LA DEFENSE SOCIALE

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LA DEFENSE SOCIALE
Professeur Paul Lievens ,
Président de la Fédération Similes Francophone
Membre de la Commission de Défense Sociale de Bruxelles
et
Docteur Fernand Rihoux
Psychiatre
Membre de la Commission de Défense Sociale de Charleroi
Un peu d’histoire
La défense sociale est une institution qui depuis son origine légale a été un objet de
critique, mais dont on ne peut imaginer la suppression parce qu’elle garantit l’internement et la
possibilité d’un traitement de personnes ayant commis un crime ou un délit et qui sont atteintes
d’un trouble mental. Mais la notion de défense sociale recouvrait à l’origine encore une autre
idée.
Rappelons que de tout temps la société et le droit ont admis le principe de
l’irresponsabilité pénale des malades mentaux. Ce principe se retrouve dans les textes romains
et plus tard dans les textes canoniques. Dans l’ancien régime les « insensés » ne pouvaient être
poursuivis ni condamnés parce qu’ils étaient considérés comme déjà suffisamment punis par la
folie. Mais il fallait tout de même prendre des précautions et dès lors ils étaient enfermés.
Rappelons aussi que l’acte de justice était expiatoire parce que le sujet était considéré
comme responsable c’est-à-dire nanti d’un libre arbitre. Ce principe répressif sera adouci, au
XIXme siècle notamment, par la loi sur la libération conditionnelle.
Au cours du XVIIIme siècle, à la fin de l’ancien régime les idées évoluent fort. Les peines
corporelles seront remplacées par un emprisonnement et la torture disparaît. On enferme donc
les délinquants mais on enferme aussi les insensés, les vagabonds, les prostituées etc…
A partir de la révolution française on va séparer nettement la criminalité de la folie ; deux
mondes, celui du mal, du crime et celui de la maladie.
Au début du XIXme siècle, en France (et donc chez nous) l’article 64 du Code pénal
(devenu l’article 71 dans notre Code pénal) consacre le principe de l’irresponsabilité pénale du
malade mental : « il n’y a ni crime ni délit, lorsque le prévenu était en état de démence au temps
de l’action, ou lorsqu’il était en état de légitime défense ou a été contraint par une force à laquelle
il n’a pas pu résister ». Il fallait évidemment des troubles intellectuels manifestes (démence)
reconnaissables par tous. Ce n’est que plus tard qu’on fera appel à des spécialistes pour se
prononcer. Le titre d’aliéniste paraît en 1905.
La conséquence de cette loi a été qu’il fallait malgré tout enfermer le délinquant atteint
d’un trouble mental ce qui se faisait après la déclaration de non-lieu. A sa sortie du tribunal le
délinquant trouvé « insensé » était placé dans un asile psychiatrique par le préfet en France, par
l’autorité civile chez nous. Il fallait protéger la société.
Au cours du XIXme siècle se développe le système des prisons, c’est-à-dire l’institution de
la peine de prison. On voit aussi se multiplier les asiles psychiatriques pour loger et soigner les
malades mentaux, à la campagne, loin des villes.
Le délinquant responsable, parce qu’il a un libre arbitre et le délinquant non responsable
parce qu’il ne l’a plus, sont tous deux enfermés. La notion de défense sociale s’origine dans ces
deux courants d’idées, celui de l’emprisonnement et celui de l’enfermement
L’idée du déterminisme va petit à petit se substituer moralisme. Un crime ou un
délit est déterminé par plusieurs facteurs autres que la volonté. Rappelons également qu’est
lancée l’idée du criminel-né. Rappelons aussi qu’au XIXme siècle l’industrialisation crée des
situations de risque et des troubles. On renforcera donc les institutions en vue du maintien de
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l’ordre public et des mesures sont prises visant la sécurité publique contre ceux qui la
perturbent. Dans ce courrant d’idées vont naître le syndicalisme et des mesures protectrices des
travailleurs comme le droit au travail, les mutuelles, l’idée dune redistribution équitable des
richesses nationales etc… Le délinquant, et c’est relativement nouveau, sera considéré comme
un perturbateur de l’ordre social. Dans ces optiques il faudra non pas tant punir le délinquant
mais plutôt prendre des mesures de sécurité et de protection de la société. C’est la première
notion de défense sociale, et elle s’étendra aux mesures prises contre les délinquants
d’habitude. La mise à la disposition du gouvernement après expiration de la peine est dans cette
ligne.
La seconde notion de défense sociale sera celle d’enfermer les délinquants atteints d’un
trouble mental. Au cours du XIXme siècle les idées sur les maladies mentales évoluent fort et
certains auteurs parlent de dégénérescence mentale. Vu l’inefficacité des traitements il a bien
fallu créer des asiles spéciaux pour les aliénés. La plupart des asiles dans notre pays ont été
crées pendant ce siècle là.
La défense sociale était un projet social. Il n’était pas un système de droit ni une théorie
juridique au début mais il va le devenir.
La loi de Défense Sociale
En Belgique, dès 1923 on examine à la chambre un projet unique dans le monde
occidental, qui confierait le devenir des délinquants malades mentaux à une commission très
spécialisée constituée d’un magistrat (président),d’un avocat et d’un médecin. Ce type de
chambre n’existait dans aucun système judiciaire. C’est comme un appendice curieux,
composé, à côté du président, de membres non magistrats professionnels; le psychiatre prend
une place, voire un pouvoir au sein même de la Justice, même si le parquet est présent et peut
toujours faire appel des décisions. Mais les membres de cette commission seront par ailleurs
gratifiés d’une indemnité ridiculement basse : le prix à payer pour leur arrivée au sein de la
Justice serait il le gage de leur intégrité et de leur honorabilité ?
De l’évolution de toutes ces idées naît, en 1930, la première loi de Défense Sociale et
rappelons qu’à l’époque, et cela montre ce qu’on pensait des délinquants malades mentaux, elle
s’appelait (et s’appelle toujours) la loi de Défense Sociale à l’égard des anormaux et des
délinquants d’habitude. Elle a été d’emblée beaucoup critiquée malgré le progrès qu’elle
représentait sur le plan de la Société, de la Culture et de l’Humanisme. Cette loi voulait, d’une
part organiser l’enfermement pour protéger la société et d’autre part prodiguer des soins. Ce
deuxième volet contient en germe un problème qui va empoisonner toutes les procédures.
Avant 1930 les délinquants malades étaient confiés à des asiles psychiatriques fermés ; après
ils seront pris en charge par le système pénitentiaire. Mais les moyens thérapeutiques ont
toujours été honteusement insuffisants et le demeurent.
La loi de 1930 a été révisée en 1964 parce qu’elle ne prenait pas en considération la
dangerosité et qu’elle prévoyait des durées d’internement calquées sur le nombre d’années de
prison qu’aurait entraîné un jugement. En 1964 c’est la durée du traitement qui importe et les
conditions de reclassement social. En 1998 il a été ajouté à la définition de la loi : « et à l’égard
des auteurs de délits sexuels ». Ils ne peuvent être libérés qu’après avoir été examinés dans des
services spéciaux reconnus pour évaluer les risques de récidive.
Entre 1930 et 1964 les possibilités de soigner les troubles psychiques sont devenues
réelles. La nécessité de rester « enfermé parce que dangereux » n’est plus si importante quoique
la dangerosité soit toujours actuellement le critère de base en justice pour décider une libération.
Beaucoup de malades vivent actuellement hors de l’hôpital et sont pris en charge par divers
services extrahospitaliers,les praticiens et les familles. On observe la même évolution dans le
cadre de la Défense Sociale mais on rencontre de réelles difficultés en ce qui concerne les
conditions sociales.
Il était certes devenu nécessaire de procéder à une mise à jour de la loi et depuis 1996
on y travaillait. Il est évident, par exemple, qu’un terme comme celui de démence mentale n’était
plus du tout d’actualité.
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Une commission créée à l’initiative du Ministre Stéphaan De Clerck, présidée par Mrs,
J.Delva, O.Vandemeulebroeke et P.Cosijns et composée d’une trentaine de spécialistes divisée
en trois sous-commissions, a entièrement revu la loi entre 1996 et 1998 et déposé un rapport en
1999.
Mais ce n’est qu’en 2006 que des initiatives sont prises. Ce qui a précipité les choses et donné
lieu à un avant-projet approuvé par le Conseil des Ministres du 21.12.2006, depuis lors discuté à
la chambre, c’est le drame de Liège et la volonté, au-delà de soins et au travers des soins, de
mieux protéger la société, de lutter contre la récidive, de réduire le risque de « rechute », le
terme de rechute étant plus large que celui de récidive qui a une connotation essentiellement
juridique et de prendre en compte les victimes.
En effet , durant l’été 2006, dix ans après la découverte des corps de Julie et Mélissa
séquestrées par Dutroux, la disparition des fillettes Stacy et Nathalie à Liège, a de nouveau
ébranlé notre société dans ses assises sécuritaires. Le présumé inculpé dans le meurtre des
fillettes et le viol d’une d’elles est un interné qui avait été libéré de manière définitive par la
Commission de Défense Sociale dont il dépendait. Cet homme présentait selon le dernier
psychiatre qui l’avait expertisé, une psychopathie et il ne devait donc pas séjourner dans un
service psychiatrique. Il y a eu sans doute des erreurs dans le fonctionnement des instances
judiciaires, mais fallait-il faire porter l’accent d’une façon prévalente sur le risque de rechute ? Le
mot de dangerosité est employé couramment en justice mais on n’en a pas une définition
satisfaisante parce qu’il s’agit d’une notion éminemment complexe, plus concept qu’objet de
connaissance scientifique. C’est en fait,essentiellement une notion statistique.
La nouvelle loi relative à l’internement de délinquants atteints d’un trouble mental.
Le projet, inspiré des travaux de la commission Delva, fait entrer les missions des
Commissions de Défense Sociale dans les Tribunaux d’application des peines, entrés en
vigueur depuis le 1er février. Nous n’en signalerons que les aspects d’ordre médical.
Voici comment le projet formule la mission de l’expert.
Lorsqu’une personne est poursuivie pour un crime ou un délit, les instances judiciaires
compétentes peuvent ordonner une expertise psychiatrique afin d’établir:
- si au moment des faits et au moment de l’expertise, la personne était atteinte d’un trouble
mental qui a aboli ou gravement altéré sa capacité de discernement ou du contrôle de ses
actes ;
- s’il existe un lien de causalité entre le trouble mental et les faits ;
- si, du fait du trouble mental, la personne risque de commettre de nouvelles infractions ;
- si la personne peut être traitée, soignée et réinsérée dans la société et de quelle manière.
Dans ce projet de loi il est prévu que toute libération à l’essai est subordonnée à
l’évaluation de contre-indications suivantes: l’amélioration insuffisante de l’état de santé;
l’absence de perspectives de réinsertion sociale; le risque que l’intéressé commettre à nouveau
des infractions graves ; le risque qu’il importune les victimes; l’attitude de l’interné à l’égard de
ses victimes; le refus ou l’inaptitude de l’interné à suivre un traitement qui est pourtant estimé
nécessaire quand il est interné pour certains faits de mœurs.
Le projet intègre les compétences de la commission de défense sociale aux tribunaux de
l’application des peines sans y intégrer les membres compétents, notamment le psychiatre; mais
ils devront demander son avis.
Le projet ne concerne plus les récidivistes ni les délinquants d’habitude ni les délinquants
sexuels sauf s’ils sont atteints d’un trouble mental.
Dans ce projet il est cette fois prévu de se prononcer sur le lien entre l’acte et le trouble.
Ce n’est pas parce qu’on est malade mental qu’on est irresponsable. Les actes sont
l’aboutissement de l’évolution d’un processus psychique que doit étudier le psychiatre avec,
éventuellement une équipe psychosociale, pour voir dans quelle mesure et comment un trouble
mental a joué un rôle dans cette évolution. Il n’appartient pas au psychiatre de se prononcer sur
la responsabilité; c’est l’affaire du juge parce que c’est une notion juridique que de pouvoir
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répondre de ses actes. Il lui appartient de dire s’il y a présence d’un trouble mental. Dans le
projet d’ailleurs le psychiatre n’a plus qu’un seul rôle, celui d’expert.
Dans le projet il est prévu cette fois aussi de traiter et de soigner. Or le Ministère de la
Justice n’a jamais eu les moyens suffisants de faire cela alors qu’il lui incombait d’assurer les
soins puisque la loi, instituant en 1948 la sécurité sociale, prévoyait expressément que tout
détenu perdait ses droits à la sécurité sociale, c’est-à-dire son droit aux remboursements des
frais. Peut-on imaginer un partenariat entre la Justice et la Santé publique ? Pour cela il faudra
supprimer dans la législation relative à la sécurité sociale la disposition qui prive les détenus, et
donc les internés, du bénéfice de la sécurité sociale ou prévoir des conventions.
Quelques chiffres
Il y a, en 2006, près de dix mille détenus dans les prisons belges pour 8.311 places
disponibles. Les huit Commissions de Défense Sociale du pays ont en charge environ 4.000
internés dont 1255 sont effectivement enfermés (=30%) ; les autres sont libérés à l’essai, c’està-dire chez eux ou dans un service d’hébergement. A l’avenir il n’y aura que quatre Tribunaux
d’application des peines, mais ils fonctionneront plein temps.
Il y a trois types de lieux d’internement, les établissements de défense sociale
proprement dits, dépendant directement du ministère de la justice (SPF Justice); certains
hôpitaux psychiatriques (publics ou privés) qui acceptent des internés au titre de la loi de
défense sociale; les annexes psychiatriques des prisons (il y en a 12 ) où les délinquants
malades mentaux séjournent en attendant une place dans un des établissements des deux
autres types. Le nombre de lits dans les établissements de défense sociale est absolument
insuffisant, et les hôpitaux psychiatriques ne peuvent prendre qu’un certain nombre d’internés.
Ils établissent donc des listes d’attente (et un peu plus de la moitié de internés y figure), sur
lesquelles un interné devient un numéro au sens propre du terme. L’attente peut durer de 8
mois à 1 an. Or les annexes psychiatriques sont des espaces de la prison conçus en vue
de l’enfermement de délinquants et non du traitement de malades mentaux. Elles ne sont
pas adaptées aux soins psychiatriques et aucune thérapie ne peut être sérieusement mise en
œuvre. C’est véritablement scandaleux et d’autant plus que ces annexes sont aussi
surpeuplées. Mais administrativement tout est en ordre. La logique administrative a pris le pas
sur l’éthique médicale.
Qui sont les internés ?
L’un de nous a recensés les cas des six dernières séances. Les chiffres que nous
pouvons donner ne sont donc pas représentatifs ; ils ne sont qu’indicatifs. Il y eut pendant ce
laps de temps 90 cas, 11 libérations définitives et deux décès. Il y avait 14 homicides et 6
tentatives; 16 délits à caractère sexuel; 10 incendiaires; 20 cas de coups et blessures certains
sous l’influence de l’alcool ou de stupéfiants; 20 cas de vols, certains associés à des coups ou
des stupéfiants. Le collègue a observé dans sa commission qu’il y avait plus 36.3 % de délits à
caractère sexuel, 10 % d’homicides et 15 % de délits violents.
Comme pathologies on retrouve quatre grands groupes de pathologie :
- l’arriération mentale (16%)
- troubles psychotiques (50%, schizophrénie, trouble délirant, psychose paranoïaque,
schizomanie
- abus/dépendance à l’alcool ou aux stupéfiants (7%)
- troubles graves de la personnalité (21%), psychopathie, borderline, perversion. C’est le groupe
qui pose le plus de problèmes.
Affirmer et définir le lien entre le trouble mental et les faits n’est pas chose facile. Il y aura
toujours une part d’interprétation personnelle subjective dans l’affirmation d’un trouble mental
comme il y en aura toujours dans l’affirmation d’un lien de causalité. Rappelons que le rapport
entre une pathologie mentale et un comportement délinquant est de trois types :
- l’acte est la conséquence d’un processus pathologique; la maladie induit et justifie l’acte,
comme par exemple un délire de persécution ; un état confusionnel.
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- il peut n’y avoir pas de lien entre la pathologie et l’acte, comme par exemple le vol d’un
pervers sexuel.
- la pathologie a plus ou moins infléchi le comportement (le discernement et/ou le contrôle)
comme par exemple la personnalité dite antisociale, le « trouble du contrôle des impulsions »,
certaines formes graves de névrose, les moins doués.
Dans la pratique un a déjà vu de tout sans qu’on doive nécessairement incriminer les
psychiatres. On a constaté que plus un fait était grave et suscitait un mouvement médiatique
important, plus le public avait tendance à considérer l’individu comme responsable; il y a donc
un risque de déclaration de responsabilité selon la plus grande gravité et la répercussion
médiatique des faits. On peut parfois voir aux assises un individu tout à fait « déboussolé » ; on
a pu voir un interné en congé commettre un crime et passer en assises ; qu’on se souvienne de
la pression médiatique créée par un débile antisocial grave ( Derochette ) qui a dû passer une
série importante d’expertises pour qu’enfin on admette l’évidente irresponsabilité et
l’internement.
Réflexions
Le fait que l’internement confisque en quelque sorte le procès pénal, peut paraître
troublant pour les auteurs et choquant pour les victimes; c’est comme si on ne tenait pas compte
du « sujet » tant en ce qui concerne le prévenu que la victime. A noter toutefois que dans le
projet de la nouvelle loi la victime est largement reconnue et entendue.
La question de savoir s’il faut « punir ou soigner » ne nous paraît plus de
mise. « L’important n’est pas de savoir qui est fautif (c’est-à-dire qui punir), mais comment faire
pour que l’erreur ne se reproduise plus » dit un proverbe japonais. Les internés qui se
retranchent derrière l’incapacité ou l’irresponsabilité sont plutôt rares et en cours de traitement ils
se rendent compte qu’un prend de plus en plus en considération leur participation et leur bonne
volonté personnelles. Il est vrai que, comme le disait le Professeur De Greeff, la reconnaissance
de la responsabilité devrait précéder la reconnaissance de l’existence d’un problème et l’entame
d’un travail thérapeutique et réflexif sur l’acte-symptôme commis. « C’est le pari d’une part de
responsabilité en chacun de nous, y compris les psychotiques susceptibles d’être remobilisés
par la sanction. »*
A noter que l’internement ne supprime pas l’obligation pour le sujet de dédommager
financièrement les victimes.
La notion de trouble mental, même si elle est à la mode et commode, ne va pas sans
poser de problèmes. Elle signifiera, dans le texte, ce qu’on appelait jadis les maladies
mentales (i.e. les troubles évolutifs) mais aussi les handicaps mentaux. C’est donc un très
large éventail
de pathologies, càd. de manifestations d’un dysfonctionnement
comportemental, psychologique ou biologique situé dans l’individu, sans rien dire sur la cause ni
sur l’origine. Un comportement déviant (politique, religieux, sexuel) ou un conflit existant entre un
individu et la société ne sont pas des troubles mentaux, sauf si la déviance ou le conflit est un
symptôme d’un dysfonctionnement chez un individu considéré.
On devrait analyser les termes de discernement et de contrôle ; nous le ferons dans un
prochain article. On peut cependant déjà dire que ce ne sont pas des termes d’ordre
psychiatrique.
De même devrons nous alors analyser ce qu’on entend par « aboli » et « gravement altéré ».
Conclusions
Le projet est un compromis entre le traitement et le sécuritaire, mais le sécuritaire est
prédominant. Et on peut s’attendre à ce que les moyens n’arrivent que petit à petit. La question
de savoir si les traitements psychiatriques doivent être assurés par la justice dépasse
l’entendement. Ils le doivent par des services de psychiatrie normalement équipés dont certains
évidemment doivent garantir la sécurité publique. Un autre aspect que le projet n’aborde quasi
pas est celui des structures sociales au sein desquelles les « libérés » pourraient trouver un
milieu de vie et une tutelle. En effet un bon nombre des patients relevant de la défense sociale
sont dans situation sociales précaires ou irrégulières et quelques fois sans aucun soutien
familial.
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Actuellement il nous faut insister sur l’existence scandaleuse des listes d’attente
d’internés qui végètent dans les annexes psychiatriques des prisons, pendant parfois un an
avant de recevoir des soins psychiatriques, annexes qui de plus, sont souvent surpeuplées. La
logique de ces listes est purement administrative : le nombre de places en Etablissement de
Défense Sociale est fixé de façon inflexible. Il faut une sortie pour qu’il y ait un entrant (peu
importe son état) et les sorties sont de plus en plus parcimonieuses puisqu’on veut réduire les
risques. Le projet de loi prévoit la création de nouvelles institutions et des extensions mais cela
prendra du temps. Entre temps le scandale persiste, des patients souffrent et des familles vivent
dans l’inquiétude.
Une suggestion : le Parquet pourrait être plus attentif à utiliser la mesure de mise en
observation quand il est confronté à un délit tout à fait mineur d’un jeune patient schizophrène
par exemple et éviter ainsi l’incarcération avec les conséquences dramatiques que l’on sait : le
long délai pour que l’internement soit prononcé, le long séjour à l’annexe psychiatrique…
Les internés sont ce qu’on pourrait appeler les nouveaux pestiférés qu’il est difficile de
faire admettre dans les hôpitaux. Ils sont certainement les hommes les moins libres du royaume
car le moindre écart de conduit les conduit en prison (même sans récidive) puis en annexe
psychiatrique.
Prof.Dr. Paul Lievens
Dr. Fernand Rihoux
----------------------------------*Colloque organisé aux Facultés Universitaires Saint-Louis le 05/12/2003
P.S .Ce texte est une synthèse des conférences données par les auteurs le 1er février 2007
dans le cadre des conférences organisées par Similes Bruxelles
LES AUTRES PERSUASIONS COECITIVES QUI SONT UTILISES PAR LES BOURREAUX
SONT REPPRISES DANS LA LOI SUR LA DEFENSE SOCIALE ; Voir les autres articles
Scandaleux : internement d’office de Roland Veuillet
jeudi 15 février 2007, par Autres mouvements
Un conseiller d’éducation en grève de la faim interné d’office
mercredi 14 février 2007
Roland Veuillet a cessé de s’alimenter depuis 53 jours pour protester contre sa mutation, décidée
à la suite de sa participation à une grève. À Marseille, des enseignants se sont rassemblés devant
l’Inspection académique pour le soutenir.
Roland Veuillet, un conseiller d’éducation en grève de la faim depuis 53 jours pour protester
contre une sanction administrative prise à la suite d’un mouvement social, a été hospitalisé
d’office sur demande du préfet, mercredi 14 février, dans un hôpital psychiatrique de Lyon.
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Laurence Pennequin, membre de Sud-Éducation, a annoncé que le syndicat allait déposer une
requête afin de faire annuler cette mesure. Le syndicat dénonce dans un communiqué des
« méthodes répressives, dignes d’un État totalitaire ». Cette décision intervient alors que Roland
Veuillet avait été admis le 10 février dans un hôpital de la région lyonnaise dans un état jugé
« inquiétant ». Le CPE avait savoir que même hospitalisé il continuait sa grève, interdisant qu’on
le perfuse ou le nourrisse de force.
Afin de débloquer la situation, Gilles de Robien a fait savoir mardi 13 février qu’il chargeait le
médiateur de l’Éducation nationale d’une mission « pour proposer rapidement des solutions
permettant de mettre fin » à la grève de la faim de Roland Veuillet.
Hospitalisation d'office
Par Elie et Dante, jeudi 27 décembre 2007 à 16:45 :: Courrier et commentaires :: #11 :: rss
Nous avons reçu à notre adresse mail le témoignage suivant, concernant la pratique des
hospitalisations d'office.
Nous livrons le témoignage tel quel. Nous n'avons fait aucune recherche supplémentaire sur le
sujet. Si des personnes ont d'avantage d'informations sur cette question, nous vous invitons à
partager votre expérience par le biais des commentaires ou en nous envoyant un mail.
J'ai lu avec beaucoup d'attention votre ouvrage et je me suis rendu compte que lors d'une G.A.V. en
2004, j'avais suivi les conseils que vous donnez.
Néanmoins je voudrais attirer votre attention sur un procédé qui est désormais devenu courant et
qu'appliquent avec diligence les services de flics quand ils se trouvent confrontés à des récalcitrants
dans mon genre. Je pense que dans les suites de la G.A.V. vous devriez compléter l'information de vos
lecteurs avec les leçons de ma mésaventure.
Interpellé sur la voie publique, et fouillé à corps sur place on a trouvé sur moi un appareil électronique
(en vente libre) délivrant des décharges électriques, appareil de self-défense. Je vous passe l'attitude
de ces flics provocants qui ont essayé de me mettre dans mon tort en m'insultant, j'ai su me
maîtriser....
Le lendemain mis en présence d'un O.P.J. j'ai refusé toute déclaration et invité notre O.P.J. à clore son
P.V. par la mention"persiste et ne signe pas" !!!.....
On m'a confronté à un médecin appointé par l'administration cinq minutes sans que je soupçonne un
seul instant la suite des évènements.
Remis en geôle, quelques heures plus tard j'ai été transféré dans un hôpital psychiatrique où j'ai appris
qu'à la demande du préfet, j'étais en « hospitalisation d'office ».
J'ignorais la loi qui m'aurait permis de m'en sortir dans les 24 heures, aussi j'ai passé 18 jours enfermé
(de façon d'ailleurs assez confortable mis à part que j'ai dû me débarrasser des cachets que l'on voulait
me faire ingurgiter).
Il est impératif de donner à vos lecteurs les conseils suivants:
1) Toujours avoir sur soi une carte téléphonique France Télécom qui permet de téléphoner dans les
cabines publiques (Il y a toujours dans les établissements psy ce type d'appareil) car sinon vous êtes
coupés du monde extérieur, donc impuissant.
2) Toujours avoir les coordonnées d'un avocat auquel il faut demander conformément au Code de la
Santé publique d'agir en référé pour obtenir votre élargissement.
Sans ces deux éléments indispensables et sans contact avec l'extérieur, point de salut; vous êtes à la
merci du corps médical. En effet le médecin de l'hôpital psy. qui vous reçoit dans les 24h. de votre
arrivée conformément au Code de la Santé publique ne démentira jamais le certificat délivré par le
précédent médecin appointé par l'administration lui-même étant de connivence avec l'O.P.J.
J'ai attaqué l'arrêté préfectoral de mon hospitalisation d'office devant le Tribunal Administratif car le
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certificat médical du premier médecin n'avait pas été joint à la notification tardive de l'hospitalisation
d’office qui m'a été faite alors que j'étais toujours embastillé. J'ai obtenu gain de cause. Dites surtout à
vos lecteurs que pour se faire payer par l'Etat, il est préférable de s'en charger soi-même, les avocats
sont notoirement incompétents dans cette phase.
Il suffit de leur réclamer la grosse exécutoire et d'en envoyer une copie au Service de la Dépense de la
Trésorerie Générale du département concerné. Eviter de s'adresser directement à la Préfecture qui
pourtant représente l'Etat et devrait payer ce à quoi il est condamné dans les 2 mois du jugement. En
effet, soit ils vous « baladent », soit ils ne répondent même pas. Il me reste maintenant à obtenir des
dommages-intérêts devant le T.G.I. et la condamnation de l'Etat au paiement de certains frais restant à
la charge du patient, que j'ai bien évidemment refusé de payer.
Les pratiques "soviétiques" d'internement en hôpital psy se multiplient de plus en plus car cela permet
aux flics de se débarrasser des récalcitrants à bon compte.
Par contre si les citoyens se mobilisent et font condamner l'Etat à chaque fois, ces pratiques cesseront
car elles s'avèreront pour lui trop coûteuses et les O.P.J. concernés commenceront à se prendre des
râteaux. Bon courage à tous...
Trackbacks
Proposition de loi visant à introduire la possibilité de recourir à un dispositif de
surveillance électronique et à un traitement pharmacologique hormonal des
agresseurs sexuels remis en liberté
(Déposée par M. Jacques Brotchi)
DEVELOPPEMENTS
Les crimes affreux perpétrés récemment contre les petites Nathalie et Stacy nous obligent à
nous poser les bonnes questions concernant la protection de notre société face aux
agresseurs
sexuels. Nous devons à tout le moins nous donner les moyens de nous protéger contre ceux
qui sont déjà passés à l’acte et qui sont connus de la justice. C’est un minimum.
C’est la liberté de tous qu’il s’agit de défendre contre les agresseurs sexuels.
Entre 2002 et 2004, 8109 viols ont été déclarés. En moyenne, seulement 10 % des viols font
l’objet d’une déclaration1.
Des personnes condamnées pour des délits sexuels
La loi de défense sociale à l’égard des anormaux, des délinquants d’habitude et des auteurs
de certains délits sexuels du 1er juillet 1964, en son article 23bis, prévoit que les personnes
condamnées pour des faits visés aux articles 372 à 378 et 379 à 386ter du Code Pénal peuvent
être mises à la disposition du gouvernement à l’expiration de leur peine si celle-ci est
supérieure à un an sans sursis.
Cet article 23bis prévoit également que ces personnes, si elle sont condamnées à nouveau à
une peine de plus d’un an sans sursis pour des faits similaires, peuvent être mises à la
disposition du gouvernement pendant une période de maximum vingt ans.
1 Bulletin
n°1025, QR orale n°12217, Chambre, 28 juin 2006.
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L’article 25 de la loi de défense sociale précise qu’à l’expiration de leur peine, les condamnés
mis à la disposition du gouvernement sont placés sous la surveillance du Ministre de la
Justice qui peut :
- les laisser en liberté sous les conditions qu’il détermine et après avoir obtenu l’avis
d’un service spécialisé dans la guidance ou le traitement des délinquants sexuels ;
- ordonner leur internement lorsque la réintégration dans la société s’avère impossible
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et lorsque leur comportement en liberté révèle un danger pour la société.
Le moment de la mise à disposition du gouvernement auquel se réfère l’article 25, c’estàdire
« l’expiration de la peine », signifie que le condamné est à « fond de peine » :
- il a exécuté l’entièreté de sa peine en prison ;
- lorsqu’il a bénéficié d’une libération conditionnelle ou d’un sursis probatoire, il a
exécuté l’entièreté de son délai d’épreuve ;
Il apparaît que dans la pratique, il n’est jamais recouru à ce système de mise à disposition
du
gouvernement. Les spécialistes et les personnes de terrain entendus à ce sujet disent que ce
système n’est pas connu du pouvoir judiciaire.
L’interprétation de l’auteur est que ce procédé de mise à disposition du gouvernement
concerne les délinquants qui sont sortis du circuit judiciaire, parce qu’ils sont considérés
comme ayant définitivement purgé leur peine. Mais quid après ? Il faut absolument faire un
lien direct entre le prononcé de la peine, la libération conditionnelle et le sursis probatoire
éventuels, et la réinsertion sociale de l’individu.
Le noeud du problème est là : nous avons affaire à des personnes qui ne répondent pas aux
critères d’internement, mais qui ne sont pas pour autant nécessairement apte à réintégrer
seuls la société du jour au lendemain, sans suivi, sans accompagnement, sans surveillance
parfois.
La mise à disposition du gouvernement est un système efficace mis en place en 1998 qui,
correctement mis en oeuvre, peut nous aider à réinsérer dans de bonnes conditions les
agresseurs sexuels connus de la justice tout en protégeant efficacement la population. La
présente proposition est l’occasion de compléter ce système pour lui donner toute son
efficacité.
Des personnes internées pour avoir commis des délits sexuels
L’article 20 de la loi de défense sociale à l’égard des anormaux, des délinquants d’habitude
et
des auteurs de certains délits sexuels du 1er juillet 1964 prévoit que les personnes ayant été
internées pour un des faits visés aux articles 372 à 377 du Code Pénal et que l’on décide de
libérer à l’essai sont soumises à une tutelle médico-sociale dont la durée et les modalités
sont
fixées par la décision de mise en liberté et que cette tutelle comprend l’obligation de suivre
une guidance ou un traitement dans un service spécialisé.
3
Objectif de la proposition
La présente proposition a pour but d’ouvrir le débat concernant les conditions de traitement
médico-thérapeutique et de surveillance :
- d’un interné dans le cadre de sa mise en liberté à l’essai ;
- d’un condamné bénéficiant d’une libération conditionnelle ;
- d’un condamné bénéficiant d’un sursis probatoire ;
- d’un condamné, suite à l’exécution de sa peine, dans le cadre de sa mise à disposition
du gouvernement.
9
Il est en effet primordial de nous donner les moyens d’une part, de permettre à ces
personnes
de se réinsérer dans la société et d’autre part, de nous protéger contre un nouveau passage à
l’acte éventuel.
L’auteur propose en premier lieu que les personnes ayant commis de tels délits sexuels
soient d’office mis à la disposition du gouvernement à la suite de l’exécution de leur peine.
Il
allonge également la période pendant laquelle un récidiviste doit être mis à la disposition
du
gouvernement (article 2 de la proposition).
Dans la mesure où il est impossible d’évaluer à court terme la dangerosité pour la société
d’un individu s’étant rendu coupable de tels faits, il est nécessaire de se donner les moyens
d’agir rapidement et de manière appropriée en fonction du comportement qu’il adoptera à
sa sortie de prison, quitte à adoucir ou raffermir ultérieurement les mesures prises à son
égard.
L’auteur propose ensuite de créer une Commission d’avis en matière de suivi des auteurs de
certains délits sexuels (article 7 de la proposition) qui serait chargée de rendre des avis :
(i) à la demande de la commission de défense sociale qui se propose de remettre un interné
en liberté à l’essai ;
(ii) à la demande des juridictions compétentes en matière de probation dans le cadre des
mesures probatoires qu’elles se proposent d’imposer ;
(iii) à la demande de la commission de libération conditionnelle dans le cadre des conditions
qu’elle se propose de poser à la libération du délinquant sexuel ;
(iv) à la demande du Ministre de la Justice dans le cadre de la mise à disposition du
gouvernement d’un délinquant sexuel après sa condamnation.
Cette Commission serait composée notamment de médecins (urologues, endocrinologues,
etc.), de psychiatres et de psychologues spécialisés. Elle rendrait un avis sur la nécessité de
surveiller l’agresseur sexuel au moyen d’un dispositif électronique et/ou s’il est nécessaire
de
lui administrer provisoirement un traitement médicamenteux réduisant ses pulsions
sexuelles. Elle rendrait également un avis sur les modalités qui doivent accompagner ces
mesures : traitement médicamenteux et/ou surveillance, pendant combien de temps,
fréquence des traitements, etc.
Après avoir obtenu cet avis, la commission de défense sociale, les juridictions compétentes
en matière de probation, la commission de libération conditionnelle ou le Ministre de la
Justice, décideront s’il est opportun ou non d’imposer ces conditions de traitement et de
surveillance (articles 3, 4, 5 et 6 de la proposition).
4
C’est le degré de dangerosité de la personne concernée et l’évaluation des risques de
réitération de faits de même nature, ainsi que la nature des faits et les circonstances propres
à
sa personnalité et à son comportement qui seront pris en considération dans la décision de
mettre l’agresseur sexuel sous surveillance et/ou traitement hormonal (article 7 de la
10
proposition).
De la surveillance au moyen d’un dispositif électronique
L’auteur propose de créer un système de surveillance électronique des agresseurs sexuels,
qui serait utilisé pendant leur période de mise à disposition du gouvernement ou pendant
leur période de mise en liberté à l’essai. Ce système de surveillance utiliserait un dispositif
TIC - dispositif relevant des technologies de l’information et de la communication2 (article 6
de la proposition).
La nécessité de recourir à l’utilisation de ce dispositif serait laissée à l’appréciation de la
commission de défense sociale, des juridictions compétentes en matière de probation, de la
commission de libération conditionnelle ou du Ministre de la Justice, après avoir obtenu
l’avis de la Commission d’avis en matière de suivi des auteurs de certains délits sexuels.
Une étude canadienne3 démontre que « la rapidité d’intervention au cours d’une enquête
sur
l’enlèvement d’un enfant à des fins sexuelles est déterminante. Parmi les victimes qui ont
été
assassinées, 44 % étaient mortes dans un délai d’une heure après l’enlèvement, 74 % dans
un
délai de trois heures et 91 % dans un délai de 24 heures.
Lorsqu’un enfant est enlevé, il est donc primordial de connaître dans les minutes qui
suivent
la localisation de tous les délinquants sexuels qui se trouvent dans le secteur géographique
de l’enlèvement.
Seul un système de localisation électronique permet d’atteindre un tel niveau d’efficacité.
Invisible, il permettrait à la personne surveillée de se réinsérer dans la société le plus
« normalement » possible.
Les informations disponibles grâce à ce système se limiteraient à l’identité civile de la
personne concernée, et à sa localisation géographique.
Ces informations ne seraient accessibles qu’aux personnes suivantes et dans les
circonstances
suivantes :
- la commission de défense sociale, les juridictions compétentes en matière de
probation et la commission de libération conditionnelle dans le cas où la personne
concernée ne se soumet pas aux obligations posées à sa libération à l’essai ;
un souci de clarté, l’auteur reprend la définition utilisée par le Groupe Européen d’Ethique des Sciences
et des Nouvelles Technologies de la Commission européenne, dans son rapport sur « Les aspects éthiques des
implants TIC dans le corps humain », 16 mars 2006.
3 www.mpss.jus.gov.on.ca.
2 Dans
5
- le Ministre de la Justice dans le cas où la personne mise à la disposition du
gouvernement ne se soumet pas aux obligations qu’il a arrêtées ;
- le Procureur du Roi et le juge d’instruction au cas où de nouveaux faits nécessitent
une instruction ou une information judiciaire.
L’auteur est conscient des enjeux hautement éthiques de sa proposition. Il considère
cependant que la protection de la liberté de notre société mérite que nous puissions entamer
11
en toute sérénité un débat clair et productif sur l’utilisation de ces nouvelles technologies.
Avec le Groupe Européen d’Ethique des Sciences et des Nouvelles Technologies de la
Commission européenne, il considère que «l’utilisation des implants TIC à des fins de
surveillance ne saurait être autorisée que si le législateur estime que la société démocratique
en a un besoin urgent et justifié et qu’il n’existe pas de méthode moins intrusive »4.
Nous sommes malheureusement confrontés aujourd’hui à ce cas de figure.
Restant dans le cadre strict de la procédure de mise à disposition du gouvernement, de la
mise en liberté conditionnelle et du sursis probatoire des délinquants sexuels condamnés et
de la procédure de mise en liberté à l’essai de personnes ayant été internées pour des faits
similaires, cette proposition ne va pas l’encontre des conclusions de ce Groupe Européen
d’Ethique des Sciences et des Nouvelles Technologies de la Commission européenne : « Il [le
groupe] considère que les applications à visée de surveillance devraient, en toutes
circonstances, être inscrites dans la législation. Dans chaque cas individuel, les procédures
de
surveillance devraient être approuvées et contrôlées par une juridiction indépendante (…)
Le
débat public et l’éducation sont indispensables pour garantir la transparence. Il incombe aux
Etats membres de veiller à ce que le pouvoir de développer des implants TIC et la capacité
d’y accéder soient régis par des processus démocratiques ».
L’auteur ne s’inscrit pas dans une autre optique. Il faut en effet que la réglementation en la
matière soit fondée sur les principes de dignité humaine, de respect des droits de l’homme,
d’équité et d’autonomie, ainsi que sur les principes dérivés de précaution, de minimisation
des données, de spécification de la finalité, de proportionnalité et de pertinence.
Si toutes ces conditions sont réunies, ce projet respecte les principes européens et les
instruments de droit international applicables en la matière.
L’auteur estime que la société démocratique dans laquelle nous vivons nous offre l’avantage
de pouvoir respecter ces principes tout en assurant une protection maximale de nos enfants.
Ceci demande réflexion et débat, mais n’est en rien antinomique.
De la suppression hormonale de la sécrétion de testostérone
Ce traitement est déjà pratiqué au Danemark et des projets sont en cours en France, où des
délinquants sexuels sont soumis à un traitement hormonal lorsqu’ils font l’objet d’une
libération anticipée.
4 Groupe
Européen d’Ethique des Sciences et des Nouvelles Technologies de la Commission européenne, « Les
aspects éthiques des implants TIC dans le corps humain », 16 mars 2005, p. 38.
6
L’Allemagne dispose depuis 1969 d’une loi qui organise le recours à ce traitement :
« L’intéressé doit être volontaire et avoir plus de 25 ans. L’intervention doit être pratiquée,
après expertise, par un médecin en fonction des connaissances médicales. Elle ne présente
aucun inconvénient physique ou psychologique pour l’individu. Elle peut prévenir, guérir
ou soulager des maladies graves, des troubles psychiques ou des souffrances causées par
son
instinct sexuel anormal ».
Plus loin, la loi allemande continue : « Elle est également pratiquée si l’intéressé s’est rendu
coupable de certaines infractions au Code Pénal, parmi lesquelles l’abus sexuel envers les
12
enfants ».
Comme le relevait déjà en 1996 notre Ministre de la Justice, « l’introduction de la
pharmacologie dans l’arsenal des thérapies visant à réguler le comportement sexuel ne date
pas d’hier. Utilisée depuis plus de 25 ans par des centres spécialisés de plus d’une quinzaine
de pays, l’hormonothérapie a dépassé le stade de l’expérimentation »5.
Les premiers présidents de chaque cour d’appel ont, à la demande en janvier dernier de la
ministre de la Justice6, signalé six cas de castration chimique en Belgique, sur base
volontaire.
La vice-première ministre et ministre de la Justice précisait cependant que l’arsenal législatif
ne prévoyait pas de telles mesures.
L’auteur propose d’ouvrir le débat sur un encadrement légal de ce traitement par voie
médicamenteuse.
La présente proposition prévoit le recours provisoire à un tel traitement dans les situations
suivantes :
- la commission de défense sociale, les juridictions compétentes en matière de
probation et la commission de libération conditionnelle, après avoir obtenu l’avis de
la commission d’avis en matière de suivi des auteurs de certains délits sexuels,
décident d’appliquer provisoirement ce traitement à l’occasion de la remise en liberté
à l’essai de l’agresseur sexuel ;
- le Ministre de la Justice, après avoir obtenu l’avis de la Commission d’avis en matière
de suivi des auteurs de certains délits sexuels, décide d’appliquer provisoirement ce
traitement à un délinquant sexuel mis à la disposition du gouvernement.
La personne qui ne se présenterait pas au service médical chargé de lui appliquer ce
traitement serait repérée au moyen du dispositif de surveillance électronique développé
plus
haut.
Il est évident que le recours à un tel traitement doit se faire dans le cadre d’un suivi
thérapeutique global : le désir sexuel est un phénomène complexe qui ne s’explique pas par
un modèle de causalité linéaire. Ce type de traitement hormonal n’étant pas de nature
curative mais à finalité symptomatique et n’ayant pas d’effet sur l’agressivité proprement
5 Bulletin
6 Bulletin
n°B61, QR écrite n°385, Chambre, 1996.
n°125, QR orale n°880, Chambre, 2006.
7
dite, il n’a de sens que dans un traitement pluridisciplinaire susceptible de rencontrer
l’origine de la déviance sexuelle. Avec le sénateur Cheffert, l’auteur considère d’ailleurs que
ce traitement doit commencer dès l’incarcération de la personne condamnée pour des délits
sexuels : « Le temps que l’individu passe en prison sans être traité peut lui être nocif et
aggraver sa situation mentale, amenuisant les chances de guérison et de réinsertion »7.
Enfin, il apparaît primordial de revoir les conditions de traitement et de soins des personnes
placées en annexes psychiatriques et en prison. Les spécialistes et hommes de terrain
dénoncent tous sans exception des conditions de travail archaïques et scandaleuses.
Il est nécessaire d’ouvrir un débat de fond sur le système dans sa globalité : de l’entrée de
l’agresseur sexuel en prison ou en institution psychiatrique à sa réinsertion dans la société.
Conclusion
13
Traitement comportemental et médicamenteux accompagné d’une surveillance efficace des
agresseurs sexuels : l’auteur estime que la Belgique se donne ainsi les moyens de se protéger
contre les agresseurs sexuels tout en leur donnant les moyens de se réintégrer dans la
société.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
La présente proposition règle une matière visée à l’article 78 de la Constitution.
Article 2
Dans la loi du 1er juillet 1964 de défense sociale à l’égard des anormaux, des délinquants
d’habitude et des auteurs de certains délits sexuels, l’article 23bis est modifié de la manière
suivante :
« La personne condamnée sur la base des articles 372 à 378 et 379 à 386ter du Code Pénal
sera, par jugement ou arrêt de condamnation, mise à la disposition du gouvernement
pendant une période de maximum 10 ans à l’expiration de sa peine si celle-ci est supérieure
à
un an sans sursis. Sans préjudice des dispositions de l’article 22, la personne condamnée
sera,
en cas d’une nouvelle condamnation à une peine de plus d’un an sans sursis pour une des
infractions visées à l’alinéa précédent, commise pendant le délai prévu à l’article 56 du Code
Pénal, mise à la disposition du gouvernement pendant une période de minimum dix ans et
maximum vingt ans à l’expiration de sa peine ».
7 proposition
de loi de Jean-Marie Cheffert, n°3-1329, 25 août 2005.
8
Article 3
Dans la loi du 1er juillet 1964 de défense sociale à l’égard des anormaux, des délinquants
d’habitude et des auteurs de certains délits sexuels, l’article 20, al. 2 est complété de la
manière suivante :
« La commission de défense sociale, après avoir obtenu l’avis de la Commission d’avis en
matière de suivi des auteurs de certains délits sexuels, décide si la dangerosité de l’individu
justifie qu’il soit surveillé au moyen d’un dispositif électronique pendant la durée de sa mise
en liberté à l’essai et si un traitement médical visant à réduire provisoirement ses pulsions
sexuelles est nécessaire ».
Article 4
Dans la loi du 29 juin 1964 concernant la suspension, le sursis et la probation, l’article 9bis,
al.1 est complété de la manière suivante :
« Les juridictions compétentes, après avoir obtenu l’avis de la Commission d’avis en matière
de suivi des auteurs de certains délits sexuels, décident si la dangerosité de l’individu
justifie
qu’il soit surveillé au moyen d’un dispositif électronique pendant la durée de la mesure
probatoire et si un traitement médical visant à réduire provisoirement ses pulsions sexuelles
est nécessaire ».
Article 5
Dans la loi 5 mars 1998 relative à la libération conditionnelle et modifiant la loi du 9 avril
14
1930 de défense sociale à l’égard des anormaux et des délinquants d’habitude, remplacée
par
la loi du 1er juillet 1964, l’article 4, §5, al. 3 est complété de la manière suivante :
« La commission, après avoir obtenu l’avis de la Commission d’avis en matière de suivi des
auteurs de certains délits sexuels, décide si la dangerosité de l’individu justifie qu’il soit
surveillé au moyen d’un dispositif électronique pendant la durée de sa libération sous
conditions et si un traitement médical visant à réduire provisoirement ses pulsions sexuelles
est nécessaire ».
Article 6
Dans la loi du 1er juillet 1964 de défense sociale à l’égard des anormaux, des délinquants
d’habitude et des auteurs de certains délits sexuels, l’article 25, al. 2 est complété de la
manière suivante :
« Le Ministre, après avoir obtenu l’avis de la Commission d’avis en matière de suivi des
auteurs de certains délits sexuels, décide si la dangerosité de l’individu justifie qu’il soit
surveillé au moyen d’un dispositif électronique pendant la durée de la mise à disposition du
gouvernement et si un traitement médical visant à réduire provisoirement ses pulsions
sexuelles est nécessaire ».
9
Article 7
Il est créé, dans le cadre de la loi du 1er juillet 1964 de défense sociale à l’égard des
anormaux,
des délinquants d’habitude et des auteurs de certains délits sexuels, une Commission d’avis
en matière de suivi des auteurs de certains délits sexuels, chargée d’émettre des avis à la
demande (i) de la commission de défense sociale visée à l’article 12 de la même loi, (ii) des
juridictions compétentes en matière de sursis probatoire dans le cadre de l’article 3 de la loi
du 29 juin 1964 concernant la suspension, le sursis et la probation, (iii) de la commission de
libération conditionnelle dans le cadre de l’article 4 de la loi 5 mars 1998 relative à la
libération conditionnelle et modifiant la loi du 9 avril 1930 de défense sociale à l’égard des
anormaux et des délinquants d’habitude, remplacée par la loi du 1er juillet 1964 et (iv) du
Ministre de la Justice dans le cadre de l’application de l’article 25, al. 2 de cette loi.
La Commission se prononce par voie d’avis sur les points suivants :
1° si, en raison de la nature des faits et des circonstances propres à la personnalité et au
comportement de la personne concernée, il est nécessaire de mettre en place un dispositif de
surveillance électronique des personnes concernées ; dans l’affirmative, l’avis précise les
modalités de cette surveillance ;
2° si, en fonction du degré de dangerosité de la personne concernée et des risques de
réitération des faits de même nature, il est nécessaire de lui faire suivre un traitement
médical visant à réduire provisoirement ses pulsions sexuelles.
Le Ministre ou la commission de défense sociale ne peuvent s’écarter en tout ou en partie de
l’avis de la commission que par une décision spécialement motivée.
Le Roi détermine la composition, le mode de fonctionnement et le mode de désignation des
membres de la Commission d’avis en matière de suivi des auteurs de certains délits sexuels.
Cette Commission comprend nécessairement parmi ses membres des médecins et des
15
psychologues spécialisés.
Article 8
Il est créé au sein du SPF Justice, Direction Générale d’exécution des peines, un service
chargé d’assurer le suivi au moyen d’un dispositif électronique des agresseurs sexuels mis à
la disposition du gouvernement et des internés mis en liberté à l’essai, à chaque fois que
ceux-ci ne se conforment pas à leur obligation de suivre le traitement prévu respectivement
par les services spécialisés dans la guidance ou le traitement des délinquants sexuels et par
la
Commission de défense sociale, ainsi qu’à la demande du Ministre de la Justice.
Le Roi détermine la composition, le mode de fonctionnement et le mode de désignation des
membres de ce service et détermine les spécifications techniques du dispositif de
surveillance électronique. Les informations qui peuvent être obtenues au moyen de ce
dispositif électronique se limitent à l’identification civile de la personne et à sa localisation
géographique.
Ces informations sont communiquées selon le cas, (i) à la Commission de défense sociale,
(ii)
aux juridictions compétentes en matière de sursis probatoire, (iii) à la commission de
1 Article 7
Il est créé, dans le cadre de la loi du 1er juillet 1964 de défense sociale à l’égard des
anormaux,
des délinquants d’habitude et des auteurs de certains délits sexuels, une Commission d’avis
en matière de suivi des auteurs de certains délits sexuels, chargée d’émettre des avis à la
demande (i) de la commission de défense sociale visée à l’article 12 de la même loi, (ii) des
juridictions compétentes en matière de sursis probatoire dans le cadre de l’article 3 de la loi
du 29 juin 1964 concernant la suspension, le sursis et la probation, (iii) de la commission de
libération conditionnelle dans le cadre de l’article 4 de la loi 5 mars 1998 relative à la
libération conditionnelle et modifiant la loi du 9 avril 1930 de défense sociale à l’égard des
anormaux et des délinquants d’habitude, remplacée par la loi du 1er juillet 1964 et (iv) du
Ministre de la Justice dans le cadre de l’application de l’article 25, al. 2 de cette loi.
La Commission se prononce par voie d’avis sur les points suivants :
1° si, en raison de la nature des faits et des circonstances propres à la personnalité et au
comportement de la personne concernée, il est nécessaire de mettre en place un dispositif de
surveillance électronique des personnes concernées ; dans l’affirmative, l’avis précise les
modalités de cette surveillance ;
2° si, en fonction du degré de dangerosité de la personne concernée et des risques de
réitération des faits de même nature, il est nécessaire de lui faire suivre un traitement
médical visant à réduire provisoirement ses pulsions sexuelles.
Le Ministre ou la commission de défense sociale ne peuvent s’écarter en tout ou en partie de
l’avis de la commission que par une décision spécialement motivée.
Le Roi détermine la composition, le mode de fonctionnement et le mode de désignation des
membres de la Commission d’avis en matière de suivi des auteurs de certains délits sexuels.
Cette Commission comprend nécessairement parmi ses membres des médecins et des
psychologues spécialisés.
16
Article 8
Il est créé au sein du SPF Justice, Direction Générale d’exécution des peines, un service
chargé d’assurer le suivi au moyen d’un dispositif électronique des agresseurs sexuels mis à
la disposition du gouvernement et des internés mis en liberté à l’essai, à chaque fois que
ceux-ci ne se conforment pas à leur obligation de suivre le traitement prévu respectivement
par les services spécialisés dans la guidance ou le traitement des délinquants sexuels et par
la
Commission de défense sociale, ainsi qu’à la demande du Ministre de la Justice.
Le Roi détermine la composition, le mode de fonctionnement et le mode de désignation des
membres de ce service et détermine les spécifications techniques du dispositif de
surveillance électronique. Les informations qui peuvent être obtenues au moyen de ce
dispositif électronique se limitent à l’identification civile de la personne et à sa localisation
géographique.
Ces informations sont communiquées selon le cas, (i) à la Commission de défense sociale,
(ii)
aux juridictions compétentes en matière de sursis probatoire, (iii) à la commission de
10
0L’expertise dans le cadre de la loi Défense Sociale: Repères diagnostiques et
recommandations 1
Thierry H Pham*+-,
Xavier Saloppé*,
Xavier Bongaert**, Jean-luc Hoebanx***
*Centre de Recherche en Défense Sociale
+Université de Mons Hainaut
-Institut Philippe Pinel, Montréal
**Etablissement de Défense Sociale, Chêne aux Haies, Mons
***Etablissement de Défense Sociale, Les Marronniers, Tournai
1 Cette
recherche a été réalisée avec le soutien du Ministère de la Région Wallonne, Santé et Affaires Sociales.
Contact: [email protected]. CRDS, 94, rue Despars. 750 Tournai. Belgique (.www.crds.be).
Résumé
En Belgique, selon la loi de Défense Sociale (1964), les délinquants malades
mentaux reconnus incapable de contrôler leurs actes peuvent être internés et doivent
par la suite être orientés vers un Etablissement de Défense Sociale (EDS). Ils sont
supposés recevoir un traitement et un accompagnement en vue d’une réinsertion
sociale. L’article se focalise plus particulièrement sur l’expertise en Défense Sociale.
Il débute par un rappel des aspects légaux. Il décrit ensuite les caractéristiques
diagnostiques d’un échantillon de patients internés (N=98) en insistant sur
l’importante comorbidité clinique en terme de troubles mentaux majeurs (axe 1) ainsi
que de troubles de la personnalité (axe 2). Il aborde ensuite la prévalence
hypothétique de la psychopathie (PCL-R, Hare, 1991, 2003) dans le cadre de la loi
(5-8%). Il souligne ensuite des points susceptibles d’améliorer les pratiques
d’expertise en Défense Sociale.
Mots clés : Défense Sociale, expertise, syndromes cliniques, troubles de la
personnalité, psychopathie.
Summary
Under the Belgium Social Defence law (1964), mentally disordered offenders who are
deemed to lack criminal responsibility should be oriented, as internees, to an ‘Institution of
17
Social Defence’ rather than to a prison as inmates. There, they should receive specialised
treatment before their rehabilitation into the community. In this paper, we discuss expertise
practices in relation to the Social Defence law. First, the law requirements are described.
Second, we present prevalence of clinical syndromes (axis 1) and personality disorders (axis
2) among a sample of internees (N=98). The sample present a high comorbidity (2.6) of axis I
syndromes, axis 2 personality disorders (1.7), the majority of them (64%) present both axis
diagnoses. We also discuss the prevalence of high psychopathy as measured by the PCL-R
among internees (5-8%) as compared to prison inmates given the security aim of the law
protecting the society against dangerous individuals. It is suggested that the Social Defence
law embraces a very large spectrum of psychiatric diagnoses including personality disorders
and psychopathy. The improvement of expertise practices, would benefit at least from these
following recommendations: (a) the consideration of earlier propositions relating to the
improvement of the Social Defence Law; (b) a comparative research between internees and
inmates psychiatric diagnoses; (c) a better definitions of clinical criteria relating to the law
application; (d) the implementation of a specialised observation unit before the internment
decision; (e) the need to go beyond a dichotomy conception of the ability to control; (f) the
consideration of contextual factor of dangerosity; (g) the encouragement for the use of
validated risk and clinical assessment instruments; (h) a better financing for expert work.
Key words: Social Defence law, expert, clinical syndromes, personality disorders,
psychopathy.
1. Les Aspects légaux
Le premier article de la loi du 1erJuillet 1964 de Défense Sociale « à l’égard des
anormaux, des délinquants d’habitude et des auteurs de certains délits sexuels »
stipule que lorsqu ’il existe des raisons de croire que l ’inculpé est, soit en état de
démence, soit dans un état grave de déséquilibre mental ou de débilité mentale le
rendant incapable du contrôle de ses actions, les juridictions d ’instruction peuvent,
dans les cas où la loi autorise la détention préventive, décerner un mandat d ’arrêt en
vue de le placer en observation (Article 1). L’inculpé interné dépendra par la suite
d’une commission de Défense Sociale (Art. 18) qui se tient informée de son état et
peut ordonner sa mise en liberté définitive ou à l’essai, lorsque son état mental s’est
suffisamment amélioré et que les conditions de sa réadaptation sociale sont réunies.
Par ailleurs, un avis spécialisé dans le traitement ou la guidance de délinquants
sexuels est requis avant toute mise en liberté (Art. 20 bis). Enfin, les condamnés
pour crimes et délits qui, au cours de leur détention, sont reconnus en état de
démence ou dans un état grave de déséquilibre mental ou de débilité mentale les
rendant incapables de contrôle de leurs actions, peuvent être internés en vertu d’une
décision du ministre de la Justice rendue sur avis conforme de la commission de
Défense Sociale (Art. 21).
Récemment, le professeur Cosyns (11) rappelait, à juste titre que dans la loi de DS,
le traitement n’était pas directement consécutif d’un diagnostic posé, comme c’est
habituellement le cas dans les approches médicales. La loi assimile selon lui le
traitement à la modalité d’exécution de la peine, ce qui est source d’ambiguïté. En
1996, à l’initiative du ministre de la justice Stefaan Declerck, une commission sur le
statut de l’internement a été mise en place dont les conclusions figurent dans le
rapport publié en 1999 (12). Plusieurs propositions ont été introduites concernant
l'expertise et la qualité du traitement psychiatrique des internés. Cette commission
avait notamment proposé que le ministre chargé des affaires sociales et de la santé
publique soit responsable du devenir des soins des justiciables. Les pouvoirs
politiques devaient donc revoir la loi de Défense Sociale, estimaient que les efforts
18
de la commission demeureraient vains si aucune décision n’était prise quant aux
implications médicales de la loi et si aucun réseau psychiatrique valable n'était mis
en place. Rappelons qu’à ce titre, la Flandre, partie néerlandophone de la Belgique,
ne dispose toujours pas d’établissement de Défense Sociale et les internés y
séjournent, bien plus souvent encore qu’en Wallonie, en prison, lieu non spécifique
sur le plan des soins. Des psychiatres néerlandophones ont encore récemment
dénoncé cette situation sur le plan éthique (25).
2. Les internés: troubles mentaux majeurs, troubles de la personnalité ?
Apprécier les effets de la loi de DS passe par la description clinique de la population
à laquelle elle s’adresse. Nous allons décrire, dans les lignes qui suivent, les troubles
mentaux graves ainsi que les troubles de la personnalité d’une cohorte d’internés
placés au sein de l’hôpital psychiatrique sécuritaire " Les Marronniers " à Tournai.
Cet hôpital accueille 350 patients internés qui sont répartis dans les différentes
unités de l'hôpital composé d'une unité d'admission, qui permet à l'équipe d'orienter
les patients dans une unité adaptée à leur pathologie, de deux unités consacrées
aux personnes présentant une problématique antisociale, de quatre unités
accueillant des patients psychotiques, et d'une grande unité accueillant des
déficients mentaux délinquants sexuels. Excepté l'unité d'admission qui comporte 22
patients, chacune de ces unités accueille de 30 à 60 patients. Les infractions à
caractère sexuel sont les plus représentées en Défense Sociale (36.3%). Suivent
ensuite les délits violents (25%) tels que l'homicide (15%).
L’échantillon que nous allons décrire comprend 98 internés. Il a été évalué à des fins
de recherche par le Centre de Recherche en Défense Sociale (CRDS). Il ne couvre
donc pas l’ensemble de la population de Défense Sociale mais est plutôt
représentatif des patients dits « stabilisés ». Nous avons du exclure de cette étude
les patients psychiatriques en phase aiguë ainsi que ceux présentant une déficience
intellectuelle trop marquée et pour lesquels une évaluation clinique valide ne pouvait
être entreprise. L'âge moyen au moment du premier internement est de 31.6 ans. Le
Quotient Intellectuel total moyen (mesuré par la WAIS-R, 1981) de l’échantillon est
de 76, et est donc faible.
Les troubles mentaux majeurs sont évalués à l'aide du Diagnostic Interview
Schedule, Screening Interview (DISSI) (34). La DISSI est un outil épidémiologique
informatisé permettant d'évaluer les seize catégories diagnostiques suivantes:
troubles anxieux (attaque de panique, phobie, anxiété généralisée, trouble
obsessionnel compulsif), troubles de l'humeur (dépression majeure/dysthymie,
manie), troubles liés à des substances (abus/dépendance d'alcool ou de substances
autres que l'alcool), trouble somatisation, schizophrénie, troubles psychosexuels,
troubles du comportement alimentaire et le trouble de la personnalité antisociale. Les
diagnostics sont établis sur les six derniers mois et sur toute la période d'existence.
Cet instrument a été validé par Baruffol et Thilmany (2) sur un échantillon de belges
issus de la population générale. La prévalence des troubles mentaux majeurs des
internés est présentée dans le tableau ci-dessous.
Troubles mentaux majeurs
(N=98)
Prévalence (%)
Abus/dépendance à l’alcool 61
Phobie 42
Dépression 40
Abus/dépendance à une
19
substance
35
Anxiété généralisée 26
Somatisation 19
Schizophrénie 16
Trouble obsessionnelcompulsif
11
Quatre-vingt onze pour cent des sujets de l'échantillon présentent au moins un
trouble mental majeur et 67% présentent une comorbidité (2 troubles et plus) laquelle
renvoie à la cooccurrence symptômatologique. En psychiatrie, elle est principalement
utilisée sur le mode catégoriel et permet le diagnostic de deux ou plusieurs troubles.
Dans l'échantillon concerné, le nombre moyen de troubles par sujet est de 2.6.
Décrivons dès à présent les troubles de la personnalité en Défense Sociale. Ces
troubles sont évalués à l'aide du Structured Clinical Interview for DSM-IV axis II
Disorders (14). Le SCID-II évalue douze troubles de la personnalité décrit dans le
DSM-IV (1). Il est composé d'un auto-questionnaire de 119 questions mais s’évalue
aussi via un entretien semi-structuré reprenant les items des troubles positifs à
l’autoquestionnaire
précédent. Comme le SCID-I (15), cet instrument se base sur le
principe de l'arbre décisionnel où le diagnostic se précise progressivement à travers
l'entrevue. Des informations additionnelles, nécessaires à l'établissement du/ou des
diagnostics, sont obtenues sur base du dossier médico-légal situé au greffe de
l'hôpital. Nous avons travaillé avec la validation française du SCID II effectué par
Bouvard et al. (5). La prévalence des troubles de la personnalité est présentée dans
le tableau ci-dessous.
Troubles de la personnalité
(N=98)
Prévalence (%)
Antisociale 49
Borderline 27
Narcissique 15
Cluster B
Histrionique 3
Paranoïaque 26
Schizoïde 7
Cluster A
Schizotypique 5
Obsessionnellecompulsive
17
Evitante 3
Cluster C
Dépendante 3
Soixante dix pour cent des patients de l'échantillon présentent au moins un trouble
de la personnalité et 45 % présentent une comorbidité (2 troubles et plus). Le
nombre moyen de diagnostics par sujet est de 1.7.
Concernant la comorbidité entre l'axe I et II du DSM, 64% des patients présentent un
ou plusieurs troubles mentaux majeurs associés à un ou plusieurs troubles de la
personnalité.
Le phénomène de comorbidité est donc fréquent au sein de la population de Défense
20
Sociale. Or, cette comorbidité, qui concerne plus de la majorité des patients, est
étonnement peu soulignée par les experts en DS qui en général, se contentent de
poser le diagnostic principal (31). Certes, cette comorbidité psychiatrique est
partiellement attribuable à la conceptualisation même du DSM. En effet, la distinction
entre les syndromes cliniques et les troubles de la personnalité est problématique
(21). De plus, et ce malgré des avancées conceptuelles, des recouvrements
demeurent entre les critères de diagnostics intra cluster de l'axe 2 (27,36).
Néanmoins, ce phénomène de comorbidité présente un intérêt fondamental sur les
plans thérapeutique et criminologique. En effet, en terme de covariation de traitsétats,
les patients atteints de trouble mental majeur répondent plus difficilement au
traitement psychothérapique et/ou pharmacologique, lorsqu'ils présentent également
un trouble de la personnalité (36,40). Cette « résistance au traitement » peut être liée
au fait que la comorbidité engendre des conséquences négatives sur l'évolution de
l'un ou l'autre trouble ainsi que sur la gravité des symptômes. Certaines comorbidités
peuvent cependant, être le signe d'une amélioration clinique notable. En effet, la
présence d'une dépression peut être un facteur pronostic favorable pour les patients
présentant un trouble de la personnalité borderline (32). La multiplicité des troubles a
une incidence sur la demande de traitement et l'investissement dans une démarche
thérapeutique (36,40).
Par ailleurs, nous savons que bon nombre de détenus « capables du contrôle de
leurs actes » présentent néanmoins des troubles mentaux graves et ce, sans qu’ils
ne soient orientés vers un établissement de Défense Sociale. Seule, une
comparaison des populations carcérale et de Défense Sociale permettrait d’apprécier
leurs caractéristiques cliniques respectives. Cependant, en l’absence de données
publiées en épidémiologie carcérale, aucune comparaison valide n’est à ce jour
possible.
3 La place de la psychopathie en Défense Sociale
Durant cet été 2006, soit dix ans après la découverte des corps des fillettes Julie et
Mélissa séquestrées par Dutroux et ses complices, la disparition de deux fillettes,
Stacy et Nathalie a défrayé la chronique en Belgique. En effet, le présumé inculpé
dans le meurtre des fillettes et du viol d'une d'elle, Nathalie, était un interné qui a été
libéré de manière définitive par la commission de Défense Sociale dont il dépendait.
Cet inculpé présentait selon le dernier psychiatre l’ayant expertisé, un diagnostic de
psychopathie, et ne devait donc pas séjourner dans un établissement de Défense
Sociale.
Selon une recension réalisée au CRDS, en Belgique francophone, le diagnostic lié à
la psychopathie ou à la personnalité antisociale figure parmi ceux qui sont le plus
souvent évoqués (entre 50% et 70%) lors de rapport d’expertise en DS. Toutefois, la
prévalence de haute psychopathie mesurée à partir de l’instrument standardisé le
plus valide à l’heure actuelle, soit l’échelle de psychopathie de Hare (PCL-R, 16) est
beaucoup plus faible. Cet instrument comprend 20 critères relatifs à deux
facteurs principaux dont le premier « « Détachement émotionnel » décrit le versant
narcissique de la personnalité et regroupe les caractéristiques interpersonnelles et
affectives (loquacité et charme superficiel, surestimation de soi) et le second
« Facteur antisocial chronique » reflète l’instabilité comportementale dans le style de
vie ou des troubles précoces de comportement (impulsivité, irresponsabilité).
Soulignons que la structure factorielle finale de la PCL-R fait actuellement l'objet de
nombreux débats selon que l'on penche pour une version affinée de la psychopathie
autour des critères interpersonnels (8;9) ou une version qui maintient les 20 critères
21
originaux s'organisant autour de 4 facettes (17;26).
Scores de psychopathie et prévalence diagnostiques à la PCL-R
N
Moyenne
Facteur
interpersonnel
Moyenne
Facteur
antisocial
chronique
Moyenne
Score total
Prévalence
diagnostique
Hypothétique (%)
Internés 268 7.4 8.7 17.6 5-8
Détenus 282 7.3 8.6 17.5 9-12
Nous formulons l'hypothèse que le pourcentage de psychopathes parmi les détenus
est supérieur à celui des internés de l’EDS de Tournai (28,30). Cette différence
s’expliquerait par l’accent mis par loi de DS sur les troubles mentaux graves et le
retard mental. Toutefois, force est d’admettre que certains inculpés, à profil
hautement psychopathique, sont bel et bien internés à la suite de l’expertise. Cette
situation peut s’expliquer par les divergences entre experts sur les plans du
diagnostic, du pronostic ainsi que de l’objectif de l’internement. Rappelons que la loi
de DS constitue aussi une mesure de sûreté, de protection du public contre certains
délinquants dangereux dont les « anormaux » et les « délinquants d’habitude».
Aussi, les risques élevés de récidive associée à l’incurabilité, à tout le moins, partielle
de la psychopathie incitent certains psychiatres, suivis par les magistrats
compétents, à proposer une mesure d’internement. Enfin, la loi de DS comprend
aussi la mesure de mise à disposition du gouvernement (article 22 et suiv. de la loi
de Défense Sociale) s’appliquant aux comportements qualifiés de "délinquance
d'habitude ».
D'une part, il apparaît de plus en plus évident pour certains magistrats siégeant en
cour d'assises que l'internement d'un psychopathe n'amènera pas de changement
significatif sur le plan thérapeutique. Par ailleurs, la psychiatrie, qui ne dispose
actuellement pas d’interventions spécifiquement efficaces pour ce diagnostic, est
jugée peu compétente par ces mêmes magistrats. Dans les années récentes une
réduction du risque de la récidive associée à un dosage de traitement
psychothérapeutique d’intensité modérée à élevée a été observée auprès d’une
population psychiatrique évaluée à l’aide de la version abrégée de l’échelle de
psychopathie de Hare (23). Toutefois, les dernières recensions de la littérature
demeurent globalement pessimistes sur le plan de la réponse thérapeutique des
psychopathes (19, 29). Par ailleurs, la présence de psychopathes parmi des malades
mentaux demeure problématique étant donné le risque de manipulation et
d'exploitation des premiers sur les seconds (19,29).
3. La qualité des expertises
Lors d’une visite au sein des établissements de Défense Sociale, John Petrila
(professeur de droit à l’Université de Floride du Sud et actuel président de
l’International Association of Forensic and Mental Health Services, IAFMHS) a
conclut que « L’orientation vers la Défense Sociale plutôt que vers la prison relevait
davantage de la loterie que de la science ». Il a souligné le manque de connexion
22
entre les milieux professionnels concernés et la recherche scientifique en
psychologie/psychiatrie légale.
En fait, la phase expertale pose un certain nombre de questions depuis longue date,
ce constat a été récemment rappelé, lors du colloque du 75ème anniversaire de la loi
de DS qui s’est tenu à Bruxelles les 24 et 25 novembre 2005 (7). Le premier panel du
colloque a travaillé sur la phase d’expertise. Ce panel, de type pluridisciplinaire,
comprenait les professionnels de terrain (M. Debruyne, avocat général à la cour
d'appel de Bruxelles ; Mme Brad, présidente-suppléante de la C.D.S. de Gand ; Dr
Lodewyck, psychiatre et expert ; Pr Mormont, psychologue, Université de Liège ; Dr
Vandenbroucke, psychiatre, directeur du service psychosocial, ministère de la
Justice ; M Van den Steen, avocat au Barreau de Bruxelles) et a abordé huit points
sensibles de l’expertise.
1. Les termes de la loi de DS ne renvoient pas suffisamment à
une convergence diagnostique
2. La loi de DS formule des questions trop dichotomiques pour les
cliniciens
3. La notion d’observation pourtant prévue dans la loi de Défense Sociale n’est pas effective
4. Le problème du statut de l’expertise
5. Le contenu des expertises
6. La nécessité de débat contradictoire et le renforcement de la défense du justiciable
7. La place du psychologue dans la loi de DS
8. La particularité du travail de services psychosociaux en rapport avec la loi de DS.
Il n’est pas dans les prétentions de ce texte de décrire, de manière exhaustive, les
points abordés lors du panel. Nous renvoyons donc le lecteur intéressé vers ce site
internet (7) et soulignons que plusieurs institutions organisatrices du colloque ont
décidé de poursuivre leurs réflexions au sein d'un groupe de DS2. Dans les lignes qui
suivent, nous nous focaliserons sur les points impliquant plus particulièrement
l’évaluation diagnostique.
2 CRDS,
Etablissements de Défense Sociale, Unités psychiatriques spécialisées, Centres d'Appui pour la prise en
charge des auteurs d'agression sexuelle.
3.1. Les diagnostics impliqués par l’article 1 de la loi de DS
Les termes de la loi de DS ne renvoient pas suffisamment à une convergence
diagnostique. Il n’y a en effet pas unanimité concernant les critères d’inclusion et
d’exclusion qui s’appliquent à l’article 1. Dans l’esprit de l’époque où a été voté la
première version de la loi (1930), la notion de démence renvoie à la psychose et la
débilité mentale paraît raisonnablement explicite (11). Toutefois, une notion telle que
le « déséquilibre grave » n’exclut pas les troubles de la personnalité lesquels sont
bien présents au sein de notre échantillon. Par ailleurs, « l’incapacité du contrôle de
ses actes » renvoie à l’agir impulsif et l’impulsivité figure comme critère diagnostic
pour des troubles de la personnalité tels que les troubles borderline et antisocial du
cluster B du DSM (1).
3.2.Contexte de survenue du délit
L'article 1 de la loi insiste sur les caractéristiques pathologiques, de nature
individuelle, en rapport avec l'acte commis. Il ne met pas l'accent sur l'appréciation
du contexte interpersonnel dans lequel l'acte survient le plus souvent. Cet état de fait
tend à réduire l'acte à son auteur et pérennise une erreur dénoncée depuis longue
date par les théoriciens de l'agression violence (3,24). Depuis une dizaine d'année,
l'évaluation du contexte environnemental constitue un facteur à part entière au sein
des plus important instruments de prédiction et de gestion du risque de violence (38,
39). Dès lors, une plus grande insistance quant aux caractéristiques contextuelles
encouragerait une approche holistique de l'expertise. Elle reconnaîtrait davantage la
23
complexité de la notion du contrôle des actes et enrichiraient les propositions
thérapeutiques. Enfin, la mise en place d’un collège d’experts pluridisciplinaires,
soucieux d'une évaluation systématique de l'individu, de ses actes et de son
environnement irait dans le même sens.
3.3. La loi de DS formule des questions dichotomiques.
La loi de DS formule des questions dichotomiques concernant la capacité du contrôle
des actes : c’est oui ou non. A ce sujet, la première version de la loi datant de 1930,
a rapidement fait l’objet de discussion concernant le statut des « anormaux »,
partiellement mais non totalement irresponsables (11). Certes, Les juristes rappellent
à quel point le propos du droit est finalement "modeste" (4), que le droit ne peut
rendre compte de toutes les nuances de la clinique au quotidien. Néanmoins, cette
modestie n'est pas partagée par la plupart des cliniciens pour qui cette dichotomie
est trop catégorique et donc intransigeante. Le retard mental, par exemple n‘est bien
évidemment pas une question de tout ou rien. Le professeur Cosyns a rappelé qu'à
travers la loi de DS, la Belgique n’a pas donc adopté le principe d'un continuum tel
qu’il existe par exemple aux pays bas (système TBS) où le quantum de la peine est
proportionnel au degré d’irresponsabilité (11). Nous pensons de plus que cette
dichotomisation de la responsabilité renforce la tendance à recourir au modèle
catégoriel des troubles mentaux et ce alors que le modèle dimensionnel tend à
s’imposer suite notamment aux critiques relatives au concept de comorbidité (13).
3.4. Unité de lieu
La notion d’observation pourtant prévue dans la loi de Défense Sociale n’est pas
effective sur le terrain. L’interné « mis en observation » séjourne dans le meilleur des
cas dans une annexe psychiatrique de la prison. Dans le cas le moins favorable, il
séjourne dans une cellule au même titre que n’importe quel détenu. Quant au travail
expertal, il s’effectue le plus souvent lieu dans un local exigu appelé « parloir
d’avocat ». Or, ce lieu multi-fonctionnel et ambigu ne peut qu’exacerber les tensions
du « vieux couple » clinicien- juriste (6). Des dispositions légales et administratives
au niveau fédéral en 1999 ont pourtant été adoptées à l’initiative du Ministre Stefaan
Declerck pour la création d‘un centre de recherche et d’observation clinique
approprié (CEPROC), mais ce centre qui n’a finalement jamais vu le jour.
3.5. Le problème du statut de l’expertise
A notre époque, il est souvent admis que de facto la charge de la décision incombe
davantage à l’expert qu’au magistrat (22). En Défense Sociale, l’avis de l’expert
psychiatre n’est quasi jamais soumis à la contradiction et est suivi de manière
presque systématique par les magistrats siégeant dans les juridictions concernées.
Sur le plan financier, un médecin bénéficie aujourd’hui d’un forfait de 321 euros pour
réaliser l’expertise mentale. Il bénéficie d’un remboursement de 0.68 euros/km pour
ses frais de déplacement. Pour sa disponibilité en cas de convocation du juge ou de
reconstitution des faits, il est payé 57 euros de l’heure et est payé 44 euros par heure
effective passée au tribunal. Le/la psychologue est payé 233 euros pour effectuer
une expertise consistant en la rédaction d’un bilan à partir d’une batterie de tests
psychologiques. L’ensemble de ces honoraires a été qualifié de « philantropique »
lors du colloque anniversaire de la loi de DS (7). Outre les retards de paiement, force
est d’admettre que situation financière valorise bien mal les experts pourtant décrits
comme des “personnes présumées, par leur art ou profession, capables d’apprécier
la nature et les circonstances du crime ou délit ” (code d’instruction criminelle, Art
43 ) ou encore comme des personnes qui s’entendent « parfaitement dans leur
métier” (Larousse). Par conséquent, ce manque de reconnaissance tend à raccourcir
24
les entrevues expertales avec l’inculpé, décourage la participation aux formations
permanentes souvent coûteuses ainsi que les efforts académiques visant à mettre
sur pied un diplôme scientifiquement actualisé. La ministre actuel de la justice, Mme
Onkelinkx a promis de revoir cette situation financière.
Perspectives
La loi belge de Défense Sociale renvoie dans les faits à une vaste gamme de
troubles mentaux : troubles psychiatriques majeurs (axe 1), troubles de la
personnalité, retard mental, (axe 2) et psychopathie. La population internée présente
aussi une importante comorbidité diagnostique. Celle-ci complique l'adoption de
critères diagnostiques d’inclusion et d’exclusion qui sont pourtant nécessaires pour
une meilleure application de l’article 1 de la loi de DS.
L'amélioration de la loi actuelle passe d’abord par la considération des travaux
antérieurs qui ont jusqu’à aujourd’hui été ignorés par le pouvoir politique. Or, ces
travaux ont porté tant sur les modifications des termes de la loi, le déroulement de
l’expertise que l’organisation de la prise en charge des internés (7,10,12,33).
Selon nous, l’amélioration de la qualité des expertises passe au moins par :
- une recherche comparative en épidémiologie psychiatrique entre la population
internée et celle du monde carcéral
- une approche graduelle et non plus dichotomique de la notion de responsabilité.
- une redéfinition actualisée de la terminologie psychiatrique employée
- le recours aux procédures validées sur le plan de l’évaluation diagnostique de
l’évaluation du risque
- un consensus dégagé quant aux critères d’inclusion et exclusion relatifs à l‘article
1.
- la considération de variables connexes aux troubles mentaux relatives au contexte
de survenue de l’agir pathologique.
- le refinancement des expertises psychiatriques ainsi que des examens
psychologiques
- la mise sur place d’un lieu d’observation clinique approprié au sein du monde
carcéral
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J.-C.M.
Mis en ligne le 14/06/2006
Elle s'applique aux auteurs d'infraction en état de démence ou de déséquilibre mental.
Abdellah Ait Oud, suspecté d'avoir joué un rôle dans la disparition des petites Stacy et Nathalie,
a, comme on l'aura lu par ailleurs, un lourd passé judiciaire. Mais contrairement à ce que
pouvaient faire croire les premières informations recueillies auprès des enquêteurs, il n'était pas
en liberté conditionnelle. Laquelle répond à des conditions dont il a été abondamment question
dans nos éditions du 13 juin.
De diverses sources, il appert que l'intéressé a fait l'objet d'une mesure d'internement et qu'il a
ensuite été libéré à l'essai puis de façon définitive de l'établissement de défense sociale de Paifve
où il était «enfermé» à la suite des divers délits commis ces dernières années.
Le procureur général de Liège, Cédric Visart de Bocarmé n'a pas voulu confirmer la chose, les
autorités judiciaires faisant preuve en l'occurrence d'une prudence à la fois compréhensible, car
rien ne doit gêner l'enquête et qu'à ce stade Abdellah Aid Out bénéficie de la présomption
d'innocence, et gênante car elle ne permet pas une perception objective ni précise des faits.
Quoi qu'il en soit, et comme nous l'a expliqué Henri Bosly, professeur de procédure pénale à
l'UCL, la loi de défense sociale s'applique aux auteurs d'une infraction qui, au moment des faits
ou de leur procès, sont considérés comme étant en état de démence, de déséquilibre mental ou de
débilité mentale.
Tous les six mois
Il faut, dans ces conditions, qu'ils soient ou non en état de récidive, ce qui était apparemment le
cas dans l'affaire qui nous occupe, l'objet d'une mesure d'internement dans un établissement de
défense sociale. Tous les six mois, ils peuvent introduire une demande de libération qu'une
Commission composée de trois personnes (un magistrat, un avocat et un fonctionnaire) leur
accorde ou non.
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Cette libération peut être décidée à l'essai et n'est prononcée que si l'interné répond à une série de
conditions (se conduit-il bien, prend-t-il ses médicaments, représente-t-il encore un danger sur le
plan social etc ?). A l'égard des délinquants sexuels, la Commission tranche à l'unanimité et sur la
base d'un rapport rédigé par un service psycho-social.
La question qui va sans doute surgir dans les prochaines heures est la suivante : au fil du temps,
sachant qu'une demande peut être introduite tous les six mois, la commission est-elle ou non
incitée à faire preuve d'une certaine mansuétude ? Après avoir examiné le dossier dix ou douze
fois, ne sera-t-elle pas tentée d'accéder à la requête de l'interné ?
Certains se sont déjà étonnés que le suspect n'ait pas fait l'objet d'une mise à la disposition du
gouvernement qui aurait pu justifier une prolongation de son internement (à durée indéterminée
avec décision de la chambre des mises en accusation, tous les deux ans) mais le recours à cette
possibilité ne s'impose que dans des cas dont on ne sait pas, en l'état actuel, s'ils étaient
rencontrés.
Quel sort attend Abdellah Ai Oud ? S'il est inculpé d'enlèvement ou de plus encore (dans
l'incertitude, il est impossible de déterminer les préventions qui pourraient être retenues contre
lui), il sera sans nul doute placé sous mandat d'arrêt et, l'instruction finie, éventuellement renvoyé
devant les assises. Mais la chambre du conseil comme la cour d'assises peuvent décider de son
internement, si les conditions sont réunies. On n'en est pas là, loin s'en faut, mais le débat risque
d'être chaud, vu le contexte...
© La Libre Belgique 2006
1997, p.75-82.
Communiqué de presse du Conseil des Ministres
Défense sociale
(2006-12-21)
Réforme de la loi de défense sociale
Sur proposition de Mme Laurette Onkelinx, Ministre de la Justice, le Conseil des Ministres a
approuvé, en deuxième lecture, l'avant-projet de loi relatif à l'internement des personnes
atteintes
d'un trouble mental.
A la suite du drame de Liège mettant en lumière les lacunes la loi de défense sociale, la Ministre
de
la Justice s'était engagée à déposer sur la table du gouvernement un projet de réforme de la loi.
Une réforme nécessaire
La loi de défense sociale date du 1er juillet 1964. Les connaissances psychiatriques, médicales,
criminologiques et pénologiques ont fortement évolué ces dernières années et justifient que la
loi
soit adaptée à ces différents changements.
Le projet s'inspire notamment des travaux de la Commission internement, appelée «
Commission
Delva » du nom de son Président qui avait réuni de nombreux experts en la matière et proposé
un
certain nombre de recommandations en ce qui concerne la nécessité de modifier la loi de
défense
sociale.
Cet avant-projet de loi a un double objectif : il s'agit à la fois de prendre les mesures nécessaires
28
pour protéger la société mais aussi de permettre le développement d'un circuit de soins de
santé qui
prennent en charge de manière optimale sur le plan thérapeutique les personnes qui sont
internées
parce qu'elles souffrent d'un trouble mental.
En effet, c'est à la fois en fournissant aux internés les soins requis par leur état pendant toute la
durée de leur internement mais aussi en assurant leur retour progressif dans la société avec un
suivi
psychosocial rigoureux et encadrant que nous pourrons au mieux lutter contre la récidive et
diminuer
ainsi le nombre de victimes.
En adoptant cet avant-projet, le gouvernement souhaite dès lors promouvoir l' indispensable
collaboration entre la justice et le secteur des soins de santé. Ce n'est en effet qu'à travers une
concertation étroite mais respectueuse des compétences des uns et des autres entre la Justice
et la
santé mentale que cette réforme atteindra son objectif.
Quelles sont les lignes de force de cet avant-projet ?
- une professionnalisation de l'exécution de la décision d'internement : cette compétence sera
désormais gérée par le Tribunal de l'Application des Peines
Les tribunaux d'application des peines seront désormais compétents pour toutes les décisions
liées
à l'exécution de l'internement. Ils remplaceront donc les actuelles Commissions de défense
sociale .
C'est le tribunal d'application des peines qui décidera donc dans quel établissement l'interné
sera
placé. A cette fin, il a le choix d'une part entre les établissements organisés par l'Etat fédéral ou
les
sections de la défense sociale (Paifve, Merksplas, Turnhout, Brugge) et aussi les établissement
s
privés ou les établissements organisés par les communautés ou les régions (par exemple les
Marronniers à Tournai, les cliniques psychiatriques,…)
Il reviendra aussi à ce tribunal de décider de l'octroi des différentes modalités d'exécution de
l'internement prévues dans l'avant projet de loi. Ces décisions seront rendues par le Tribunal
dans
son ensemble sur avis du Directeur de l'établissement où séjourne l'interné et dans le cadre
d'une
procédure contradictoire.
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Les Tribunaux de l'Application des peines passeront de 9 à 13 chambres pour leur permettre
d'assumer une prise en charge optimale de l'exécution des décisions d'internement.
Une nouvelle définition de la maladie mentale
La loi actuelle utilise les termes de « démence », « état grave de trouble mental » et « débilité
mentale » pour qualifier les problèmes mentaux dont souffrent les personnes qui peuvent faire
l'objet
d'un internement. Ces concepts ne sont plus adaptés et sont source de confusion.
Comme le recommande la Commission Delva, il convient donc de les remplacer par le terme
plus
adapté de « trouble mental » . Ce terme - internationalement reconnu notamment par l'OMS et l'
American Psychiatric Association - est en effet plus en adéquation avec les conceptions
actuelles de
la psychiatrie, recouvre tant les handicaps que les maladies mentales et présente également
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l'avantage d'être suffisamment large pour pouvoir continuer à être utilisé en fonction des
évolutions
futures des connaissances scientifiques en la matière.
Introduction de la notion de danger pour la société
Une condition supplémentaire pour l'internement de la personne est insérée dans l'avant projet
de
loi : la notion de dangerosité. Cette notion de dangerosité est définie dans le rapport de la
Commission Delva comme le « risque de rechute ». Le terme de rechute est plus large que celui
de
récidive qui a une connotation essentiellement juridique. La rechute vise ici aussi bien la rechute
dans le trouble mental initial que dans la délinquance qui est en relation causale avec le trouble
mental constaté.
En synthèse, l'internement d'un délinquant atteint d'un trouble mental sera subordonné à la
preuve
des faits qui lui sont imputés, à la persistance de son état mental ainsi qu'à sa dangerosité pour
la
société
Une expertise psychiatrique pluridisciplinaire et obligatoire
L'expertise psychiatrique est un moment absolument essentiel dans la procédure d'internement.
Cette expertise doit éclairer le magistrat et l'aider à prendre la meilleure décision possible. Cette
expertise psychiatrique sera désormais légalement obligatoire avant toute décision
d'internement ce qui n'est pas le cas actuellement.
L'expertise devra en outre répondre à un certain nombre de critères de qualité et l'expert luimême
devra être bénéficier d'une formation scientifique adéquate et d'une accréditation sur base de
critères précis. En vue de rendre plus cohérente la forme de ces expertises, un modèle type de
rapport d'expertise sera imposé à tous.
D'autre part, le magistrat pourra également faire appel à d'autres types d'expertise
(psychologique,
criminologique, sociale) pour obtenir les informations les plus pertinentes en vue de la décision
d'internement qu'il devra prendre.
Nouveaux outils mis à la disposition de l'autorité judiciaire qui prononce la décision
d'internement
- elle pourra au moment de l'internement, comme c'est le cas pour les condamnés, prononcer
également une incarcération immédiate s'il représente un danger immédiat pour la société ou
afin
d'éviter que l'interné ne se soustraie à l'exécution de la mesure.
- elle pourra également prononcer, si cela lui paraît nécessaire, un certain nombre d'interdictions
professionnelles comme par exemple l'interdiction de participer à des activités professionnelles
impliquant des mineurs d'âge en cas de faits d'abus sexuel sur des mineurs.
Une implication des victimes
Les victimes d'un auteur d'infraction qui a été interné ne bénéficient actuellement d'aucun droit,
contrairement à ce qui existe actuellement en matière de libération conditionnelle et au droits
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étendus qui leur seront reconnus au sein des futurs tribunaux d'application des peines.
L'avant-projet propose de rectifier cette lacune en adoptant les mêmes dispositions concernant
les
victimes que l'auteur soit condamné ou interné. Il va même plus loin en permettant aux victimes
d'un
auteur qui a été interné par une juridiction d'instruction de bénéficier des mêmes droits et
possibilités
que les autres catégories même si elle ne se sont pas constituées partie civile.
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Introduction de nouvelles modalités d'exécution de la mesure d'internement
La loi actuelle ne prévoit que 3 modalités d'exécution de l'internement : la libération à l'essai, la
libération définitive et la semi-liberté.
L'avant-projet introduit d'autres modalités d'exécution de la mesure : il s'agit des permissions de
sortie et des congés pénitentiaires - déjà octroyés dans la pratique par les Commissions de
défense
sociale - il s'agit également de la détention limitée et de la surveillance électronique.
Ces deux dernières modalités sont des régimes transitoires et progressifs vers une libération à
l'essai. Elles sont prononcées pour une période maximale de 6 mois et ne peuvent être en effet
prolongées qu'une seule fois.
En cas de difficultés constatées pendant l'exercice de la mesure, le Tribunal d'application des
peines
peut mettre un terme à la modalité octroyée mais dans l'hypothèse où tout s'est bien déroulé, il
octroie la libération à l'essai à l'interné.
Pour chaque modalité, la procédure et des conditions d'octroi sont clairement définies.
Introduction de nouvelles contre-indications en cas de libération à l'essai
La loi actuelle ne prévoit que deux conditions à la libération à l'essai : il faut que l'état mental de
l'interné se soit suffisamment amélioré et que les conditions de réadaptation sociale soit réunie.
Ces
conditions sont manifestement insuffisantes aujourd'hui.
L'avant projet propose que toute libération à l'essai soit subordonnée à l'examen des
contre-indications suivantes :
- l'amélioration insuffisante de l'état de santé,
- l'absence de perspective de réinsertion sociale,
- le risque que l'intéressé commette à nouveau des infractions graves,
- le risque que le condamné importune les victimes,
- l'attitude de l'interné à l'égard de ses victimes
- le refus ou l'inaptitude de l'interné à suivre un traitement qui est pourtant estimé nécessaire
quand
il a été interné pour certains faits de moeurs.
Pour pouvoir bénéficier d'une libération à l'essai, l'interné devra préalablement avoir bénéficié
d'au
moins une des modalités d'exécution suivantes : des permissions de sortie, des congés
pénitentiaires, de la détention limitée ou de la surveillance électronique.
Par ailleurs, la durée de la période de mise à l'épreuve pour les libérations à l'essai sera de
minimum deux ans et pourra être renouvelée tant que les tribunaux de l'application des peines
l'estimeront nécessaire.
Le suivi des libérés à l'essai
Le contrôle des libérés à l'essai sera effectué par le Parquet comme c'est le cas pour les
condamnés depuis la loi du 17 mai 2006 définissant le statut juridique externe des condamnés.
Les
assistants de justice devront quant à eux prendre en charge la guidance de ces libérés. Les
policiers
seront informés de l'octroi des modalités d'exécution de l'internement et seront chargés de la
surveillance générale de l'intéressé.
La libération définitive
La libération définitive ne pourra être attribuée qu'après une libération à l'essai d'au moins deux
ans
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et à condition que le trouble mental se soit suffisamment amélioré pour ne plus craindre que
l'interné
ne commette de nouveaux faits punissables.
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Le tribunal d'application des peines devra donc examiner pendant la libération à l'essai, à
intervalles
réguliers et au maximum tous les deux ans si la libération définitive peut être octroyée.
Cette disposition cumulée avec le rapport périodique de l'assistant de justice répond à la
recommandation de la Commission Internement selon laquelle le tribunal d'application des
peines
doit être informé de manière précise et complète de l'évolution de la situation de l'interné
pendant la
libération à l'essai.
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