Rapport_n°1 - western armenia

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LA POLITIQUE CIVILISATRICE DE LA FRANCE
Relations Internationales
(Rapport n°1)
Par Monsieur Arménag APRAHAMIAN
Président du Conseil National Arménien
C’est bien en ces mots que le Président français Nicolas Sarkozy a formalisé sur la chaîne France 2, durant deux
heures d’échange, le mardi 8 janvier 2008, l’objectif qu’il s’est lui-même fixé, une politique de civilisation de la
part de l’Etat français.
Il serait néanmoins intéressant de savoir si la France a les moyens de civiliser les autres, ou bien si la France est
elle-même suffisamment civilisée pour prétendre agir dans une politique civilisatrice et qu’entendons-nous avec
le terme « politique civilisatrice », si ce n’est l’application des Droits Humains et la lutte contre le barbarisme et
le raffinement du crime .
En ce qui concerne l’Arménie Occidentale, l’histoire de la France montre bien à quel point pour appliquer une
politique civilisatrice, il est nécessaire d’avoir un regard sur un passé proche ô combien encore éloigné de
prétentions civilisatrices.
C’est bien de la France dont il s’agit, comment malgré un vernis charismatique comme fer de lance des droits de
l’Homme et des droits Universels, la France a pu renoncer en 1919-1921, à son mandat de protectorat des
populations civiles arméniennes en Cilicie, mandat qui avait pourtant comme mission d’organiser la vie
démocratique en Cilicie et de recréer toutes institutions permettant aux Arméniens de se reconstituer après
l’application du plan d’extermination organisé par les gouvernements successifs turcs.
La mission civilisatrice de la France se poursuivra en 2009, sous la forme d'une « Saison culturelle turque » en
France qui permettra à la France et surtout aux Arméniens d’Arménie Occidentale vivant en France de se
rappeler des massacres de plus de 30.000 Arméniens de Cilicie dans la ville d’Adana, en 1909 et de l’abandon
du mandat de protectorat des Arméniens de Cilicie.
Þ Saison culturelle turque en France
mars-novembre 2009
Après le Printemps français en Turquie organisé en 2006, la
collaboration se poursuit entre créateurs et opérateurs des deux
pays et s'affichera en France durant plusieurs mois en 2009.
> Commissaire général pour la France : Stanislas Pierret
Commissaire général adjoint pour la France : Arnaud Littardi
Coordonateur Culturesfrance : Daniel Schlosser
Commissaire général turc : Gorgun Taner
Commissaire générale adjointe turque : Nazan Olcer
Et de tout ce qui concerne l’Histoire de la France en Cilicie.
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Il est à noter que le Conseil National Arménien se trouve profondément outragé par le choix français
d’organiser une « saison culturelle turque » exactement un siècle après les massacres des Arméniens de la ville
d’Adana qui ont fait d'avril à mai 1909 plus de 30.000 morts.
Conformément à la résolution déclarative sur le Génocide des Arméniens du Conseil National Arménien,
rappelant que les massacres d’Adana en 1909 représentent l’exercice d’application du plan d’extermination par
les gouvernements Jeune-turc et Kémaliste qui a été exécuté de 1915 à 1923.
Rappelant aussi, au gouvernement français, la loi déclarative française de janvier 2001, sur la reconnaissance du
génocide (des) Arménien(s), le Conseil National Arménien demande à la France des explications cohérentes, et
condamne fermement le choix de la France, en s’engageant par une résolution dont voici le premier rapport, à
témoigner devant la France et les Français à partir de cette année 2008, de ce que les Turcs et leur « haut niveau
culturel » ont pu faire sur les populations civiles arméniennes précisément en Cilicie.
LA CILICIE
Un exemple d’application de la politique civilisatrice de la France
La plaine de Cilicie s’étend de Mersine à Osmanié. C’est un pays fertile arrosé par deux fleuves, le Seihoun et
le Djihoun, bordé au nord par la haute chaîne du Taurus Arménien que creusent des vallées profondes, passage
vers le plateau arménien, à l’Est par l’Amanus, moins élevé, limite septentrionale de la Syrie. La voie ferrée du
Berlin-Bagdad traverse cette plaine, cordon ombilical assurant le transport et le ravitaillement des troupes. Le
contrôle du système des tunnels encore inachevé du Taurus et de l’Amanus avait été, à la fin de la guerre
mondiale, un problème stratégique essentiel.
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LE PLAN D’EXTERMINATION DES POPULATIONS ARMENIENNES
EN ARMENIE OCCIDENTALE
LA CHUTE DE ZEYTOUN
Des archives françaises (le 22 Juillet 1915)
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Zeytoun a succombé. L'héroïque cité, qui n'avait jamais connu la défaite, n'a pas été cette fois non plus vaincue
par le Turc. Elle a été victime d'une odieuse machination ourdie par les Turcs et les Allemands. Tous les
bataillons turcs envoyés contre Zeytoun ayant été repoussés avec de grosses pertes, le gouvernement central
ainsi que les autorités turques de Cilicie se sont adressé au patriarche arménien de Constantinople, au catholicos
de Sis et au Rév. Aharon, pasteur des protestants Arméniens à Marach, et leur ont déclaré que si les Zeytountsi
ne mettaient bas les armes, il y aurait un massacre général des Arméniens et que s'ils se soumettaient, aucune
mesure de rigueur ne serait prise contre eux. Des massacres partiels avaient déjà commencé. La perspective
d'une extermination générale a effrayé ces chefs religieux, qui ont par dépêche conjuré les Zeytountsi de
capituler. Le pasteur Aharon s'est rendu lui-même à Zeytoun pour porter aux combattants les propositions et les
engagements de Fahri pacha, le lieutenant de Djemal pacha.

Les Zeytountsi ont cédé, croyant rendre service à leur Nation, et ayant la naïveté de se fier à la
parole turque. Les massacres ont eu lieu quand même, les persécutions plus atroces que jamais, ont sévi
partout et Zeytoun a été détruite. Tout ce complot a été machiné avec le concours et sous la direction du
Consul Allemand d'Alep.

Une fois entrés dans la place, les Turcs se sont mis à massacrer la population, une partie des
combattants s'est retirée dans les montagnes, le reste de la population a été déportée par les Turcs à
Sultanieh, dans les marécages et à Deir ez Zor en Mésopotamie. Déjà, 900 immigrés kurdes et turcs
s'installaient à Zeytoun qui s'appellera désormais Suleymali. Tout cela est arrivé au mois d'avril 1915.
Les Turcs peuvent être assurés pourtant que Zeytoun sera dignement vengée et qu'elle renaîtra demain car il est
impossible que Zeytoun devienne turc.
LE MOUSSA DAGH
(Le 30 Juillet 1915)
Les Arméniens qui habitaient les villages de la région du Djebel Moussa, qui dominent le nord de la baie
d'Antioche ont reçu l'ordre de quitter le pays le 30 juillet. Instruits par l'expérience de ce qui était arrivé à
Zeytoun et à Diarbékir, ils ont préféré essayer de tenir tête aux Turcs plutôt que de se faire massacrer.
Ils ont réussi, au nombre de plus de 4.000, y compris les femmes, les enfants et les vieillards, à se
maintenir dans le massif montagneux du Djebel Moussa.
Les Turcs qui cernaient les Arméniens, sont des troupes régulières, commandées même, par des officiers
allemands. Ils étaient au début, 1.000 à 1.500, mais devant la forte résistance des Arméniens, leur nombre s'est
considérablement accru.
Le 5 Septembre, le Guichen, croiseur français qui avait envoyé une embarcation à terre pour communiquer avec
les Arméniens, a dû ouvrir le feu pour protéger l'embarcation des fusillades turques.
L'Amiral a vu personnellement, le 6, le chef des résistants Monsieur Pierre Dimlakian, qui lui a demandé d'aider
à l'évacuation des femmes, enfants et vieillards ajoutant que les hommes valides tiendraient très longtemps, si
on pouvait leur donner 200 à 300 fusils, des munitions et une centaine de sacs de farine.
L'Amiral s'est rendu à Famagouste, le 7, pour interroger le Haut commissaire (Sir John Clauson) de l'île de
Chypre pour savoir s'il pouvait recevoir dans l'île ces réfugiés, la réponse fut négative.
Le 8, l'Amiral rencontra tous les chefs résistants arméniens.
Le 10, le Desaix, signalait à l'Amiral que les Turcs attaquaient et qu'il fallait bombarder le village de Kabousi
occupé par les Turcs, les combattants arméniens n'ayant plus que deux jours de munitions.
Le 11, le commandant Desaix télégraphiait que cette évacuation lui paraissait une nécessité absolue, et qu'il
commencerait l'embarquement le 12 au matin. Cinq bâtiments français (la Foudre, le Suffolk, le D'Estrées, le
Tunisien, l'Anne) sont sur les lieux. Les combattants arméniens durent s'embarquer aussi faute de munitions.
Il semble que les Turcs ont reçu des renforts importants et sont maintenant plusieurs milliers.
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En février et mars 1916, la Grande-Bretagne et la France avaient négocié leurs intérêts au Proche et au MoyenOrient. La Russie avait été mêlée à ces marchandages.
L’accord signé le 16 mai 1916 par Mark Sykes et François Georges Picot abandonnait à la Russie,
Constantinople et les Détroits et délimitait cinq zones d’influence en Asie Mineure
- une zone bleue, sous l’administration directe de la France, comprenait la Syrie littorale, la Cilicie, l’Arménie
(c'est-à-dire les provinces orientales de l’Empire Ottoman vidées de leurs habitants autochtones, les Arméniens
par le génocide de 1894 à 1915) et une partie du Kurdistan.
- une zone rouge, sous l’administration directe de la Grande-Bretagne, la Basse-Mésopotamie avec Bagdad,
- Une zone brune, la Palestine internationalisée et attribuée à la Grande-Bretagne.
- une zone A, constituée en un Etat arabe sous tutelle française, regroupant les provinces de Damas, Alep,
Mossoul.
- une zone B, sous tutelle britannique, la Haute-Mésopotamie, entre le Palestine et le Tigre moyen. Mais la
Grande-Bretagne avait en secret entamé des tractations avec le shérif de la Mecque, Husayn. Le 11 janvier
1917, Mark Sykes faisait au Caire une déclaration qui promettait aux Hachémites – à Husayn et à sa famille –
qu’après la guerre un Etat arabe serait créé. Cette duplicité ouvre la voie d’un conflit diplomatique entre la
France et la Grande-Bretagne.
En octobre 1916, au Caire à l’initiative de l’Arménien Boghos Nubar Pacha, en accord avec Sykes et Georges
Picot, une Légion d’Orient avait été formée. Elle était constituée de volontaires arméniens et syriens. Une
mission française dirigée par le Commandant Romieu, arrive au Caire en novembre 1916 pour instruire les
recrues. En 1918, la Légion d’Orient rejoignit le détachement français de Palestine et de Syrie, rattaché aux
troupes britanniques.
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Le général Allenby préparait alors son attaque sur la Palestine. La Légion d’Orient combattit à ses cotés jusqu’à
la conclusion de l’armistice de Moudros signé avec les Turcs le 30 octobre 1918. Les clauses de cet armistice
autoriseraient les Alliés certains points stratégiques de leur choix (art. 7).
C’est dans cette perspective, qu’avec moins de 6.000 hommes le général Hamelin pénètre en Cilicie avec la
Légion d’Orient pour en prendre possession au nom des Alliés. La Légion d’Orient fut peu après scindée en une
Légion syrienne qui entra en Syrie et une Légion arménienne qui demeura en Cilicie sous les ordres du Colonel
Romieu.
Une clause additive de la convention d’armistice autoriserait le commandant en chef, c'est-à-dire le Général
Allenby, à rapatrier les Arméniens habitant jadis la Cilicie et à leur restituer leurs biens saisis pendant la guerre.
Ce rapatriement fut massif, par mer et par chemin de fer. Les Turcs et leurs récentes victimes étaient
brutalement confrontés. Revenus démunis des camps de Damas, Hama ou Alep, ou d’un esclavage dans les
tribus bédouines, les Arméniens constataient que leurs maisons et leurs terres avaient été volées par les Turcs.
On pouvait s’attendre à des désordres et à des vengeances souvent aveugles. La Légion arménienne qui
soutenait les actions de ses compatriotes fut confrontée à l’autorité administrative turque rendant la situation
explosive.
Cette partition des pouvoirs en Cilicie rendait la position des Français intenable, en Syrie également, où l’Emir
Faysal, fils de Husayn, entretenait l’agitation anti-française.
En Cilicie, les fonctionnaires turcs qui dépendaient du gouvernement mis en place à Constantinople par les
Alliés, redoutaient la création d’un foyer arménien, une crainte qui n’était pas sans fondement mais qui était
issue de l’irresponsabilité des forces alliées en présence.
Georges Picot avait en effet été nommé « Haut commissaire de France en Syrie et en Arménie » et le Colonel
Brémond, « Administrateur en chef en Arménie et en Cilicie ». La légion arménienne représentait les troupes
françaises et 100.000 arméniens étaient revenus.
Cependant en 1919, le Colonel de Piépape relevait le Colonel Romieu à la tête des troupes françaises en Cilicie,
mais ces troupes restaient les mêmes; peu après le général Hamelin remplaça le Colonel de Piépape.
Comme la Grande-Bretagne ne trouvait que des avantages au renforcement de l’occupation française en Cilicie
qui détournait les effectifs français de la Syrie, elle signa un accord selon lequel les troupes britanniques
évacueraient pour le 15 septembre 1919 la zone située sur le nord la frontière – provisoire – entre la Syrie et la
Palestine. Pour relever les troupes anglaises, la France créa en octobre 1919, l’armée française du Levant.
Georges Picot et le général Hamelin furent rappelés, les pouvoirs civil et militaire furent remis au Général
Gouraud qui cumulait les fonctions de « Haut-commissaire de la France en Syrie et en Cilicie » et de
« Commandant en chef de l’armée du Levant ». La 156ème division d’infanterie arrivait en Cilicie à la fin de
1919. Le général Dufieux qui la commandait décidait d’étendre aux montagnes qui longent l’Amanus du nord
au sud, de Marach à Katma, ainsi qu’au ruban de dunes qui va de Katma à l’Euphrate plus à l’Est, le territoire
contrôlé par ses troupes. Le général Quérette qui commandait ces « territoires de l’est » reçut des moyens
insuffisants. Comme cette zone sensible était le point de jonction entre les Turcs commandés par Mustafa
Kémal et les Chérifiens de Faysal, elle devint la première cible des nationalistes turcs.
Après l’armistice de Moudros, une partie des troupes turques s’était repliée en Anatolie, où rejointe peu après
par Mustafa Kémal, elle préparait une reconquête territoriale. En septembre 1919, Georges Picot était entré en
contact avec les dirigeants nationalistes, en décembre il rencontrait Kémal à Sépastia en lui laissant entendre
que la France pourrait évacuer la Cilicie.
Dès novembre 1919, Mustafa Kémal lance une proclamation aux « Comités de défense, d’Aïntab, de Mersine,
et du Djebel-Berert » pour dénoncer l’occupation d’Aïntab et de Marach comme contraire aux conditions de
l’Armistice de Moudros. La région est en ébullition parcourue par des bandes d’irréguliers kurdes et arabes.
En décembre 1919, Mustafa Kémal envoie ses troupes à Marach, la ville comte 40 .000 Kurdes et Turcs et
20.000 Arméniens.
Le 21 janvier 1920, Marach est attaquée. La population kurde et turque se soulève et assassine les soldats
français, le Général Quérette est, avec une petite troupe, assiégé dans la ville, Dufieux envoie la colonne
Normand pour le dégager, elle arrive le 10 février, mais Normand apporte à Quérette l’ordre d’évacuer Marach.
Alors que les Turcs sont prêts à signer leur réédition. Quérette maintient l’ordre d’évacuer Marach.
Le 10 février 1920, sans prévenir les Arméniens, les troupes françaises se retirent, 7.000 à 8.000 Arméniens
suivent la colonne dans le froid puis la neige. La population arménienne qui est abandonnée à Marach, est en
partie massacrée par les Turcs.
« La France, affirme le général Dufieux, n’a jamais pris l’engagement d’assurer la défense des Arméniens en
Cilicie ».
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La « victoire » de Marach galvanise les Kémalistes. Ourfa, assiégée en février, capitule le 8 avril ; la garnison
française négocie sa retraite, mais tombe dans une embuscade. Hadjin est assiégée en mars ; la ville résiste sept
mois ; en octobre elle capitule ; ses habitants tous arméniens sont massacrés. Sis est assiégée le 26 mars 1920.
Le 19 avril commence le siège de Bozanti, clé orientale de la Cilicie, la ville commande les Portes de la Cilicie
et l’accès au tunnel du Taurus ; les français capitulent le 28 mai 1920. Sur le flanc oriental de l’Amanus, Aïntab
est assiégée en avril.
A la fin de mai 1920, alors que les Arméniens résistent à Sis et les français à Aïntab, le général Gouraud donne
l’ordre d’évacuer ces deux villes. Il a envoyé son conseiller politique, Robert de Caix à Angora négocier avec
Kémal. Un accord est signé le 30 mai. Il prévoit l’évacuation de Sis et la remise d’Aïntab aux Turcs, à
l’exception du « quartier » arménien et du camp français. La France cherche à se rapprocher des Turcs
nationalistes dans lesquels elle voit, non sans raison, le futur maître du pays. Elle regarde vers la Syrie – à la
Conférence de San Rémo – les Alliés ont donné à la France le mandat sur la Syrie, et elle est prête à abandonner
la Cilicie.
Faysal qui s’est autoproclamé « roi de Syrie » est lâché par les Anglais. Gouraud peut intervenir en Syrie. Il
entre à Damas le 24 juillet 1029 et Faysal s’enfuit.
En Cilicie, après la capitulation du 30 mai 1920, les Kémalistes améliorent leur position, les combats reprennent
en juin, menés par des bandes irrégulières.
A Aïntab, le camp français est en dehors des murs, à l’ouest de la ville, le 29 juillet les Turcs l’attaquent. La
colonne Andréa est envoyée en renfort. Aïntab est investie et les 10.000 arméniens retranchés dans le
« quartier » arménien de la ville apportent leur appui au Colonel Andréa. La ville est assiégée par le Colonel
Euz Demir, « homme de fer » de son vrai nom Chefik Ali. En novembre 1920, le général de Lamothe, qui
commande la 2ème division de l’armée du Levant envoie la colonne Goubeau en appui aux assiégés. Les
Français disposent de 12.000 hommes. Les Turcs capitulent le 8 février 1921. Les Arméniens dirigés par Adour
Lévonian, ont lutté aux cotés des Français et organisé la ville arménienne en ligne de front. Deux mois après la
signature des accords de Londres, le 11 mars 1921, la ville est rendue aux Turcs.
Après les négociations menées à Angora, par Franklin-Bouillon en octobre 1921, la France décide d’évacuer
dans les deux mois la Cilicie, l’accord d’Angora permet à la France d’exercer son mandat sur la Syrie, et
renforce sa position dans le monde musulman.
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Mais il provoqua une continuité dans les massacres et un exode massif des Arméniens.
Ignominie, lâcheté du gouvernement français de l’époque, qui a placé sur l’autel du sacrifice, les débris d’une
nation qui demandait uniquement le droit d’exister en tant qu’elle-même, mais non, les marchandages
économiques, les baux miniers et toutes autres avantages en nature ont pris le dessus, sur un mandat, gardien
moral de l’existence de plusieurs milliers de famille, près de 100.000, après avoir signé l’accord d’Angora en
octobre 1921, se donnant deux mois pour évacuer les lieux.
Cette politique d’abandon et de renoncement s’est poursuivie jusqu’en 1937 par le désastre de l’abandon
d’Alexandrette.
L’ACCORD D'ANGORA
Le Gouvernement de la Grande Assemblée Nationale de Turquie, Et le Gouvernement de la République Française,
désireux de conclure un accord entre les deux pays ont nommé pour leurs plénipotentiaires, Le Gouvernement de la
Grande Assemble Nationale de Turquie:
Son Excellence YOUSSOUF KÉMAL Bey, Ministre des Affaires Etrangère et député; et le Gouvernement de la République
Française:
Son Excellence M.HENRY FRANKLIN BOUILLON, ANCIEN Ministre;
LESQUELS, après avoir échangé leurs pleins pouvoirs qui ont été trouvés en règle, ont convenu ce qui suit:
Article 1.
Les Hautes Parties Contractantes déclarent que dès la signature du présent accord l'état de guerre cessera entre elles; les
armées, les autorités civiles et les populations en seront immédiatement avisées.
Article 2.
Dès la signature du présent accord les prisonniers de guerre respectifs ainsi que toutes les personnes turques ou
françaises détenues ou emprisonnées seront remises en liberté et reconduites aux frais de la partie qui les détient dans la
ville la plus proche qui sera désignée à cet effet. Le bénéfice de cet article s'étend à tous les détenus et prisonniers des
deux parties quels que soient la date et le lieu de détention, d'emprisonnement ou de capture.
Article 3.
Dans un délai maximum de deux mois à partir de la signature du présent accord les troupes françaises se retireront au
sud et les troupes turques au nord de la ligne désignée à l'article 8.
Article 4.
L'évacuation et la prise de possession qui auront lieu dans le délai prévu à l'art.3, seront effectuées selon des modalités à
fixer d'un commun accord par une commission mixte nommée par les commandants militaires des deux parties.
Article 5.
Une amnistie plénière sera accordée par les deux parties contractantes dans les régions évacuées dès leur prise de
possesion.
Article 6
Le Gouvernement de la Grande Assemblée Nationale de Turquie déclare que les droits des minorités solennellement
reconnus dans le Pacte National, seront confirmés par lui sur la même base que celle établie par les conventions conclues
à ce sujet entre les Puissances de l'Entente, leurs adversaires et certains de leurs alliés.
Article 7.
Un régime administratif spécial sera institué pour la région d'Alexandrette. Les habitants de race turque de cette région
jouiront de toutes les facilités pour le développement de leur culture. La langue turque y aura le caractère officiel.
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Article 8.
La ligne mentionnée à l'article 3 est fixée et précisée comme suit:
La ligne frontière partira d'un point à choisir sur le golfe d'Alexandrette immédiatement au sud de la localité de Payas et
se dirigera sensiblement vers Meidan Ekbés (la station du chemin de fer et la localité restant à la Syrie), de là elle
s'infléchira vers le sud-est de manière à laisser à la Syrie la localité de Marsova et à la Turquie celle de Karnaba, ainsi que
la ville de Killis. de là elle rejoindra la voie ferrée à la station de Tchoban-Bey.
Puis elle suivra la voie ferrée de Bagdad dont la plate forme restera sur le territoire turc jusqu'à Nousseibine:
de là elle suivra la vieille route entre Nousseibine et Djéziré ibn Omar où elle rejoindra le Tigre. Les localités de
Nousseibine et de Djéziré ibu Omar ainsi que la route resteront à la Turquie; mais les deux pays auront les mêmes droits
pour l'utilisation de cette route.
Les stations et gares de la section entre Tchoban-Bey et Nousseibine appartiendront à la Turquie comme faisant partie de
la plate forme du chemin de fer.
Une commission composée de délégués des deux parties sera constituée dans un délai d'un mois à partir de la signature
du présent accord pour fixer la ligne susmentionnée. Cette commission procédera aux travaux dans le même délai.
Article 9.
Le tombeau de Suleiman-Chah, le grand-père du Sultan Osman, fondateur de la dynastie ottomane (tombeau connu sous
le nom de Turc-Mézari) situé à Djaber - Kalessi restera, avec ses dépendances, la propriété de la Turquie qui pourra y
maintenir des gardiens et y hisser le drapeau turc.
Article 10
Le Gouvernement de la Grande Assemblée Nationale de Turquie accepte le transfert de la concession de la section du
chemin de fer de Bagdat entre Bozanti et Nousseibine ainsi que des divers embranchements construits dans le Vilayet
d'Adana à un groupe français désigné par le Gouvernement français avec tous les droits, privilèges et avantages attachés
aux concessions, particulier en ce qui concerne l'exploitation et le trafic.
La Turquie aura le droit de faire ses transports militaires par chemin de fer de Meidan-Ekbes à Tchoban-Bey dans la
région syrienne, et la Syrie aura le droit de faire ses transports militaires par chemin de fer de Tchoban-Bey jusqu'à
Nousseibine dans le territoire turc.
Sur cette section et ces embranchements aucun tarif différentiel ne pourra être établi en principe. Cependant les deux
Gouvernements se réservent le droit d'étudier, le cas échéant, d'un commun accord toute dérogation à cette régle qui
deviendrait nécessaire.
En cas d'impossibilité d'accord, chaque partie reprendra sa liberté d'action.
Article 11.
Une commission mixte sera instituée après la ratification du présent accord en vue de conclure une convention douanière
entre la Turquie et la Syrie. Les conditions ainsi que la durée de cette convention seront déterminées par cette
commission. Jusqu'à la conclusion de la convention précitée les deux pays conserveront leur liberté d'action.
Article 12.
Les eaux de Kouveik seront réparties entre la ville d'Alep et la région au nord restée turque de manière à donner
équitablement sa satisfaction aux deux parties.
La ville d'Alep pourra également faire à ses frais une prise d'eau sur l'Euphrate en territoire turc pour faire face aux
besoins de la région.
Article 13
Les habitants sédentaires ou semi-nomades ayant la jouissance de pâturage ou ayant des propriétés de l'un ou de l'autre
côté de la ligne fixée à l'art. 8. continueront comme par le passé à exercer leurs droits. Ils pourront pour les nécessités de
leur exploitation, librement et sans payer aucun droit de douane ou de pâturage ni aucune autre taxe transporter d'un
côté à l'autre de cette ligne leur bétail avec le croit, leurs instruments, leurs outillages, leurs semences et leurs produits
agricoles étant bien entendu qu'ils sont tenus de payer les droits et taxes y relatifs dans le pays où ils sont domiciliés.
FAIT à Angora en double original, le vingt octobre mille trois cent trente sept (1921)
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(L.S.) YOUSSOUF KÉMAL. (L.S.) HENRY FRANKLIN-BOUILLON.
Angora, le 20 Octobre 1921
EXCELLENCE,
Je me plais à espérer que l'accord conclu entre le Gouvernement de la Grande Assemblée Nationale de Turquie et le
Gouvernement de la République Française en vue de réaliser une paix définitive et durable aura pour conséquence de
rétablir et de consolider les relations étroites qui ont existé dans le passé entre les deux nations, le Gouvernement de la
République Française s'efforçant de résoudre dans un esprit de cordiale entente, toutes les questions ayant trait à
l'indépendance et à la souveraineté de la Turquie.
Le Gouvernement de la Grande Assemblée Nationale désireux, d'autre part, de favoriser le développement des intérêts
matériels entre les deux pays me charge de vous déclarer qu'il est disposé à accorder la concession des mines de fer, de
chrome et d'argent se trouvant dans la vallée de Harchide pour une durée de 99 ans à un groupe français qui devra
procéder dans un délai de 5 ans à partir de la signature du présent accord à l'exploitation de cette concession par une
société constituée conformément aux lois turques avec participation des capitaux turcs jusqu'à concurrence de 50 %.
En outre, le Gouvernement Turc est prêt à examiner avec la plus grande bienveillance les autres demandes qui pourraient
être formulées par des groupes français relativement à la concession de mines, voies ferrées, ports et fleuves, à condition
que les dites demandes soient conformes aux intérêts réciproques de la Turquie et de la France.
D'autre part, la Turquie désire profiter de la collaboration des professeurs spécialistes français dans ses écoles
professionnelles. A cet effet elle fera connaître plus tard l'étendue de ses besoins au Gouvernement Français.
Enfin la Turquie espère que dès la conclusion de l'accord, le Gouvernement Français voudra bien autoriser les capitalistes
français à entrer en relations économiques et financières avec le Gouvernement de la Grande Assemblée Nationale de
Turquie.
Veuillez agréer, Excellence, l'assurance de ma très haute considération.
Signé: YOUSSOUF KEMAL.
Son Excellence M.HENRY FRANKLIN-BOUILLON,
Plénipotentiaire du Gouvernement de la République Française.
Au moment de procéder à la signature de l'accord intervenu aujourd'hui entre LE GOUVERNEMENT DE LA GRANDE
ASSEMBLEE NATIONALE DE TURQUIE et LE GOUVERNEMENT DE LA REPUBLIQUE FRANÇAISE,YOUSSOUF KEMAL BEY, le
Plénipotentiaire Turc a émis les considérations suivantes dont Monsieur HENRY FRANKLIN BOUILLON, Plénipotentiaire
Français a bien voulu prendre note.
Le Plénipotentiaire Turc tient à faire des réserves expresse en ce qui concerne le règlement des questions relatives à
participation de la Syrie à la Dette Ottomane, aux biens de l'Etat et la Couronne et de l'Evkaf et à tous autres points
résultant du changement de la situation juridique de ce pays, règlement qui devra avoir lieu lors de la conclusion générale
de Paix.
Pour les régions d'Alexandrette et d'Antioche, Youssouf Kémal Bey déclare nécessaire d'accorder aux habitants la faculté
d'adopter un pavillon spécial contenant le drapeau turc. Le Plénipotentiare Français ayant convenu de l'intérêt qu'il y
aurait à reconnaître une telle faculté aux habitants de ces régions a bien voulu promettre d'entreprendre les démarches
nécessaires à cet effet auprès de son Gouvernement.
Pour ce qui est de l'article 5 concernant l'amnistie plénière à accorder par les deux Parties Contractantes, le
Plénipotentiaire Français déclare qu'il recommandera à son Gouvernement de prendre les mesures nécessaires en vue de
faire profiter de cette amnistie les habitants des régions d'Alexandrette et d'Antioche.
Le Plénipotentiaire Turc déclare par rapport à l'article X ce qui suit:
1x-La garantie kilométrique était en vertu des actes de concession du chemin de fer de Bagdad, établie jusqu'ici sur la
base des recettes globales de toute la ligne: il est indispensable de fixer la garantie kilométrique afférente à la section
turque Bozanti-Nousséibine comme par le passé sur la base des recettes globales de la totalité de la ligne de Bagdad. Le
Plénipotentiaire Français s'engage à appeler l'attention de son Gouvernement sur le bien fondé de cette réclamation.
2x-Les Plénipotentiaires des deux Parties sont d'accord que la fixation du tarif des transports militaires turcs à effectuer
par chemin de fer en territoire syrien et la fixation du tarif des transports militaires syriens à effectuer par chemin de fer
en territoire turc seront réservées à un examen ultérieur ils ont également reconnu la nécessité de donner de part et
d'autre un préavis suffisant toutes les fois que l'un des deux pays se trouvera dans le cas de faire usage de la faculté
mentionnée à l'article 10, alinéa 2 de l'accord turco-français.
10
Le Plénipotentiaire Turc formule la demande suivante que le Plénipotentiaire Français accepte de défendre auprès de son
Gouvernement:
Dans le port d'Alexandrette les ressortissants, les biens et le pavillon turcs devraient jouir de l'entière liberté de
l'utilisation du port. Ils seraient, sous ce rapport et à tous égards, traités sur pied de parfaite égalité avec les habitants,
les biens et les navires du pays.
Dans ce port il serait donné à bail à la Turquie un espace qui serait affecté au transit direct des marchandises en
provenance ou à la destination de la Turquie. Pour la jonction de cet espace avec le chemin de fer reliant Alexandrette
aux territoires turcs, son aménagement, sa location et son mode d'exploitation toutes les facilités seraient accordées à la
Turquie.
Aucun droit ou taxe, autres que ceux de tonnage, de quai, de pilotage, de phare, de quarantaine perçues également sur
les habitants, les biens et le pavillon du pays ne seraient imposés aux ressortissants, aux biens et au pavillon turcs à
l'occasion du transit des marchandises en provenance ou à destination de la Turquie.
Fait à Angora en double original, le vingt Octobre mille trois cent trente sept (1921).
(L.S.) YOUSSOUF KEMAL (L.S.) HENRY FRANKLIN-BOUILLON
Extraits de "LA PASSION DE LA CILICIE" 1919-1922 - Paul DU VEOU
« LA FRANCE GENEREUSE SE SOUVIENDRA FIEREMENT QU’ELLE EUT L’HONNEUR
DE CONFIER A DES FILS D’ARMENIE UN LOT DE BAÏONNETTES QU’ILS
MANIERENT D’ENTHOUSIASME »
Le 19 août 1920, Général Gouraud
(Prochain rapport n°2 sur « la saison culturelle turque »: Les Massacres d’Adana)
Le présent rapport sera dédié à l’Assemblée des Arméniens d’Arménie Occidentale.
Arménag APRAHAMIAN
Président du Conseil National Arménien
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