Le respect de l'orthographe, c'est celui du lecteur. Comme nous souffrons, en lisant tous ces écrits à portée de main ! Les quotidiens, les hebdomadaires, les livres ne sont plus à l'abri des fautes. A lire sur internet, sur les forums, c'est véritablement une douleur, surtout lorsqu'on connait l'existence de logiciels de correction orthographique. Jusque sur les sites officiels gouvernementaux, financés par l'argent public, par un contribuable à juste titre en droit de s'attendre à plus de considération pour sa culture, patrimoine commun. Beaucoup de sites d'organismes Pontissois sont truffés de fautes d'orthographe grossières, d'impropriétés, de répétitions, de lourdeurs, rédigés dans un mauvais français. Cela participe à en décourager la lecture par des visiteurs légitimement en droit de s'offusquer de ce manque flagrant de respect. Combien œuvrent dans les secteurs de la culture et de la communication ? N'y en a-t-il donc aucun pour s'émouvoir de ces graves carences donnant une image de marque déplorable à cette belle région qui mériterait plus d'attentions ? Regardez ce panneau révélateur installé à l'entrée d'un site naturel réputé, fleuron de la région. Cette agression orthographique, insulte à la langue française et au lecteur n'interpelle donc personne ? En cinq courtes lignes on y relève quatre fautes d'orthographe et d'accord, une impropriété ! Une passe au parc... Avec ce vocabulaire emprunté aux maisons closes (autre appellation des maisons de passes ou bordels), pensez-vous que ce genre de texte - digne de figurer dans un bêtisier - soit de nature à promouvoir l'image de la région ? C'est du grand n'importe quoi et tout simplement pathétique. Les langues sont belles. Les mots et leurs accords sont autant de trésors légués par les siècles, permettant de fédérer les cohésions, de jongler avec les nuances, de faire chanter la phonétique. Les fautes d'orthographe qui s'accumulent, c'est tout un patrimoine saccagé, comme les visages lacérés des églises de Cappadoce, les saints lapidés par la révolution sur les portails des cathédrales, les bouddhas détruits par les talibans au Pakistan… Faire l'effort de corriger un texte, c'est aider à la bonne lecture de celui-ci, mais aussi témoigner du respect envers autrui en ne cédant pas à la facilité. Plus sournois, le langage SMS, la tolérance vis-à-vis d'une orthographe approximative participent au nivèlement par le bas, signal précurseur de la dictature proche. Au nom de la déculpabilisation, nous nous permettons de ravager ce qui a mis des siècles à se construire, à forger nos identités. Nier cet héritage, est une chose, mais ce dont nous ne nous rendons plus compte, c'est que deux mots au son identique et à l'image différente produisent des évocations radicalement différentes dans l'imaginaire. C'est d'ailleurs de cette façon que s'apprend et se respecte l'orthographe : reconnaitre l'image du mot, et à sa suite, tout un cortège de sensations, d'émotions associées défilant en sarabande. Si l'image est distordue, le cortège d'associations n'est pas appelé, le mot est creux. Il faut alors un immense effort de décodage pour pouvoir relier ces associations. Qu'a-t-il voulu dire ? C'est épuisant. La culture, qu'on a tant décriée sous prétexte de liberté, est un terrain de jeu commun, rempli d'archétypes, d'inconscient collectif, de belle langue, d'images anciennes, de jeux de mots et de sagesse populaire. Lorsque le cortège des associations n'est pas appelé, il n'y a plus de terrain commun. On soliloque. On pourra dire que ça n'a aucune importance. Pourtant, c'est très attristant. Attention cependant à ne pas défendre la culture en tant qu'outil de domination de ceux la possédant sur ceux en étant dépourvus. Sa défense et celle de l'orthographe doivent se concentrer sur des imaginaires communs, lieux où nous pouvons manipuler des représentations partagées et nous comprendre. Perdre cet imaginaire collectif, c'est renoncer à une symbolique commune, finir par ne plus se comprendre, ne plus nous entendre, ce qui est autrement plus grave. Regardons autour de nous : beaucoup des absurdités du monde sont dues à la perte de cette symbolique. Il s'agit de l'abandon du pouvoir des mots, de la parole, de la mise en forme des pensées en mots. Ces pertes profondes mènent à la barbarie. Que faut-il comprendre à la lecture de ce panneau d'un restaurant de la région ? N'est-il pas à lui seul une illustration de la perte du symbolique ? Nous en voyons malheureusement ici trop souvent les effets, et ce n'est qu'un début… L'influence d'une autre langue peut porter atteinte au patrimoine culturel ou au contraire, l'enrichir. La langue est vivante, évolutive. Si elle ne veut pas disparaitre, elle ne doit pas se figer, se replier sur ellemême. C'est ainsi que de nouveaux mots viennent enrichir le dictionnaire. Ce sera d'Afrique que nous viendra le verbe girafer désignant le fait de tendre le cou pour copier sur le voisin. C'est du Québec que sont originaires les mots courriel et clavarder. Il y a de la beauté dans ces vocables imagés ! Désormais partie intégrante de notre patrimoine commun, il convient d'en respecter l'orthographe ! Parfois, le "Français de France" de passage au Québec et trop sûr de lui aura tendance à se gausser du parler québécois, de l'utilisation de certains mots ou tournures de phrases. Très souvent, ce sera lui qui aura oublié la signification de ces termes. Il pourra aisément se corriger en recherchant l'étymologie dans la littérature spécialisée. C'est ainsi qu'il apprendra que le verbe canceller est parfaitement français : An 1293, chanceler "annuler un acte à traits de plume parallèles ou croisés" (Hug. de Bourg.). Les exemples ne manquent pas. En matière d'orthographe aussi, il n'y a pas de liberté sans contraintes. Un petit ouvrage d'Hubert MANSION intitulé "101 mots à sauver du français d'Amérique" illustre parfaitement cette notion.