Prof. Joerg Huelsken, Dr rer. nat. Lauréat du Prix Robert Wenner 2012 Activité de recherche Au cours de ces dernières années, la compréhension de la biologie du cancer a connu une évolution radicale. Alors que l’on supposait que les tumeurs constituaient un groupe de cellules similaires en prolifération constante, on sait aujourd’hui que le tissu tumoral se compose de divers types cellulaires ayant des fonctions et des potentiels différents, et que ces cellules ont une organisation hiérarchique. S’agissant de divers types de tumeurs (leucémies, tumeurs du cerveau, cancers du sein, de l’intestin, de la prostate et cancers cutanés, notamment), on sait désormais que seule une petite partie des cellules cancéreuses ont la capacité de maintenir la croissance tumorale sur une période prolongée, tandis que la plupart des cellules cancéreuses ne disposent que d’une durée de vie limitée. Ces cellules dites «cellules souches cancéreuses» sont souvent responsables de résistances thérapeutiques et de récidives. Et cela en fait des objectifs primordiaux pour le développement de nouveaux traitements anticancéreux. Les cellules souches tumorales – point de mire de la recherche contre le cancer Voici quelques années, Joerg Huelsken et son équipe de chercheurs sont parvenus à identifier pour la première fois ce type de cellules souches cancéreuses dans des tumeurs cutanées de souris. Le développement des différents types de cellules tumorales à partir des cellules souches cancéreuses est piloté par des mécanismes complexes de signaux entre les cellules souches tumorales et les cellules situées dans leur environnement immédiat – phénomène que l’on appelle la «niche». Selon la découverte des scientifiques, une certaine voie de signalisation s’est avérée particulièrement importante pour le maintien des cellules souches cancéreuses dans les tumeurs cutanées, à savoir la voie de signalisation dite «Wnt». Si les chercheurs bloquaient un élément primordial de la cascade de signaux Wnt – la -caténine – dans les modèles animaux, Il était possible de prévenir l’apparition d’une tumeur chez les souris, voire de détruire totalement les tumeurs existantes [1]. Se basant sur ces connaissances, l’objectif est de développer de nouveaux médicaments, dirigés spécifiquement contre les cellules souches cancéreuses ou contre les signaux stimulant leur croissance. Car les traitements anticancéreux classiques ciblent fréquemment les cellules tumorales qui se multiplient rapidement – et ne détruisent donc pas les cellules souches cancéreuses à croissance souvent lente. C’est pourquoi, dans de nombreux cas, une diminution initiale rapide de la taille de la tumeur est suivie d’une rechute agressive, provoquée par les cellules souches cancéreuses qui sont restées à l’abri du traitement. Empêcher les métastases cancéreuses: l’objectif à long terme Un second axe de recherche de Joerg Huelsken et de son équipe porte sur la question de savoir comment les cellules cancéreuses réussissent à se détacher de leur organe originel et à former des métastases dans un autre organe pour coloniser le tissu sain. De fait, les métastases constituent l’un des défis majeurs à relever en cancérologie, car elles sont responsables de plus de 80 % des décès dus au cancer. Et, là encore, les cellules souches cancéreuses semblent jouer un rôle important. Bien que la formation de métastases puisse déjà intervenir précocement dans le développement de la tumeur, seules quelques-unes des cellules cancéreuses qui ont migré parviennent à s’implanter et à se multiplier sur le nouveau site. Or, les cellules souches cancéreuses semblent être les seules à avoir cette capacité, et cela uniquement lorsqu’elles parviennent dans un environnement qui favorise cette prolifération. La responsabilité en incombe ici encore à la communication des cellules cancéreuses avec leur microenvironnement local, via des signaux moléculaires. Les cellules cancéreuses disposent de substances médiatrices qui modifient les cellules normales de l’organisme dans le nouvel environnement et qui les mettent à leur service pour leur propre survie. Ainsi des cellules du microenvironnement se mettent à produire la périostine – protéine qui recrute un ligand de la voie de signalisation Wnt et qui soutient la croissance des cellules souches cancéreuses sur le nouveau site. Lorsque Joerg Huelsken et ses collaborateurs ont bloqué la périostine via un anticorps ou via des procédés de génie génétique, les cellules souches cancéreuses ont été incapables de créer un nouveau foyer cancéreux. Bien plus, les cellules cancéreuses ont disparu au bout de quelques jours ou sont restées à un stade inactif [2]. Cet anticorps est actuellement testé chez la souris et devrait – pour autant que ces expérimentations soient couronnées de succès – être utilisé ultérieurement dans le cadre d’études menées chez des patientes atteintes d’un cancer du sein. Si l’on réussissait à bloquer ainsi la formation de métastases chez l’être humain, cela pourrait signifier un nouveau tournant dans le traitement du cancer. Bibliographie 1. I. Malanchi, H. Peinado, D. Kassen, T. Hussenet, D. Metzger, P. Chambon, M. Huber, D. Hohl, A. Cano, W. Birchmeier and J. Huelsken, Cutaneous cancer stem cell maintenance is dependent on beta-catenin signalling., Nature, 2008, 452, 650-653. 2. I. Malanchi, A. Santamaria-Martínez, E. Susanto, H. Peng, H.-A. Lehr, J.-F. Delaloye and J. Huelsken, Interactions between cancer stem cells and their niche govern metastatic colonization, Nature, 2011, 481, 85-89. Données personnelles Joerg Huelsken naît en 1968 à Oberhausen (Allemagne). De 1988 à 1993, il accomplit ses études de biologie à l’Université de la Ruhr (Bochum) et à la Clinique universitaire d’Essen. Après avoir obtenu son doctorat en biologie moléculaire en 1998 à l’Université Humboldt de Berlin, il fait de la recherche pendant quatre ans au Centre berlinois Max-Delbrück de médecine moléculaire, dans le laboratoire du Prof. Walter Birchmeier. En janvier 2003, son chemin le mène en Suisse, à Epalinges, à l’Institut suisse de recherche expérimentale sur le cancer (ISREC), où il travaille d’abord comme responsable de projet dans le cadre du pôle de recherche national (PRN) «Oncologie moléculaire». En septembre 2005, il est nommé professeur assistant à l’EPFL. Depuis 2008, il dispose de la chaire «Signal Transduction in Oncogenesis», sponsorisée par la société Debiopharm. Il a été nommé l’an dernier professeur extraordinaire à l’EPFL et dirige à l’ISREC le laboratoire d’étude des cellules souches cancéreuses. Joerg Huelsken a reçu plusieurs prix de la recherche et intervient comme expert auprès de diverses revues scientifiques. Les travaux de recherche qu’il a menés jusqu’ici ont contribué de manière déterminante à la compréhension de la manière dont les cellules cancéreuses colonisent les tissus étrangers et forment des métastases. Le fait de recourir aux méthodes de recherche les plus modernes tout en se concentrant clairement sur la solution des problèmes a conduit Joerg Huelsken à présenter de nombreuses publications dans les revues les plus renommées de la recherche sur le cancer, preuve éclatante de son travail scientifique de très haut niveau. Le jeune et très prometteur scientifique vit avec sa famille à Denges, près de Lausanne. Coordonnées Prof. Dr rer. nat. Joerg Huelsken Cancer Stem Cell Laboratory Institut suisse de recherche expérimentale sur le cancer (ISREC) Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) CH-1015 Lausanne Tél.: +41 (0)21 693 07 52 [email protected] http://huelsken-lab.epfl.ch