Thème 1 : effet agronomique de Stopmouche

publicité
Thème 1 : effet agronomique de Stopmouche
Les faits :
1) Le nombre moyen de pupes retrouvées par plant est significativement réduit dans la
modalité stopmouche par rapport au témoin (4,11,8 vs 14,91,9 ; n = 40; Z = 4,67;
P < 0,001).
50%
40%
30%
20%
10%
0%
0
1
2
3
4
catégories d'état du plant
Figure 1. Répartition de l'état des plants de chou fleur Brassica oleracea suite à une attaque de
mouche du chou Delia radicum en plein champs dans le témoin non traité (blanc) et suite à un
traitement au stopmouche (-cis-stopmouchobutylstirène, 20mg/m2) (noir). N = 40 plants par
modalité. 0 = plant détruit, 1 = mourant, 2 = rabougri, 3 = correct, 4 = vigoureux.
2) Le profil de qualité des plants est significativement modifié dans la modalité stopmouche
(figure 1) (2 = 10,28, 4ddl, P = 0,036), le pourcentage de plants commercialisables
("correct" + "vigoureux") passant de 43% à 73% (2 = 6,19, P = 0,013). Le nombre de pieds
échantillonné restant modeste ( n = 40 par modalité), l'IC95% de la magnitude du gain de
qualité observé (+30% de plants commercialisables) est large : [+9% — +51%].
3) On observe une corrélation significative entre le nombre de pupes retrouvées et l'état de
détérioration du plant (rSpearman = 0,54; 66ddl; P < 0,01). On passe d'une moyenne de
seulement 1,90,3 pupes/plant chez les plants vigoureux à 24,75,4 pupes/plant chez les
plants entièrement détruits.
100%
80%
60%
40%
20%
0%
0
20
40
60
Nombre de pupes
4) On observe (fig 2, non légendée par manque de place) tout traitement confondus une
corrélation positive significative entre le nombre de pupes retrouvées au pied du plant et leur
taux de mortalité (hors émergence d'un parasitoïde) (rPearson = 0,57; 66ddl; P < 0,01)..
Quelques éléments de discussion :
1) Lorsque les plants sont protégés par un traitement insecticide classique (trempage de
racines + intervention foliaire éventuelle en cours de culture), le pourcentage de plants
commercialisables est proche de 90%. (Mayer & Bonsanto, 1999)
2) Les traitements insecticides classiques efficaces contre la mouche du chou ne seront plus
autorisés à partir de 2007. Leur usage actuel en France correspond déjà à une dérogation par
rapport à la réglementation européenne (Duralex et al. 2002).
3) le mécanisme d'action du stopmouche est inconnu, son impact agronomique ayant été
découvert fortuitement. Le fabricant le présente sans précisions comme un "éliciteur de
défenses naturelles de la plante contre les maladies et les insectes phytophages".
4) la matière active du stopmouche n'a aucun effet insecticide direct sur la mouche du chou
par ingestion ou contact, selon des tests standards de laboratoire (Jones, 1998). Son effet sur
d'autres organismes est inconnu à l'exception des données toxicologiques standard sur le rat
qui la classent dans la catégorie "non toxique" (Anonyme, dossier d'homologation de
Stopmouche).
5) parmi les défenses naturelles des plantes déjà décrits et étudiés, on peut citer les
glucosinolates tels que la sinigrine, présente chez la moutarde noire Sinapis nigra qui ralentit
le développement des phytophages (R. Soler, communication personnelle)
6) l'adulte de la mouche du chou se déplace sur les feuilles, probablement pour tester l'identité
et l'état de la plante. Les larves se nourrissent exclusivement de la racine (Fournet et al.,
2000).
7) les Aleochara adultes sont prédateurs des oeufs et des larves de premier stade de la mouche
du chou (stades accessibles car à l'extérieur de la racine, au moins temporairement pour les
larves L1). Ils peuvent également (en théorie) attaquer les larves L3 qui quittent la racine pour
aller se nymphoser dans le sol. Ils n'attaquent pas les pupes elles-mêmes sauf famine sévère
obtenue artificiellement au laboratoire (Fuldner, 1965).
8) certaines plantes émettent de manière très spécifique par leurs feuilles des substances
volatiles attractives pour les prédateurs et les parasitoïdes précis des larves d'insectes
phytophages en train de les attaquer (même lorsque l'attaque touche la racine). Ce phénomène
est connu chez le coton (Lewis, 1990) mais également chez le chou et le navet (Neveu 1996,
Grandgirard et al. 1999) en ce qui concerne l'hyménoptère parasitoïde Trybliographa rapae1.
On ne sait pas (encore) si les deux espèces d'Aleochara sont sensibles à ces substances, mais
des recherches sont en cours (restez à l'écoute).
1
ce parasitoïde n'a pas été inclus dans les données fictives stopmouches pour ne pas compliquer les choses. En
toute logique, un essai de terrain en Bretagne aurait du aussi donner des émergences de T. rapae à partir de
prélèvements de pupes de mouche du chou.
Thème 2 : parasitisme par les Aleochara
Les faits :
1) globalement, le pourcentage de parasitisme par les Aleochara est similaire dans les deux
modalités (34% dans le témoin et 36% dans la modalité stopmouche). Cependant, la
proportion des deux espèces varie considérablement, puisque le taux de parasitisme par A.
bilineata baisse (passant de 32,23,4% à 16,85,5%) tandis que le parasitisme par A.
bilineata augmente (passant de 1,40,5% à 19,54,3%) entre les modalités témoin et
stopmouche, respectivement.
100%
'% parasitisme
80%
% parasitisme
A
100%
2
R = 0,61
60%
40%
20%
B
80%
R2 = 0,16
60%
40%
20%
0%
0
0%
0
10
20
30
40
50
60
10
20
30
40
50
60
Nb de pupes du plant
Nb de pupes du plant
Figure 1. Taux de parasitisme de pupes de Delia radicum par Aleochara bilineata (A) et A. bipustulata (B) en fonction du
nombre de pupes retrouvées au pied d'un plant de chou fleur Brassica oleracea en plein champ.
2) on observe une corrélation positive significative entre le nombre de pupes et le taux de
parasitisme par A. bilineata (rPearson = 0,78; 66 ddl; P < 0,01). Donc, plus les plants sont
infestés, plus le pourcentage de parasitisme augmente (figure 1). Cependant, la relation ne
semble pas linéaire : on observe un effet seuil net (presque aucune émergence sur les plants
pour lesquels on retrouve moins de 5 pupes)
3) on observe une corrélation négative significative entre le nombre de pupes et le taux de
parasitisme par A. bipustulata (rPearson = – 0,40; 66 ddl; P < 0,01). Donc, plus les plants sont
infestés, plus le pourcentage de parasitisme baisse. Cependant, la relation ne semble pas
linéaire : on observe un effet seuil net (quasiment aucune émergence sur les plants pour
lesquels on retrouve plus de 20 pupes).
Quelques éléments de discussion :
1) les Aleochara adultes n'attaquent pas les pupes de mouche du chou en conditions naturelles
(Fuldner, 1965). Il sont en revanche prédateurs des oeufs et des larves de premier stade
(stades accessibles car à l'extérieur de la racine, au moins temporairement pour les larves L1).
Au laboratoire, on peut les observer également attaquer les larves L3 (stade qui quitte la
racine pour aller se nymphoser dans le sol).
2) les larves de premier stade d'Aleochara se déplacent dans le sol et découvrent les pupes de
mouche du chou selon un mécanisme inconnu (Lizé, 2005). Elles percent le puparium et
effectuent leur développement en consommant la nymphe de mouche du chou. Une seule
larve peut survivre par pupe. Si deux larves ou plus parasitent le même hôte, ces larves se
combattent jusqu'à ce qu'il n'en reste qu'une (voire aucune !)(Fournet, 1998).
3) A. bilineata est une espèce spécialiste qui ne parasite que les nymphes du genre Delia
(Fournet, 1998). A. bipustulata parasite également de nombreuses espèces coprophages ou
nécrophages (Fuldner, 1965).
4) le principe d'exclusion compétitive stipule que deux espèces ne peuvent durablement
coexister si elles occupent la même niche écologique (Wilson, 1950).
5) la quantité E de ressource exploitée par un consommateur en fonction de la quantité D de
de ressource disponible est décrite selon une fonction nommée réponse fonctionnelle. On
distingue trois types (Holling, 1959).
Type I : relation linéaire E = D jusqu'à atteindre un plateau (typique des filtreurs). Conséquence : le pourcentage
d'exploitation de la ressource reste stable, puis décroit quand on atteint le plateau.
Type II : relation logarithmique E = log(D) (l'efficacité d'exploitation décroît lorsque la quantité de ressource
augmente (typique des prédateurs : une grande abondance de proies entraîne de la confusion). Conséquence : le
pourcentage d'exploitation de la ressource décroît en permanence.
Type III : relation sigmoïde (l'efficacité croît d'abord de manière exponentielle E = D puis devient linéaire E =D
avant de décélérer et atteindre un plateau. Conséquence : le pourcentage d'exploitation de la ressource croît
initialement puis se stabilise avant de décroître. Ce type a été identifié chez certains parasitoïdes (REFS), lorsque les
proies isolées sont plus difficiles à exploiter que les proies en groupe.
6) certaines plantes émettent de manière très spécifique par leurs feuilles des substances
volatiles attractives pour les prédateurs et les parasitoïdes précis des larves d'insectes
phytophages en train de les attaquer (même lorsque l'attaque touche la racine). Ce phénomène
est connu chez le coton (Lewis, 1990) mais également chez le chou et le navet (Neveu 1996,
Grandgirard et al. 1999) en ce qui concerne l'hyménoptère parasitoïde Trybliographa rapae2.
On ne sait pas (encore) si les deux espèces d'Aleochara sont sensibles à ces substances.
2
ce parasitoïde n'a pas été inclus dans les données fictives stopmouches pour ne pas compliquer les choses. En
toute logique, un essai de terrain en Bretagne aurait du aussi donner des émergences de T. rapae à partir de
prélèvements de pupes de mouche du chou.
Thème 3 : sex-ratio
Les faits :
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
Delia
A. Bili
A. bipus
Figure 1. Sex-ratio (exprimé en pourcentage de mâles) observé parmi les individus émergents
de pupes de mouche de chou dans la modalité témoin (blanc) et traitée au stopmouche (noir).
Delia = D. radicum, A. bili = Aleochara bilineata, A. bipus = A. bipustulata. Barres : IC95%
1) le sex-ratio de D. radicum est significativement biaisé en faveur des femelle dans la
modalité stopmouche (2= 8,93; 1ddl, P = 0,003), pas dans la modalité témoin (2= 0,58;
1ddl, P = 0,44).
2) Aucun biais n'est décelable chez A. bilineata (2= 0,20; 1ddl, P = 0,65 et 2= 1,46; 1ddl,
P = 0,23 pour les modalités traité et témoin respectivement).
3) L'excès apparent de femelle observé chez A. bipustulata (66,7% tous traitements
confondus) n'est pas significatif (2= 2,7; 1ddl, P = 0,10. Le nombre d'individus récoltés étant
faible (n = 30), l'IC95% du pourcentage de femelles est très large : [47% — 82%]
Quelques éléments de discussion :
1) le sex-ratio obtenu dans ces trois espèces n'est pas biaisé en conditions de laboratoire.
2) le mécanisme d'action du stopmouche est inconnu, son impact agronomique ayant été
découvert fortuitement. Le fabricant le présente sans précisions comme un "éliciteur de
défenses naturelles de la plante contre les maladies et les insectes phytophages".
3) la matière active du stopmouche n'a aucun effet insecticide direct sur la mouche du chou
par ingestion ou contact, selon des tests standards de laboratoire (Jones, 1998). Son effet sur
d'autres organismes est inconnu à l'exception des données toxicologiques standard sur le rat
qui la classent dans la catégorie "non toxique" (Anonyme, dossier d'homologation de
Stopmouche).
4) Il existe en conditions naturelles des gènes distorteurs de sex-ratio (par exemple chez
Drosophila simulans, Atlan, 1998, Cazemajor et al. 2000).
5) certaines souches de bactéries (dont des Wolbachia) provoquent des mortalités
anormalement élevées parmi les embryons mâles (phénotype de male-killing, par exemple
chez la coccinelle Adalia bipunctata (Hurst et al., 2001).
6) le déterminisme du sexe est a priori génétique et reposant sur un couple de chromosomes
XY chez les espèces diploïdes comme D. radicum, A. bilineata et A. bipunctata. Cependant,
aucune étude précise n'a été menée pour s'en assurer.
7) on ne sait rien des préférences des larves parasitoïdes L1 d'Aleochara en matière de sexe de
l'hôte.
8) A. bilineata préfère les grandes pupes, A. bipustulata préfère les petites pupes (Fournet,
1999).
Thème 4 : infection par Wolbachia
Les faits :
1) les trois espèces testées sont infectées par Wolbachia
2) l'infection n'est pas systématique : sur dix individus, on a trouvé au moins un individu
dépourvu de bactéries.
3) le séquençage du gène amplifié, présentant des séquences hypervariables, révèle que les
trois espèces sont bi-infectées (chacun des individus testés est infecté par deux variants) :
a) les individus D. radicum sont infectés par les variants w1 et w 2
b) les individus A. bilineata sont infectés par les variants w 2 et w 3
c) les individus A. bipustulata sont infectés par les variants w 3 et w 4
4) il n'y a aucun lien entre le sexe et le statut infecté/sain.
Quelques éléments de discussion :
1) de nombreux variants de Wolbachia provoquent des incompatibilités de croisement entre
individus (les embryons avortent si la mère ne porte par exactement le même type d'infection
que le père). Ce phénomène est nommé incompatibilité cytoplasmique (Laven, 1952). Les
Wolbachia sont donc soupçonnées depuis longtemps de constituer un facteur de spéciation, en
pouvant créer rapidement une barrière reproductrice entre deux populations de la même
espèce (Rousset 1992, Werren 1995, O'Neil et al. 2000). On ignore complètement ce qu'il en
est chez D. radicum et les deux Aleochara considérés ici.
2) On a longtemps supposé que les relations parasitoïde/hôte constituaient une route
privilégiée pour les transferts horizontaux de Wolbachia entre espèces (Werren, 1995).
3) la présence de Wolbachia dans une espèce d'insecte est aujourd'hui considérée comme
banale : selon les estimations, entre 20 et 75% des espèces d'insectes seraient infectées par
Wolbachia (Werren 1995, Stouthamer 1999)
4) Wolbachia est une bactérie intracellulaire stricte (pas de vie libre) transmise uniquement de
la mère à la descendance, par voie trans-ovarienne à travers le cytoplasme de l'oeuf (Singh et
al. 1971).
5) la phylogénie des Wolbachia n'est pas congruente avec celle de leurs hôtes, ce qui trahit
l'existence de – rares – transferts horizontaux de Wolbachia d'une espèce à l'autre (Rousset et
al. 1995)
6) Il est possible de transférer des Wolbachia artificiellement par contact entre animaux
blessés, chez le cloporte, car les hémocytes sont porteurs de la bactérie (Rigault et al., 1995).
7) Un transfert de Wolbachia entre deux espèces de trichogrammes (parasitoïdes) infestant le
même hôte a été démontré récemment (Stouthamer, 2003).
Téléchargement