Joseph Pilsudski, l’homme fort de la Pologne de l’entre-deux-guerres. 1867 : il nait à Zulow, dans une vieille famille de noblesse lituano- polonaise, en Lituanie alors territoire de l’empire russe. Il est membre du parti socialiste polonais clandestin mais refuse la théorie de la révolution et défend le droit de la Pologne, alors partagée entre l’Allemagne l’Autriche-Hongrie et la Russie, à devenir indépendante. Octobre 1914 : il dirige troupes polonaises qui y sont intégrées à l’armée austro-hongroise. Il transforme cette première brigade ensuite en Légions polonaises et refuse d’autorité germanique ce qui lui vaut un emprisonnement. 1918 : il est investi des pleins pouvoirs dans la nouvelle Pologne et remporte la victoire du « Miracle de la Vistule » contre les troupes l’Armée rouge qui tentent alors d’envahir la Pologne. Il assume ensuite les fonctions de Président de la République. Mars 1921 : promulgation de la nouvelle constitution : l’institut un pouvoir exécutif et un gouvernement faible sous le pouvoir d’une assemblée (Sejm) omnipotente et divisée par de profondes rivalités personnelles. Décembre 1922 : Pilsudski quitte ses fonctions le chef de l’État à la suite de l’élection d’un nouveau Président de la République par le Sejm (sorte d’Assemblée nationale). Face à la montée en puissance des nationaux démocrates de son ennemi politique Dmowski, il décide de se retirer. 12 mai1926 : Pilsudski reprend le pouvoir par un coup d’état avec le soutien de toute la gauche y compris des communistes. Sa décision a été motivée par deux impératifs : Conjurer le désordre intérieur (assassinat du président). Prévenir le risque d’encerclement de la Pologne suite au traité germano-soviétique de 1926. Il est alors élu président de la république par le Parlement mais démissionne rapidement et se contente d’un poste de ministre de la guerre et de chef des armées, il reste en réalité le vrai maître de la Pologne pendant neuf ans jusqu’à sa mort en 1935. Il craint la montée des totalitarismes sur le continent, le stalinisme puis le nazisme, conscient que la Pologne ne fera pas le poids entre ces deux adversaires. Il cherche par tous les moyens à obtenir l’appui des démocraties occidentales et surtout de la France afin de garantir l’indépendance de son pays. La grande vision de Pilsudski est la création d’une grande fédération d’états indépendants à l’est de l’Europe avec deux objectifs : Servir de cordon sanitaire en isolant la Russie bolchevique, future URSS. Séparer la Russie de l’Allemagne. A ce projet, il apporte la crédibilité de sa victoire face à l’Armée rouge en 1920 devant Varsovie : le « miracle de la Vistule ». Si par tradition sa crainte vis-à-vis de la Russie est plus forte, il est conscient, dès les années 1920 avec la république de Weimar, de la montée grandissante du danger allemand : en 1925, lors du traité de Locarno dans lequel l’Allemagne reconnaît ses frontières occidentales mais non orientales, Pilsudski avertit la France du danger : non seulement les frontières polonaises ne sont pas garanties par l’Allemagne mais en cas d’agression allemande, les démocraties occidentales pourront être immobilisées par ce traité qui les empêchera de porter secours à la Pologne. En 1933, Pilsudski propose à la France une « guerre préventive » contre Hitler. Paris refuse de transformer l’alliance militaire défensive franco-polonaise en alliance offensive. Surtout, Paris ne veut pas se brouiller avec Londres qui dans les relations internationales se base sur une volonté d’éviter toute tension trop forte même au prix de concessions majeures : politique d’appeasement. Ainsi, en 1934, au ministre des affaires étrangères français, Louis Barthou, qui garantit que la France ne cédera pas un pouce à l’Allemagne, il répond « Mais si, mais si autrement vous ne seriez pas vous-même. Vous, M., peut-être ne voudrez-vous pas reculer. Mais alors, ou bien vous démissionnerez, ou vous serez renversé à l’Assemblée.». Il restera finalement fidèle à l’alliance française, la seule valable pour les intérêts de son pays. Toutefois, il semble convaincu qu’en cas de guerre majeure entre la France et l’Allemagne, la France ne pourra pas en sortir victorieuse. La vision que l’on a de ce personnage est toutefois brouillée par la propagande du régime communiste polonais qui domina le pays de 1945 à 1989, cherchant à discréditer l’action de Pilsudski le qualifiant de « dictateur » et de « fasciste ». « dictateur » : acteur de l’indépendance de son pays, il va combattre dès 1922-1923 l’action du Sejm et devient très vite convaincu que la nouvelle démocratie polonaise se fourvoie et que le nouvel État si durement recréé risque de s’effondrer et d’être une proie facile pour ses adversaires en particulier les Soviétiques. Avec son coup d’état, il maintient la séparation des pouvoirs, le pluralisme (excepté pour les partis fascistes et communistes) et les libertés publiques. Néanmoins, en 1934, à la suite d’une série d’attentats, il crée un camp d’isolement où sont retenus prisonniers, les terroristes et militants actifs fascistes et communistes. En réalité, Pilsudski redoute l’infiltration de son pays par les réseaux nazis et par ceux du NKVD. Malgré des excès et la tenue de procès politiques, il n’y eut pas de victime pendant l’ouverture du camp. Les communistes polonais en détention lui doivent leur vie ; la plupart d’entre eux auraient été sans doute condamnés lors des Grands Procès de Moscou s’ils s’étaient réfugiés en URSS. Pilsudski se veut le garant de la démocratie tout en favorisant un renforcement du pouvoir exécutif. Il n’entérinera la révision constitutionnelle en 1935 qu’ à la veille de sa mort et à contre cœur tout en pensant qu’un pouvoir présidentiel assez autoritaire était la meilleure garantie de survie du pays. Elle permettra la survie d’un gouvernement en exil jusqu’à la chute du communisme et au retour de la démocratie en 1989. « fasciste » il s’agit d’une déformation de la propagande du régime communiste polonais (1945-89). L’historien Jean Touchard fait un parallèle avec le général de Gaulle : même vision stratégique internationale et même attachement à l’indépendance de leur pays. Ils sont tous les deux intervenus de manière décisive dans un temps où leur pays courrait un danger mortel et ont lutté contre les totalitarismes. Adulés par certains, honnis par d’autres, ils inspirent cependant le respect. Depuis la chute du communisme, la mémoire de Pilsudski est revendiquée et célébrée, les jeunes générations polonaises redécouvrent le vrai visage de cet homme débarrassé des accusations de la propagande communiste.