Introduction à Dei Verbum - Fondation du Centre oecuménique de

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Quand Dieu se fait connaître
Regard protestant sur la révélation divine selon Vatican II
Conférence à la Tour-de-Peilz, Centre œcuménique de Vassin, le 5 novembre 2013
Accueil et présentation.
Je vous remercie de m'avoir invité. Je suis pasteur dans la paroisse de Prilly-Jouxtens et membre du
Groupe des Dombes. Dans mon ministère, j'ai un accent sur la formation d'adultes et en particulier sur le
travail biblique. Avec le groupe œcuménique de Prilly, nous avons lu l'an dernier Dei Verbum, avec l'aide
d'un petit livre de présentation : Vatican II et la Parole de Dieu. Ce que je vous dirai ce soir est le fruit de
ce travail et de mes réflexions personnelles.
Après quelques mots d'introduction à la Constitution Dei Verbum, nous lirons ensemble le paragraphe 2
puis nous regarderons les rapports entre Ecriture, Tradition et Magistère, dans les paragraphes 7 à 10.
Introduction à Dei Verbum
Ce texte est l'un des pus importants du concile Vatican II. Le concile a commencé à travailler ce thème
mais il a rejeté le projet préparé. Il a donc dû être repris et il a été l'un des derniers textes adoptés. Ce
texte sensible car touche à la Vérité : qu'est-ce qui permet de connaître Dieu en vérité et de définir qui il
est et comment vivre en relation avec lui ? Cette problématique est au fondement de la théologie et de la
régulation de la vie de l'Eglise.
Contexte historique
Dei Verbum s'inscrit dans un contexte historique particulier :
- L'Eglise catholique a traversé la Crise moderniste. Pendant longtemps, elle a refusé les méthodes
exégétiques modernes, puis elle s'est peu à peu ouverte à ces méthodes et à la recherche historique.
- Cette évolution est allée avec un renouveau biblique qui a touché l'Eglise catholique depuis la fin du
XIXe et que Dei Verbum va contribuer à stimuler. Pendant longtemps, la lecture biblique était peu mise
en avant pour les fidèles catholiques. Parfois même on les décourageait de lire seuls l'Ecriture. Dans les
célébrations, l'homélie se faisait souvent non pas sur l'Ecriture mais sur des points de dogme ou de
morale. Les fidèles avaient peu de culture biblique. Ce renouveau biblique catholique a déjà commencé
avant le Concile, par exemple avec des traductions en français de la Bible, celle de Maredsous (1950) et
de Jérusalem (1956, pour la première édition complète), ou avec la fondation de l'Ecole biblique de
Jérusalem (1890) en conflit avec Rome puis celle de l'Institut biblique pontifical de Rome (1908) pour la
contrer.
- Les relations œcuméniques se sont développées et l'Eglise catholique désirait s'y engager davantage. Dei
Verbum touche un point sensible des polémiques confessionnelles. Le principe protestant du Sola
Scriptura fait passer la révélation par l'Ecriture avant la Tradition et permet la critique de l'Eglise et de
son enseignement. Les réactions catholiques valorisent la Tradition et l'idée que l'Eglise conduite par
l'Esprit ne peut se tromper. Comment définir alors les rapports entre Ecriture et Tradition ? Quelle est la
source de l'autorité en Eglise ? Comment l'Eglise connaît-elle la vérité sur Dieu ?
Structure
Le texte de la constitution se développe en 6 chapitres. Il part de la révélation elle-même, ch. 1, et de sa
transmission, ch. 2, avec la définition des relations entre tradition, Écriture et magistère, puis il traite de
l'inspiration de la Sainte Écriture et de son interprétation, ch. 3. Il aborde ensuite les différentes parties de
l'Ecriture, l'Ancien Testament, ch. 4, et le Nouveau Testament, ch. 5. Il se termine avec, l'utilisation de
l'Ecriture dans l'Eglise, ch. 6.
Le texte part de considérations générales puis resserre le champ sur 'Ecriture et ses diverses parties. A la
fin, il élargit le regard sur l'usage de l'Ecriture en Eglise. Cette structure montre l'importance de l'Ecriture
dans la connaissance de Dieu. Même si Ecriture et tradition sont considérées comme deux canaux de la
même révélation, l'accent porte davantage sur l'Ecriture, son interprétation et son usage.
Pour ce soir, nous nous limiterons à deux aspects : la Révélation et les rapports entre Ecriture et tradition.
La révélation (§ 2)
Le texte de ce paragraphe est dense et il vaut la peine de le reprendre.
- La question centrale est celle de l'Ecriture et de sa place dans la vie de l'Eglise et la théologie. Pour
parler de l'Ecriture, le texte choisit une porte d'entrée. L'Ecriture n'est pas là pour elle-même mais pour
rendre témoignage à la révélation de Dieu. Cette mise en évidence de la révélation permet de partir de
Dieu lui-même et de sa connaissance. La question de l'Ecriture se place sur l'horizon de cette révélation.
- La révélation de Dieu est un choix de Dieu. Il en a l'initiative de bout en bout.
- La révélation est d'emblée trinitaire. Le Père en est l'origine. Le Christ en est le médiateur et la
plénitude. L'Esprit donne à l'être humain accès à la connaissance de Dieu.
- La révélation est un acte de communication. Elle s'adresse aux hommes. Elle doit donc se penser comme
un acte qui se situe dans une histoire entre Dieu et les hommes. Cette histoire est une histoire de salut,
Dieu désire associer les humains à sa vie. La révélation est une parole d'amour destinée à des amis.
- La révélation passe par des actes de communication. Elle n'est pas seulement verbale, comme notre
communication n'est pas seulement verbale. Elle est histoire en acte et en parole. Les deux sont
nécessaires et forment un système : les événements attestent et confirment les paroles, les mots racontent
et disent le sens. Sans parole, les événements seraient incompréhensibles et sans événements les paroles
seraient incroyables ou illusoires. Ainsi sans parole la mort de Jésus serait incompréhensible mais sans
l'événement de la mort de Jésus, l'amour de Dieu serait théorique.
- La révélation fait connaître le mystère de la volonté de Dieu. Le mot "mystère" est difficile pour les
protestants qui l'utilisent moins que les catholiques. Il est utilisé ici dans le sens qu'il a dans la lettre aux
Ephésiens. Aujourd'hui, un mystère est vu souvent comme une énigme qu'il s'agit de résoudre et, une fois
le mystère percé, la question est entendue. En théologie, le mystère est une réalité qui échappe à la
connaissance humaine car elle porte en elle la présence de Dieu qui reste au-delà de nos moyens de
connaissance. On peut approcher le mystère, le comprendre en partie mais il reste porteur d'une présence
qui nous échappe et nous fait vivre. En latin, le mot grec pour mystère a été traduit par "sacramentum",
d'où "sacrement" en français. Le sacrement en est un événement où Dieu se donne à nous mais en même
temps nous ne pouvons pas le maîtriser et il nous échappe. Le sacrement communique en vérité la grâce
de Dieu mais cette grâce nous dépasse toujours, comme Dieu qui nous la donne.
- En tant que protestant, je peux être d'accord avec tout ce qui est dit là. Je le dirais avec des mots un peu
différents mais en accord sur le fond. Je constate que ce qui est dit ici part de l'Ecriture, sans avoir défini
son statut. Toutes les références y renvoient. Ce qui est dit ne se réfère explicitement ni aux énoncés de la
Tradition ni à une théologie naturelle. C'est certainement un choix.
Je constate aussi que c'est une théologie qui reste très déductive. Aujourd'hui, nous sommes à nouveau
plus sensibles aux expériences humaines et on pourrait aussi partir de l'expérience religieuse comme
fondement, ce qui donnerait une base humaine plus générale et une légitimité différente, mais aussi
probablement un statut différent à l'Ecriture.
Tradition, Ecriture et magistère.
Après la définition de la révélation, le texte se tourne vers la question de la transmission de cette
révélation. C'est dans cette perspective qu'il aborde la question de la Tradition et de l'Ecriture. Comme le
Christ est le médiateur et la plénitude de la révélation, le texte part de cette réalité.
Présentation
§7. Le Christ accomplit et proclame la révélation, par sa parole et par sa vie. Il ordonne ensuite aux
apôtres de transmettre l'Evangile, ce qu'ils font par leur parole, leur exemple et leurs institutions, inspirés
par l'Esprit. Cette annonce aboutit à la mise par écrit des traditions apostoliques. Pour assurer la pleine
transmission de l'Evangile, les apôtres instituent les évêques qui reprennent leur fonction d'enseignement.
Tradition et Ecriture vont ainsi de paire.
§ 8. La succession apostolique garantit la transmission des Ecritures et des traditions venues du Christ et
des apôtres. La Tradition se constitue à la fois de l'enseignement et de la vie de l'Eglise. "L'Eglise
perpétue dans sa doctrine, sa vie et son culte et elle transmet à chaque génération, tout ce qu'elle est en
elle-même et tout ce qu'elle croit". L'assistance de l'Esprit permet la fidélité de cette transmission et une
compréhension toujours meilleure de son contenu. "Ainsi l'Eglise, tandis que les siècles s'écoulent, tend
constamment vers la plénitude de la vérité, jusqu'à que soient accomplies en elle les paroles de Dieu". La
Tradition inspire ainsi la vie de l'Eglise, sa foi et son culte. C'est "la même Tradition qui fait connaître à
l'Eglise la liste intégrale des livres saints" et fait comprendre l'Ecriture et la rend opérante. Dieu continue
ainsi de converser avec son Eglise et de permettre à tout croyant d'accéder à la vérité tout entière.
§ 9 Ecriture et Tradition vont de paire. Elles jaillissent de la même source divine et ont un même but. "La
Sainte Écriture est la Parole de Dieu en tant que, sous l’inspiration de l’Esprit divin, elle est consignée par
écrit ; quant à la sainte Tradition, elle porte la Parole de Dieu, confiée par le Christ Seigneur et par
l’Esprit Saint aux Apôtres, et la transmet intégralement à leurs successeurs, pour que, illuminés par
l’Esprit de vérité, en la prêchant, ils la gardent, l’exposent et la répandent avec fidélité : il en résulte que
l’Église ne tire pas de la seule Écriture Sainte sa certitude sur tous les points de la Révélation."
Noter : une seule source, différence entre l'Ecriture qui est la parole de Dieu consignée par écrit alors
que la Tradition porte la parole de Dieu, rôle de l'Esprit des 2 côtés.
§ 10. Le dernier paragraphe traite du rapport avec le Magistère. En principe, l'Eglise vit de la Parole de
Dieu dans la fidélité et donc l'unité de foi et de pratique. Le magistère est cependant seul responsable de
l'interprétation authentique de l'Ecriture. "Ce Magistère n’est pas au-dessus de la Parole de Dieu, mais il
est à son service, n’enseignant que ce qui a été transmis, puisque par mandat de Dieu, avec l’assistance de
l’Esprit Saint, il écoute cette Parole avec amour, la garde saintement et l’expose aussi avec fidélité, et
puise en cet unique dépôt de la foi tout ce qu’il propose à croire comme étant révélé par Dieu."
Noter : Le Magistère désigne la fonction d'enseignement de la foi et de sa régulation. Cette fonction
appartient en particulier aux évêques.
Analyse et critique
Points forts :
- Cette vision des rapports entre Tradition et Ecriture est cohérente avec la révélation telle qu'elle a été
définie et avec la doctrine catholique. Elle maintient unie la Tradition et l'Ecriture et empêche de jouer
l'une contre l'autre. Elle refuse d'en faire deux sources différentes de la connaissance. Elle valorise le culte
et la vie de l'Eglise comme lieu de transmission de la foi.
- Elle offre un moyen de trancher les conflits d'interprétation.
- Elle respecte l'altérité de Dieu et les médiations entre lui et nous. La connaissance de Dieu est médiate,
il se découvre dans le miroir de l'Ecriture et de la Tradition (§ 7).
- Elle part d'une théologie trinitaire centrée sur le Christ et elle fait place à l'Esprit Saint. Il est à l'œuvre à
la fois chez celui qui transmet et chez celui qui reçoit. Ce rôle garantit la fidélité et la créativité
théologique.
- Elle apparaît comme le reflet du développement organique de l'histoire de l'Eglise initiée par Jésus. Elle
constitue un système d'unité qui s'autorégule.
Difficultés pour moi comme protestant :
- Cette manière de présenter les choses donne l'impression d'un développement organique historique alors
qu'il s'agit d'une reconstruction a posteriori. Le cours de l'histoire est plus divers et conflictuel.
- Elle repose sur une vision trop positive et lisse de l'histoire. Il est difficile de parler d'un progrès continu
de la théologie et de la compréhension de la Révélation. La Réforme naît d'une critique de la transmission
et d'un constat d'une perte de contenu. Elle se veut un retour aux sources comprises comme pures. Le
risque protestant est, au contraire, celui d'une conception tragique de l'histoire où plus on s'éloigne dans le
temps moins on a accès à la vérité.
- La Tradition est une grandeur floue et sans limite. Elle peut tout contenir. Le texte ne fait pas la
différence entre la Tradition et les traditions. Elle a besoin d'être régulée et hiérarchisée. Pour les
protestants, c'est justement le rôle de l'Ecriture. Elle offre un vis-à-vis aux traditions ecclésiales et elle se
constitue d'un corpus fermé qui a une existence objective sur le contenu duquel peut se faire un débat
herméneutique.
- Pour les conflits d'interprétations, la régulation prévue est celle du Magistère. La difficulté est que le
magistère appartient à l'institution et quand l'institution se trompe, il ne peut pas vraiment se dédire. Il est
donc prévu que le magistère ne peut pas se tromper grâce à l'assistance de l'Esprit. Pour les protestants,
cette conception est insuffisante et même le magistère peut se tromper.
Conclusion, ce que je garde de ce texte
- La révélation de Dieu est un acte de communication par lequel Dieu désire transmettre aux hommes le
salut, les faire entrer par amour en relation avec lui.
- Jésus Christ est à la fois le médiateur de cette révélation et son accomplissement.
- L'Ecriture est l'une des formes de cette révélation. Elle n'est jamais séparable complétement de la
Tradition qui est à la fois sa source, celle qui la transmet et le cadre de ses interprétations.
- L'inspiration de l'Esprit est à l'œuvre dans ces 3 moments. Il a conduit les auteurs des écrits bibliques, il
a soutenu ses interprètes au cours de l'histoire et il continue à être nécessaire au travail d'interprétation et
d'annonce de l'Evangile.
Questions discutées dans les petits groupes
En quoi ce que dit Dei Verbum à propos de l'Ecriture et de la Tradition correspond-il à ce que vous
croyez ?
En quoi ce qui est dit vous surprend-il ou vous semble-t-il contestable ?
Dans quelle mesure ce texte est-il pour vous une bonne réponse à la critique protestante selon laquelle
seule l'Ecriture est la norme de la foi et de la vie de l'Eglise ?
Guy Lasserre, Prilly, le 8 décembre 2013.
CONSTITUTION DOGMATIQUE SUR LA RÉVÉLATION DIVINE
DEI VERBUM
1. Préambule
CHAPITRE PREMIER : La Révélation elle-même
2. Nature de la Révélation
3. Préparation de la Révélation évangélique
4. Le Christ plénitude personnelle de la Révélation
5. Accueil de la Révélation par la foi
6. Révélation divine et connaissance naturelle de Dieu
CHAPITRE II : La transmission de la Révélation divine
7. Les Apôtres et leurs successeurs, hérauts de l’Évangile
8. La sainte Tradition
9. Le rapport réciproque entre la Tradition et l’Écriture
10. Tradition, Écriture, Peuple de Dieu et Magistère
CHAPITRE III : L’inspiration de la Sainte Écriture et son interprétation
11. Inspiration et vérité de la Sainte Écriture
12. Comment interpréter l’Écriture
13. La condescendance de Dieu
CHAPITRE IV : L’Ancien Testament
14. L’histoire du salut dans les livres de l’Ancien Testament
15. Importance de l’Ancien Testament pour les chrétiens
16. L’unité des deux Testaments
CHAPITRE V : Le Nouveau Testament
17. Excellence du Nouveau Testament
18. L’origine apostolique des Évangiles
19. Leur caractère historique
20. Les autres écrits du Nouveau Testament
CHAPITRE PREMIER :
La Révélation elle-même
2. Nature de la Révélation
Il a plu à Dieu dans sa bonté et sa sagesse de se révéler en
personne et de faire connaître le mystère de sa volonté (cf. Ep
1, 9) grâce auquel les hommes, par le Christ, le Verbe fait
chair, accèdent dans l’Esprit Saint, auprès du Père et sont
rendus participants de la nature divine (cf. Ep 2, 18 ; 2 P 1, 4).
Par cette révélation, le Dieu invisible (cf. Col 1, 15 ; 1 Tm 1,
17) s’adresse aux hommes en son surabondant amour comme
à des amis (cf. Ex 33, 11 ; Jn 15, 14-15), il s’entretient avec
eux (cf. Ba 3, 28) pour les inviter et les admettre à partager sa
propre vie. Pareille économie de la Révélation comprend des
actions et des paroles intimement liées entre elles, de sorte
que les œuvres, accomplies par Dieu dans l’histoire du salut,
attestent et corroborent et la doctrine et le sens indiqués par
les paroles, tandis que les paroles proclament les œuvres et
éclairent le mystère qu’elles contiennent. La profonde vérité
que cette Révélation manifeste, sur Dieu et sur le salut de
l’homme, resplendit pour nous dans le Christ, qui est à la fois
le Médiateur et la plénitude de toute la Révélation [2].
[2] Cf. Mt 11, 27 ; Jn 1, 14.17 ; 14, 6 ; 17, 1-3 ; 2 Co 3, 16 et 4, 6 ; Ep 1, 3-14.
CHAPITRE VI : La Sainte Écriture dans la vie de l'Église
21. Importance de la Sainte Écriture pour l’Église
22. Nécessité des différentes versions et traductions
23. La tâche apostolique des théologiens catholiques
24. Écriture Sainte et théologie
25. Recommandation de la lecture de l’Écriture Sainte
26. Épilogue
Texte français de Dei Verbum, voir :
http://www.vatican.va/archive/hist_councils/ii_vatican_council/docume
nts/vat-ii_const_19651118_dei-verbum_fr.html
CHAPITRE II : La transmission de la Révélation divine
7. Les Apôtres et leurs successeurs, hérauts de l’Évangile
Cette Révélation donnée pour le salut de toutes les nations, Dieu, avec la
même bienveillance, a pris des dispositions pour qu’elle demeure
toujours en son intégrité et qu’elle soit transmise à toutes les
générations. C’est pourquoi le Christ Seigneur, en qui s’achève toute la
Révélation du Dieu très haut (cf. 1 Co 1, 30 ; 3, 16-4, 6), ayant accompli
lui-même et proclamé de sa propre bouche l’Évangile d’abord promis
par les prophètes, ordonna à ses Apôtres de le prêcher à tous comme la
source de toute vérité salutaire et de toute règle morale, en leur
communiquant les dons divins [8]. Ce qui fut fidèlement exécuté, soit
par les Apôtres, qui, par la prédication orale, par leurs exemples et des
institutions, transmirent, ce qu’ils avaient appris de la bouche du Christ
en vivant avec lui et en le voyant agir, ou ce qu’ils tenaient des
suggestions du Saint-Esprit, soit par ces Apôtres et par des hommes de
leur entourage, qui, sous l’inspiration du même Esprit Saint [9],
consignèrent par écrit le message du salut.
Mais pour que l’Évangile fût toujours gardé intact et vivant dans
l’Église, les Apôtres laissèrent pour successeurs des évêques, auxquels
ils « remirent leur propre fonction d’enseignement [10] ». Cette sainte
Tradition et la Sainte Écriture de l’un et l’autre Testament sont donc
comme un miroir où l’Église en son cheminement terrestre contemple
Dieu, dont elle reçoit tout jusqu’à ce qu’elle soit amenée à le voir face à
face tel qu’il est (cf. 1 Jn 3, 2).
8. La sainte Tradition
C’est pourquoi la prédication apostolique, qui se trouve spécialement
exprimée dans les livres inspirés, devait être conservée par une
succession ininterrompue jusqu’à la consommation des temps. Les
Apôtres, transmettant donc ce qu’ils ont eux-mêmes reçu, exhortent les
fidèles à garder fermement les traditions qu’ils ont apprises soit de vive
voix soit par écrit (cf. 2 Th 2, 15) et à lutter pour la foi qui leur a été une
fois pour toutes transmise (cf. Jude 3) [11]. Quant à la Tradition reçue
des Apôtres, elle comprend tout ce qui contribue à conduire saintement
la vie du peuple de Dieu et à en augmenter la foi ; ainsi l’Église perpétue
dans sa doctrine, sa vie et son culte et elle transmet à chaque génération,
tout ce qu’elle est elle-même, tout ce qu’elle croit.
Cette Tradition qui vient des Apôtres progresse dans l’Église [12], sous
l’assistance du Saint-Esprit ; en effet, la perception des réalités aussi
bien que des paroles transmises s’accroît, soit par la contemplation et
l’étude des croyants qui les méditent en leur cœur (cf. Lc 2, 19.51), soit
par l’intelligence intérieure qu’ils éprouvent des réalités spirituelles, soit
par la prédication de ceux qui, avec la succession épiscopale, ont reçu un
charisme certain de vérité. Ainsi l’Église, tandis que les siècles
s’écoulent, tend constamment vers la plénitude de la divine vérité,
jusqu’à ce que soient accomplies en elle les paroles de Dieu. (…)
9. Le rapport réciproque entre la Tradition et l’Écriture
La sainte Tradition et la Sainte Écriture sont donc reliées et
communiquent étroitement entre elles. Car toutes deux, jaillissant de la
même source divine, ne forment pour ainsi dire qu’un tout et tendent à
une même fin. En effet, la Sainte Écriture est la Parole de Dieu en tant
que, sous l’inspiration de l’Esprit divin, elle est consignée par écrit ;
quant à la sainte Tradition, elle porte la Parole de Dieu, confiée par le
Christ Seigneur et par l’Esprit Saint aux Apôtres, et la transmet
intégralement à leurs successeurs, pour que, illuminés par l’Esprit de
vérité, en la prêchant, ils la gardent, l’exposent et la répandent avec
fidélité : il en résulte que l’Église ne tire pas de la seule Écriture Sainte
sa certitude sur tous les points de la Révélation. C’est pourquoi l’une et
l’autre doivent être reçues et vénérées avec un égal sentiment d’amour et
de respect [13].
10. Tradition, Écriture, Peuple de Dieu et Magistère
La sainte Tradition et la Sainte Écriture constituent un unique dépôt
sacré de la Parole de Dieu, confié à l’Église. En s’attachant à lui, le
peuple saint tout entier uni à ses pasteurs reste assidûment fidèle à
l’enseignement des Apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction
du pain et aux prières (cf. Ac 2, 42 grec), si bien que, pour le maintien,
la pratique et la profession de la foi transmise, s’établit, entre pasteurs et
fidèles, un remarquable accord [14].
La charge d’interpréter de façon authentique la Parole de Dieu, écrite ou
transmise [15], a été confiée au seul Magistère vivant de l’Église [16]
dont l’autorité s’exerce au nom de Jésus Christ. Pourtant, ce Magistère
n’est pas au-dessus de la Parole de Dieu, mais il est à son service,
n’enseignant que ce qui a été transmis, puisque par mandat de Dieu,
avec l’assistance de l’Esprit Saint, il écoute cette Parole avec amour, la
garde saintement et l’expose aussi avec fidélité, et puise en cet unique
dépôt de la foi tout ce qu’il propose à croire comme étant révélé par
Dieu.
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