dommage. Mais les comètes explosent parfois. C'est ce qui vient d'arriver à Halley, alors qu'elle se trouvait loin de nous, aux confins du système solaire. Si l'explosion s'était produite lors d'un passage à proximité de la Terre, un fragment aurait-il pu nous atteindre? En pratique, le risque est infime. N.O. — Mais non nul, puisque les dinosaures ont sans doute été victimes d'un événement de ce type... T. Montmerle. — Il s'agit d'un scénario plausible, non d'une certitude. Le principal argument est une découverte géologique : la couche crétacé-tertiaire contient une proportion anormalement élevée d'iridium. Cette couche, vieille de quelque 60 millions d'années, correspond chronologiquement à la disparition des grands reptiles. D'où vient l'iridium ? Deux écoles s'affrontent selon les uns, il a été apporté par un énorme objet céleste tombé du côté du Yucatan, puis dispersé dans l'atmosphère au moment de l'impact, avant de se redéposer au sol. D'autres attribuent la présence d'iridium aux cendres expulsées par une intense activité volcanique. Dans les deux hypothèses, il se serait produit un phénomène de type « hiver nucléaire », entraînant un refroidissement considérable de la surface de la Terre et affamant la majorité des êtres vivants. Récemment, on a trouvé des indices qui plaident plutôt en faveur de l'hypothèse cosmique. Reste un maillon faible dans la démonstration : il n'est pas prouvé que la disparition des dinosaures découle directement de l'hiver nucléaire. Les grands reptiles auraient pu s'éteindre progressivement, sur des milliers d'années. Dans ce cas, la météorite géante n'aurait été qu'un élément parmi d'autres du changement écologique. D'autre part, la « catastrophe dinosaurienne » est aussi l'événement qui a permis l'essor des mammifères. Nous n'avons pas tellement lieu de nous en plaindre ! N.O. — En dehors d'une météorite géante, d'autres astres peuvent-ils mettre en danger la planète? T. Montmerle. — Pendant longtemps, on a pensé, pour les dinosaures, à l'explosion d'une supernova, comme « 1987A », qui, il y a quatre ans, a illuminé le Grand Nuage de Magellan — la galaxie la plus proche de la nôtre. Les supernovae sont des étoiles au moins dix fois plus massives que le Soleil. Leur évolution est beaucoup plus violente : elles explosent dans un énorme dégagement de matière et d'énergie, qui se propage jusqu'à des dizaines d'années-lumière. Certains indices démontrent que le système solaire a été, à plusieurs reprises, plongé dans les restes d'une telle explosion. Les supernovae projettent des bulles de gaz porté à des millions de degrés que l'on détecte par leurs rayonnements. Actuelle- La comète deHalley, lors de son dernierpassage près dela Terre, en 1986 ment, nous sommes entourés par les déchets d'une supernova qui a explosé il y a un million d'années, à moins de 300 années-lumière (1) ! N.O. — Comment se fait-il que nous n'en soyons pas plus affectés ? T. Montmerle. — Le vent solaire nous entoure d'une immense coquille protectrice qui repousse la matière projetée par les supernovae. En somme, l'héliosphère protège le système solaire, un peu comme l'atmosphère protège la Terre. Mais qu'en serait-il du rayonnement émis par une. explosion proche ? Provoquerait-il des dégâts' importants ? La question n'est pas purement académique : on a fait des calculs qui montrent — LA GRANDE ECLIPSE DU I I jUll I ET 1991 Sept minutes dans les ténèbres Ce jeudi 11 juillet, le Soleil a rendez-vous avec la Lune. L'éclipse va être totale sur une bande qui s'étend des îles Hawaii jusqu'à Brasilia, en passant par Mexico. Elle débutera à 19 h 23 (heure de Paris) et pourra dépasser 6 minutes 53 secondes en certains points. Un record. Accourus du monde entier, les astronomes, les fanatiques, les fous de « Tintin » pourront contempler le phénomène cosmique qui leur rappellera brutalement que la Terre appartient au système solaire. Spectacle immuable le disque de la Lune mord les bords du Soleil, puis glisse sur lui. Au fureta mesure, le paysage vire à l'ocre. Puis les ombres disparaissent et l'obscurité tombe. Enfin le halo de lumière se dessine autour de notre satellite, et le paysage revêt une teinte bleuâtre. Le vent se lève. Les 64 LE NOUVEL OBSERVATEUR/NOTRE ÉPOQUE avec, il est vrai, une grosse marge d'incertitude — que si une supernova explosait à quelques années-lumière, le flash de rayons X et gamma ferait disparaître la quasi-totalité de la couche d'ozone. L'atmosphère serait « aveuglée », l'équilibre chimique ne se rétablirait pas avant un siècle. Avec de graves conséquences écologiques et biologiques : sans ozone, les êtres vivants seraient grillés par les ultraviolets solaires (2). N. O. — Une telle catastrophe s'est-elle produite dans le passé ? T. Montmerle. — En tout cas, ce scénario ne convient pas pour expliquer la fin des dinosaures, comme on l'avait d'abord cru. On sait maintenant, étoiles resplendissent. La température chute brutalement de plusieurs degrés. Et les temoins frissonnent, saisis d'une archaïque terreur devant la disparition de l'astre de vie. Depuis l'aube des temps, ces hasards de la complexe machinerie 'planétaire intéressent les scientifiques. Déjà les astrologues de Babylone savaient les prévoir. Le 11 juillet, les équipes françaises vont utiliser le télescope CanadaFrance-Hawaii, d'un diamètre de 3,6 mètres, installé dans l'île d'Hawaii. Jamais encore la couronne solaire n'aura ete scrutee par un instrument aussi puissant._ Dans l'esprit des anciens, la nuit en plein lotir accompagne les catastrophes : le Soleil se voile quand le Christ meurt sur la croix. Tous les peuples primitifs attribuent cet événement à un en effet, que l'iridium de la couche crétacé-tertiaire ne provient sûrement pas d'une supernova. L'ensemble du matériau qui constitue la couche est très ancien. Il correspond à la composition du système solaire à son origine, il y a 4,5 milliards d'aimées. Or, à la différence des météorites et des comètes, les supernovae sont des astres jeunes à l'échelle astronomique. Elles ont une composition chimique différente. En revanche, dans un passé plus récent, les carottages des glaces de l'Antarctique (3) montrent à certaines époques des pics de concentration des nitrates. Ces pics pourraient être reliés aux rayonnements émis par les supernovae « historiques », observées par les Chinois au combat de l'astre d'or contre une puissance mystérieuse. L'habitude de pousser de grands cris pour faire lâcher prise au monstre qui s'est emparé du g Soleil s'est poursuivie en Europe jusqu'au Moyen Age. Aujourd'hui encore les Eclipse solaire Indonesiens tapent sur les bambous pour faire fuir le dragon qui dévore le Soleil. Pour d'autres, la nuit en plein jour met le monde à l'envers : en 1973, on a vu les Touareg du Maroc, effrayés, se précipiter sous leurs tentes. Les sorciers les avaient prévenus que les hommes allaient mourir et les chameaux se mettraient à parler. Mais le 11 juillet, ce n'est pas encore la fin du monde : l'éclipse cessera d'être observable à 22h 15 (heure de Paris). Caroline Brizard