux dépens du fisc (le renard de la fable). Le contribuable est symbolisé dans la fable par le
« cochon ».
Une initiative politique
Le capitalisme est comme une machine à explosion qui, tous les 10 ans environ, connaît une
crise.
Aux Etats-Unis, à la suite d’une récession mondiale en 1992, le président Bill Clinton a fait
flamber la croissance, en particulier grâce à la bulle internet qui a explosé en 2002, date à
laquelle le président Georges W. Bush est arrivé au pouvoir et a, à son tour, corrigé les effets
de la crise. Comment ?
En encourageant tous les Américains à devenir propriétaires de leurs maisons. Pour cela, des
crédits sont distribués à tout le monde, sans nécessairement d’apport personnel, ce qui exclut
travail et responsabilité de l’emprunteur.
Cette politique entraîne rapidement (18 mois) un dynamisme dans le bâtiment et donc dans
l’emploi, entraînant à son tour un gonflement de la finance.
La mécanique de « la laitière et du pot au lait » se met en route…
Cette économie repose pour l’essentiel sur les crédits, sur l’endettement, et non pas sur une
croissance régulière produite par l’industrie et les services.
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Mondialisation
Une initiative politique prise aux Etats-Unis s’est répandue dans le monde entier car le
système financier n’est pas national mais mondial.
En effet, les dettes ont été transformées par les banques en titres (« titrisées ») et répandues
dans le monde entier. Les Américains en avaient 30 % ; les Européens 60 %, les Chinois 10
%.
L’accident
« …Perrette là-dessus saute aussi, transportée :
Le lait tombe ; adieu veau, vache, cochon, couvée... »
Problème social
A partir de l’été 2007, certains emprunteurs de plus en plus nombreux (de Floride, de
Californie, d’Arizona, du Nevada) ne peuvent plus rembourser leurs dettes. Leurs maisons
sont saisies, ils sont alors expulsés. De quelques familles au début, les expulsions atteignent
vite un million sept cents mille familles qui se retrouvent à la rue.
L’opinion gronde. Les policiers refusent alors de procéder à ces expulsions, les juges (qui sont
élus) ne traitent pas les dossiers. Les politiques ont peur et se retournent vers les banquiers.
Les maisons ne valent alors plus rien.
Il y a donc conjonction entre l’opinion publique qui se retourne contre le pouvoir
politique qui, lui-même, se retourne contre les banquiers (le système économique).
Tout le système s’est intoxiqué comme un virus qui s’est répandu jusqu’à l’accident vrai…
Lehman Brothers
L’ « accident » se produit le 15 septembre 2008 lorsque la banque Lehman Brothers (l’une
des principales banques d’affaires américaines) se trouve en situation de faillite. Les autorités
financières et politiques ne veulent pas recommencer le crack de 1929 et décident de soutenir
le système. Mais sous la pression de l’opinion publique qui ne supporte plus les banquiers, il
est alors décidé de ne pas la soutenir (nous sommes à la veille des élections du congrès de
novembre 2008).
En abandonnant ainsi Lehman Brothers, tous les actifs détenus dans le monde entier par eux
dans d’autres banques sont à leur tour contaminés et chutent entraînant toutes les banques
mondiales.
L’affaire Madoff (65 milliards d’escroquerie) est la caricature du système. C’est-à-dire que le
système ressemblait à ce que Madoff a fait à partir de la confiance et de la crédulité.
Les Etats-Unis et l’Europe réagissent ensuite par la mise en place d’un plan de centaines de
milliards de $.
C - La réaction européenne
Nicolas Sarkozy, alors président de l’Union Européenne, a compris la relation entre puissance
politique et opinion publique. Il décide une reprise en main du système financier par les États.
Il cherche à remettre rapidement de la confiance dans le système en réunissant en urgence les
chefs d’États des quatre premières puissances européennes (Allemagne, Italie, France et
Angleterre) à Paris pour une action coordonnée.
Huit jours plus tard, Nicolas Sarkozy réunit l’Eurogroupe, c'est-à-dire tous les membres de la
zone euro (quinze) plus le britannique Gordon Brown.
A ses réunions sont présents toutes les institutions européennes : le président de la Banque
centrale européenne (Jean-Claude Trichet), le président de l’Eurogroupe (Jean-Claude
Juncker), le président de la Commission européenne (José Manuel Barroso). Cet événement
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marque la reprise du pouvoir par les politiques ; s’il y a une solution à la crise, elle passera
avant tout par eux.
La crise étant mondiale, Nicolas Sarkozy avec le soutien de Angela Merkel et de José Manuel
Barroso, va voir Georges W. Bush (en fin de mandat) pour le convaincre de réunir à
Washington, cœur de la première puissance économique mondiale, les leaders mondiaux.
Le 15 novembre se réunit pour la première fois le G20, qui permettra la préparation des
mesures qui seront annoncées lors du sommet de Londres d’avril 2009. Le Mexique, la Chine
(qui doit créer 10 à 12 millions d’emplois par an pour absorber la masse de travailleurs
migrants) , l’Inde, l’Arabie Saoudite, etc.… font maintenant partie des pays incontournables.
D - Les plans de relance de l’économie
Tous les plans des pays concernés doivent être coordonnés.
Relancer les économies, ce n’est pas que remettre des milliards de $ dans la machine. Il faut
en plus restaurer la confiance dans le système.
Le capitalisme n’est pas une idéologie, c’est avant tout un système naturel qui doit être seul
capable de corriger ses erreurs. Comment ?
 En sortant de l’économie d’endettement pour revenir à l’épargne, à
l’investissement, à la création de richesses ;
 En informant l’opinion publique qui doit être assurée que rien de ce qui est
public ne lui est caché, notamment en supprimant les paradis fiscaux ;
 En restaurant la valeur travail comme richesse.
La fable « Le laboureur et ses enfants » de Jean de La Fontaine en est une illustration :
« Travaillez, prenez de la peine
C'est le fonds qui manque le moins
Un riche laboureur, sentant sa mort prochaine,
Fit venir ses enfants, leur parla sans témoin.
Gardez vous, leur dit-il, de vendre l'héritage,
Que nous ont laissé nos parents
Un trésor est caché dedans.
Je ne sais pas l'endroit ; mais un peu de courage
Vous le fera trouver, vous en viendrez à bout.
Remuez votre champ dès qu'on aura fait l'oût
Creusez, fouillez, bêchez ; ne laissez nulle place
Où la main ne passe et repasse.
Le père mort, les fils vous retournent le champ
Deçà, delà, partout ; si bien qu'au bout de l'an
Il en rapporta davantage.
D'argent, point de caché. Mais le père fut sage
De leur montrer avant sa mort
Que le travail était un trésor. »
Bibliographie : Le Roman de l’Elysée. Editions du Rocher - 2007
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