Atelier d’information et de partage en perspective de RIO+20. Thème : Commerce, Environnement et Développement durable : Quelle place pour l’économie verte en Afrique ? Un atelier d’information et de partage en perspective de Rio+20 s’est tenu à Dakar, du 26 au 27 Avril 2012. Co-organisé par la Fondation Friedrich Ebert et Enda tiers monde (Système et prospectives), la réunion a porté sur la problématique : « commerce, environnement et développement durable : Quelle place pour l’économie verte » ? L’objectif visé était de mettre en débat la problématique du changement climatique et développement durable avec en toile de fond le concept ou la notion d’économie verte d’une part, et d’harmoniser d’autre part la position de l’Afrique en direction de Rio+20 (2022 Juin 2012 au Brésil). Cet atelier a été marqué par une très forte participation de la société civile s’activant dans différents secteurs comme la pêche, l’agriculture, le commerce et le foncier. La méthode de travail retenue a consisté à faire commenter les communications par des spécialistes, des questions retenues, tout en donnant la parole aux participants. Ce procédé a permis à l’assistance de participer à des débats dont beaucoup se souviendront de la haute tenue. En effet, ils ont été marqués par une forte contribution de la société civile qui a démontré que contrairement à ce qui se passe ailleurs, les Africains n’ont pas été rendus aphones par la crise financière et économique qui menace l’humanité. Mais le fait le plus dominant a aussi été l’intérêt qu’à suscité une telle thématique, et également l’implication dans les débats d’une nouvelle génération de chercheurs et d’intellectuels ayant l’inspiration et la force leur permettant de parler et de présenter autrement l’Afrique lors de la conférence des Nations unies au Brésil (Rio+20) La cérémonie d’ouverture a été co-présidée par Mme Lucienne Dione, chargée de programme à la Fondation Friedrich Ebert (FES) et Docteur Cheikh Tidiane Dieye, coordonnateur de programmes commerce, intégration et Développement à Enda Syspro. Dans son discours Mme Lucienne Dione de la FES a affirmé tout l’intérêt que son institution(FES) porte sur les activités menées par Enda syspro. Elle a indiqué que dans un continent marqué par des mutations multiformes, dont certaines revêtent une tournure dramatique dont les effets du changement climatique en sont une parfaite illustration. Le thème retenu est plus que d’actualité. Docteur Cheikh Tidiane Dieye a saisi cette occasion pour faire une brève introduction du thème à débattre. Il a montré que cet atelier se déroulait dans un contexte de très grande inquiétude pour l’humanité en général et pour l’Afrique en particulier. C’est pourquoi de son point de vue la connaissance scientifique de cette nouvelle problématique (économie verte, développement durable) s’impose. La cérémonie d’ouverture a été suivie par les présentations des différents participants, avant d’enchainer avec celles des panélistes. L’agenda de la rencontre a porté sur les problématiques (voire programme ci-joint). Thème : La problématique de l’économie verte Présentation : Jean Philippe Thomas (Enda énergie) Ce sujet a été abordé par Jean Philippe Thomas sous la reformulation : l’économie verte ou le retour de l’économie effréné ? De son point de vue l’appellation « économie verte » est une notion pas un concept. Elle (économie verte) est élaborée par le programme des Nations unies pour l’environnement(PNUE), qui le définit comme une amélioration du bien-être humain et de l’équité social tout en réduisant les risques environnementaux et la pénurie des ressources. Selon l’OCDE, la notion d’économie verte se traduit par un projet de croissance verte. Elle définit de nouvelles sources d’activités, d’emplois et de technologies, tout en gérant les changements structurels associés à la transition à une économie plus verte. Cette dernière (économie verte) se substitue-t-elle ou complète-t-elle le développement durable ? De l’avis de Jean Philippe Thomas, le développement durable intègre quatre (4) piliers à savoir : le social, l’environnement, l’économie et l’institution. Bien conçu et bien appliqué, ce concept pourrait valoir des satisfactions à la communauté internationale. C’est parce qu’il est mal utilisé par le secteur privé et les Etats libéraux que le développement durable est remis en cause. Rio+20, selon Jean Philippe a été un agenda collectif mondial pour une nouvelle gouvernance du développement. Ce pari du développement durable est remis en cause du fait des transformations profondes que ce concept a subi au cours de la dernière décennie avec des résultats insatisfaisants comme c’est le cas des objectifs du millénaire pour le développement(OMD), mais également l’attitude des secteurs économiques et financiers qui ont du mal à admettre l’opérationnalité de la notion de durabilité. Rio+20 dans sa conception actuelle doit s’inscrire dans le cadre de contrecarrer l’approche libérale du développement durable. Le draft zéro disqualifie l’implication de la société civile dans la réaffirmation des droits sociaux face à l’économie. Pour ce faire Jean Philippe Thomas préconise de grands défis à relever : -Renforcer l’approche développement durable et ne pas réinventer la roue. -Intégrer la gouvernance du développement durable, du local au global et pas de vision de top down. -Privilégier une vision globale et l’endogénéité du développement dans un projet politique. Thème: Commerce et économie verte : quels enjeux pour l’Afrique ? Présentation : Cheikh Tidiane Dieye ( Enda syspro) Notion ou concept, l’économie verte est un paradigme naissant issu de l’imagination du système des nations unies, il essaie d’articuler différents piliers de ce qu’on appelait développement durable pour mettre en place les conditions d’une production économique respectueuse de l’environnement à faible émission de carbone et qui se fonde sur l’équité et la justice sociale. Conformément à sa vocation d’ouvreuse de voies, Enda tiers monde a fait le choix de questionner ce concept et il apparait d’après M. Diéye que ce concept décline une approche critique par rapport aux modèles de paradigmes qui sont élaborés par les pays du nord avant leur acceptation ou adaptation aux réalités africaines. C’est fort de ce constat que la société civile rejette d’emblée, ce concept d’économie verte ou du moins émet des réserves. Des trois piliers du développement durable (social, environnement et économie), ce concept (économie verte) n’extirpe que la composante « économie » pour dresser un modèle de développement. De l’avis du conférencier, le développement n’est pas un projet, mais plutôt un produit d’une culture qu’ont construit dans une communauté donnée. D’où le militantisme de enda tiers monde au développement à la base ou par le bas. Les modèles de développement par le haut n’ayant pas prospéré. Le développement doit être reconnu comme un droit de chaque peuple et s’assurer à ce que ce droit ne soit entravée par aucune des règles environnementales ou commerciales fussent-t-elles. Aujourd’hui il est de plus en plus admis de relation entre le commerce et l’environnement et que les règles commerciales dans de nombreux cas créent des dommages ou dysfonctionnements au niveau de l’environnement, de la même façon certaines normes environnementales peuvent être considérées comme des obstacles ou des formes de protectionnisme commercial. L’articulation entre ces deux piliers (commerce et environnement) du développement durable, mal appréciés peuvent nuire au commerce international. C’est là selon M. Dieye que l’Afrique doit faire des éclairages pour mieux positionner l’Afrique dans les négociations internationale. Thème : L’Agriculture durable, souveraineté alimentaire et règles commerce. Présentation : Eric Hazard (Oxfam GB) Le Niger se situe à l’épicentre de la faim : 6 millions de personnes souffrent de la faim 1 enfant sur 2 souffre de la malnutrition 1 enfant sur 2 meurt avant l’âge de 5 ans multilatérales du Le Niger n’est que la partie visible de l’iceberg, cette tendance générale se dégage presque en Afrique de l’Ouest précisément dans les pays du sahel. La crise alimentaire dans cette région d’Afrique ne se pose pas en termes de bonnes ou de mauvaises récoltes, celle-ci se traduit plutôt en termes d’accessibilité des produits avec la flambée des prix par conséquent du pouvoir d’achat. Le système alimentaire depuis quelques années plie sous la pression intense du changement climatique, de la dégradation de l’environnement et de la croissance démographique. Il est également pris en étau entre les besoins de l’industrie, de l’urbanisation et les agro carburants. Le système alimentaire en Afrique de l’ouest est en route vers le désastre. Toutefois, des mesures s’imposent pour relever les défis de l’agriculture durable et de la souveraineté alimentaire. Le défis de la production durable : comment nourrir 9 milliards d’individus d’ici à 2050 sans détruire la planète ? Le défis de l’égalité : corriger les inégalités révoltantes qui gangrènent le système alimentaire du champ jusque dans notre assiette sans quoi 1 milliard vont au lit sans manger ? Le défi de la résilience : renforcer notre capacité à gérer collectivement ainsi que notre résilience face aux chocs et aux volatiles ? De tous ces défis, c’est l’agriculture locale qui s’impose comme solution possible et efficace. Le Brésil et le Vietnam sont une parfaite illustration dans les attentes des objectifs du millénaire. Thème : Pêche, gestion durable des ressources et commerce international Présentation : Abdoul Karim Sall (Association de pécheurs) La pêche est une activité socio-économique au Sénégal. C’est le premier secteur d’exportation. Son dynamisme se traduit par 21 % de la population active (pécheurs), 30 % des exportations et un arsenal de 18.500 pirogues. Le conférencier a attiré l’attention de l’assistance, sur les conséquences de la pêche industrielle qui ont pour nom : pêche illégale, non réglementée, la pollution dans la mer et la destruction de l’écosystème, affectant du coup la sécurité alimentaire des pays africains. Du fait des bateaux étrangers (russes en particuliers), le Sénégal affiche un manque à gagner de 40 milliards et selon M. Sall notre pays pouvait encaisser 8 fois de plus si les produits halieutiques étaient vendus au Sénégalais. Pour ainsi préserver les ressources halieutiques, le présentateur affirme que le recours aux aires marines protégées est de rigueur au Sénégal. Ces AMP permettront la protection des espèces et des habitats, restauration des stocks de pêche. Les effets des AMP ne se limitent pas qu’à des effets environnementaux, mais également sociaux et économiques. Thème : Gestion durable des ressources foncières et le problème de l’accaparement des terres. Mariéme Sow ( Enda pronat) Cette problématique a été introduite par une projection de filmes relatant le témoignage des populations en ce qui concerne l’accaparement des terres. Ce dernier est défini comme étant une spoliation (à des autochtones) ou l’affectation de terres aux investisseurs étrangers ou privés au détriment de populations autochtones par les autorités. Cette forme de gouvernance foncière favorise la spéculation foncière, le recul des exploitations familiales, mais également la sécurité alimentaire qui devient menaçante pour les populations. La terre devient ainsi une marchandise à monnayer. La culture du Jatropha et le concept d’Economie verte ne sont qu’un moyen pour exploiter les terres et envoyer les paysans au chômage. Les autorités sont ainsi interpellées sur la problématique des questions foncières. Normes environnementales et obstacles au commerce. Pape Meissa Dieng (Professeur à l’UGB de St Louis) L’encadrement du commerce international comme un droit dont l’objectif principal est de favoriser le respect des règles liées au commerce et à l’environnement. La thématique environnementale apparait aujourd’hui comme une nouvelle préoccupation devant être prise en compte par un cadre juridique, il faut attendre l’avènement de l’OMC pour mettre en place un système commercial international encadrant les mesures environnementales. Les règles commerciales (NPS- normes sanitaires et phytosanitaires et les barrières non tarifaires, l’accord sur les droits de la protection intellectuelle) créent dans de nombreux cas des dysfonctionnements ou des dégâts au niveau de l’environnement, de la même façon certaines normes environnementales (normes PMP, respect de l’environnement, santé des populations) peuvent être considérées comme des obstacles ou des moyens de protectionnisme commercial. Par rapport à cette problématique, les Africains sont attendus pour une meilleure articulation commerce-environnement pour les échéances futures de négociation. Le commerce de biens et de services environnementaux : quels enjeux pour un tourisme durable et de l’écotourisme Problématique nouvelle, le commerce de biens et de services environnementaux se définit comme étant des biens utilisés dans la lutte contre la pollution et la gestion des ressources en vue de protéger l’environnement. A l’échelle internationale, il a été engagé des négociations au sein de l’OMC en vue d’éliminer les obstacles tarifaires et non-tarifaires visant les biens et services environnementaux, afin de renforcer le soutien mutuel du commerce et de l’environnement. Le marché des biens et services est estimés à 550 milliards de dollars dont les pays développés constituent les 90 % du marché. Parmi les exemples de biens et services commerciaux : l’écotourisme. Il est une jouissance non destructive de la nature qui maintient le bien être des habitats. Au Sénégal 5 % des arrivées de touriste concerne écotourismes. En route pour RIO+20 : quels enjeux pour les pays en développement. Rio+20 va reposer la problématique du développement durable, 20 ans après le sommet de 92. Pendant ces deux dernières décennies, la communauté internationale a prix le choix de sortir du paradigme ancien du développement qui n’avait produit des résultats escomptés particulièrement dans le domaine de l’environnement. L’étape de Rio+20 est une étape de bilan pour se lancer à la conquête d’un développement durable respectueux des préoccupations environnementales du monde. Les organisations de la société civile et des gouvernements préparent Rio+20 pour apporter et partager des contributions et expériences africaines. La spécificité de ce sommet ouvre une nouvelle problématique qui est celle de l’économie verte. Il faut dire que d’emblée, la société civile africaine émet des réserves sur ce concept, d’autant plus qu’une économie n’a pas besoin de couleur pour prospérer. L’Afrique comprend de mieux en mieux que le développement n’est qu’un produit d’une communauté d’où la nécessité d’adapter nos modèles de développement à nos réalités. A Rio+20, l’Afrique ne va pas opposer le développement durable à l’économie verte car celle-ci n’est qu’une composante du développement durable. Il faut rappeler tout au long de l’atelier des questions et contributions de l’assistance ont rythmé et enrichi le débat. La représentante de la Fondation Friedrich Ebert a prononcé le discours de clôture. Dans son intervention, elle a salué le travail accompli par Enda syspro en faveur du développement durable. Et c’est à Docteur Cheikh Tidiane Dieye de lui emboiter le pas pour remercier tous les participants et renouveler sa reconnaissance vis-à-vis de la fondation Ebert.