LES DOULEURS RÉCURRENTES D`EFFORT DE JAMBE CHEZ LE

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LES DOULEURS RÉCURRENTES D’EFFORT DE
JAMBE CHEZ LE COUREUR A PIED : du joggeur du
dimanche au compétiteur marathonien
Docteurs J. Lecocq et M.E. Isner-Horobeti, Service de Physiologie et Explorations
fonctionnelles, NHC
DÉFINITION
La douleur d’effort (DE) se caractérise par sa survenue lors d’activités physiques et par sa
régression plus ou mois rapide à l’arrêt de l’effort et par son absence au repos. Cette DE a
donc un caractère récurrent à chaque effort de même type et peut donc souvent devenir
chronique, ce qui n’exclut pas parfois une évolution aiguë.
Ces douleurs ne sont pas dues à un macrotraumatisme (entorse, déchirure musculaire,…)
mais sont liées à des lésions microtraumatiques par sur-utilisation répétée (overuse
syndrome) du fait des contraintes mécaniques, ici la course à pied d’endurance. En effet la
jambe est le segment de membre le plus souvent concerné par ces DE en milieu sportif.
LIMITES DE CES DOULEURS D’EFFORT
Ces DE sont localisées uniquement à la jambe. Ainsi, les DE articulaires et péri-articulaires
immédiates ne sont pas concernées car même si elles s’accompagnent souvent d’irradiations
à la jambe, la localisation principale de la douleur se situe à l’articulation (genou, cheville).
Cependant l’examen clinique par esprit systématique devra quand même explorer le genou, la
cheville et le pied car la topographie décrite par le patient n’est pas toujours très précise et il
peut y avoir des intrications ou des exceptions. Par exemple la douleur de la tendinopathie
corporéale d’Achille peut irradier au dessus de l’extrémité distale de la jambe. Un kyste
poplité peut ne se traduire que par un syndrome compressif nerveux et/ou vasculaire qui va
s’exprimer à la jambe et au pied.
Figure 1 : kyste poplité
FRÉQUENCE
Le nombre de « joggeurs » est évalué en France à environ 8 millions dont 500.000/an
participent à une compétition fédérale ou non comme par exemple les Courses de Strasbourg
ou la Strasbourgeoise (15.000 en 2014). Le nombre de villes organisant un marathon est
exponentiel de même que le nombre de leurs participants autorisés, de l’ordre de plusieurs
dizaines de milliers pour les plus connues (nombre limité à 45.000 pour Paris). Ainsi ces DE
sont fréquentes et peuvent toucher comme le sous-titre de cet exposé le souligne, toutes les
catégories de pratiquants, du coureur occasionnel, du coureur « sport-santé » à l’amateur
régulier se préparant à une ou plusieurs épreuves, au sportif professionnel ou de haut niveau
et aux professions nécessitant des entraînements réguliers (militaires, pompiers, policiers).
De nombreux médecins peuvent donc être concernés par ces patients douloureux même s’ils
n’ont pas une pratique prédominante en médecine du sport.
ÉTIOLOGIES
Les étiologies possibles sont nombreuses, les microtraumatismes pouvant concerner tous les
tissus. Ces étiologies sont les mêmes pour tous ces patients, quel que se soit le niveau et le
type de pratique de course à pied d’endurance. Les 4 affections les plus fréquentes dont les
lésions sont localisées à la jambe sont les fractures de fatigue, la périostite tibiale, le
syndrome de loge d’effort et les syndromes d’artère poplitée piégée. Elles seules
seront décrites ainsi que leur prise en charge.
Cependant il ne faut pas oublier que des processus ou affections générales ou locorégionales non micro-traumatiques peuvent parfois provoquer à l’effort une DE de jambe
et même se révéler ainsi. Localement il peut s’agir de lésions inflammatoires, infectieuses,
tumorales, bénignes ou malignes, qui pourront concerner tous les tissus.
Figure 2 : sarcome d’Ewing du péroné infiltrant les parties molles (T2)
Sur le plan général, des troubles métaboliques (hypophosphorémie, hypokaliémie,…), des
affections endocriniennes en particulier thyroïdiennes, l’hypovitaminose D peuvent être en
cause ainsi que des maladies musculaires métaboliques telles que des glycogénoses qui
peuvent ne se traduire que par une intolérance musculaire à l’effort et de ce fait par des
myalgies d’effort. Par ailleurs Les effets adverses de nombreux médicaments peuvent être à
l’origine de douleurs musculaires ou ostéo-articulaires plus apparentes à l’effort, telles que par
exemple les hypocholestérolémiants (fibrates et statines) et les rétinoïdes, ce qui justifiera
dans la mesure du possible une fenêtre thérapeutique. En pratique, bien que toutes ces
circonstances soient peu fréquentes, il est essentiel de procéder malgré le contexte sportif a
priori rassurant, à un interrogatoire rigoureux et un examen clinique complet, un bilan
biologique sanguin ainsi que des radiographies standard et une échographie du segment de la
jambe, ce qui permettra aussi d’avancer sur le diagnostic des affections microtraumatiques
citées précédemment et parfois de mettre en évidence une séquelle de macrotraumatisme
ancien oublié du sportif.
Il faudra aussi ne pas méconnaitre les affections pouvant ne se traduire qu’à l’effort mais
situées à distance de la jambe, essentiellement le canal lombaire étroit, asymptomatique
au repos (et sans lombalgie) mais à l’origine d’une ou plusieurs radiculalgies d’effort ou
claudication radiculaire L4, L5 et/ou S1. Le contexte diagnostique est plus facile pour le canal
lombaire rétréci par des lésions arthrosiques car il existe souvent des lombalgies. un TDM
lombaire sera demandé. Il peut aussi être demandé systématiquement en fin de bilan de DE
si ce dernier n’a pas apporté d’explication.
Figure 3 : canal lombaire étroit
Une artériopathie oblitérante débutante aux différents niveaux du bassin et de la cuisse
par athéromatose, asymptomatique dans les activités de la vie quotidienne, peut se révéler à
la course à pieds. Un Echo-doppler sera de toute manière demandé dans le cadre du bilan
étiologique comme précisé plus loin.
DEUX CIRCONSTANCES DE CONSULTATION SONT SCHÉMATIQUEMENT
POSSIBLES
(tableau 1 : arbre décisionnel) :
1. consultation « précoce » de quelques jours à quelques semaines après la 1ère séance
sportive douloureuse. Il faudra rechercher prioritairement à la fracture de fatigue ce qui
nécessite une conduite à tenir (CAT) particulière, la poursuite de la course à pied étant
contre-indiquée. La périostite tibiale est à envisager ensuite avant les autres étiologies cidessous.
2. consultation « tardive » de quelques mois (de l’ordre de 2-3mois) à parfois plusieurs
années après les premiers symptômes. Un syndrome de loge d’effort et un syndrome d’artère
poplitée piégée seront à rechercher principalement.
Tableau 1 : arbre décisionnel des DE de jambe du coureur à pied
EXAMEN CLINIQUE
Ces DE de jambe ont une traduction clinique objective souvent pauvre et même inexistante
au repos. En outre les étiologies peuvent s’intriquer. L’interrogatoire est donc un moment clé,
qui, hormis les éléments précédemment développés va se cibler sur les caractéristiques de la
douleur pendant et après la course à pieds. La topographie de la douleur, diffuse, focalisée ou
sur l’une des 4 faces de la jambe est un élément d’orientation utile, de même que le caractère
uni ou bilatéral et d’éventuelles irradiations en général distales. Les caractéristiques
temporelles (durée d’évolution, délai et mode de survenue à l’effort surtout, nécessité ou non
d’arrêt de l’effort, durée post-effort qui est un critère important, boiterie post-effort,
persistance d’un fond douloureux modéré) sont essentielles. L’intensité de la douleur est
moins discriminante et sera évaluée par son retentissement fonctionnel sur la course à pieds
et d’autres sports ainsi qu’au cours de la profession et des activités de la vie quotidienne.
L’évolution est à préciser (aggravation ou état sable). On recherchera d’autres douleurs
(lombalgies, avant-bras, cuisse), d’autres symptômes à l’effort ou non (paresthésies distales,
crampes, « fatigue » des membres inférieurs ou généralisée, steppage), la constations par le
patient lui-même de signes immédiatement à l’arrêt de l’effort (induration musculaire ou
hernie musculaire, modification de coloration cutanée, œdème, steppage, …), l’efficacité à la
reprise de la course d’un éventuel arrêt transitoire du sport presque toujours essayé par le
patient, l’efficacité d’un changement de chaussures de course à pieds et/ou d’un essai de
semelles amortissantes ou non, de kinésithérapie ou de physiothérapie, d’auto-médication.
BILAN ET TRAITEMENT
La pauvreté de l’examen clinique au repos nécessite d’entreprendre un bilan paraclinique. Un
temps intermédiaire est de pouvoir examiner le sportif immédiatement après une séance de
course à pieds sauf si le contexte fait craindre une fracture de fatigue, ce qui nécessite une
organisation de la consultation. Ce bilan sera hiérarchisé en fonction de l’orientation donnée
par l’interrogatoire et l’examen physique mais aussi en fonction du patient (niveau sportif,
intensité de la pratique, souhait du patient, contraintes de temps en vue de compétitions ou
d’activités professionnelles,…), certaines explorations d’accès difficile ou coûteuses pouvant
dans certains cas être remplacées ou repoussées par un test de repos sportif encadré par un
suivi clinique rapproché.
Le traitement est particulier à chaque étiologie et certaines peuvent nécessiter une
intervention chirurgicale, ce qui justifie d’avoir un diagnostic étiologique précis. Un avis
spécialisé peut être requis.
LES FRACTURES DE FATIGUE (FF) ET DE JAMBE
Le tibia est la localisation la plus fréquente de toutes les FF, jusqu’à 50 % des FF. Il s’agit
essentiellement de la diaphyse. L’atteinte de la fibula représente environ 15 % des FF. La FF
traduit une perturbation du remodelage osseux de l’os sain qui n’est pas capable de s’adapter
rapidement à des augmentations brutales et répétées de contraintes mécaniques qui majorent
la résorption osseuse. Le déséquilibre entre formation et résorption aboutit à une réaction de
stress ou stade pré-fracturaire comportant des microfissures qui vont confluer jusqu’au stade
fracturaire, ces 2 stades étant objectivés en IRM. Plusieurs facteurs favorisants extrinsèques
et intrinsèques, principalement les modifications de l’entraînement sportif peuvent intervenir
(notamment la « triade de la femme sportive » qui comporte une aménorrhée, des troubles
alimentaires et des FF).
Les FF se traduisent par une DE stricte, de début insidieux, d’aggravation progressive et plus
ou moins localisée. Il existe cependant des formes aigues entraînant d’emblée des douleurs
invalidantes et durable après l’effort, amenant à une consultation médicale rapide. L’examen
clinique est pauvre ; la palpation peut être douloureuse en un point précis avec parfois une
petite tuméfaction pour les FF situées dans les zones superficielles du tibia et de la fibula.
Le diagnostic ne peut être totalement affirmé que par l’imagerie. Les radiographies standard
restent normales dans plus de 50 % des cas et les anomalies apparaissent tardivement au
bout de 4 à 6 semaines.
L’Echographie semble intéressante mais n’est pas validée. La scintigraphie au technetium 99
met en évidence une hyperfixation bien focalisée dès les premiers jours mais non spécifique.
Figure 4 : fracture de fatigue : scintigraphie osseuse.
L’IRM est aussi sensible et précoce mais est plus spécifique en montrant un oedème pericortical externe et médullaire (hyposignal T1, hypersignal T2 et [T1+gadolinium], hypersignal
en séquences saturation de graisse et STIR). Les aspects IRM ont été classés en 4 grades de
gravité, les 2 premiers grades correspondant au stade préfacturaire, le suivant à un stade
intermédiaire et le 4ème au stade fracturaire. Ces 4 grades ont une valeur prédictive du délai
avant reprise complète du sport. C’est dire l’importance de pouvoir faire le diagnostic dès le
stade pré-fracturaire pour traiter précocement. Eventuellement lorsque les DE sont récentes
et modérées chez un sujet sportif occasionnel et ayant une profession sédentaire on peut
surseoir à l’IRM et même à la scintigraphie, si cliniquement l’atteinte ne se situe pas à la face
antérieure du tibia et à condition de pouvoir suivre très régulièrement le patient.
Figure 5 : IRM stade pré-fracturaire de fatigue
Le risque évolutif des FF de la diaphyse tibiale est fonction de la topographie de la lésion : la
FF dans la concavité de la diaphyse, donc sur sa face postero-interne est une FF en
compression et est classée à bas risques comme celles de la fibula. A l’inverse la FF dans la
convexité du tibia au niveau de sa face et bord antérieurs qui sont les seuls palpables est en
distraction et est classée à haut risque. Pour les FF à bas risque au stade pré-fracturaire,
l’arrêt ou même la seule réduction de l’activité sportive si la douleur régresse complètement
est suffisant en association avec le traitement des facteurs favorisants par exemple en
modifiant le rythme et le volume des entraînements, en prévoyant des périodes de repos
sportif, en changeant de chaussures, en portant des orthèses plantaires, en luttant contre les
troubles alimentaires (apport en calcium, vitamine D et protéines) et en traitant les
éventuelles perturbations hormonales. La guérison et la reprise complète du sport sont
possibles entre 6 et 8 semaines en moyenne. Pour la FF à haut risque de la face antérieure du
tibia au stade pré-fracturaire l’immobilisation et la décharge partielle du membre inférieur
sont préconisées alors qu’au stade fracturaire la décharge complète est nécessaire et certains
proposent même une ostéosynthèse.
PERIOSTITE TIBIALE
La périostite tibiale, fréquente et banale chez le coureur à pied est plutôt un syndrome défini
par la DE comme le suggère son appellation anglo-saxonne dont la traduction littérale est
« syndrome douloureux médial du tibia ou syndrome de stress tibial médial ». Cela traduit
bien que sa physiopathologie et son anatomopathologie restent peu claires (enthésopathie
des muscles soléaire ou tibial postérieur ou fléchisseur commun des orteils, réaction osseuse
de stress se rapprochant du stade pré-fracturaire de la FF, forme particulière de syndrome de
loge d’effort postérieur profond). L’expression clinique est relativement univoque : DE à la
face médiale de la jambe plutôt dans sa moitié inférieure pendant la course à pied, souvent
bilatérale, pouvant régresser en cours d’effort, n’obligeant que rarement à l’arrêter et pouvant
persister quelques heures à 1 journée après l’effort ; la palpation du bord postéro-médial du
tibia est électivement douloureuse sur 10 à 15 cm dans sa moitié ou 2/3 inférieurs
contrairement à la FF dont la douleur éventuelle à la palpation est punctiforme.
Les radiographies standard sont normales. Le bilan biologique sanguin est normal comme
pour les FF. Le diagnostic de certitude entre FF et périostite repose sur la scintigraphie
osseuse en mettant en évidence pour cette dernière une hyperfixation longitudinale et
modérée du tibia au temps tardif. Cependant on connaît l’existence de rares FF longitudinales
donnant ce même aspect scintigraphique.
Figure 6 : périostite : hyperfixation scintigraphique étendue bilatérale
L’IRM et éventuellement l’Echographie comportent aussi des anomalies évocatrices (œdème
pericortical mais limité). Cependant une apposition périostée visible sur une radiographie
standard, fera d’abord rechercher une autre affection telles que ostéomyélite, histiocytome,
... La bénignité de l’affection autorise s’il n’y a que peu de doute diagnostique à se passer de
scintigraphie quitte à la réaliser en cas d’échec thérapeutique. Le traitement s’appuie sur le
repos sportif concernant les sports en charge pour une durée en général de l’ordre du mois,
mais pouvant parfois aller jusqu’à 2 mois. Le traitement symptomatique fait appel à la
physiothérapie, les massages, le stretching, les anti-inflammatoires en application locale et
éventuellement par voie orale. Les ondes de choc préconisées par certains n’ont pas fait la
preuve de leur efficacité. La correction des troubles morphostatiques même minimes des
pieds par des semelles est utile, principalement pour limiter ou réduire le valgus calcanéen et
la pronation du pied et a aussi un intérêt préventif.
LES SYNDROMES DE LOGE D’EFFORT (SLE) DE JAMBE
Figure 7 : les 4 loges de la jambes
Le SLE est caractérisé par un critère clinique, des DE survenant en regard des muscles d’une
ou plusieurs loges (ou compartiment) et par un critère para-clinique, l’élévation de la pression
intra-musculaire (PIM) au-delà des normes à l’intérieur de ces loges. La localisation à la
jambe est de loin la plus fréquente et concerne une ou plusieurs des 4 loges, antérieure,
latérale en général associée à la précédente, postérieure profonde et très rarement
postérieure superficielle. L’atteinte est bilatérale dans 50 à 80 % des cas. Le SLE survient
surtout au cours de la couse à pied d’endurance. Le SLE peut se voir à tout âge, le maximum
se situant entre 20 et 30 ans et sans différence entre hommes et femmes. Il s’agit en général
de sportifs pratiquant régulièrement et depuis plusieurs années. Il est parfois retrouvé un
facteur déclenchant telle qu’une modification ou une reprise de l’entraînement. Le SLE
apparaîtrait plus souvent en début ou en fin de saison d’activité sportive ou de compétition.
La qualité du sol et des chaussures peut intervenir.
La DE est stéréotypées chez un patient donné pour un effort d’intensité et de durée données,
revenant pour chaque nouvel effort identique (de quelques minutes à ¼ - ½ d’heure, moins
souvent au-delà), expliquant son caractère chronique car le SLE ne s’aggrave que lentement,
en général sur des années mais le SLE peut parfois avoir une évolution aigue si le sportif
continue à courir malgré des DE intenses. L’intensité de la douleur est variable d’un patient à
un autre pouvant nécessiter la réduction ou l’arrêt de l’effort. A l’arrêt la douleur diminue en
une dizaine de minutes à quelques heures mais jamais de manière instantanée et se poursuit
en général par une sensation de simple courbature douloureuse pendant quelques heures à 2
jours.
L’examen clinique chez le patient au repos se caractérise par sa normalité. Il est parfois
constaté une ou plusieurs petites hernies musculaires pour les loges superficielles, signe quasi
pathognomonique.
Figure 8 : hernie musculaire
A l’examen clinique immédiatement après l’effort déclenchant la douleur, Il est alors souvent
constaté une dureté douloureuse de la face antérieure et/ou latérale, parfois l’apparition d’une
hernie musculaire. Les pouls distaux sont toujours perçus. Le délai d’évolution avant
diagnostic pour des SLE de jambe a été mesuré à 24 mois en moyenne dans une série
récente de 276 patients.
La mesure des PIM est le moyen diagnostique de référence et de certitude de SLE. Après une
épreuve d’effort de course à pied sur tapis roulant ayant déclenché la DE, une aiguille
fenêtrée reliée à un manomètre est rapidement implantée dans la loge car la PIM doit être
mesurée 1 minute après l’arrêt de l’exercice. Les critères diagnostiques les plus couramment
utilisés sont les PIM une minute après effort supérieur ou égal à 30 mmHg et surtout
supérieur ou égal à 20 mmHg à 5 minutes. Cette exploration est réalisée en routine au
Service de physiologie et explorations fonctionnelles au NHC des Hôpitaux universitaires de
Strasbourg en même temps que des avis spécialisés diagnostiques de thérapeutiques pour les
DE des membres chez le sportif.
Il n’ y a pas à l’heure actuelle d’autres examens complémentaires dont l’intérêt diagnostique
soit validé (IRM à réaliser dans les premières minutes suivant l’exercice, scintigraphie au
thallium). Le SLE ne comporte pas d’anomalies biologiques sanguines. La physiopathologie et
l’étiopathogénie du SLE sont encore mal connues contrairement au syndrome de loge
traumatique aigu (fracture, hématome, plâtre trop serré) mieux connu et qui est une urgence
chirurgicale pour éviter la nécrose des muscles de la loge.
Le traitement du SLE est chirurgical. Cependant un traitement médical par injections de
toxine botulique de tous les muscles de la ou les loges concernées est utilisé aux Hôpitaux
Universitaires de Strasbourg depuis près de 10 ans. Le repos sportif ne peut supprimer que
momentanément les DE qui réapparaissent au bout de quelques séances à la reprise sportive.
Une alternative thérapeutique pour les sportifs occasionnels de loisir est la réduction de la
vitesse et/ou de la durée de la course à pied au-dessous du seuil déclenchant la douleur. Le
traitement chirurgical consiste en une fasciotomie ou aponévrotomie sur toute la hauteur de
l’aponévrose. Plusieurs auteurs proposent depuis peu un abord endoscopique. La reprise
sportive est progressive au cours du 2ème mois. Il peut persister des DE modérées et il existe
parfois des récidives, surtout pour la loge postérieure profonde d’accès chirurgical plus
difficile.
SYNDROME DE L’ARTÈRE POPLITÉE PIÉGÉE (SAPP)
Le SAPP provoque des DE au mollet mais qui peuvent aussi moins fréquemment se situer à la
face antéro-latérale de la jambe. Le SAPP est bilatéral dans le 1/3 des cas. Il se voit chez des
sujets
surtout
avant
30
ans
pratiquant
des
sports
favorisant
l’hypertrophie
des
gastrocnémiens ou jumeaux, chefs musculaires du triceps sural, essentiellement la course à
pied. Il y a 2 types de SAPP qui ont cependant la même symptomatologie : le SAPP qui
comporte un véritable piège anatomique par aberration musculaire, aponévrotique ou
vasculaire objectivable en imagerie et le SAPP fonctionnel ou dynamique (type V de la
classification en vigueur) appelé « syndrome fonctionnel de compression poplitée », donc sans
anomalie anatomique mais comportant souvent une simple hypertrophie des gastrocnémiens.
La DE est importante obligeant à arrêter l’effort et régresse alors presque instantanément, en
tout cas plus rapidement que pour les autres étiologies de DE. La DE peut s’accompagner de
paresthésies distales. L’examen clinique au repos est normal, en particulier au creux poplité.
Au cours des manœuvres dynamiques cherchant à étirer et/ou contracter les gastrocnémiens,
le genou étant en extension maximale pour comprimer l’artère poplitée, il est difficile de
mettre en évidence cliniquement une diminution ou une disparition des pouls distaux ou
l’apparition d’un souffle poplité. Le SAPP, surtout les formes avec anomalies anatomiques,
peut évoluer vers une aggravation progressive et des complications à type d’ischémie subaigue par thrombose, d’anévrysme ou de lésions distales trophiques par embols répétés.
L’Echo-doppler est normal au repos s’il n’y a pas de complication. Par contre les manœuvres
dynamiques cliniques prennent ici tout leur intérêt en objectivant les modifications du flux de
l’artère poplitée et/ou des artères jumelles.
Figure 9 : syndrome d’artère poplitée piégée. Reconstruction TDM
Figure 10 : angio-TDM sans manoeuvre
Figure 11 : angio-TDM avec manoeuvre : interruption du flux
Les perturbations de la mesure de la tension artérielle systolique aux chevilles (artère tibiale
postérieure) après effort de course à pied et de l’index de pression systolique aux chevilles
(IPSC) calculé en rapportant ces valeurs à celle de la tension artérielle systolique au bras sont
un argument en faveur du rôle pathogène des anomalies en écho-doppler dans ces DE.
L’angio-TDM avec manœuvres cliniques et l’angio-IRM vont permettre de rechercher une
anomalie anatomique musculaire ou vasculaire et de classer le SAPP en 5 types. S’il est
objectivé une anomalie anatomique le traitement est chirurgical pour supprimer le piège. Par
contre les possibilités du traitement du SAPP fonctionnel sont limitées, parfois chirurgie pour
libérer l’artère si l’hypertrophie musculaire est importante, plus souvent rééducation pour
assouplir le triceps et réduire son tonus, talonnettes et semelles, physiothérapie antalgique ne
donnant que des résultats fonctionnels aléatoires nécessitant l’adaptation des gestes sportifs.
Des essais en cours
d’injections de toxine
botulique de
l’extrémité proximale des
gastrocnémiens au CHU de Strasbourg sont encourageants.
AUTRES AFFECTIONS
D’autres affections peuvent être recherchées en cas de négativité de l’ensemble des
explorations précédentes et après s’être assuré qu’il ne s’agit pas d’une DE projetée d’origine
lombaire : Lesséquelles traumatiques musculaires visualisées en imagerie (Echographie,
IRM), tel qu’un nodule fibreux cicatriciel, une poche séreuse, une calcification ou ossification,
une désinsertion ou une rupture de tout ou partie d’un muscle, asymptomatiques dans la vie
courante peuvent être douloureuses à l’effort.
Figure 12 : ossification post-traumatique de la membrane inter-osseuse tibio-fibulaire
Les syndromes canalaires à point de départ à la jambe (nerf fibulaire superficiel, nerf
sural) se traduisent plutôt par des signes au pied et plus accessoirement à la partie distale de
la jambe. Les syndromes compressifs du nerf fibulaire commun au col de la fibula ou du nerf
tibial au creux poplité donnent des signes à la jambe et au pied mais sont peu classiques dans
ce cadre de DE au cours de la pratique sportive dont la course à pied. Un muscle
surnuméraire tel
un
soléaire
accessoire
peut
donner
des
DE.
Les syndromes
myofasciaux de concept encore très discuté paraissent rares à la jambe. Des pathologies
veineuses de la jambe ou du creux poplité peuvent rarement être en cause.
CONCLUSION
Les étiologies des douleurs récurrentes d’effort de la jambe pendant la course à pied sont
nombreuses et nécessitent pour leur recherche un interrogatoire soigneux et un examen
physique programmé systématique passant en revue toutes les structures anatomiques. Dans
la plupart des cas cet examen clinique ne permettra pas de faire l’économie d’un bilan
paraclinique mais l’orientera au mieux. Ce diagnostic étiologique est nécessaire pour adapter
le traitement, parfois chirurgical, qui diffère d’une affection à une autre. Cette conduite à tenir
est transposable aux DE d’autres segments de membres, en particulier l’avant-bras.
Les principales caractéristiques des 4 affections microtraumatiques localisées à la jambe sont
résumées dans le tableau 2 ci-dessous.
Tableau 2 : récapitulation schématique des principaux éléments des 4 principales affections
microtraumatiques de la jambe à l‘origine de douleurs récurrentes d’effort.
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