La Supernova de Kepler a 400 ans - CPPM

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Dossier de presse
La Supernova de Kepler a 400 ans !
Supernova de Kepler en rayons X, ©Chandra
Le 8 octobre 2004… 400 ans de la Supernova de Kepler !
La supernova dite « de Kepler », du nom de l’astronome allemand Johannes
Kepler, a eu 400 ans le 8 octobre ! C’est la dernière Supernova observée dans
Notre Galaxie, la Voie Lactée. Les supernovae sont des explosions d’étoiles en fin
de vie et sont parmi les objets les plus lumineux dans l’Univers, avec les sursauts
gammas.
Les restes de la Supernova de Kepler sont observés à
une distance d’environ 20000 années lumière
.
Max Planck Institute
Si aujourd’hui, l’Univers n’est plus considéré comme immuable et statique, nous le
devons en grande partie à l’observation des supernovae (SN).
Depuis, des milliers de supernovae ont été observées. Objets célestes très
riches en information, ils permettent notamment de mesurer les distances dans
l’Univers. Des observations récentes indiqueraient que notre Univers est en
expansion accélérée. La théorie de la relativité d’Einstein rend compte de ce
résultat s’il existe une nouvelle forme d’énergie appelée « énergie noire ».
Un programme ambitieux de détection se met en œuvre pour confirmer et
comprendre cette avancée majeure. Il est notamment basé sur l’étude de
supernovae, à l’aide de télescopes au sol ou embarqués, à laquelle participent des
équipes marseillaises (Centre de physique des particules de Marseille et
Laboratoire d’astrophysique de Marseille).
2
La Supernova de Kepler a 400 ans !
Sommaire
Les contributions de Tycho Brahé et Johannes Kepler
4
Autres supernovae historiques
7
Étude des supernovae
8
Les supernovae et la cosmologie
11
Observations modernes et énergie noire
14
3
Les contributions de Tycho Brahé et Johannes Kepler
Il est difficile de dissocier les contributions de Kepler de celles de Tycho Brahé, l’astronome
danois qui a construit le plus grand observatoire de son époque. Ce qui est étonnant c’est que
chacun d’eux a eu droit à sa supernova galactique alors que nous attendons la suivante depuis
400 ans !
Tycho Brahé (1546-1601)
La contribution de Tycho Brahé à l’astronomie est énorme. Il a bouleversé la pratique
observationnelle. Non seulement il a dessiné et construit des instruments, mais il les ajustait et
vérifiait leur précision régulièrement. Avant lui, les astronomes observaient les positions des
planètes et de la Lune à certains points de leurs orbites (opposition, quadrature, station).
L’équipe de Tycho Brahé observent l’orbite complète avec une précision qui permet à Kepler
de mettre en évidence la trajectoire elliptique des planètes. Tycho Brahé est aussi le premier
astronome à corriger de la réfraction atmosphérique, améliorant la précision des mesures de
15 arc-minutes à moins de 2 arc- minutes !
Les observations de la « nouvelle étoile » de 1572 et de la comète de 1577 ont établi de
manière précise que ces corps étaient au-delà de la Lune, réfutant ainsi la théorie
aristotélicienne que la sphère céleste était immuable. Désormais, le ciel peut changer aussi et
la division aristotélicienne entre les régions du Ciel et de la Terre est une théorie qui ne
tiendra plus longtemps (cf par exemple le Dialogue de Galilée).
La SN de 1572, à environ 16000 années lumière dans la
constellation Cassiopée, est appelée SN de Tycho. Ci-dessous,
l’image en rayons X du satellite Rosat des restes gazeux de cette
SN dont les émissions optiques sont faibles.
Steven L. Snowden, NASA/GSFC/USRA
4
Si les comètes sont dans le ciel, elles bougent aussi dans le ciel. Jusque- là, la croyance était
que les planètes étaient portées par des sphères matérielles. Les observations de Tycho Brahé
montrent que cet arrangement n’est pas possible parce que les comètes traversent ces sphères.
La théorie des sphères célestes s’évanouit entre 1575 et 1625.
La dichotomie entre le monde sublunaire corrompu et changeant, et le ciel parfait et immuable
disparaît ; les esprits peuvent mieux accepter le modèle d’un arrangement héliocentrique des
planètes, proposé par Nicolas Copernic dès 1543. Cependant Tycho Brahé n’était pas
Copernicien, il a cherché de nombreuses raisons pour ne pas accepter la théorie
héliocentrique, en partie, pour ne pas abandonner le concept aristotélicien d’une notion
absolue de la position. Les corps célestes tombent vers leur place naturelle, la Terre, qui est le
centre de l’Univers. Si la Terre n’ est pas le centre de l’Univers, alors la physique connue de
l’époque, ne peut tenir. Tycho Brahé a essayé de combiner les deux modèles et sa version de
l’Univers connut son heure de gloire auprès de tous ceux qui, à l’époque, ne pouvaient
accepter l’alternative copernicienne.
L’Univers selon Tycho Brahé : le Soleil et la Lune tournent
autour de la Terre, mais Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne
tournent autour du Soleil. La comète de 1577 est située sur une
trajectoire circulaire entre Vénus et Mars.
Johannes Kepler (1571-1630)
Dessin par Kepler de position de la supernova 1604
(N) dans la Constellation Ophiocus le Serpentaire
5
Les talents de mathématicien de Kepler lui valurent d’être invité par Tycho Brahé, à travailler
avec lui et calculer les nouvelles orbites des planètes. Kepler est resté l’assistant de Tycho
Brahé jusqu’à la mort de ce dernier en 1601 et l’a remplacé dans ses fonctions de
« Mathématicien Impérial » à la cour autrichienne de l’empereur Rudolph II. Kepler disait
qu’il était devenu « copernicien » pour des raisons de physique, ou si vous préférez, « des
raisons métaphysiques ». Un de ses maîtres à l’Université, Michael Maestlin, fut un des
premiers astronomes à adhérer à la théorie héliocentrique de Copernic.
En 1604, il publie Astronomia pars Optica ("La partie Optique de l’Astronomie ") qui traite
de la réfraction atmosphérique, des lentilles et présente la première explication moderne du
fonctionnement de l’oeil humain.
Suit en 1606, De Stella Nova ("À propos de la Nouvelle Étoile") sur la nouvelle étoile
apparue en 1604, la célèbre Supernova qui porte son nom !
En 1609, Astronomia Nova ("Nouvelle Astronomie") contient les 2 premières lois dites de
Kepler :
1- les planètes ont des trajectoires elliptiques dont le soleil est un des foyers
2- la surface balayée par une planète est la mê me pour un même intervalle de temps.
Alors que les autres astronomes considèrent encore l’étude des planètes comme un problème
de cinématique, Kepler choisit une approche dynamique et introduit ainsi la physique dans
l’étude du ciel ! Nous passons de l’astronomie à l’astrophysique !
En 1610, Kepler entend parler des découvertes de Galilée, et publie rapidement une lettre de
soutien Dissertatio cum Nuncio Sidereo ("Conversation avec le Messager Sidéral"), et lorqu’il
peut disposer d’un télescope, ses observations sur les satellites de Jupiter Narratio de
Observatis Quatuor Jovis Satellitibus ("Narration sur quatre satellites observées de Jupiter")
apportent des éléments observationnelles renforçant la théorie de Galilée.
Kepler publie en 1611, Dioptrice, un début de théorie sur le fonctionnement des télescopes,
entre 1617 et 1621, Epitome Astronomiae Copernicanae ("Epitome de l’Astronomie
Copernicienne"), une introduction à l’astronomie héliocentrique, et en 1619, Harmoniae
Mundi ("Harmonie du Monde "), dans lequel il présente les distances héliocentriques des
planètes et leurs périodes à partir de considérations sur l’Harmonie musicale. C’est là qu’il
formule sa 3ème loi, reliant les périodes des planètes à leur rayon orbital moyen.
Tabulae Rudolphinae ("Tables Rudolphines") paraît en 1627 ; c’est une compilation basée sur
les observations précises de Tycho Brahé, avec les trajectoires calculées par Kepler.
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Autres supernovae historiques
Les astronomes attendent à peu près 1 explosion par siècle dans notre galaxie, mais le taux
réel varie. Historiquement, les archives chinoises indiquent des SN en 185, 386 et 393, 1006,
1054,1181, 1572 et la dernière, celle de1604. Aucune autre Supernova n’a été observée dans
notre Galaxie depuis 400 ans !
La SN de 1054, « étoile hôte » dans la constellation du Taureau, à l’origine de la
Nébuleuse du Crabe, bien que distante de 7000 années lumière, a été plus brillante que Vénus,
et visible en plein jour pendant 3 semaines. Les archives japonaises, arabes et amérindiennes
en parlent, mais curieusement aucune archive européenne n’a été retrouvée.
Aujourd’hui encore, la nébuleuse du Crabe est très active, dans toutes les longueurs d’onde;
elle est observée des rayons gammas aux rayons X, en UV, optique, infrarouge et radio. Les
photos ci-dessous proviennent du Télescope Palomar au sol (à gauche) et du Télescope
Spatial Hubble (à droite).
La supernova 1987A
Elle ne se trouve pas dans notre Galaxie mais elle a été observée dans le Grand Nuage de
Magellan, une petite galaxie satellite de la Voie Lactée, et donc très proche de nous. Elle est
la première Supernovae visible à l’œil nu (dans l’hémisphère Sud) depuis la Supernova de
Kepler. Elle est aussi la première supernova dont l’émission en neutrinos a pu être observée,
par une nouvelle génération de télescope à neutrinos souterrains. Le neutrino est une particule
élémentaire, de très faible masse, cousin de l’électron, mais sans charge électrique (d’où son
nom de « petit neutre »). L’observation de cette supernova, continue depuis février 1987, a
permis de valider les grandes lignes du scénario d'explosion gravitationnelle.
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Deux images des restes de la SN1987A, prises par le Télescope
Spatial Hubble.
P.M.Garnavich (Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics) et NASA
L’anneau circumstellaire a probablement été formé par une perte de masse de l’étoile
génitrice avant l’explosion. L’anneau a un diamètre d’environ 1 année lumière et il brille
parce qu’il réfléchit la lumière émise par la SN. L’essentiel des rejets de la SN se trouve dans
les débris jaune-blanc près du centre des images. Leur vitesse d’expansion est de l’ordre
d’une dizaine de millions de kilomètres par heure et la taille actuelle est de l’ordre
d’un quart d’année lumière.
Étude des supernovae
Aujourd’hui, nous savons que ces « nouvelles étoiles », sont en fait des explosions d’étoiles
en fin de vie. C’est vers la fin du XIXème siècle, avec l'avènement de l'astronomie
extraga lactique, que l'on a commencé à comprendre la nature de ces objets. À la suite de
l'apparition d'une de ces étoiles dans la "nébuleuse" d'Andromède, découverte par l'astronome
allemand Ernst Hartwig le 31 août 1885 (et qui restera visible pendant 18 mois), on a
commencé à se poser la question sur la nature extragalactique de cette nébuleuse. Mais ce
n'est pas avant 1919 que l'astronome suédois Knut Lundmark suggéra que cette nébuleuse
était en fait un système stellaire en tout point semblable à la Voie Lactée. Il estima sa distance
à 700 000 années- lumière. Cela porte la luminosité de l'étoile d'Hartwig à 1000 fois la
luminosité d'une nova galactique normale.
En 1934, les astronomes Walter Baade et Fritz Zwicky réalisèrent que les « novae »
observées dans d'autres galaxies impliquent une échelle d'énergie tout autre que les « novae »
de notre Galaxie. Ils baptisèrent les premières "supernovae" et expliquèrent leur énergie
colossale par la libération d'énergie potentielle gravitationnelle lors d'un effondreme nt vers un
objet compact. Les novae, quant à elles, sont des cataclysmes qui ébranlent quelque peu des
étoiles (naines blanches) au sein de systèmes binaires, explosions thermonucléaires
superficielles ou réarrangements dans le disque d'accrétion, sans toutefois détruire l'étoile. Du
fait d'une brusque augmentation de luminosité, les novae ressemblent à l'apparition d'étoiles
nouvelles, d'où leur patronyme.
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Les supernovae sont rares à l'échelle d'une galaxie, une poignée par siècle, contrairement aux
novae qui sont beaucoup plus fréquentes. Zwicky a commencé à chercher des supernovae,
nécessairement extragalactiques, dès 1936, à l'aide d'un télescope de Schmidt dont l'avantage
est d'avoir un grand champ, et donc de pouvoir surveiller simultanément des milliers de
galaxies. L'étude de ces objets, et surtout de leur spectre, montra dès 1940 qu'il en existe au
moins deux classes. L'astronome allemand Rudolph Minkowski introduit le doux nom de
"type I" pour les objets dont le spectre ne présente pas de raies de l'hydrogène, et "type II"
pour ceux qui ont des raies de l'hydrogène. On s'est aperçu plus tard que le scénario
d'explosion proposé par Baade et Zwicky permet d'expliquer les objets de type II, tandis que
les objets de type I sont expliqués par un scénario tout autre, proposé par Fred Hoyle et
William Fowler en 1960. Il s'agirait d'une naine bla nche qui accréte de la matière au sein d'un
système binaire et qui explose en approchant la masse limite de Chandrasekhar, masse
maximale que peuvent atteindre les naines blanches.
Le type I se subdivise lui même en sous-types:
o
o
o
Type Ia : Présence des raies du silicium ionisé (SiII dans la notation des
astronomes).
Type Ib : Absence des raies du silicium, présence de raies de l'hélium.
Type Ic : Absence des raies du silicium et de l'hélium.
Dans les spectres de Type II, on mesure les raies H-alpha et H-bêta de l'hydrogène. Ici encore,
des sous-types sont distingués:
o
o
Type II normal : Domination des raies de l'hydrogène, présence de raies de l'hélium.
Ce type est subdivisé en IIL (linéaire) et IIP (plateau) selon l'allure des courbes de
lumière (voir ci-dessous), mais cela ne semble pas avoir de conséquences
spectroscopiques.
Type IIb : Présence dominante des raies de l'hélium.
La Nature n'est jamais simple, et il y a des supernovae qui ne rentrent dans aucune des classes
précédentes, et on les baptise "particulières". Elles ressemblent parfois à l'un des types
"standard", et on les enregistrera par exemple alors comme "Type II particulier".
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Le spectre d'une supernova de Type I est essentiellement un spectre de corps noir sur lequel se
superposent les raies d'absorption du silicium ionisé (Si II), du calcium, du ma gnésium et du
fer. La largeur des raies, apparente sur la figure précédente, témoigne de la grande vitesse
d'expansion de l'enveloppe de la supernova lors de l'explosion (élargissement de raies par
effet Doppler). Quelques semaines plus tard, le spectre se modifie et montre de fortes raies
d'émission dues au cobalt et au fer, témoignant de la composition interne de l'étoile après son
explosion (la lumière ne parvient à s'échapper de l'intérieur qu'après plusieurs semaines,
quand l'opacité a suffisamment diminué en même temps que la densité).
Les courbes de lumière
La luminosité d'une supernova augmente extrêmement vite pendant la quinzaine de jours qui
suit l'explosion, puis décroît plus lentement au cours des mois qui suivent (un facteur 100 en
six mois). Les courbes de lumière des supernovae de Type Ia se distinguent par leur grande
uniformité: elles sont pratiquement toutes superposables les unes sur les autres, tandis que les
courbes de lumière des supernovae de Types Ib-c et II montrent de grandes variations d'une
supernova à une autre. Certaines supernovae de Type II montrent un "plateau" au cours des 2
mois suivant l'explosion, pendant lesquels leur luminosité diminue peu, tandis que d'autres
montrent au contraire une décroissance rapide (supernovae dites "linéaires" car leur
luminosité décroît exponentiellement, ce qui donne une droite dans l'échelle logarithmique
généralement utilisée pour les luminosités). La raison de ces différences n'est pas bien
comprise.
La courbe de lumière des supernovae de Type I montre deux décroissances exponentielles
successives, dont les échelles de temps de 10 jours d'abord et de 111 jours ensuite
correspondent aux périodes de désintégration radioactive du nickel 56 en cobalt 56, et du
cobalt 56 en fer 56. Cela est un nouvel indice sur la nature de l'explosion: elle transforme une
partie au moins de l'étoile en nickel, dont la désintégration fournit l'énergie lumineuse de la
supernova.
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Les supernovae de Type Ia ne se contentent pas d'avoir des courbes de lumière de même
forme, mais leur luminosité absolue est également très voisine d'une supernova à une autre.
Cela a une conséquence très importante pour la cosmologie : si toutes les supernovae de
Type Ia ont à peu près la même luminosité absolue, ce sont des "chandelles standard", des
objets dont la luminosité absolue est connue avec précision et dont la distance peut donc être
directement déduite de la comparaison de cette luminosité absolue avec leur luminosité
apparente (voir une lumière dans la nuit ne permet pas d'en connaître la distance, sauf si on en
connaît la nature. Savoir que cette lumière provient d'un phare et non d'une bougie, permet de
dire qu’elle est éloignée).
Une "chandelle standard" visible de très loin constitue un remarquable indicateur de distance,
d'où son intérêt en cosmologie.
Les supernovae de Type Ia montrent une beaucoup plus grande uniformité que les autres:
leurs spectres sont tous quasi- identiques, de même que leurs courbes de lumière, alors que les
supernovae de Types Ib/c et II montrent une grande dispersion dans leurs propriétés. Mais ce
n'est que dans les années 70 que ces observations ont pu être interprétées quand la nature de
l'explosion a commencé à être comprise, et qu'on a su la relier aux spectres et aux courbes de
lumière: il semble que le Type Ia corresponde à l'explosion d'une étoile naine blanche ayant
une masse faible mais bien précise, tandis que les Types Ib/c et II correspondent à l'explosion
d'étoiles de masse élevée mais variable.
Les supernovae et la cosmologie
Mesurer la géométrie de l'univers est un objectif fondamental de la cosmologie.
Nous connaissons les objets de l'univers grâce à la lumière que nous en recevons, et ces objets
sont vus tels qu'ils étaient quand fut émise leur lumière. Une étoile située à dix années- lumière
est vue telle qu'elle était il y a dix ans, la galaxie d'Andromède à 2 millions d'années- lumière
est vue telle qu'elle était il y a 2 millions d'années.
Les observations indiquent que plus une galaxie est éloignée, plus le décalage vers le rouge
(« redshift ») z de son spectre est important : c'est la loi de Hubble H0 D = cz, où H0 est la
célèbre constante de Hubble qui mesure la vitesse d'expansion, D la distance de la galaxie et c
la vitesse de la lumière. C'est une relation statistique: les galaxies n'ont pas exactement le
décalage prévu par la relation, il y a des écarts et il existe même des galaxies qui ont un
décalage vers le bleu (notamment la galaxie d'Andromède).
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Si le décalage vers le rouge est interprété comme un effet Doppler, on en déduit qu'une
galaxie s'éloigne d'autant plus rapidement de nous qu'elle est plus éloignée: l' Univers est en
expansion. La relativité générale donne une autre interprétation de ce décalage: un
changement de la géométrie de l'espace au cours du temps modifie la longueur d'onde de la
lumière entre émission et réception: une expansion de l'univers allonge la longueur d'onde, ce
qui décale une lumière bleue vers le rouge.
Cette observation conduit à la théorie du Big Bang, pour laquelle l'univers que nous
connaissons a commencé son existence il y a 10 à 20 milliards d'années par une période très
dense et très chaude, et n'a cessé depuis lors de se dilater et de se refroidir.
Le contenu matériel de l'univers freine son expansion, et la constante de Hubble diminue au
cours du temps (H0 est la constante de Hubble aujourd'hui). La relation entre distance D et
décalage vers le rouge z en est modifiée, et elle devient approximativement (pour z <<1):
H0 D = cz [1 - 0.5 (q0 -1) z +...]
où le paramètre de décélération q0 est proportionnel à la densité de matière dans l'univers.
La difficulté est de mesurer la distance D. La procédure généralement utilisée pour des objets
très lointains comme les galaxies est de mesurer la quantité de lumière que l'on en reçoit et
d'en déduire la distance si l'on connaît la quantité de lumière émise par la source. En effet la
lumière émise est distribuée sur une sphère de rayon D, et la lumière reçue est simplement la
lumière émise divisée par la surface de cette sphère: elle décroît donc comme le carré de la
distance D. Encore faut-il connaître la quantité de lumière émise! Si l'objet appartient à une
classe d'objets tous semblables, des "chand elles standard", et que l'on connaît par un moyen
quelconque la distance de l'un d'entre eux, on pourra ainsi connaître la distance de tous.
Une "chandelle standard" visible de très loin constitue un remarquable indicateur de distance.
De nombreux objets ont servi de "chandelles standard": nébuleuses planétaires (qui n'ont rien
à voir avec des planètes, mais sont les bulles de gaz chaud émises par les étoiles géantes
rouges avant de se transformer en naines blanches), bulles d'hydrogène ionisé (dites Régions
HII), galaxies les plus brillantes des amas, etc. Mais il est vite apparu que chacune de ces
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classes d'objets présentait une grande dispersion dans ses propriétés, et n'était pas très
standard. C'est là qu'interviennent les supernovae: leurs luminosités maximales sont toujours
très voisines les unes des autres (au moins pour le Type Ia).
L’apport des Supernovae de type Ia
Supposons qu'elles émettent toutes exactement le même flux lumineux au moment de leur
maximum de luminosité. Leur distance varie alors comme la racine carrée du flux reçu. Plutôt
que les flux, les astronomes utilisent l'unité logarithmique des magnitudes, qui valent -2.5
Log(Flux) et évitent de manipuler des nombres très différents. En ce cas les supernovae ont
toutes la même magnitude absolue M, et leur magnitude apparente m augmente comme 5
Log(D). En exprimant la distance D en fonction du décalage z par la loi de Hubble, on
obtient:
m = M - 5 Log(H0 ) + 5 Log(cz) + 5 Log[1 - 0.5 (q0 -1) z +...]
Les deux courbes portées sur ce diagramme correspondent aux valeurs q0 = 0 (correspondant
à un univers vide de matière) et q0 =0.5 (correspondant à un univers aussi dense que les
mesures locales de densité le tolèrent). La zone bleue correspond à un univers dont
l'expansion accélère, la zone jaune à un univers extrêmement dense qui ralentit fortement. Il
est clair que la précision des mesures de luminosité des supernovae n'est pas encore suffisante
pour départager les deux cas les plus intéressants q0 =0 et q0 =0.5. Mais cela sera possible à
terme, quand le nombre de supernovae et la précision de leurs mesures seront accrus.
Standardisation des supernovae de type Ia
Il est clair depuis quelques années que les supernovae de Type Ia ne sont pas des "chandelles"
aussi standard qu'on le croyait au début:
•
•
•
La luminosité maximale varie en effet réellement de 20 à 30% d'une supernova à une
autre. Cela est peut-être dû à des différences de composition chimique de la naine
blanche, ou à des petites différences dans le lieu de l'explosion (au centre de l'étoile,
ou légèrement à côté, ou près de la surface).
Il existe quelques supernovae de Type Ia beaucoup moins lumineuses que la moyenne,
même une fois les effets d'absorption pris en compte. S'agirait- il d'une explosion
commencée avant que la masse de Chandrasekhar soit atteinte?
Il semble qu'il existe des différences systématiques de luminosité selon le type de la
galaxie- hôte: les supernovae explosant dans les galaxies elliptiques seraient moins
lumineuses que celles explosant dans les galaxies spirales ou irrégulières. S'agit- il
d'une conséquence de la différence de composition chimique, les étoiles des galaxies
elliptiques étant moins riches en éléments lourds (au-delà de l'hélium) que celles des
galaxies spirales.
Mais des corrélations apparaissent entre luminosité maximale et vitesse de variation de la
luminosité, ou entre luminosité maximale et spectre de la supernova, et permettent de corriger
les données pour compenser ces effets systématiques.
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Observations modernes et énergie noire
Grâce aux progrès des techniques d'imagerie CCD, il et possible de soustraire numériquement
deux lots d'images de la même région du ciel, décalées dans le temps avec des caméras
toujours plus grandes.
Les clichés doivent être corrigés pour compenser les écarts de visée et les déplacements, pour
annuler les écarts de transparence de l’atmosphère et de luminosité du fond du ciel, pour tenir
compte de la variabilité des turbulences atmosphériques (« seeing ») et supprimer les objets
lumineux parasites, genre satellites, astéroïdes, comètes,…
La soustraction des deux images donne une image noire avec un point lumineux si l’on a saisi
une SN. Il reste à observer précisément l’objet.
A la fin des années 1990, deux équipes internationales (incluant des chercheurs français) ont
publié leurs résultats concernant la mesure de l'accélération de l'Univers. Alors que les
chercheurs s'attendaient à obtenir une expansion en décélération, c'est tout le contraire que
leurs mesures suggèrent : l'Univers serait en expansion accélérée !
14
Diagramme de Hubble des
SN Ia selon Knop et al
(2003).
En haut : Magnitudes
apparentes des SN Ia
"standardisées" en fonction
du redshift z. Les points sont
portés en rouge, avec leurs
barres d'erreur, les courbes
sont les prédictions des
modèles
En bas : Résidus des
magnitudes par rapport à un
modèle d'univers vide
(d'après Knop et al 2003).
La performance des télescopes actuels permettant d'observer ces SN Ia jusqu'à de grandes
distances (redshift jusqu'à z=1), la géométrie de l'Univers peut être explorée. La figure cidessus montre le diagramme de Hubble, c'est-à-dire la luminosité "standardisée" en fonction
du redshift des SN Ia, en comparaison avec la prédiction de plusieurs modèles d'Univers. La
luminosité des SN Ia est observée plus faible que l'on attendrait avec un modèle d'Univers en
expansion décélérée. Il faut donc que l'expansion soit accélérée et les distances plus grandes
(amenant à l'existence de la constante cosmologique ? ).
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Contours de confiance dans le diagramme OmegaM, OmegaΛ
(paramètres mesurant la densité moyenne de matière et d’énergie noire dans l’Univers)
Ce dessin synthétise les contraintes amenées par le CMB, en vert, les SN Ia, en bleu, et les
lentilles gravitationnelles, en orange (d'après Knop et al 2003). Cette dernière contrainte est
obtenue grâce aux déformations en arcs des galaxies d'arrière-plan devant des amas de
galaxies jouant le rôle de lentille (Allen et al 2002).
L’accélération serait due à une mystérieuse composante énergétique qui s'apparente à la
constante cosmologique qu'Einstein avait introduite dans ses équations pour obtenir un
Univers statique, et que l'on appelle aujourd'hui "énergie noire". Elle remplirait 70 % de
l'Univers et aurait un effet répulsif vis-à-vis de la gravitation... À ne pas confondre avec la
matière noire, composante de "matière" exotique inconnue.
16
À l'heure actuelle, les efforts se poursuivent, pour raffiner les mesures, comprendre mieux les
objets "supernovae", et chercher quelle peut bien être cette fameuse énergie noire qui remplit
les deux tiers de notre Univers...
Parmi les nombreuses expériences sur les supernovae et l'énergie noire, des équipes
marseillaises du CPPM et du LAM (Laboratoire d’astrophysique de Marseille) participent au
CFHTLS, collaboration franco-canadienne qui utilise le télescope Canada – France - Hawaii
de 3,6 m pour rechercher des supernovae distantes avec la plus grande caméra CCD
actuellement disponible (MEGACAM avec 36 capteurs CCD de 2000 par 4000 pixels). Une
autre expérience "SN factory" ou "Usine à Supernovae" franco-américaine va permettre
d'étudier les supernovae très proches avec une grande précision, afin de mieux comprendre
ces objets, et les implications cosmologiques de la mesure de leurs distances lumineuses.
Des programmes ambitieux de détection dans l’espace se mettent aussi en œuvre pour
confirmer et comprendre la nature de cette nouvelle forme d’énergie. Le CPPM et le LAM
contribuent à l’élaboration de ces grands projets ainsi qu’à l’analyse des données actuelles et
futures.
Maquette de télescope spatial
SNAP/JDEM
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Pour plus d’informations :
Centre de physique des particules de Marseille
163, avenue de Luminy – case 902 , 13288 Marseille cedex 09
Tél. : 04.91.82.72.00
Fax : 04.91.82.72.99
http://marwww.in2p3.fr
Contacts :
Charling Tao
enseignant-chercheur
André Tilquin
chercheur
Magali Damoiseaux
chargée de communication
04.91.82.76.01
[email protected]
04.91.82.72.58,
[email protected]
04.91.82.72.28,
[email protected]
Voir aussi :
http://cdfinfo.in2p3.fr/Culture/Supernovae et
http://encyclopedie.cidehom.com/article.php?_a_id=15
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