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4ème Journée nationale du COPAAH
Vendredi 23 novembre 2012
Hôpital Paul Brousse - Villejuif
Atelier « Les structures d’addictologie : projet thérapeutique, règlement
intérieur, fonctionnement institutionnel »
Modérateur :
Dr. Alain Rigaud (Reims)
Rapporteurs :
Dr. Françoise Albertini (Marseille)
Dr. Mohamed-Ali Gorsane (Villejuif)
Nombre de participants :
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Synthèse
Cet atelier a eu pour objectif principal de partager et de réinterroger les pratiques de soins
des différents participants. Le fil conducteur des échanges a été l’appel de l’addictologie à
l’alliance nécessaire de la science et de la conscience.
Dans un cadre d’hospitalisations « programmées », même si directement ou indirectement
les soins, avec ou sans hospitalisation, sont souvent « contraints » (famille, justice etc.), les
points suivants ont été quasi-systématiquement abordés par l’ensemble des participants :
- le projet de soins ;
- le contrat de soins ;
- le règlement intérieur des unités de soins ;
- les motifs d’exclusion des patients ;
- la responsabilité de l’équipe soignante.
Exerçant dans différentes régions, la plupart des intervenants ont témoigné de leur
expérience acquise essentiellement en unité de soins de suite et de réadaptation (SSRA). A
deux exceptions près, ils prônaient des objectifs de soins axés sur l’abstinence totale du
produit, du moins pendant toute la durée de l’hospitalisation, permissions de sortie
comprises, le bât blessant bien évidemment au niveau de ces moments et a fortiori de la
« vraie vie sans produit ».
De nombreuses questions ont concerné la complexité de la mise en œuvre du projet de soins
« individualisé » dans un cadre « collectif ».
La consommation de tabac y occupe une place particulière en raison de la tolérance dont
elle fait encore l’objet malgré sa gravité en termes de santé publique*. Elle pose problème, y
compris en raison du cadre légal hospitalier et collectif, et devient heureusement un vrai
sujet de préoccupation pour l’ensemble des addictologues. L’usage festif ou occasionnel de
certaines substances illicites comme le cannabis a aussi été soulevé et discuté, en tout cas
pour les patients ne demandant pas d’action particulière à leur égard alors qu’ils sont en
sevrage pour d’autres substances. Le risque a été évoqué que la banalisation des produits
associés ne les ramène sur le devant de la scène.
Il s’agit :
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-
d’une part, d’évaluer jusqu’à quel point la consommation perçue comme récréative
par les patients masquerait un usage pathologique. Si l’on considère que seul ce type
d’usage est peu sensible à l’interdit, l’impossibilité de s’en passer en cours
d’hospitalisation serait un indicateur pertinent de dépendance ;
d’autre part, de considérer les demandes des patients, l’état de la législation sur les
substances, l’absence de protocole codifié sur la chronologie des sevrages et les
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-
interférences avec les thérapeutiques chimiques proposées, y compris avec les TSO,
chez les patients polydépendants ;
et enfin de prendre en compte les mécanismes compensatoires dits « transferts de
dépendance » (consommation excessives et problématiques de « sucreries » en tous
genres) et certaines addictions sans produit moins visibles (jeux en ligne en raison de
l’accès internet autorisé) demandant une vigilance soignante accrue. Un
établissement s’est donné les moyens d’en limiter l’accès (codes restrictifs).
Ces situations :
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amènent à questionner les objectifs de l’ « abstinence totale » versus ceux de la
« consommation contrôlée » et ceux du sevrage « produit par produit » versus
sevrage « global » ;
soulèvent des réflexions institutionnelles concernant le respect des droits des
patients et de leurs libertés individuelles ;
interrogent la problématique du « bien veiller sur » les patients, la nécessaire
vigilance concernant la violence de l’institution et celle des patients, le sens de
l’exclusion en cas de non-respect du règlement, de mise en danger de la collectivité
ou de la situation de soins ;
conduisent à différencier le « contrat de soins » établi avec le patient et le
« règlement intérieur » de l’unité de soins (certains parlent de « consignes » et non
de règlement dont ils trouvent la connotation trop policière), et à constater que
l’éthique de la bientraitance, la question des libertés individuelles et des droits des
patients ont bousculé les pratiques. Certains responsables institutionnels ont été
jusqu’ à faire valider par le service juridique de leur établissement le contenu de ces
documents au regard du respect des libertés individuelles. Il reste qu’il est important
que le règlement intérieur protège et permette à tous et que le contrat de soins
(projet de soins) dynamise patients et soignants.
Les pratiques de « sortie anticipée », toujours appelée « exclusion », terme trop connoté
négativement, sont variées. Les conduites transgressives sont réinterrogées de diverses
façons : au cas par cas, en fonction de :
-
l’état psychique du patient,
la gravité de sa pathologie psychique et de sa propre capacité à les réinterroger avec
les soignants (notion d’engagement réciproque et de responsabilité partagée),
le non-respect du programme de soins (absences répétées aux entretiens ou aux
activités collectives, persistance ou itération des consommations ou des conduites),
le non-respect de règles fondamentales (non mixité des chambres, introduction de
substances et prosélytisme, attaques graves et répétées du cadre de soins),
alors même que tout est mis en œuvre pour ramener vers le groupe et le lien à l’autre en
lieu et place des conduites addictives.
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Il est important que ces conduites puissent être parlées et que progressivement les patients
puissent reprendre une part de responsabilité, y compris dans le choix du « non-soin actuel »
trop souvent acté par la conduite transgressive. Les réadmissions sont globalement toujours
possibles en dehors de demandes trop précocement effectuées. Certaines institutions
utilisent l’hospitalisation séquentielle, y compris pour les patients sevrés en difficulté.
Le travail en aval et en amont de l’hospitalisation, et en lien, avec elle apparaît comme
essentiel. De la qualité de la préparation et de la reprise du suivi à la sortie dépend la qualité
des hospitalisations : Qu’en attend le patient ? L’équipe a-t-elle les moyens de faire ? Quels
écarts et quelles proximités existent dans le discours : abstinence prônée, vécu expérientiel
même temporaire de l’abstinence, nécessaire remise à jour des programmes
thérapeutiques, résonnance des mots pour le patient et pour les soignants etc.
La plupart des services utilisent la supervision d’équipe, voire les techniques de groupe
Balint. Ce travail d’interrogation et de mise en sens facilite la capacité des soignants à
« parler les situations ». Toutes les institutions discutent d’ailleurs les décisions en
« équipe » et les restituent aux patients, certaines s’appuient sur des références théoriques
(mises en lecture pluridisciplinaire), procèdent à l’évaluation régulière de la situation du
patient, ont des pratiques de réunion pluridisciplinaire de « vigilance » quotidienne, ou des
modalités de prise en charge originales comme un « atelier salle d’attente » réalisé par une
infirmière présente dans la dite salle d’attente quand les patients ne sont pas en état de
participer aux activités de groupe (ces dernières étant généralisées dans les institutions
addictologiques).
Il reste que si le contexte s’impose, le cadre de soins se pose. Dans l’ensemble des
institutions :
-
-
le règlement intérieur** pourrait être défini comme la somme des droits et des
devoirs qui vaut pour la sécurité et le bon fonctionnement de toute la collectivité et
de toute vie collective,
le contrat***de soins comme ce qui doit être respecté de part et d’autre pour ne pas
mettre en danger le projet de soins, l’engagement des soignants étant de fournir des
outils pour plus de liberté et de mieux être.
Dr F. ALBERTINI
Dr M.-A. GORSANE
NDRL :
*Situation qui n’est pas sans rappeler la question autrefois posée par l’alcool versus
substances illicites.
** Il doit faire l'objet de consultations préalables entre les parties, il ne doit pas être
considéré comme une somme d’interdictions.
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*** Si l’article 1101 du Code Civil stipule :
« Le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent, envers
une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose ». Dans ce type
d'obligation les caractères de la prestation sont les suivants :
D’une part,
 La prestation doit être déterminée (art. 1129 du code civil)
Le contrat doit préciser la nature de la prestation et éventuellement sa durée.
 La prestation doit être possible
L'adage dit qu'« à l'impossible nul n'est tenu ». Cette impossibilité doit être absolue.
 La prestation doit être licite (art. 1128 du code civil)
Nul ne peut s'engager à une prestation contraire à l'ordre public et aux bonnes mœurs en
vertu de l'article 6 du code civil. Les contrats perpétuels sont prohibés.
D’autre part,
 chacun est libre de ne pas contracter,
 chacun est libre de choisir son co-contractant.
Le professionnel de santé est responsable de ses actes et sa liberté est le socle de son
exercice quand sa responsabilité en constitue la limite (cf moralité, probité et responsabilité
du Code de Déontologie). La relation soignant-soigné, empreinte de responsabilité, repose
sur une forme de contrat. Par la notion de responsabilité, cette relation utilise le dialogue à
travers le consentement et l’information (consentement éclairé). Elle se place ainsi sur le
plan d’un véritable contrat de soins, et à l’exemple de tout contrat juridiquement fiable,
comporte des règles qui permettent d’assurer au professionnel de santé et au patient la
meilleure relation thérapeutique.
Souvent ce type de contrat ressemble au contrat dit d’adhésion, il est l’un des plus
susceptibles de remettre en cause les libertés. Il s’agit aussi d’être attentif aux troubles
cognitifs entre autres et à la capacité du patient à contracter.
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