LE FRÈRE POLYCARPE La foi du Serviteur de Dieu (Positio, Summarium, LVI – LIX) Dans la biographie, on lit : «Les vues et les aspirations de la foi étaient comme le fond de son âme, le trésor de son cœur et de sa vie.» Peu après, la même biographie continue : «Plein des pensées de la foi, à la faveur de ses divins enseignements, il n’a, il ne peut avoir qu’un souverain mépris pour les vanités et les délices de la terre. Et combien de fois ne l’avons-nous pas entendu gémir sur le sort de tant d’infortunés qui ne vivent et ne se plaisent que dans les basses jouissances de la matière et des sens.» Dans l’élan de sa foi, il quitta le monde et embrassa la vie religieuse. Devenu supérieur, c’est la foi qui inspira tout son agir. C’est ainsi que s’exprime le Fr. Benjamin : «Qui pourrait exprimer la fermeté de sa foi, l’étendue de sa confiance en Dieu, l’ardeur de son amour divin? Mais tout en lui, absolument tout, portait à la foi, inspirait la confiance, ranimait l’amour.» Le Fr. Basilien dit : «La foi illumine ses pensées, épure ses sentiments, dirige ses actions. A cette lumière, son âme se transfigure; un rayon de l’éternité l’éclaire d’un jour divin. Aussi, comme il estime la vocation religieuse et pour lui et pour ses Frères. Quels accents, lorsqu’il parlait de l’amour de prédilection dont cet appel divin est l’expression! Quelle tristesse provoquaient en lui ces misérables calculs de la sagesse humaine qui se défie de Dieu, cette prudence du monde aux étroits horizons, qui ne sait pas s’élever au-dessus des spéculations de la terre. ‘Soyons morts au monde, disait-il; soyons des crucifiés.’» L’esprit de foi du Serviteur de Dieu se manifeste dans sa vie vraiment surnaturelle : ses pensées, ses sentiments, ses actes sont marqués au coin du plus pur esprit intérieur. De là ce profond respect pour les prêtres et les évêques, qui par ailleurs le vénéraient. L’évêque de Tulle lui dit un jour : Je vous interdis d’entrer dans mon diocèse sans venir à l’évêché prendre un repas en tête à tête avec moi. » Le Fr. Adelphe raconte que lorsque ces deux saints hommes se rencontraient, ils s’embrassaient avec effusion. Dans les règles générales et communes, le Serviteur de Dieu écrit : «L’esprit d’une foi vive, d’une grande confiance en Dieu, d’une tendre charité pour le prochain, doit les animer sans cesse» (c.I, 5). Dans des extraits de ses lettres, on trouve le même esprit de foi : «Les choses sont dans un tel état que la main des hommes me parait incapable de conjurer les malheurs qui menacent notre Patrie : Dieu seul peut la sauver. Que sa sainte volonté soit faite…» Et, un peu plus loin, il poursuit : «Il ne faut cependant pas nous décourager : c’est dans de telles épreuves que nous devons ranimer notre foi et tout notre courage, en qualité de vrais soldats de Notre Seigneur.» Ailleurs, il affirme que les grandes difficultés sont source de bénédiction et de récompense, si on les accepte en esprit de foi. C’est pourquoi il exhorte ses religieux à se défier d’eux-mêmes et à mettre toute leur confiance en Dieu. Plein de foi, il méprise les vanités et les délices de ce monde; souvent on l’entend déplorer le sort de ceux qui mettent leur félicité dans les basses jouissances de la matière et des sens. Il s’afflige à la vue de certains religieux qui foulent aux pieds les obligations de leur sainte vocation. Sa foi et son zèle lui inspirent des paroles de feu contre le genre de vie de ces religieux qui se montrent indignes de la vocation à laquelle ils ont été appelés. Des exemples concrets mettent en lumière la foi du Serviteur de Dieu. Il reprend vigoureusement la mère du Fr. Clodomir qui vient à Paradis pour en ramener son fils : «Malheureuse! vous venez me voler mon enfant chéri! le voler au bon Dieu!... Il vous punira tôt ou tard…» Avant même qu’elle n’ouvrit la bouche, la femme entendit la réprimande du Serviteur de Dieu, qui avait deviné le motif de sa venue. A une autre fois, le Serviteur de Dieu exhorte les postulants à se défaire des petits objets qu’ils ont apportés avec eux, à ne garder ni argent ni objet de quelques prix, et il ajoutait : «Que votre cœur se détache de ces bagatelles. Le Sacré-Cœur vous payera au centuple ces légers sacrifices.» Dans la formation des novices, il ne négligeait rien de ce qui pouvait faire grandir en eux la vie spirituelle : c’est ainsi qu’il fonda la confrérie du saint et immaculé Cœur de Marie. C’est probablement lui qui organisa pour la première fois les exercices spirituels à Paradis à Partir de 1839. Dans ce qu’il se propose de faire pour arriver à la perfection il y a ceci : «Toujours plein de confiance en Dieu, je ne m’effrayerai de rien, ni des peines, ni des adversités, ni même des fautes dans lesquelles je pourrais tomber.» Il y a aussi une résolution importante : «Tous les matins, je renouvellerai mes bonnes résolutions, comme si je ne faisais que de commencer à servir Dieu, et je prévoirai tout ce qui peut m’être une occasion prochaine de manquer à mon devoir.» De ce qui vient d’être dit émergent deux traits saillants de la vie du Serviteur de Dieu : l’esprit de foi et le sentiment du devoir qui sont l’âme de sa vie spirituelle et d’où proviennent l’amour du travail, l’esprit de sacrifice, la fidélité aux mouvements de la grâce qui le poussait à la vie éternelle, terme de ses désirs. Ainsi, rempli de l’Esprit de Dieu, le Serviteur de Dieu s’avançait courageusement dans la voie de la sainteté, répandant autour de lui la bonne odeur de ses exemples et l’éclat de ses vertus.