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Questions de définitions
approche relativiste des classifications
A la suggestion qui me fut faite de préciser l'expression "handicap
mental" par rapport à d'autres termes sémantiquement proches,
j'ai hésité à répondre car je n'aime guère les étiquettes qui fixent
et masquent la diversité et la complexité des situations. Et ce
d'autant plus que nous semblons être revenus à la "manie"
classificatoire, avec codages informatiques à l'appui.
Nous ne pouvons pas néanmoins échapper au Langage et la
Langue et je me suis donc décidé à aborder cette question de
lexique d'une manière critique et relativiste. Les mots, on le sait,
ne sont pas statiques, dépendent des représentations sociales
d'une époque, représentations qu'ils contribuent à leur tour à
façonner. Le handicap mental et la déficience mentale
d'aujourd'hui ne désignent-ils pas ce qui s'est successivement
appelé: idiotie et imbécilité, oligophrénie, arriération et débilité ?
J'essaierai autant que possible de présenter en parrallèle, par
tableaux, plusieurs définitions d'une même expression ou de
notions proches, avant de les commenter, sans entrer dans les
détails nosographiques mais en renvoyant les personnes
intéressées à d'autres sites web ou à quelques ouvrages qui
pourront les éclairer d'avantage.
Voilà d'abord, par ordre alphabétique et sous forme de liens intrapage, les termes que je vais aborder.
Le déroulement de ma présentation suivra par contre une autre
logique qu'alphabétique.
AUTISMES - DEFICIENCES INTELLECTUELLES DYSHARMONIE COGNITIVE PATHOLOGIQUE DYSHARMONIE EVOLUTIVE - DYSHARMONIE
PSYCHOTIQUE - HANDICAP MENTAL - MALADIE MENTALE
- RETARD D'ORGANISATION DU RAISONNEMENT PSYCHOSE - PSYCHOSE PRECOCE DEFICITAIRE -
Handicap mental et maladie mentale.
Les définitions du handicap mental ont été nombreuses. Je me
suis référé ci-dessous à celles présentées par deux
Associations importantes que l'on peut consulter sur le Web:
l'une française, l'UNAPEI (Union Nationale des Associations de
Parents et Amis de Personnes Handicapées Mentales); l'autre
belge, l'ANAHM ( Association Nationale d'Aide aux Handicapés
Mentaux ).
HANDICAP MENTAL
Classification
internationale des
handicaps
American
Association on
Mental
Retardation
UNAPEI
"...le handicap
Déficience de
mental
se traduit
l'intelligence:
retard mental :
"Perturbations du "...fonctionnement par des difficultés
plus ou moins
degré de
intellectuel
importantes de
développement des significativement
réflexion, de
fonctions cognitives
inférieur à la
conceptualisation,
telles que la
moyenne, associé à
de communication
perception,
des limitations dans
et de décisions.
l'attention, la
au moins deux
Ces difficultés
mémoire et la
domaines du
doivent être
pensée ainsi que
fonctionnement
compensées par un
leur détérioration à
adaptatif :
accompagnement
la suite d'un
communication,
humain, permanent
processus
soins personnels,
et évolutif, adapté à
pathologique".
compétences
l'état et à la
domestiques,
situation de la
habiletés sociales,
personne."
utilisation des
ressources
communautaires,
autonomie, santé et
sécurité, aptitudes
scolaires
fonctionnelles,
loisirs et travail. Le
retard mental se
manifeste avant
l'âge de 18 ans."
(retour aux mots-clés)
ANAHM
La déficience
mentale...
implique... :
1) un
fonctionnement
intellectuel
nettement en
dessous de la
moyenne et qui
apparaît dès les
premières années de
la vie.
2) une difficulté
marquée
d'adaptation aux
exigences
culturelles de la
société.
Pour qu'une
personne soit
considérée comme
ayant un handicap
mental, il faut
qu'elle présente à la
fois une altération
du fonctionnement
intellectuel et du
comportement
adaptatif.
Remarquons que des termes différents sont utilisés: déficience,
retard, handicap; mais que deux notions ressortent: le déficit
intellectuel et l'inadaptation.
L'UNAPEI souligne par ailleurs la différence entre handicap
mental et maladie mentale. Voici la définition qu'elle donne de
cette dernière et que nous mettons en regard de celle d'un
psychiatre honoraire des hôpitaux de Paris, Paul Sivadon (
http://www.arfe-cursus.com/mental1.htm ):
MALADIE MENTALE
UNAPEI
Pr. Paul SIVADON
"La personne malade mentale est
marquée par une perturbation de ses
facultés mentales susceptible d'être
guérie ou réduite au moyen d'une
thérapie adaptée".
"les malades mentaux sont des êtres
qui, du fait des insuffisances de leur
structure personnelle par rapport aux
exigences du monde qui leur est
imposé, échouent à préserver à la fois
l’unité de leur personne et la
signification commune du monde, ou
n’y parviennent qu’au prix de
souffrances difficilement supportables
pour eux-mêmes et pour leur
entourage..."
( retour aux mots-clés )
Cette différence entre handicap mental et maladie mentale
pourrait être rapprochée de la distinction faite par le
Professeur Nimier ( dans son article "qu'est-ce que le
psychisme?" ) entre handicap mental et handicap
psychique, J.Nimier faisant porter la différence sur les termes
"mental" et "psychique", le mot "MENTAL" renvoyant selon lui
“plutôt à quelque chose qui est de l'ordre biologique, génétique;
on parlera "d'handicapés mentaux"; le terme "psychisme" étant,
dit-il, beaucoup plus global et signifiant le "sujet".
Je préfère moi aussi "psychisme" à "mental" mais ce qui fait
surtout problème, suscitant depuis longtemps débat, c'est la
dichotomie, voire l'opposition, entre handicap et maladie.
Faut-il situer le handicap mental du seul côté de l'organique, du
déficit intellectuel et de la permanence des troubles, et la
maladie mentale du côté d'une possible guérison ou/et d'une
absence d'atteinte des fonctions intellectuelles ? Ces critères
ne tiennent guère à l'observation. Troubles de la personnalité et
troubles des fonctions intellectuelles sont en fait très souvent
intriqués.
Si la distinction est nécessaire, l'opposition handicap / maladie
est très discutable et reflète souvent des divergences
idéologiques sur les questions des causes ou/et sur les
interventions ( éducatives ? médicamenteuses ?
psychothérapiques ?...).
On trouvera l'étude de cette question dans notamment deux
ouvrages:
Le handicap mental chez l'enfant
de F.Chapireau, J.Constant et B.Durand ( Ed. ESF )
et
Handicap et maladie mentale
de R.Liberman ( PUF, Col."Que sais-je?" )
Ces auteurs rappellent le shéma de Wood dans lequel une
pathologie peut entraîner une déficience, laquelle
s'accompagne d'une incapacité qui a pour résultat un
désavantage et donc un handicap.
PATHOLOGIE > DEFICIENCE > INCAPACITE > HANDICAP
Le handicap apparaît là comme résultat et quasiment comme
"statut social" puisqu'il est "reconnu" par des instances
officielles ( par exemple la COTOREP en France ).
Romain Liberman fait par ailleurs très justement remarquer
que la population cataloguée handicapée mentale ne recouvre
pas seulement des personnes dites déficientes intellectuelles
mais aussi des personnes psychotiques et même des adultes
non déficitaires intellectuellement mais qui ne parviennent plus
à s'insérer socialement. Il en arrive en fin d'ouvrage à cette
conclusion: "Le handicapé mental est un sujet qui, en raison
d'une déficience pathologique, présente une incapacité
fonctionnelle d'insertion dans le circuit social ordinaire...Le
handicapé mental est avant tout un malade mental qui supporte
un désavantage social permanent.
Ajoutons que le modèle linéaire ci-dessus, allant d'une
pathologie à un handicap, est notamment discuté par certains
auteurs québécois qui suggèrent une classification basée sur
un modèle interactif dans lequel le handicap n'est plus situé
dans l'individu mais dans l'interaction de ce dernier et de son
environnement, cet environnement pouvant être lui-même
producteur de situations de handicap. Voir à ce sujet:
classification québécoise du processus de production du
handicap
et sur le site d'Eric Loeillet:
Réflexion sur l'évolution historique de la notion de handicap
On voit que la question n'est pas simple.
Il faut dire aussi que les expressions "handicapé mental" et
"malade mental" ont, dans le langage courant, une forte charge
affective, la seconde étant peut-être connotée plus
péjorativement que la première. Ce point n'étant peut-être pas
sans rapport avec le refus de certains d'associer maladie
mentale ou psychique et handicap.
Le terme "maladie" est-il d'ailleurs bien adéquat quand il est
question de troubles psychiques ? On peut aussi envisager ces
derniers dans une autre perspective que médicale...
Déficiences intellectuelles. ( Importante bibliographie sur le site
de Daniel CALIN )
Pour ce qui est des différents niveaux de déficience ( légère,
moyenne, sévère ) et des facteurs étiologiques, je renvoie à
l'article en ligne d'Eric Loeillet: "La déficience mentale chez
l'enfant".
Relativement à la question de la déficience intellectuelle
légère, on peut consulter, également en ligne, le résumé de la
thèse de doctorat de Dominique Berger :
Pour une réévaluation du concept de déficience intellectuelle
légère: essai de typologie psychologique et pédagogique.
On y lira que ce concept est flou et essentiellement référencé
aux champs scolaire et social; que les difficultés de ces enfants
sont liées tout à la fois à la faible maîtrise de la langue, à une
réduction des capacités de mentalisation et à une "faille
narcissique", conséquences "d'un jeu dramatique complexe où
interfèrent simultanément l'histoire scolaire de l'enfant, son
vécu familial et son origine sociale."
Voici maintenant un résumé de quatre catégories de
déficiences intellectuelles données par la Classification
Française des Troubles Mentaux de l'Enfant et de
l'Adolescent ( CFTMEA ):
DEFICIENCES INTELLECTUELLES
( CFTMEA 2000 )
Déficiences
harmoniques
Troubles de
l'intelligence fixés,
constituant l'élément
central du tableau
clinique.
Déficiences
dysharmoniques
Déficiences avec
polyhandicap
sensoriel et/ou
moteur
Démences
Le déficit fixé est
Déficit intellectuel
Extension de la
associé à des retards
d'origine
réduction des
curables et intriqué encéphalopathique, capacités mentales.
à des troubles de la
avec troubles
Facteurs organiques
personnalité ou/et à
neurologiques
reconnus.
des troubles
sévères.
instrumentaux.
Le terme "harmonique" pose à mon avis question car de quelle
harmonie s'agit-il en l'occurence ? Par opposition à ce qui est
décrit sous l'expression "déficiences dysharmoniques", cette
dénomination "déficience harmonique" pourrait laisser entendre
qu'il y a incurabilité totale et absence d'intrication à d'autres
troubles, ce qui n'apparaît guère dans la pratique.
Quant au mot "démence", on peut être étonné qu'il soit encore
employé, notamment chez l'enfant, étant données les
représentations qui lui sont associées.
Le point de vue cognitif et développemental se centre
moins, quant à lui, sur l'étiologie et le degré de déficience que
sur le fonctionnement cognitif du sujet dit déficient.
Jean-Louis Paour, professeur de psychologie du
développement à l'Université d'Aix-en-Provence, distinguait
trois conceptions théoriques de la déficience intellectuelle:



celle du "retard" qui postule lenteur et inachèvement du
développement intellectuel, l'enfant "retardé" ayant des performances
identiques à celles d'enfants plus jeunes, d'où le concept d'"âge
mental".Conception qui s'est appuyée d'abord sur l'approche
psychométrique puis surtout sur le modèle piagétien de la genèse
des structures logico-mathématiques;
celle du "déficit central", déficit qui affecterait les processus de base
du traitement de l'information ( mécanismes perceptifs, encodage,
mémorisation...).
celle du "déficit métacognitif", c'est-à-dire d'un déficit des
médiateurs stratégiques: l'information serait traitée moins activement
et moins efficacement par manque ou / et par difficulté de mise en
oeuvre de stratégies de mémorisation et d'apprentissage.
L'avantage de la dernière conception, notamment sur celle du déficit
central, est qu'elle peut déboucher sur ce qui est appelé
"remédiation", autrement dit sur un travail possible auprès de la
personne "déficiente" pour l'aider à développer des potentialités peu
ou mal utilisées.
En référence aux travaux de Paour, on pourrait résumer les
déterminants cognitifs de la déficience intellectuelle de la façon
suivante ( très réductrice, évidemment):
DETERMINANTS COGNITIFS DU DEFICIT INTELLECTUEL
Limitation du traitement de l'information
Sous fonctionnement cognitif chronique
Limitation des capacités perceptive,
mnésique, attentionnelles, etc...
Faiblesse des contrôles ( peu d'exigence, de
curiosité; fatigabilité; dépendance à
autrui...), manque de stratégies cognitives,
moindre développement des connaissances
métacognitives, mauvaise automatisation
des savoir-faire...
L'approche cognitive (qui comprend, il faut le préciser, plusieurs
courants) a le mérite de ne pas être "fixiste" et d'aborder de
manière complexe les troubles intellectuels. Mais elle s'inspire
souvent de la théorie de l'information, avec ses notions d'"input"
(collecte et encodage des données), de "traitement interne"
(hypothèses, mises en relation des éléments..) et d'"output"
(expression de la solution), sans référence, en général, aux
questions de l'inconscient, du symptôme et de la problématique
psycho-affective du sujet. ( retour aux mots-clés )
Troubles cognitifs et troubles de la personnalité.
La problématique psycho-affective apparaît par contre dans la
classification française de Misès et al.( CFTMEA ), laquelle
associe de nombreux déficits intellectuels à différents troubles
de la personnalité:
CFTMEA 2000
Psychoses précoce
déficitaire
Dysharmonies psychotiques
Dysharmonies évolutives
Retard mental sévère,
d'emblée présent,
avec des traits autistiques
ou psychotiques.
accès d'angoisse
psychotique,
régressions,
comportements autoagressifs.
Symptômes divers
(somatiques,
comportementaux,
phobiques, etc...).
Le déficit intellectuel
n'occupe pas une place
centrale au début.
Menace de rupture avec le
réel, envahissement de la
pensée par affects et
fantasmes,
angoisses diverses,
dominance d'une relation
duelle, intérêts très
primitifs.
Perturbation évolutive
multi-factorielle
d'instauration précoce.
Troubles du langage, de la
psychomotricité, des
fonctions cognitives...en
rapport avec des défauts
d'investissement, des
insuffisances
d'apprentissage, des modes
d'échanges inadaptés avec
l'environnement pouvant
conduire à une restriction
durable des potentialités.
Insécurité de fond,
immaturité, angoisses
dépressives et de séparation
liées aux difficultés
d'individuation.
( retour aux mots-clés )
On pourrait ajouter, bien que non inclus dans les déficiences
intellectuelles proprement dites, ces troubles de la pensée
logique que Bernard Gibello, professeur de psychopathologie
à l'université de Paris X, a appelés: "dysharmonie cognitive
pathologique" (DCP) et "retard d'organisation du
raisonnement" (ROR), à partir des résultats de certains sujets
aux épreuves piagétiennes. ( cf. ouvrages de B.Gibello:
"L'enfant à l'intelligence troublée" et "La pensée
décontenancée", tous deux chez Bayard Editions ).
DCP et ROR selon B.Gibello
Dysharmonie cognitive
Retard d'organisation du
pathologique
raisonnement
Coexistence de raisonnements de
niveaux très différents ( par
exemple de 10-12 ans pour ce qui
concerne le nombre et 5-6 ans pour
l'espace) avec le plus souvent un
niveau intellectuel normal aux tests
classiques.
Raisonnement de niveau nettement
inférieur à celui habituellement
utilisé à l'âge chronologique qu'a le
sujet ( utilisation, par exemple, de
raisonnements préopératoires chez
un enfant de 9 ans ) alors que le
niveau d'efficience aux tests
classiques est dans la moyenne.
B.Gibello indique que DCP et ROR se présentent dans de très
nombreuses conditions étiologiques, accompagnant aussi bien
psychoses et dysharmonies évolutives que des carences
affectives précoces, des traumatismes crâniens ou des
cardiopathies graves; son hypothèse étant qu'un état de stress
prolongé a pu provoquer des failles dans l'organisation
cognitive.
Ces divers tableaux psychopathologiques ne sont pas toujours
faciles à différencier pour chaque cas particulier mais ils
laissent entendre la complexité des intrications entre les
difficultés intellectuelles et l'ensemble de la personnalité. ( retour
aux mots-clés )
Autismes et Psychoses. ( Importante bibliographie sur le site de
Daniel CALIN )
Question sensible et débattue que celle qui concerne la
distinction entre "autisme" et "psychose".
On notera que je préfère utiliser le pluriel étant donnée la
multiplicité des formes que prennent ces affections et sans
doute des étiologies les concernant.
Pour l'enfance, les classifications américaines n'emploient plus
le terme de "psychose".
Voici un résumé relatif à l'autisme infantile, l'autisme
atypique, le trouble désintégratif de l'enfance et le
syndrome d'Asperger, à partir de la Classification
Internationale des Maladies ( CIM 10 ) et du Diagnostic and
Statistical Manual of Mental Disorders ( DSM IV ).
Pour le détail des symptomatologies, on peut se reporter aux
nombreux sites sur l'autisme, et notamment au dossier de la
chaîne de télévision ARTE: autisme au pluriel.
CIM 10 et DSM IV
Autisme
infantile
Autisme
atypique
Peturbation des
Soit l'âge de
interactions sociales,
survenue des
de la
troubles est
communication, du
postérieur à trois
comportement.
ans, soit les
( absence de réaction
manifestations
aux émotions
pathologiques ne
d'autrui, troubles du sont pas suffisantes
contact oculaire,
dans un ou deux des
absence du
trois domaines (
"montrer du doigt", interactions sociales,
retard ou absence du communication,
langage, absence du
comportement )
"faire semblant" ou
pour établir le
d'imitation,
diagnostic
comportements
d'autisme.
stéréotypés,
opposition à toute
modification de
l'environnement,
etc...).
Les troubles sont
manifestes avant
l'âge de trois ans.
Trouble
désintégratif de
l'enfance
Développement
normal durant les
deux premières
années puis perte
des acquis ( dans les
domaines du
langage, des
compétences
sociales, du jeu, des
habiletés motrices et
du contrôle
sphinctérien ) et
anomalies des
interactions sociales
ou/et de la
communication
ou/et du
comportement...
Syndrome
d'Asperger
Même
symptomatologie
que dans l'autisme,
mais il n'y a pas de
retard ou de
déficience en ce qui
concerne le langage
et le développement
cognitif.
( retour aux mots-clés )
Ces quatre catégories sont, entre autres, regroupées sous
l'expression "Troubles envahissants du développement".
Cette expression assez vague et l'élimination du terme de
"psychose", de même que l'absence de références psychodynamiques, ne sont pas indifférents.
Le DSM IV semble avoir la position d'une bible psychiatrique (
la classification française - la CFTMEA - faisant un peu figure
de résistance pour les uns, de position dépassée pour d'autres
).
Il faut toutefois souligner les risques de pensée unique et
l'idéologie sous-jacente ( essentiellement organiciste, à mon
sens ) que véhicule l'approche de la psychopathologie par le
DSM.
Renvoyons à ce sujet à l'ouvrage de:
Stuart Kirk et Herb Kutchins:
"Aimez-vous le DSM ? Le triomphe de la psychiatrie
américaine"
( Coll. Les empêcheurs de penser en rond, Institut Synthélabo,
1998.)
Les auteurs y indiquent que psychiatres d'enfants,
psychanalystes et minorités ethniques furent progressivement
exclus du Groupe de Travail et que la promotion du DSM
s'appuya sur la puissante Association Psychiatrique
Américaine.
Où sont passés les apports considérables de la
phénoménologie, de la psychanalyse, des perspectives
développementales et structurales?
Distinguer autisme et psychose est à mon sens essentiel
dans la mesure où cette distinction renvoie à deux "relations au
monde" fondamentalement différentes, dans la mesure aussi
où elle nous permet de saisir le "saut" qualitatif qu'effectuent
des enfants qui passent d'une position autistique à une position
psychotique ( et les suivis thérapeutiques au long cours
montrent qu'il y en a un certain nombre ).
L'autisme, au sens restreint, peut être défini comme un non
accès à l'empathie ( ce que certains cognitivistes ont appelé
"absence de théorie de l'esprit", encore que l'empathie précède
sans doute, au cours du développement, la capacité à se
représenter les intentions ou désirs d'autrui ) et un non accès à
la fonction du fantasme.
Il n'y a pas d'écart entre l'autiste et le monde, entre lui et l'autre.
Comme le dit Jean-Claude Stoloff ( in "Les pathologies de
l'identification", éd.Dunod,1997. Voir sur le présent site la note de
lecture concernant cet ouvrage) il y a échec de l'identification
primaire, c'est-à-dire de cette première identification qui est
celle de l'infans à un autre.
Dans la psychose, au contraire, il y a identification à l'autre et,
pourrait-on dire, du trop d'identification: le sujet est l'autre; sa
parole n'est pas sienne mais celle d'un autre. Ce qui manque
est le Tiers qui permettrait une désidentification.
Quant au fantasme, il est envahissant et très souvent à
connotations sadiques et persécutrices.
autisme et psychose
( principales différences )
Autisme
Psychose
Indifférence à autrui
( pas d'échanges par le regard ou autres
moyens de communication )
Relation duelle à autrui ( attitudes de
provocation, ludiques, de corps à corps...)
Accrochage à des stimulations sensorielles
Troubles de l'image du corps
Absence du mécanisme de projection
Identification projective massive
Pas d'expression de scénarios imaginaires
Envahissement de la pensée par des
fantasmes archaïques ( de dévoration, de
morcellement, de destruction...)
Non intégration de la Loi ( des interdits )
Non accès à l'identification primaire
Si l'on se réfère à la phase du miroir ( voir sur le présent site l'article:
"Panorama du développement psychoaffectif de l'enfant" ) on pourrait dire,
en simplifiant beaucoup, que l'enfant autiste n'y a pas accédé
et que le psychotique s'en trouve prisonnier.
Mais il ne s'agit là que d'une différenciation très globale, de
bornes entre lesquelles de multiples intermédiaires sont
possibles, des traits autistiques pouvant par exemple exister,
comme cela est fréquent, chez un enfant psychotique.
L'apparition de l'importance d'autrui, de comportements
identificatoires et l'émergence de fantasmes signent, à mon
sens, une évolution positive de l'autisme vers une
psychotisation, de même qu'une névrotisation pourra parfois
marquer l'évolution de la psychose infantile.
______
Après ce parcours relatif à quelques termes du champ de ce que
l'on appelle "handicap mental", je voudrais souligner que s'il n'est
pas sans intérêt, à des fins thérapeutiques, de différencier les
diverses problématiques, il est plus important encore, devant
chaque cas singulier, de mettre entre parenthèses les
classifications pour essayer d'entendre ce qui est de l'ordre de la
parole et d'une histoire.
Car l'étiquette n'est-elle pas souvent là comme leurre, comme faux
savoir ? N'est-elle pas "le nom d'une ignorance", comme le dit
Geneviève Lloret, mère d'un enfant qualifié d'autiste, dans ces
deux articles que je conseille vivement de lire:
"L'autisme n'existe pas"
et
"Savoir nommer : Autisme, le nom d'une ignorance"
Après lesquels, il n'est besoin d'aucun ajout.
Maurice Villard
Octobre 2001
_______
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