Forces et faiblesses du Japon depuis la révolution Meiji Pourquoi s’intéresser au Japon ? Le Japon a démarré en retard et pose la problématique du rattrapage des économies industrialisées. De plus, il a une culture différente de celle de l’Occident et ne répond pas aux critères wébériens. Qu’est-ce qui a permis au Japon de rattraper, voire de dépasser les économies occidentales ? 1. Du démarrage industriel à la volonté de puissance hégémonique Le Japon avant 1868 La géographie n’est pas favorable : l’archipel est isolé, la topographie ne favorise pas les échanges (séismes). Les matières premières sont peu abondantes (un peu de cuivre, de charbon, de coton, de pétrole – la Japan Oil produit un million de tonnes en 1914), à l’exception des ressources halieutiques. Mais il sait tirer profit de ces contraintes, qui lui assurent un protectionnisme éducateur et lui ont permis de bâtir une industrie à l’abri de la concurrence. Il profite des transports maritimes, beaucoup moins coûteux que ceux sur terre, de la maîtrise des mers et les infrastructures sont moins coûteuses. De plus, l’insécurité entraîne un taux d’épargne élevé pour faire face à l’imprévu. La situation initiale paraît très difficile. La période est encore « féodale », avec des structures sociales rigides, une population rurale si pauvre qu’elle a des comportements malthusiens (pas de marché intérieur), des écarts de statut importants (=> développement de l’artisanat de luxe). La population est soumise aux cataclysmes et guerres. Cette société d’ordre et de discipline se retrouve dans les caractéristiques du système productif japonais (pas de mouvements sociaux importants, cohésion sociale fondée sur la tradition). En 1868, le Japon a 30 millions d’habitants travaillant : dans l’agriculture à 80 %, dans le secondaire à 4 %, le tertiaire à 9 %, le reste (soit 7 %) sont des samouraïs. Le produit physique brut est à 70 % agricole, le riz représentant 63 % de la production agricole. L’industrie, essentiellement artisanale, représente 30 % du produit physique avec 42 % dans le secteur de l’alimentation et 28 % pour le textile. C’est donc une économie de type traditionnel à croissance lente (selon les auteurs, un TCAM de 0,15 à 1 %), marquée par la suprématie de la noblesse et de l’aristocratie sur une population qui connaît une forme de servage (d’où une comparaison avec la Russie). 260 fiefs féodaux sont structurés autours de l’aristocratie guerrière, les samouraïs et les daimyos (seigneurs au train de vie élevé), au pouvoir fondé sur la propriété de la terre et les rentes qu’ils en tirent. Le Japon connaît des famines, des jacqueries, des comportements malthusiens malgré les réformes du Shogun (abolition des corporations en 1840 qui sont rétablies en 51). En 1868, le niveau de vie au Japon est équivalent à celui des pays européens au moment de leur démarrage industriel. Mais les guerres intestines ont cessé depuis la fin du XVIII° (politique de pacification des shoguns Tokugawa qui gouvernent depuis le XII°) et un marché intérieur s’est constitué avec la certaine monétarisation de l’économie japonaise, liée à un renforcement de l’Etat. La révolution Meiji (« époque éclairée ») NB : ça vous rappelle rien « éclairée » ? moi je suis sûre que ça ferait super en colle ! La société est très hiérarchisée, avec un pouvoir politique autocratique concentré dans les mains du Shogun, puis du Mikado (empereur) après la révolution Meiji. L’infériorité technologique entraîne des politiques d’imitation, le Mikado envoie des conseillers à l’Ouest et favorise l’immigration de techniciens. Il profite de la main-d’œuvre rurale bon marché pour développer une industrie capitaliste. Les premiers ouvriers sont en fait des ouvrières qui cherchent un revenu d’appoint. Le Japon profite des faiblesses des autres économies et de la mode japonaise à la fin du XIX° : il exporte des cotonnades et des soies (grège) bon marché. Le pouvoir impérial, considéré comme usurpé par les Tokugawas, est restauré par le jeune Mikado Mutsu-Hito (ça me tue qu’il ne l’ait pas dit en classe, avec son accent ç’aurait été beau ! surtout qu’il avait 16 ans à l’époque) qui établit un nouveau droit social : Les corporations sont abolies Les samouraïs sont autorisés à exercer des activités commerciales (ou autres) Les obligations des paysans sont abaissées, ils peuvent vendre leurs terres et changer d’activité (équivaut à une suppression du servage) Réforme de l’impôt foncier, le Chiso Kaïsi : les paysans peuvent payer en monnaie, non en nature, et directement à l’Etat Les réformes s’accompagnent d’un interventionnisme étatique important. Dès les années 1870, il s’impose comme l’initiateur de l’industrialisation. Il construit et exploite des usines dans tous les secteurs : textile (filatures, bobinage, lainage et usines de dévidage), cimenterie, tuilerie, armement (5 usines de munitions), construction navale (3 chantiers dans les 1880s), mines, chemin de fer (135 premiers km en 1885) et système télégraphique. En 85, il est le premier propriétaire de navires de transport (51). Le gouvernement Meiji modernise le système bancaire et financier, il crée une banque centrale en 1885 et assure si nécessaire le financement du secteur privé. Il sait se désengager dès la fin du siècle, laissant le secteur privé prendre le relais. Entre 1868 et 75, la croissance japonaise est déséquilibrée, marquée par des fluctuations importantes du rythme de la croissance, la naissance de nombreuses entreprises mais aussi des faillites. L’inflation (1876 – 85) engendre des fragilités mais est limitée par la « déflation Matsukata ». À partir de 85, la croissance est plus équilibrée. La priorité est donnée à l’accroissement de la qualité sur la quantité. L’Etat favorise l’initiative privée et promeut la constitution d’associations (Dogyo Kumiai), la formation de guildes visant à stimuler les exportations. Les premiers zaibatsus sont créés, notamment Mitsubishi par Iwasaka qui crée le quartier d’affaires de Marumuchi. Fin XIX°, l’industrie japonaise se développe dans un cadre très libéral, l’Etat étant plus un organisateur qu’un contrôleur. La croissance japonaise décolle, entre 1886 et 1898, le PNB croît de 4,1 % par an (3,1 % pour le PNB / tête avec une croissance démographique annuelle de 0,9 %). Mais l’économie reste cyclique : croissance de 0 % entre 1899 et 1905, avec un recul de 1,2 % par an du PNB/tête. La croissance redémarre entre 1906 et 1919 à 6,1 % de TCAM du PNB et 4,8 % pour le PNB/tête. Mais en 1914, le produit par habitant japonais est un quart de celui américain. L’ère Meiji prend fin en 1912, à la mort de Mutsu-Hito. Le Japon est alors une économie qui a connu son démarrage, même si elle reste dépendante des secteurs traditionnels : l’agriculture, où les rendements s’améliorent de 80 % (TCAM entre 1878 et 1917 de 2,3 %) et le secteur textile peu capitalistique. Le taux d’épargne agricole reste élevé (± 30 %) mais, avec peu d’investissements, le surplus agricole part à la ville. Fin XIX°, 50 % des recettes de l’Etat proviennent encore de l’impôt foncier (33 % en 1914). Le taux brut d’investissement au Japon en 1914 est de 12 %, mais sans endettement (et notamment pas d’endettement extérieur) pour préserver l’indépendance (nationale). Le partage des tâches concerne l’Etat pour les investissements lourds et les entrepreneurs individuels pour les autres. L’investissement est dilué dans un tissu industriel fait de petites unités de production avec une main-d’œuvre abondante. Un dualisme apparaît entre les économies paysanne et capitaliste. En 1882, 15 % de la production industrielle est effectuée en usine, contre 48 % en 1912. Le commerce extérieur constitue un moteur du changement. En 1868, la situation est héritée des traités inégaux que la Japon a subi en 1849, mais l’ouverture permet un accès aux produits que l’économie japonaise ne réalise pas et des débouchés pour la production excédentaire. Le commerce extérieur est multiplié par 8 entre 1880 et 1913. Le ratio importations sur revenu national passe de 5 % en 1885 à 16 % en 1914 (les matières premières en représentent alors 50 %). Exportations : on passe de 6 % à 15 %. Mais l’économie reste close en termes de capital, malgré l’existence dès la fin du XIX° de joint ventures (Mitsubishi et Shell en 1875, Toshiba et Electric-Westinghouse en 1906). Les conséquences de la Première Guerre mondiale Selon les historiens, la période de guerre correspond pour le Japon au take-off. C’est l’occasion d’une diversification de son appareil productif et de la pénétration de marchés délaissés par les grandes puissances occupées par la guerre, notamment en vendant sa production textile dans les marchés coloniaux. Le PIB progresse de 21 % entre 14 et 18 (vente d’armement et d’équipement). Sur une base 100 en 1910, les productions : (ouais le beau tableau !) Textile Métaux Chimie Agro-alimentaire Electricité et gaz Divers 1919 152 162 186 123 198 190 1924 185 244 252 170 356 248 La croissance est forte mais fragile : dès la fin de la guerre, le Japon est confronté à la concurrence, ce qui provoque une crise de reconversion : chute des exportations alors que les importations se maintiennent, d’où un déficit commercial et une inflation qui entraîne de nouvelles faillites. S’ouvre une période de troubles L’Entre-deux-guerres L’économie effectue une véritable fuite en avant pour répondre aux besoins de la population japonaise. La transition démographique débute en 1920 (elle s’achèvera en 1940) et le thème du surpeuplement de l’archipel devient récurrent : la population croît de deux millions par an. (…) Hanae, je te hais ! mais David, tu n’aurais pas dû céder à ses charmes empoisonnés ! (…) En 1940, les femmes représentent 40 % de la main-d’œuvre de l’industrie manufacturière, mais les modifications structurelles défavorisent le travail féminin : le textile se mécanise, la chimie et la métallurgie explosent. 2,5 millions d’emplois industriels sont créés entre 1920 et 1930, puis encore 3,8 entre 1930 et 1940. Cette modification structurelle s’accompagne d’une hausse du niveau de vie de la population, notamment ouvrière. (…) L’amélioration des conditions de vie et des salaires s’explique par l’augmentation de la qualification de la main-d’œuvre, très peu syndiquée. Les ouvriers sont recrutés dès l’adolescence, on leur garantit un statut stable et de futures promotions => hausse de la productivité dans le secteur secondaire japonais et utilisation optimale du système productif (exploitation en continu des industries lourdes). Le paternalisme patronal se traduit par la création de quartiers ouvriers, une entente tacite entre les groupes familiaux et le patron et une obligation du renoncement au syndicat. Les très grandes entreprises procurent beaucoup d’avantages : le taikaiko-shugi : contrat moral de travail (et de non-licenciement) entre l’entreprise et le travailleur ; le shunshinkokyo : emploi à vie assuré et salaire à l’ancienneté ; et le système du « pot de riz en fer », l’entreprise prenant en charge les loisirs, la santé, l’éducation… Le taux d’investissement est très élevé, plus de 30 % en 1936 et reste supérieur à 25 % jusque dans les années 70. L’Etat s’implique dans le système productif. Le financement intermédié de l’économie s’appuie sur le taux d’épargne très élevé, souvent supérieur à 30 %, alors que le taux de profit des entreprises n’est jamais très élevé (=> taux d’autofinancement n’a jamais dépassé les 50 %), et le dynamisme de l’intermédiation bancaire. La concentration est sans commune mesure avec les précédents des autres systèmes capitalistes (cartels américains ou konzerns allemands). Les zaibatsus constituent la force de frappe économique et industrielle du Japon, ils contrôlent les banques et les assurances comme les groupes industriels. Les 4 grands groupes (Mitsubishi, Mitsui, Sumitomo et Yasuda) connaissent leur apogée en 1929 et pénètrent dans la sphère politique, poussant notamment dans les 30s l’Etat à intervenir à l’extérieur. La tentation hégémonique du Japon est renforcée par le militarisme des classes dirigeantes et les contraintes de l’économie. Depuis la fin du XIX°, le Japon est devenu une puissance militaire régionale incontestable en gagnant : -en 1895, la guerre contre la Chine au sujet de la Corée du Sud : le Japon prend Taiwan, les Pescadores et la péninsule de Liaodong qu’il doit abandonner sous les pressions occidentales. Ces conquêtes sont scellées en 1895 par le traité de Shimonoseki -en 1905, la guerre contre la Russie : le Japon établit un protectorat sur la Corée, annexée en 1910, et prend contrôle de Liaodong et de Sakali. Il prend position en Mandchourie. L’expansionnisme japonais vise à contrôler les approvisionnements en matières premières et produits agricoles (Corée = grenier à blé de l’Asie). La Mandchourie est riche en minerai de fer et charbon. La croissance japonaise, notamment démographique est donc la source d’un appétit de territoires : l’empire japonais devient un enjeu pour la croissance qui devient plus extensive (approvisionnement, débouchés et colonies de peuplement). Le besoin d’expansion se fait plus pressant après 1929 car le marché américain se ferme (en 1928, les USA absorbaient 50 % des exportations japonaises). En 1927, le Japon contrôle tout le Nord-Est de la Chine, notamment les secteurs les plus industrialisés. Il implante des centres sidérurgiques pour utiliser la main-d’œuvre locale. En 1937 débute la conquête de l’Asie du Sud-Est (à peu près sur le modèle du nazisme allemand) qui ne s’achève qu’avec la capitulation reçue le 2 septembre 45 par MacArthur. 2. Le modèle japonais après 45 : un « colosse aux pieds d’argile » ? Les conséquences de la guerre La défaite japonaise de 45 modifie les règles du jeu, tant politique (la souveraineté japonaise est limitée, le pays devient un satellite des USA en Asie) qu’économique : l’appareil industriel est démantelé, les zaibatsus dissous, des lois anti-trusts mises en place en 47. Mais à partir de 48, l’allié américain met en place les conditions d’une nouvelle croissance. L’économie japonaise se redresse très rapidement : on parle de « miracle japonais » qui fonde un modèle économique capable de concurrencer les autres nations. Jusque dans les années 90, le Japon s’impose comme un modèle qui assure les ajustements nécessaires, notamment au moment du choc pétrolier. L’après-guerre sonne le repli du Japon sur son archipel : 6,2 millions d’expatriés regagnent la mère patrie. En dépit des deux millions de morts de la guerre, et parce que la natalité explose : 24 %0 en 45, 34 %0 en 47, le boom démographique fait passer le Japon de 72 millions d’habitants en 42 à 83 en 50. D’où dès 48 une loi eugénique qui permet l’avortement et la stérilisation et encourage la contraception : le taux de natalité tombe à 17 %0 en 1960. La reconstruction À la sortie de la guerre, le pays est ruiné : la production agricole atteint 60 % de celle de 40, la production industrielle 33 %. L’expansion rapide est due d’abord à la reconstruction puis à la guerre de Corée qui entraîne un boom des investissements et de la demande en produits variés. En 1947 est mis en œuvre le plan Dodges (un peu l’équivalent du plan Marshall) qui permet de retrouver l’équilibre budgétaire dès 48 et de réinsérer le Japon dans les relations internationales : le yen est intégré dans le système de Bretton Woods à raison de 360 yens pour 1 dollar. L’acteur principal devient l’Etat japonais qui prend le relais des zaibatsus : Il est le banquier de la reconstruction : la banque de financement et de reconstruction finance en 49 58 % des prêts aux entreprises, notamment en matière d’énergie, de construction navale et de sidérurgie Il apporte son soutien aux entrepreneurs individuels pour redynamiser le secteur productif La production se redresse : pour une base 100 en 1936, on passe à 37 en 1947 mais déjà 84 en 1950. Le niveau d’avant-guerre est retrouvé pendant la guerre de Corée. À partir de 53, la croissance japonaise s’impose comme la plus forte des pays développés. De 55 à 70, le TCAM est de 10,5 % (contre 5,6 % pour la France), croissance imputable à la place que prend l’Etat, aux gains de productivité et à un taux d’investissement moyen de 30 %. Le modèle japonais La croissance n’est pas homogène (« croissance déséquilibrée », marquée par une alternance de phases d’explosion et de pauses, voire de récession) : 55-61 : boom des investissements (multiplié par 5,5 : le TCAM de l’investissement est de 33 %) 61-65 : pause pratiquement totale 65-70 : reprise puis nouvelle pause jusqu’en 73 Ces fluctuations importantes entraînent des « coups de scie » de la production industrielle tous les 3 à 4 ans qui reflètent la concurrence extrêmement rude, beaucoup plus qu’en Europe ou aux USA. Pour C. Sautter, le processus s’explique par le retard technologique du Japon, la suraccumulation du capital et le retard de la demande : les entreprises anticipent un rattrapage de la demande des biens de consommation. L’industrie bénéficie jusqu’en 1960 d’une main-d’œuvre abondante et bon marché => croissance extensive dans la construction navale, l’automobile et les biens d’équipement. La part des salaires dans la VA passe de 56 % en 55 à 48 % en 61, la croissance profite donc aux entreprises. Mais après 63, la pénurie d’effectifs et les gains de productivités font croître la masse salariale : entre 65 et 70, les salaires progressent en moyenne de 15 % par an. La part relativement forte du profit permet le financement de l’investissement, tout en recourant à un endettement massif (permis par le taux d’épargne élevé). La gestion de l’activité économique est tripartite : main dans la main avancent Etat, système financier et grande industrie (où il y a une reconcentration). Le commerce extérieur reste le moteur de l’économie japonaise. Le mot d’ordre est cependant : laisser faire, ne pas laisser passer (mercantilisme japonais) : on veille à ce que la concurrence étrangère n’ait pas de conséquences trop grandes sur le marché domestique tout en profitant des opportunités des autres marchés. Pour Akamatsu, le modèle japonais est une stratégie de développement en vol d’oies sauvages qui comprend 4 phases principales : Développement des importations lié à la nécessité d’importer des technologies étrangères et à développer les exportations faute de marché domestique suffisant Remontée de filière et recul des importations quand le marché domestique s’étend Accroissement des exportations pour compenser les baisses de demande Délocalisation de la production, notamment vers les pays d’Asie du Sud-Est, quand le coût du travail augmente Les trois stades du vol des oies sont textile, pétrochimie et électronique (désolée j’ai pas réussi à refaire le schéma, et si quelqu’un est pas content il le refait tout seul non mais !) Le Japon est une économie en mutation perpétuelle, ce qui explique sa grande instabilité. MC. Bergère parle d’une « économie de la bicyclette » : il faut pédaler pour se tenir en équilibre. Le Japon ne peut poursuivre sa croissance que par une accumulation sans cesse plus grande de capitaux : il glisse d’une économie à une autre, doit assimiler de nouvelles technologies toujours plus complexes de manière incessante et constamment adapter son appareil productif et de formation. Le Japon passe ainsi d’une structure industrielle fondée sur le textile et la sidérurgie à la pétrochimie dès les années 60 puis aux nouvelles technologies dans les années 80 : industries de main-d’œuvre fondées sur la connaissance et le savoir (knowledge industry). L’Etat se désengage progressivement à partir de 55 de l’intervention économique. Les entreprises publiques sont cantonnées aux transports, à la communication, la fourniture d’eau, ce qui entraîne un retard par rapport aux autres PDEM dans les infrastructures et la protection sociale (inaction volontaire de l’Etat). Il s’agit avant toute chose d’orienter l’épargne vers l’investissement. Mais l’absence d’infrastructure crée des goulets d’étranglement qu’il faut constamment rattraper (aéroport de Kobé par exemple). Le MITI (ministère de l’industrie et du commerce japonais) vise à créer des alliances entre entreprises privées et secteur bancaire pour favoriser certaines stratégies industrielles, la réalisation des investissements est donc laissée aux entreprises privées. - La fin d’un modèle ? Le premier choc pétrolier rompt la croissance japonaise. À partir de 1970, les taux de croissance chutent pratiquement de moitié : 5,3 % en 1973 et 4,5 % dans la première moitié de la décennie 80, puis 2,35 % jusqu’en 1990. À partir de 1990, la croissance oscille de 0 à 1,5 % par an, le Japon stagne. Après le premier choc cependant, les taux de croissance japonais étaient restés très supérieurs à ceux de l’Occident (bonne adaptation du modèle aux contraintes nouvelles). La politique contracyclique permet de soutenir la demande intérieure pour suppléer aux insuffisances de la demande internationale et de maintenir la compétitivité sur les marchés extérieurs. L’excédent japonais représente dans les années 80 5 % du PIB. Il devient alors exportateur de capitaux et une importante puissance financière : hausse considérable des avoirs japonais dans le monde et des créances sur le reste de la planète. Le modèle japonais change donc de nature durant la décennie : de puissance industrielle, le Japon devient une puissance financière et ses investissements augmentent considérablement => démarrage des quatre dragons. Puis les investissements s’étendent au reste du Sud-Est asiatique, voire en Chine. Le Japon connaît une désindustrialisation mais devient un élément incontournable de la finance internationale. À partir de l’endaka (22/9/1985, accords du Plaza qui exigent une réévaluation du yen), le Japon subit un choc financier qui explique en partie la crise des 90. Les bulles financières, immobilières et spéculatives se succèdent, le Japon cherche à vivre de sa rente financière. Dans cette phase survient une crise sociale et morale qui est le pendant du ralentissement économique japonais : l’économie a du mal à se réadapter à la nouvelle donne de compétitivité internationale et à retrouver un créneau qui lui assure un avantage comparatif sur les autres. Les politiques de relance échouent depuis 1990, le déficit budgétaire dépasse 7 % du PIB sans pour autant entraîner un véritable redémarrage économique.