NOTE DE TECHNIQUE Ann. Kinésithér., 1985, t. 12, n° 6, pp. 305-308 © Masson, Paris, 1985 Rééducation des réactions d'équilibration du membre inférieur en appui unipodal sur plan stable Daniel MOREAU MCMK - Clinique « Orsac-Montfieuri », F06130 Grasse. La position debout résulte d'un ajustement permanent des réactions d'équilibration, c'est pourquoi l'immobilité n'existe pas. Quelles que soient les forces qui tendent à déséquilibrér l'individu, celui-ci tend toujours à revenir et à se maintenir dans un état stable. Ces réactions d'équilibration sont provoquées dans la vie courante par trois situations : 1) Le déséquilibre de la surface d'appui par rapport au corps : marche sur un sol inégal ou glissant, ski, patin à roulettes ... 2) Le déséquilibre du corps par rapport à la surface d'appui: mettre un pantalon en position debout, tennis, football ... 3) Réception au sol lors d'un saut, liée aux deux possibilités précédentes: c'est-à-dire soit sur un plan instable (situation 1) soit sur un plan stable (situation 2). Les situations 1 et 3 sont actuellement bien développées en rééducation, et donnent lieu à diverses techniques aujourd'hui bien codifiées, telles les plateaux de Freeman, le Giroplan, le skate-board, la table de Zad or, etc. La deuxième situation, déséquilibre du sujet par rapport à un plan stable, a été trait~ essentiellement, semble-t-il, en partant d'un déséquilibre provoqué sur le sujet par le thérapeute au moyen de pressions ou de poussées déséquilibrant es soit au niveau des épaules, de la tête du bassin ou des membres inférieurs eux-mêmes. Il no.us a semblé intéressant, à partir de l'observation de la vie courante et sportive, de développer des exercices où le sujet serait lui même, l'auteur et l'acteur du déséquilibre. Les réactions d'équilibration ainsi obtenues, très Tirés à part: D. MOREAU, à l'adresse ci-dessus. riches sur le plan des possibilités, permettent d'obtenir l'activation des programmes moteurs. Ceci nous conduit à proposer une série d'exercices dont la justification repose sur deux éléments : l'un physiologique, l'autre cinésiologique. Justification PHYSIOLOGIQUE Les réactions d'équilibration sont à la fois réflexes (réaction de protection contre la chute), et automatiques car elles s'élaborent et se perfectionnent tout au long de l'apprentissage moteur. Cette motricité non volontaire, est essentielle et doit être prise en compte de façon prioritaire lorsque l'on veut reprogrammer une activité motrice. Son fonctionnement se fait selon le feed-back ou le feed-forward, suivant que la situation est connue ou nouvelle, avec une hiérarchisation des références motrices selon la difficulté à vaincre. Pour éviter de créer des situations abstraites, les exercices que nous proposons cherchent à recréer des situations de déséquilibre vécus. CINÉSIOLOGIQUE Le membre inférieur est une unité fonctionnelle composée d'une chaine articulaire et musculaire, et 'le mouvement d'un maillon de la chaîne· se prolonge à d'autres niveaux. L'atteinte pathologique, localisée au genou, à la cheville, ... nécessitera de ce fait une rééducation de tout le membre inférieur. Il n'est pour s'en 306 Ann. Kinésithér., 1985, "1. 12, n~ 6 FIG. 1. - Rotation du pied sain FIG. 2. - Coup de pied dans la autour du membre lésé. main du praticien. persuader, que d'observer les conséquences pathologiques ascendantes et descendantes d'une simple entorse de genou qui modifient la statique et la dynamique du membre. Deuxième aspect, la rééducation, pour être complète se doit de récupérer le jeu articulaire et musculaire jusqu'aux positions extrêmes pour chaque articulation sollicitant ainsi l'ensemble des chaines musculaires équilibrantes et mobilisatrices du membre inférieur. - Ainsi, au niveau du complexe pied-cheville le contrôle de l'extension/inversion ou flexion/ éversion qui se traduit, en charge, par une rotation externe ou interne relative du membre inférieur, est indispensable à l'efficacité du point d'appui du corps .. - Au niveau du genou, la flexion en charge nécessite le contrôle permanent des mouvements de latéralité et de rotation qui apparaissent et s'intensifient avec le degré de flexion. Il existe, par conséquent, une inter-relation entre les trois composantes : flexion/latéralité/rotation, qu'il convi.ent de solliciter dans leurs possibilités extrêmes. - Au niveau du bassin: celui-ci s'équilibre par des muscles mono-articulaires avec le fémur, et avec le tibia par des muscles poly-articulaires. Par conséquent, les différentes positions du bassin, c'est-à-dire les angles de flexion/exten- FIG. 3. - Contrôle du ballon lors d'un mouvement de rotation autour du membre lésé. sion, abduction/adduction, rotation interne/rotation externe de la coxo-fémorale, font varier les bras de levier de ces muscles et modifient leur efficacité. De même la position du tibia, conditionnée par la position de la cheville et du genou, modifie les bras de levier des muscles polyarticulaires. Ces éléments nous conduisent à bannir les plans orthogonaux de la rééducation du membre inférieur car celui-ci est conçu pour s'adapter à des situations répondant simultanément aux trois plans de l'espace. Description des exercices Ces exercices sont à réaliser en appui unipodal sur le membre lésé. 1) Décrire un cercle avec le pied resté libre, autour du membre en appui (fig. 1). Progression : - augmentation du diamètre du cercle; - temps d'arrêt dans les amplitudes extrêmes. 2) Donner un coup de pied dans la main du thérapeute, la main se déplaçant de haut en bas et de dedans en dehors (fig.2). Ann. Kin ésithér. , 1985, t. FIG.4 FIG. 5 Progression : - éloigner le but à atteindre ce qui oblige le membre inférieur en appui à se fléchir davantage. 3) Faire tourner une balle avec le pied libre, autour du membre en appui dans un sens puis dans l'autre (fig. 3). Progression : - augmenter le nombre de tours; - même nombre de tours dans un temps plus . bref; - remplacer la balle par un médecine-ball ou par un sac de sable ce qui introduit une notiqn de résistance donc progression en intensité. 4) Alternance de réception et d'envoi d'un médecine ball par les membres supérieurs (fig. 4). Progression : - varier les directions en haut en bas en dehors en dedans et la distance pour provoquer un déséquilibre maximum; - varier le poids du médecine ball. 5) Aller toucher alternativement de la main droite, puis gauche, le côté externe puis interne du pied en appui (fig. 5). n nO 6 307 FIG. 4. -Contrôle de l'équilibre en appui unipodal lors de la réception et de l'envoi d'un médecine-bail. FIG. 5. - Flexion-rotation du tronc en avant pour aller toucher les côtés externe puis interne du pied. FIG. 6. - Plateau de Freeman utilisé comme plan incliné stable. Progression : - se relever entre chaque contact droit, gauche; - rester penché en avant pour faire tourner, autour du pied et avec une main une balle de poids-croissant. Pour tous ces exercices la variation en intensité et en difficulté pourra se faire suivant trois critères : Variation de la vitesse : - l'accélération: l'énergie cinétique emmagasinée entraine une augmentation de la résistance, ce qui nécessite une précision accrue de la réponse musculaire agoniste-antagoniste. - le ralentissement extrême d'un mouvement rend celui-ci beaucoup plus difficile à exécuter qu'à la vitesse normale. Ainsi par exemple, il est plus difficile de tenir en appui unipodal que de passer par l'appui unipodal au cours de la marche. Cette lenteur pourra aller jusqu'à l'arrêt en fin de mouvement en position extrême, ce qui provoque par la mise en tension ligamentaire et musculaire un maximum d'informations sensitives, et par là même une réponse musculaire intense. 308 Ann. Kinésithér., 1985, t. 12, nO 6 Ordre d'arrêt brutal ou « stoP» Sur injonction du thérapeute et ceci à tout moment au cours de l'exercice, ce qui provoque une réaction de stabilisation, par un phénomène de co-contraction c'est-à-dire une activité simultanée des muscles agonistes-antagonistes qui développent ici leur intensité maximum. Appui toujours stable mais incliné (fig. 6) Les exercices précédemment décrits pourront être faits sur un plan incliné plaçant le complexe pied-cheville dans des positions articulaires extrêmes, d'abord simples (fexion dorsale, plantaire inversion, éversion) pour aboutir à des combinaisons telles que : flexion plantaire de la cheville + supination de l'avant-pied ou flexion dorsale de la cheville + pronation de l'avantpied. Ceci se justifie, selon nous, par le fait que, chaque nouvelle position engendre de nouvelles réactions motrices sur toute la chaine articulaire et musculaire du membre inférieur. Pour la réalisation pratique, nous utilisons le plateau de Freeman possédant un seul axe, le pied étant placé dans la position voulue, de telle façon que le plateau reste stable. Conclusion Le déséquilibre du corps par rapport à un plan d'appui stable, provoque des réactions motrices de mobilisation-stabilisation faisant intervenir tous les éléments musculaires et articulaires du membre inférieur. Les exercices proposés ne sont qu'une exagération de situations rencontrées dans la vie courante ou sportive. Ils s'inscrivent dans le cadre de la rééducation proprioceptive et peuvent être utilisés soit avant, soit de façon concomittante aux exercices sur plateaux instables. Références JESEL M., VIEL E. - in « Kinésithérapie active », tome 1, Masson, 1979, 1-19. 2. SIMON L., BARRAULT J.J., GREGOIRE M.C. - Rééducation musculaire du genou, données actuelles. ln « Genou et médècine de rééducation », Masson, Paris, 1978, 63-75. 3. VAAST D. - Intérêt des techniques de déséquilibre en rééducation. Kinesither. Sei., 1982, 200. 1. gne. MPS MAGN _ - 24, -,_.-, rue... Marengo St-Etienne ._"" ,.,-.. _42000 .. _. -. .... ."- Téléphone -. _. 77 38_. 44 90 """ ""