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Corpus Médical – Faculté de Médecine de Grenoble
Cancers de l’hypopharynx (145c)
Professeur Emile REYT
Octobre 2003 (Mise à jour Mars 2005)
Pré-Requis :
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Sémiologie des cancers des voies aérodigestives supérieures
Anatomie du pharynx et du larynx
Physiologie de la déglutition
Dysphagie, Dysphonie
Résumé :
Le cancer de l’hypopharynx est un cancer de découverte tardive, les signes fonctionnels
sont frustres (dysphagie, odynophagie, otalgie réflexe, dysphonie absents) à la phase
précoce. Cancer très lymphophile, il se manifeste souvent par une adénopathie cervicale
maligne prévalente de siège sous-digastrique.
L’intoxication alcoolo-tabagique est le facteur retrouvé dans la quasi totalité des cas.
Sa gravité est liée à sa lymphophilie et à son pouvoir métastasiant (métastases
pulmonaires, osseuses, hépatiques).
Les tumeurs avancées T3 T4 bénéficient de stratégie de préservation laryngée associant
une chimiothérapie néo adjuvante suivie de radiothérapie en cas de réponse clinique
complète ou de chimioradiothérapie concomitante.
Chez les cas en rémission tumorale, l’apparition de seconde localisation est fréquente.
Mots-clés :
Cancer, hypopharynx, pharynx, sinus piriforme, diagnostic, radiothérapie, laryngectomie.
Références :
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Cancers des voies aéro-digestives supérieures Progrès en cancérologie 6 J.
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1. Rappel anatomique et physiologique
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L’hypopharynx est l’étage inférieur du pharynx situé entre l’oropharynx en haut et la
bouche de l’œsophage en bas. Le pharynx est un conduit musculo-membraneux à
concavité antérieure s’étendant de la base du crâne à l’oesophage. C’est un carrefour
aérodigestif qui fait communiquer d’une part la cavité buccale avec l’oesophage,
d’autre part les fosses nasales avec le larynx. L’hypopharynx correspond à l’étage
laryngé. Il existe de chaque côté du larynx une poche muqueuse en forme d’entonnoir,
les 2 sinus piriformes. La paroi postérieure correspond au corps vertébraux de C3 à
C6. La région rétrocricoïdienne correspond à la face postérieure du chaton cricoïdien.
L’hypopharynx n’intervient que dans la fonction digestive. C’est une voie de passage
du bol alimentaire.
L’hypopharynx et surtout les sinus piriformes sont riches en vaisseaux lymphatiques
qui se drainent vers les chaines jugulo-carotidiennes et surtout vers les chaines
recurrentielles.
Photo : Hypopharynx vue en laryngoscopie directe
(E. Reyt)
2. Epidémiologie
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Les cancers de l’hypopharynx sont liés à l’alcoolisme et au tabagisme qui sont les
facteurs retrouvés dans la presque totalité des cas.
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Certains cancers rétrocricoïdiens sont associés à un syndrome anémique
hyposidérémique (syndrome de Plummer-Vinson) chez des sujets anglo-saxons ou
scandinaves le plus souvent de sexe féminin.
3. Anatomie pathologique
3.1. Histologiquement
Il s’agit le plus souvent d’un carcinome malpighien ou épidermoïde. Plus rarement il peut
s’agir d’un adénocarcinome ou d’un sarcome, d’un mélanome ou d’un lymphome.
3.2. Points de départ et extension
3.2.1. Les cancers du sinus piriforme
Les formes limitées plus rares peuvent siéger :
• à la partie haute membraneuse.
• à la partie moyenne cartilagineuse angle antérieur, paroi interne (mur pharyngolaryngé) ou paroi externe.
Les formes totales sont les plus fréquentes envahissant à la fois angle, parois interne et
externe réalisant soit une forme haute soit une forme basse qui intéresse le fond du sinus
piriforme et envahit aussi la bouche oesophagienne.
Les formes dépassées envahissent les régions voisines : larynx, oropharynx, base de langue,
bouche de l’œsophage.
3.2.2. Le cancer de la paroi postérieure
Se développe à bas bruit.
Il envahit rarement le plan vertébral mais remonte vers l’oropharynx ou atteint en bas la
bouche oesophagienne.
3.2.3. Le cancer rétrocricoïdien
Envahit rapidement la bouche de l’oesophage.
3.2.4. Les métastases ganglionnaires
Sont très fréquentes, prennent volontiers un volume important (rupture capsulaire) et sont
parfois bilatérales en particulier dans les tumeurs dépassant la ligne médiane.
4. Signes cliniques d’appel
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Le cancer du sinus piriforme reste volontiers latent et se manifeste tardivement par
une dysphagie puis une odynophagie, douleur pharyngée à la déglutition des aliments.
Celle-ci s’accompagne d’otalgie réflexe unilatérale, signe qui impose une
laryngoscopie indirecte (au miroir.)
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Une adénopathie cervicale révèle la tumeur asymptomatique dans 25% des cas.
Une dyspnée ou une dysphonie sont des signes d’appel plus tardifs.
5. Bilan clinique et paraclinique
5.1. L’examen au miroir
Précise l’aspect de la tumeur, son siège et son extension. Il apprécie la mobilité des
aryténoïdes et des cordes vocales. La fixation d’un hémi-larynx signifie une infiltration
importante du mur pharyngo-laryngé.
5.2. L’exploration des aires ganglionnaires
Précise le nombre d’adénopathies, leur volume, leur caractère souvent fixé à l’aile
thyroïdienne.
5.3. Le bilan endoscopique
Précise le siège (l’analyse est reportée sur un schéma) et surtout l’extension au sinus
piriforme, et à la bouche oesophagienne. Il comprend une pharyngolaryngoscopie avec
biopsies, une oesophagoscopie et une trachéobronchoscopie (panendoscopie) pour dépister
une seconde localisation synchrone fréquente.
5.4. La tomodensitométrie (TDM) du pharyngolarynx
Permet de préciser certaines extensions difficiles à analyser en endoscopie, les cartilages
thyroïde et cricoïde, les dépassements vers la région jugulocarotidienne et l’espace paraglottique. Sa sensibilité est plus élevée que l’examen clinique pour rechercher des
adénopathies cervicales métastatiques
5.5. Bilan général
Il recherche des métastases pulmonaires, hépatiques, osseuses et cérébrales par une
radiographie pulmonaire, une échographie abdominale et un examen clinique.
Le bilan pré-thérapeutique évalue l’état nutritionnel, l’état cardio-respiratoire, hépatique et
rénal.
Un bilan dentaire inclut un cliché panoramique dentaire et un examen clinique suivi d’une
mise en état de la denture avant de débuter le traitement.
Le bilan aboutit à une classification TNM de la tumeur.
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Annexe : classification TNM des cancers de l’hypopharynx
(Tous droits réservés)
6. Formes cliniques selon le siège
6.1. Le cancer de la paroi postérieure de l’hypopharynx
Est découvert assez tard car sa symptomatologie est fruste. Les adénopathies sont souvent
bilatérales.
6.2. Le cancer rétro-cricoïdien
Evolue rapidement vers la bouche de l’œsophage et son pronostic est grave. Son siège impose
souvent une pharyngolaryngectomie totale circulaire.
6.3. Les cancers de la margelle laryngée
Sont différenciés anatomiquement des cancers de l’hypopharynx. Les régions anatomiques
envahies sont latéralement, les replis ary épiglottiques, le carrefour des 3 replis, en arrière, le
sommet et la face postérieure des cartilages aryténoïdes et en avant, le bord libre de
l’épiglotte. Leur pronostic est proche de celui des cancers de l’hypopharynx.
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7. Le diagnostic différentiel
7.1. Devant un œdème du sinus piriforme
Il faut éliminer un corps étranger enclavé, mais l’endoscopie sous A.G. sera nécessaire, après
un bilan TDM.
7.2. Si le sinus piriforme est empli de salive
Il faut éliminer un cancer de l’œsophage, l’endoscopie confirme alors le siège de la tumeur.
7.3. Les tumeurs bénignes (fibromes, lipomes)
Sont éliminées sur les données de laryngoscopie, de la TDM et de l’analyse histologique.
7.4. Devant une immobilité laryngée
Il est important d’éliminer un cancer du sinus piriforme ou rétrocricoïdien parfois non visible
en laryngoscopie indirecte avant de retenir le diagnostic de paralysie laryngée. Une
pharyngolaryngoscopie permettra de retrouver la lésion tumorale.
8. Traitement
8.1. Méthodes
L’association chirurgie-radiothérapie est le traitement de référence des cancers évolués T3 et
T4 de l’hypopharynx.
8.1.1. La chirurgie
Sur le site tumoral :
La pharyngolaryngectomie totale enlève la totalité du larynx et une partie de l’hypopharynx.
Un apprentissage de la voix œsophagienne est nécessaire dans les suites opératoires. La mise
en place d’une prothèse phonatoire trachéo œsophagienne permet une rééducation plus rapide
et une voix plus fluide.
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Photo : pièce de pharyngolaryngectomie totale circulaire, vue postérieure
(E. Reyt)
La pharyngolaryngectomie circulaire enlève la totalité du larynx et de l’hypopharynx
nécessitant une reconstruction pharyngée dont les techniques sont diverses : transplant colique
ou gastrique, transplant jéjunal, lambeau antébrachial micro anastomosé (lambeau chinois).
La chirurgie conservatrice (hémilaryngopharyngectomie verticale) s’adresse à des tumeurs
limitées chez des sujets possédant une bonne fonction respiratoire et ayant moins de 70 ans.
La chirurgie des aires ganglionnaires est en général un évidement (curage) ganglionnaire
cervical complet en monobloc associé à une lobo-isthmectomie homo latérale et un curage
récurrentiel. Pour les lésions atteignant la ligne médiane (rétro cricoïde, paroi postérieure de
l’hypopharynx) un évidement ganglionnaire bilatéral est nécessaire.
8.1.2. La radiothérapie externe
Utilisée de façon exclusive les doses doivent être curatives entre 70 et 75 Gy pendant 7
semaines.
L’irradiation post-opératoire est de 55 à 60 Gy sur le site tumoral et des aires ganglionnaires
sur le site des adénopathies métastatiques confirmées par les données du curage
ganglionnaire.
8.1.3. La chimiothérapie néoadjuvante
Peut être utilisée dans une stratégie de préservation laryngée (5 FU, Cisplatine). En cas de
réponse clinique complète (fonte tumorale complète), il est proposé une irradiation exclusive
à 70 Gy au lieu d’une pharyngolaryngectomie totale sans pénaliser le pronostic. La
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chimiothérapie peut être proposée comme traitement palliatif en cas de métastase ou de
rechute contre indiquant tout autre traitement.
9. Les indications
9.1. Les cancers du sinus piriforme
Les tumeurs limitées T1-T2 bénéficient d’une irradiation externe pharyngolaryngée (70 Gy 7
semaines) et des aires ganglionnaires. En cas d’adénopathie volumineuse ou fixée associée à
une lésion de caractère ulcérant, une chirurgie partielle avec évidement ganglionnaire
traditionnel peut être proposée suivie de radiothérapie.
Pour les tumeurs de volume important classées T3 (hémilarynx fixé), une
pharyngolaryngectomie totale avec évidement ganglionnaire en monobloc est réalisée suivie
d’une irradiation externe. Une stratégie de préservation laryngée peut être proposée incluant
une chimiothérapie néoadjuvante suivie de radiothérapie en cas de réponse clinique complète.
En l’absence de réponse complète, une pharyngolaryngectomie totale suivie de radiothérapie
est indispensable. Des études sont en cours pour évaluer l’intérêt d’une radiochimiothérapie
concomitante.
En cas d’atteinte de la bouche œsophagienne, il faut réaliser une pharyngolaryngectomie
circulaire (photo ppt pièce de pLT circulaire) associée à une oesophagectomie et un curage
uni ou bilatéral puis une reconstruction par un transplant digestif colique ou gastrique.
9.2. Les cancers de la paroi postérieure de l’hypopharynx
Bénéficient le plus souvent d’une irradiation externe sur le site tumoral et les aires
ganglionnaires.
9.3. Les cancers rétrocricoïdiens
Si la tumeur est bourgeonnante et de petite taille, une irradiation externe est indiquée.
Le plus souvent la proximité de la bouche œsophagienne et la taille de la lésion imposent une
pharyngolaryngectomie circulaire suivie d’une irradiation externe post-opératoire.
10. Évolution et résultats
10.1. Non traitée
La lésion envahit le larynx et la bouche de l’œsophage entraînant une dyspnée et une aphagie.
Des métastases ganglionnaires peuvent ulcérer la peau et comprimer les nerfs entrainant des
douleurs invalidantes. Le malade peut mourir de cachexie (métastases viscérales) ou par
rupture d’une artère carotidienne.
10.2. Traitée
L’évolution est de mauvais pronostic.
Pour les tumeurs T1-T2 du sinus piriforme, la survie à 5 ans est de 30 %.
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Pour les tumeurs volumineuses T3 traitées par pharyngolaryngectomie totale puis
cobaltothérapie elle est de 25 à 35 %.
Pour les tumeurs rétrocricoïdiennes la survie est de 15 %.
Pour les cancers de la paroi postérieure de l’hypopharynx, elle est de 5 %.
En cas de rémission loco-régionale, le pronostic reste grave car le malade peut être atteint
d’une seconde localisation ou d’une métastase viscérale.
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