Thème : Les limites de la croissance Débat n°1 Croissance et développement durable sont-ils conciliables ou comment sauver la planète ? Décroissance versus croissance soutenable (ou « éco-économie ») Pêche aux arguments : • Connaître les définitions des termes du débat • Connaître l'état des lieux des dégâts environnementaux occasionnés par la croissance (les nommer + quelques ordres de grandeur) • Connaître les solutions déjà en place pour réduire les dégâts occasionnés par la croissance. • Connaître les arguments des partisans de la décroissance (les « plutôt pessimistes ») et de ceux de la croissance soutenable (les « plutôt optimistes »). Sources : • Article d'alter éco "L'impact de la croissance sur l'environnement" déc. 2005 (fiche de synthèse) • TG2 (tableau synthétique d'arguments) (ici) • Documents ci-dessous Document 1 : […] François Schnelder propose un calcul grossier, mais très éclairant sur ce qui est ici en jeu. Si, pour rétablir la justice à l'horizon 2050, nous devions offrir une consommation par habitant partout équivalente à celle qui prévaut aujourd'hui au Nord, et en supposant que ce dernier se contente du niveau actuel, il nous faudrait disposer d'un espace naturel équivalent à douze planètes! Le seul scénario autorisant l'égalité mondiale à un niveau soutenable impliquerait un doublement de la consommation dans les pays du tiers monde et sa décroissance annuelle de 5% dans les pays industrialisés pendant quarante-huit ans ! On peut certes discuter ces estimations, mais cela ne changera rien au problème. Quand bien même la décroissance nécessaire pour «libérer» les ressources nécessaires au développement du Sud serait de cinq à dix fois inférieure à ce qu'indiquent les chiffres de Schneider, une décroissance serait politiquement impossible et socialement inacceptable. Quand on considère les problèmes sociaux insolubles auxquels nous sommes confrontés dès que la croissance est seulement ralentie, il est évident qu'un recul annuel permanent de la production de 1 % ou même de 0,5% engendrerait un véritable chaos social. Seules des dictatures effroyables pourraient l'imposer avant de s'orienter rapidement vers une autre solution : le génocide des pauvres. Après tout, s'il nous faut deux ou trois planètes pour rendre notre mode de vie soutenable, il «suffirait» de diviser la population mondiale dans les mêmes proportions! Si l'on estime que notre culture relativement démocratique nous interdit d'envisager une telle perspective, il faut se rendre à l'évidence qu'elle nous interdit aussi de promouvoir la décroissance que l'écologie radicale nous présente comme une nécessité vitale. La seule issue à cette impasse est de rechercher non pas la décroissance, mais une autre croissance qui substitue progressivement la consommation de services immatériels et de matière recyclée aux biens dont la fabrication détruit le patrimoine naturel. Une voiture fabriquée avec les matériaux d'une ancienne voiture et consommant de l'électricité solaire ou éolienne n'est pas produite «au prix d'une baisse du nombre de vies à venir». Il est heureusement une autre écologie radicale, incarnée par exemple par Lester Brown, qui dessine les contours d'une «éco-économie». Cette dernière suggère une révolution mentale : loin de considérer l'environnement comme une donnée contraignante à intégrer dans le système économique, elle envisage l'économie comme un outil de production d'un meilleur environnement. Cette économie fondée sur le recyclage des énergies propres et l'essor des services, pourrait à la fois assurer le plein-emploi et le progrès du niveau de vie. Certes, elle implique une autre conception du niveau de vie, qui renonce notamment à l'accumulation indéfinie de biens matériels. Mais si cette mutation culturelle est tout sauf triviale, elle est déjà en cours pour une partie des populations du Nord et elle sera plus aisée pour les trois quarts de l'humanité dont le niveau de vie repose déjà essentiellement sur des biens relationnels et non sur des consommations matérielles. Jacques Généreux, « Le développement durable est-il soutenable ? », p. 22-23, Alternatives économiques n° 206, septembre 2002 Document 2 : Un optimiste… (Nathan SES Term 2003) Document 3 : L'impossibilité d'anticiper les dégâts Document 4 : Décroissance ou développement durable ? La décroissance s'oppose au productivisme économique moderne et donc en partie à la notion de d éveloppement durable . En effet, le développement durable repose habituellement sur une croissance durable . Aussi, le concept est parfois un simple outil marketing utilisé à des fins productivistes. Par exemple, cette déclaration de Michel de Fabiani, président de BP France : « Le développement durable, c'est tout d'abord produire plus d'énergie, plus de pétrole, plus de gaz, peut-être plus de charbon et de nucléaire, et certainement plus d'énergies renouvelables. Dans le même temps, il faut s'assurer que cela ne se fasse pas au détriment de l'environnement. » [] Or selon les partisans de la décroissance, une société qui consomme toujours plus de ressources ne peut pas être respectueuse de l'environnement. […] Les partisans de la décroissance soutiennent que pour être durable, le développement humain devra au contraire pouvoir se passer d'une croissance économique globale et perpétuelle. (source Doc. 4, 5, 6 : Wikipédia « Développement durable »). Document 5 : L'effet rebond La théorie de l'effet rebond argue que tout progrès technique, toute amélioration de productivité, au lieu de diminuer la consommation de matières premières et d'énergie, conduirait au contraire à produire beaucoup plus, donc à consommer davantage. L'avènement de l'informatique et des réseaux dans ses débuts a laissé penser à une disparition possible du support papier. Or on a constaté dans un premier temps une augmentation de la consommation de papier. [] Loin de diminuer la consommation de papier, l'informatique et les réseaux l'avaient fait croître : selon le fabricant de fournitures de bureau Esselte, la demande de papier a progressé de 40% dans les entreprises qui ont instauré un système de courrier électronique, parce que les employés ont tendance à imprimer leurs e-mails avant de les lire. La diminution a par ailleurs été compensée par l'essor des pays émergents (PED) devenus consommateurs. Toutefois la baisse de tirage des journaux papiers a fini par l'emporter, notamment en Amérique du nord, et est l'une des causes de la crise papetière de 2005. Un autre exemple de ce que serait cet effet concerne les voitures : on est capable aujourd'hui d'en produire de bien moins polluantes qu'il y a quelques dizaines d'années, mais comme leur nombre, leur puissance, leur masse, les kilomètres parcourus, les habitacles climatisés augmentent, la pollution automobile augmente aussi. Le même argument est avancé concernant le recyclage dont l'effet, pourtant important, ne suffit pas toujours à compenser l'augmentation de production de déchets par habitant. […] Document 6 : L'autorégulation de la croissance traditionnelle Les détracteurs de la décroissance soutenable affirment que le progrès technique permettra de résoudre les problèmes de pollution, et que la matière première de l'économie moderne « post-industrielle » est davantage la connaissance que les ressources physiques. Ainsi la croissance du PIB est de plus en plus liée à celle des activités de services, non polluantes et ne consommant pas de matières premières. La « courbe environnementale de Kuznets » La description de ce phénomène constaté dans les pays riches, voire certains pays en voie de développement comme la Chine récemment, est permise par une courbe en U inversé (pollution en ordonnée et revenu par habitant en abscisse). Les détracteurs de la décroissance pensent que la croissance permet la diminution ou la disparition de certains types de productions. Ils pensent que le capitalisme permet l'arbitrage vers des ressources plus abondantes ou vers d'autres biens, et qu'il apporte des signaux par les prix du marché quand une ressource devient moins accessible. D'autres estiment que la croissance économique à deux effets contradictoires. L'augmentation de la production provoque une augmentation de la pollution, mais elle permet aussi d'enrichir les citoyens qui deviendraient alors davantage soucieux de l'environnement qui est considéré comme un bien supérieur (de fait les réglementations environnementales sont bien plus contraignantes dans les pays riches démocratiques), de dégager des suppléments de revenus susceptibles d'être alloués à la protection de l'environnement, de diffuser de nouvelles technologies permettant une meilleure utilisation des ressources économiques, enfin les entreprises finissent par réclamer sous la pression des citoyens-consommateurs des mesures visant à protéger un environnement nécessaire à la bonne marche de leurs activités. Sur la base de ces hypothèses, des économistes ont avancé que la croissance était nuisible à l'environnement jusqu'à ce que soit atteint un certain niveau de revenu par habitant au-delà duquel les effets favorables à l'environnement devenaient dominants (cf. graphique cicontre). Par exemple, la prédiction apocalyptique d'une augmentation de la consommation d'énergie égale à l'augmentation de la production ne se vérifie pas empiriquement : en effet, l'intensité énergétique de la production diminue chaque année pour les pays riches, suite aux chocs pétroliers puis à la dématérialisation croissante de l'économie. Ainsi, l'intensité énergétique des pays de l'OCDE a diminué de 40% depuis 1980, et le Département de l'énergie américain prévoit une diminution de l'intensité énergétique mondiale de 1,8% par an sur la période 2003-2030. Document 7 : I) La croissance s’est souvent effectuée au détriment de la préservation de l’environnement… De 1960 à 1994 la croissance économique mondiale moyenne a triplé entraînant sur la même période un doublement de la consommation d’énergie et des émissions de CO2. (doc 1) L’effet de serre (=> réchauffement planète) est la conséquence directe de l’activité industrielle, de l’urbanisation et de la généralisation de la consommation de masse qui accompagnent la croissance II) …il est cependant possible de les concilier Depuis la fin des « 30 glorieuses » (J. Fourastié) et notamment du choc pétrolier de 1973, on constate un décrochage entre PIB mondial [qui continue d’augmenter au même rythme (affaiblissement des taux de croissance des PID compensé par l’accélération de la croissance de certains PED)] et consommation d’énergie et émissions de CO2 qui continuent de s’accroître mais à un rythme moindre. Cette déconnexion entre PIB et atteintes à économique (voir taux d’équipement des ménages en automobiles, généralisation de la climatisation…) et qui n’a cessé de s’accroître à l’échelle planétaire depuis la 2ème guerre mondiale et surtout et d’abord dans les PID. (doc 2) A court terme, malgré l’augmentation du prix des énergies fossiles (pétrole notamment), la consommation d’énergie est faiblement élastique aux prix (voir graph doc 1 : la diminution de la consommation d’énergie consécutive au choc pétrolier de 1973 n’est que de courte durée) car il faut changer les moyens de production (remplacer les machines gourmandes en énergies et polluantes prend du temps et coûte de l’argent) mais aussi les modes de vie et de consommation (gaspillage de l’eau potable domestique et de l’électricité, agriculture intensive, packaging et emballages de plus en plus importants dans l’agroalimentaire, consommation de biens importés occasionnant des pollutions importantes (fruits hors saison, textile importé de plus en plus d’Asie…) … (doc 2) La production et donc la croissance économique engendrent des effets externes négatifs (pollutions, dégradations de l’environnement…). Cette caractéristique (le pollueur est rarement ou trop faiblement le payeur) n’incite pas les producteurs à préserver l’environnement. (doc 3) Les incitations (écotaxes) ne suffisent souvent pas à inciter les producteurs à investir pour moins polluer. (doc 3) Les quotas et écotaxes peuvent casser la croissance économique s’ils renchérissent trop les coûts de production et les prix à la consommation. (doc 3) Les producteurs se saisissent de plus en plus de l’environnement pour en faire un argument de marketing souvent seulement comme une façade (simple argument de vente sans réelle volonté) « Les experts de l’OCDE sont formels : les progrès technologiques ne suffiront pas à corriger les méfaits de la croissance économique sur l’environnement et la santé » (doc 4) l’environnement s’explique d’abord par la prise de conscience consécutive aux chocs pétroliers (1973 et 1979). Soudainement les ressources naturelles ne sont plus perçues comme infinies et inépuisables, ils faut donc les économiser en produisant plus efficacement non plus seulement du point de vue de la productivité mais aussi de l’environnement. Le progrès technique a dès lors intégré la contrainte environnementale afin de moins polluer (ex : consommation moyenne des automobiles 6 l/100km aujourd’hui, 12 l/100 km dans les années 1970 et réduction de l’émission de CO2, ampoules économes en électricité, isolation des logements, normes ISO 14000 et éco-labels des entreprises etc) (doc 1) « Des solutions existent pour limiter le gâchis énergétique » (doc 2) (voir ci-dessous) Le principe du pollueur payeur (PPP ou écotaxes) tente d’internaliser les coûts de la production pour rendre les producteurs plus attentifs à l’environnement. (doc 3) La mise en place de quotas d’émissions par les pouvoirs publics (= marchés des droits à polluer) peut réconcilier croissance et environnement mais c’est d’abord à l’Etat de montrer l’exemple en investissant dans des infrastructures soucieuses de l’environnement (ferroutage plutôt qu’autoroutes par exemple, développement des transports en commun, subventions publiques aux énergies renouvelables…) (doc 3) Les consommateurs sont à même de faire changer les choses car ils sont de plus en plus sensibles aux arguments environnementaux quand ils consomment. Les marques l’ont d’ailleurs bien compris puisqu’elles communiquent beaucoup et de plus en plus sur la dimension « respect de l’environnement » de leurs produits (succès des produits bio, des emballages recyclables Ikea et reboisement etc) (doc 4) Si les pouvoirs publics parviennent à faire payer le coût réel de l’environnement aux producteurs (PPP), les prix pourraient redevenir de bons signaux pour diminuer la consommation d’énergies et les pratiques polluantes. (doc 4)