1 Chronologie : l'Europe de l'Est de 1945 à 1989. Le temps des démocraties populaires. Pendant près d'un demi-siècle, les pays d'Europe de l'Est ont vécu sous le joug de l'URSS et du communisme. Sous le nom de "démocraties populaires", la plupart des Etats de l'Europe de l'Est se sont en fait aligné sur le modèle soviétique et ont perdu toute indépendance. Plusieurs tentatives de révoltes se développeront mais seront à chaque fois durement réprimées. Ce n'est qu'à la fin des années 1980 que l'affaiblissement de l'URSS permettra aux pays d'Europe de l'Est de recouvrer leur entière indépendance. L'ordre stalinien : satellisation par l'URSS et adoption du modèle soviétique (1945-1953) Entre 1945 et 1948, des démocraties populaires s'installent dans l'ensemble de l'Europe de l'Est. Partout, les communistes prennent le pouvoir à la suite d'une stratégie souvent identique (la "tactique du salami") : ils s'allient avec les différentes forces de gauche (socialistes notamment) pour former des gouvernements de coalition, s'assurent les postes clés (ministère de l'Intérieur, de la Justice), éliminent leurs anciens alliés en les accusant de trahison et répriment toute opposition politique. Soumises à Moscou, ces démocraties populaires adoptent le modèle soviétique (encadrement de la société par le parti communiste qui monopolise le pouvoir, culte de la personnalité de son chef, collectivisation de l'économie et adoption du modèle de développement soviétique). Pour éviter que d'autres pays n'imitent l'exemple de Tito, soucieux de construire un "socialisme national" et de mener une politique indépendante par rapport à Moscou, Staline engage d'importantes purges au sein des partis communistes des différentes démocraties populaires afin de placer des hommes fidèles et d'éliminer tous ceux qu'il soupçonne de "titisme". 1945 Octobre : Novembre : 1946 Mai : Novembre : 1947 Janvier : Janvier : Juin : Août : Septembre : 1948 Mars : Juin : en Tchécoslovaquie, le gouvernement d'union nationale, dirigé par un socialiste, comporte sept ministres communistes. en Yougoslavie, les élections assurent un triomphe au Front national de Tito, auréolé de son rôle dans la résistance à l'occupant nazi (96 % des suffrages exprimés). en Tchécoslovaquie, victoire des communistes aux élections. Un nouveau gouvernement de coalition est mis en place, dirigé par le communiste Gottwald. en Roumanie, les élections donnent la victoire au Front national démocratique. Au sein du nouveau gouvernement, les communistes s'assurent la plupart des postes clés et s'emploient dans les mois qui suivent à éliminer leurs alliés socialistes et à réprimer toute opposition. Le Roi Michel sera contraint à l'exil l'année suivante. en Pologne : victoire aux élections du bloc démocratique, rassemblant les communistes et leurs alliés (parti socialiste et parti démocratique). Le gouvernement est composé de communistes (Gomulka) et de socialistes (Cyrankiewicz). en Yougoslavie, Tito décide de lancer un important plan d'industrialisation ne respectant pas totalement les principes de Moscou (collectivisation des terres agricoles limitée aux seules petites exploitations). Staline fait pression sur plusieurs pays d'Europe de l'Est (Pologne, Tchécoslovaquie) pour qu'ils refusent l'aide américaine proposée dans le cadre du plan Marshall. en Hongrie, l'union des forces de gauche (socialistes + communistes) remportent les élections législatives (60 % des voix). Les communistes s'assurent les ministères clés (Intérieur notamment). création du Kominform qui se propose de coordonner l'action des partis communistes en Europe. L'objectif est de renforcer le contrôle de l'Union soviétique sur les partis communistes au moment où l'influence américaine (plan Marshall et doctrine Truman) s'impose en Europe de l'Ouest. "coup de Prague" en Tchécoslovaquie. Des manifestations populaires contraignent le président Bénès à confier à Gottwald un gouvernement formé uniquement de communistes. La Tchécoslovaquie devient à son tour une démocratie populaire et décide de suivre la ligne stalinienne (planification et collectivisation économique, lutte contre l'Eglise, répression de l'opposition...). rupture entre Tito et Staline. La Yougoslavie de Tito est exclue du Kominform. Cette expulsion est à l'origine d'une première grande crise au sein du bloc soviétique. Tito affirme le droit pour chaque pays communiste de maintenir sa pleine souveraineté et de choisir sa propre voie vers le socialisme. Staline décident de réprimer dans l'ensemble des pays communistes les tendances nationalistes, poursuivies sous le nom de "titisme". 2 Septembre : 1949 Janvier : Août : Octobre : Octobre : Novembre : 1950 Juin : en Pologne, Gomulka, qui refusait de se plier aux injonctions de Moscou, est exclu de son poste de secrétaire général du parti communiste. création du CAEM ou (COMECON) qui renforce les liens économiques entre les démocraties populaires et l'URSS. Le CAEM permet en fait un véritable pillage des pays de l'Europe de l'Est au profit de l'économie soviétique. arrivé au pouvoir en Hongrie du stalinien Rakosi, dont le programme est celui d'un strict alignement sur l'URSS (adoption du premier plan quinquennal, lutte contre l'Eglise et nationalisation des biens du clergé, épuration du parti…). procès et exécution en Hongrie de Rajk, accusé de trahison et de "titisme". en Allemagne, la zone d'occupation soviétique (Allemagne de l'Est) devient la République démocratique allemande (RDA). Le pouvoir est exercé par le SED (parti socialiste uni d'Allemagne) inféodé à Moscou. la nomination au poste de ministre de la Défense du maréchal russe d'origine polonaise Rokossovski marque l'alignement strict de la Pologne sur l'Union soviétique. Le gouvernement polonais entreprend une importante lutte contre l'Eglise catholique, dont l'influence a toujours été grande dans le pays (écoles, biens ecclésiastiques et hôpitaux religieux nationalisés, des centaines de prêtres arrêtés). Sur le plan économique, l'adoption du premier plan quinquennal polonais (1950-1955) donne une priorité absolue à l'industrie lourde au détriment du secteur agricole et des biens de consommation. mise en place en Yougoslavie du système "d'autogestion" laissant aux entreprises une autonomie importante par rapport à l'Etat (ce sont des conseils ouvriers autonomes qui prennent les principales décisions concernant l'activité de l'entreprise). Ce système apparaît comme l'un des symboles du socialisme yougoslave. 1951 arrestation et procès du dirigeant communiste polonais Gomulka. 1952 Novembre : en Tchécoslovaquie: procès et exécution de l'ancien secrétaire général du parti communiste Slansky, accusé de trahison. En RDA, début de la collectivisation des campagnes sur le modèle soviétique. Arrivée au pouvoir en Roumanie de Georghiu Dej, qui adopte une ligne stalinienne et exerce une importante épuration au sein du parti communiste roumain. Les effets limités de la déstalinisation (1953-1964) La mort de Staline ouvre une ère nouvelle et les espoirs d'une ouverture pour les pays d'Europe de l'Est. Dans le cadre de la rupture avec la politique de son prédécesseur (déstalinisation), Khrouchtchev autorise aux démocraties populaires la "diversité des voies d'accès vers le socialisme". Cette politique, si elle accepte des réformes économiques, interdit toutefois toute sortie du bloc soviétique (écrasement de l'insurrection de Budapest en 1956, le dirigeant hongrois Imre Nagy ayant déclaré qu'il souhaitait faire sortir la Hongrie du pacte de Varsovie). 1953 Mars : Juin : Juillet : Septembre : 1955 Mai : Mai : mort de Staline. pour protester contre le manque de logements et la pénurie alimentaire, d'importantes grèves éclatent en RDA, notamment à Berlin-Est. Elles sont écrasées par l'intervention des chars soviétiques. en Hongrie, Rakosi est remplacé à la présidence du Conseil par Imre Nagy, qui décide d'adopter des réformes, notamment sur le plan économique (arrêt de la collectivisation agraire) et proclame une amnistie générale. en Pologne, le cardinal Wyszynski est interné dans un monastère. voyage de Khrouchtchev à Belgrade, marquant une tentative de réconciliation avec Tito (rétablissement de relations commerciales entre les deux pays). pacte de Varsovie : alliance militaire entre Moscou et les démocraties populaires. 3 1956 Février : Juin : Octobre : Octobre : 1961 Août : au XXème congrès du PCUS, Khrouchtchev lance la déstalinisation et conseille aux pays frères de privilégier les directions collégiales, au détriment du culte de la personnalité et de mieux adapter les politiques économiques aux réalités des pays. Quelques mois plus tard, le Kominform est dissous. une grève spectaculaire a lieu à Poznan (Pologne) où 50 000 ouvriers manifestent en réclamant l'amélioration de leur niveau de vie, des élections libres et le départ des troupes soviétiques. pour calmer le mécontentement croissant en Pologne, Khrouchtchev accepte le retour de Gomulka comme chef du gouvernement polonais, qui adopte rapidement un programme de réformes sur le plan économique (abandon des collectivisation forcée et dissolution des coopératives agricoles). d'importantes manifestations éclatent en Hongrie à Budapest et favorise le retour au pouvoir d'Imre Nagy. Nagy forme un gouvernement de coalition et annonce que la Hongrie se retirerait du pacte de Varsovie. Cette décision entraîne l'intervention des troupes soviétiques à Budapest et une répression très sévère contre les insurgés hongrois (25 000 morts). Imre Nagy est arrêté (il sera exécuté en 1958) et un nouveau gouvernement dirigé par Kadar, fidèle à Moscou, est mis en place. Soucieux d'éviter un affrontement avec l'URSS, les Etats-Unis, sollicités par Nagy, ont refusé d'intervenir. construction du mur de Berlin pour mettre fin à l'hémorragie des allemands de l'Est prenant la fuite vers l'Ouest. 1963 L'adoption d'une planification plus décentralisée permet l'essor industriel de la RDA, qui devient l'Etat le plus puissant sur le plan industriel de l'ensemble du bloc soviétique. Cependant, la priorité est donnée aux besoins de l'exportation (principalement vers les autres pays du COMECON) plutôt qu'aux biens de consommation. Aussi, le niveau de vie des allemands de l'Est reste très inférieur à celui des allemands de l'Ouest. Atonie et immobilisme des démocraties populaires sous l'ère Brejnev (1964-1985) Le successeur de Khrouchtchev, Brejnev, fait sienne la doctrine de la "souveraineté limitée" concernant les démocraties populaires : Moscou acceptent des réformes uniquement dans la sphère économique mais s'opposent à toutes réformes politiques, notamment dans le sens d'une libéralisation. L'intervention des troupes soviétiques en Tchécoslovaquie pour mettre fin au Printemps de Prague (1968) et à la tentative de Dubcek de construire un socialisme à visage humain est une parfaite illustration de cette doctrine. Ne pouvant réformer dans sa globalité le système communiste, les démocraties populaires s'enfoncent alors dans la stagnation politique et une profonde crise économique, sociale et morale. Une importante opposition se développe dans le même temps au sein de la société civile, notamment dans les milieux ouvriers, étudiants, intellectuels, mais aussi au sein des Eglises (catholiques et évangéliques). En Pologne par exemple, le syndicat Solidarnosc déstabilise le régime au début des années 1980. Mais les pouvoirs en place répondent par un renforcement important de la répression. 1964 Octobre : Khrouchtchev est relevé de ses fonctions. Son successeur, Brejnev, adopte la doctrine de la "souveraineté limitée", autorisant l'adoption de réformes économiques mais s'opposant à toute rupture de l'alliance avec l'URSS et toutes réformes politiques d'envergure. 1965 Nicolae Ceausescu devient premier secrétaire du parti en Roumanie. Il n'hésitera pas à s'opposer à plusieurs reprises à Moscou, s'orientant vers un communisme national. Tout en maintenant à l'intérieur une stricte orthodoxie, il ne craint pas de manifester une certaine indépendance concernant sa politique étrangère. 1968 Janvier : Janvier : adoption en Hongrie d'un vaste programme de réformes économiques, assouplissant la planification et libéralisant certains secteurs. Ces réformes avaient pour objectif d'introduire un "communisme de prospérité". Elles remportèrent certains succès (amélioration du niveau de vie) et la Hongrie sera qualifiée dans les années 1970 de la "baraque la plus gaie du camp socialiste". arrivé au pouvoir en Tchécoslovaquie d'Alexandre Dubcek qui décide d'adopter un important programme de réformes (suppression de la censure, réhabilitation des victimes de la période stalinienne, attitude plus libérale à l'égard de l'Eglise, réformes économiques…). Le "Printemps de Prague" et l'objectif de construire un "socialisme à visage humain" suscitent une grande vague d'enthousiasme dans le pays. 4 Août : 1969 Janvier : craignant que l'exemple tchécoslovaque ne contamine rapidement toutes les autres démocraties populaires, Moscou décide de faire intervenir l'armée rouge et les troupes du pacte de Varsovie à Prague. La Tchécoslovaquie est occupée militairement pendant plusieurs mois par les soviétiques, ce qui empêche tout processus de réformes et déclenche un processus de "normalisation". en Tchécoslovaquie, l'intervention soviétique suscite une importante hostilité et différentes formes de résistance passive : ex. suicide par le feu de l'étudiant Jan Palach. Une importante répression éliminent du parti communiste tchécoslovaque les anciens collaborateurs de Dubcek. 1975 Août : 1977 Janvier : 1978 Octobre : 1980 Mai : Août : 1981 Septembre : Décembre : Naissance en Pologne du Comité de soutien aux travailleurs victimes de la violence (KOR). signature de l'acte d'Helsinki. La conférence d'Helsinki a réuni tous les pays d'Europe (à l'exception de l'Albanie) ainsi que le Canada et l'URSS. Elle consacre la politique de détente et pose les principes de l'égalité et de la souveraineté des Etats, du non recours à la force et de la non intervention dans les affaires intérieures, du respect des libertés fondamentales. Elle marque un espoir d'ouverture pour les démocraties populaires vivant sous le joug soviétique. 242 Tchécoslovaques rendent public un manifeste intitulé Charte 77 dans lequel ils exigent le respect des droits de l'Homme et demandent l'ouverture d'un dialogue constructif avec les autorités communistes. élection d'un pape polonais, ancien archevêque de Cracovie (Jean-Paul II). Dès son premier voyage en Pologne (juin 1979), Jean-Paul II adopte une attitude critique à l'égard du communisme. mort de Tito. à Gdansk (Pologne), 17 000 ouvriers des chantiers navals débrayent pour protester contre les difficultés de la vie quotidienne et la hausse des prix. Animé par un ouvrier en électricité jusque-là inconnu, Lech Walesa, un nouveau syndicat indépendant se constitue lors des grèves de Gdansk, prenant le nom de Solidarnosc (Solidarité). alors que la situation politique s'enlise en Pologne (montée de la contestation incarnée par Solidarnosc), Moscou demande à Varsovie de prendre des mesures contre les "manifestations antisoviétiques". le nouveau chef du gouvernement polonais, le général Jaruzelski, proclame l'état de guerre : plus de 100 000 personnes sont arrêtées (dont Lech Walesa), Solidarnosc est interdit. L'état de guerre ne sera levé qu'en juillet 1983 (Walesa libéré en novembre 1982). 1982 le pasteur est-allemand lance la maxime qui allait guider le mouvement pacifiste entre les deux Allemagnes au long des années quatre-vingt : "créer la paix sans les armes"). Un mouvement pacifiste important se développe en RDA, animé par les Eglises catholiques et évangéliques. L'effondrement du bloc soviétique et la fin des démocraties populaires (1985-1991) La glasnost et la perestroïka prônée par Gorbatchev, l'affirmation que Moscou n'interviendrait plus militairement dans les pays d'Europe de l'Est va précipiter l'effondrement des démocraties populaires. Tel des dominos, les régimes communistes vont s'effondrer en quelques mois. Les révolutions se font le plus souvent de manière pacifique (chute du mur de Berlin en Allemagne, révolution de Velours en Tchécoslovaquie) mais peuvent également être plus violente (Roumanie, guerre civile en ex Yougoslavie). Les pays d'Europe de l'Est entrent alors dans une difficile période de transition vers la démocratie libérale et l'économie de marché. 1985 Mars : arrivée au pouvoir en URSS de Gorbatchev. 1987 Gorbatchev annonce que l'URSS n'interviendra plus militairement en Europe de l'Est. 1989 5 Avril: Juin : Juin : Octobre : Novembre : Novembre : Décembre : 1990 Janvier : Avril : Octobre : Décembre : en Pologne, le syndicat Solidarnosc, contraint à la clandestinité depuis 1981, est à nouveau reconnu par le gouvernement. en Pologne, aux élections législatives : victoire des non communistes. Le nouveau gouvernement adopte un ambitieux plan de transition vers l'économie de marché. en Hongrie, la mémoire d'Imre Nagy et des insurgés de 1956 est réhabilitée lors d'une cérémonie à Budapest. le gouvernement communiste hongrois décide de s'auto dissoudre. la Hongrie cesse d'être une démocratie populaire. d'importantes manifestations ont lieu en Tchécoslovaquie, qui forcent les communistes à quitter le pouvoir ("Révolution de velours"). Vaclav Havel est élu en décembre chef de l'Etat. d'importantes manifestations populaires à Berlin entraînent la chute du mur de Berlin et l'ouverture de la frontière avec la RFA. L'ensemble du gouvernement de la RDA démissionne. révolution roumaine : arrestation et exécution de Ceausescu et de son épouse. instauration par Belgrade du pluralisme politique pour l'Etat fédéral Yougoslave. Des élections ont lieu au cours de l'année dans l'ensemble de la fédération Yougoslave. Alors qu'en Slovénie, en Croatie, en Bosnie Herzégovine et en Macédoine les communistes étaient défaits par des partis nationalistes, ils se maintenaient au pouvoir en Serbie, qui se pose rapidement en gardien de la Yougoslavie et montre sa détermination à s'opposer à toutes scissions. élections libres en Hongrie. Victoire de l'opposition non communiste. réunification allemande. Lech Walesa remporte les élections présidentielles en Pologne.