Complément au chapitre 10

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Document commenté
LA
PRISE DE
CORINTHE
16,7. […] Cependant, le troisième jour après la
bataille, Mummius prit Corinthe d’assaut et la fit
brûler. 16,8. Les Romains massacrèrent la majorité
des prisonniers ; Mummius vendit les femmes et
les enfants. Il vendit aussi tous les esclaves qui
avaient été affranchis et avaient combattu au côté
des Achéens sans avoir trouvé la mort. Parmi les
offrandes et autres œuvres d’art, celles qui suscitaient le plus d’admiration étaient emportées ;
celles qui, en revanche, n’avaient pas la même
valeur, Mummius en fait don à Philopœmen, le
stratège envoyé par Attale ; et même de mon
temps encore, il y avait à Pergame des dépouilles
corinthiennes. 16,9. Mummius faisait détruire les
murs des cités qui avaient combattu contre Rome
et y confisquait l’armement avant même que des
commissaires fussent envoyés de Rome. Et quand
arrivèrent ceux qui étaient chargés de délibérer
avec lui, il était en train de mettre fin aux régimes
démocratiques et d’établir des magistratures
fondées sur la fortune. En outre, un tribut fut
imposé à la Grèce et ceux qui avaient des biens
n’avaient pas le droit d’en acquérir au-delà des
frontières. Les Assemblées confédérales de
chaque nation, en Achaïe ou bien en Phocide, en
Béotie ou bien partout ailleurs en Grèce avaient été
toutes également supprimées. 16,10. Quelques
années plus tard, les Romains furent pris de pitié
pour la Grèce et rendirent à chaque nation son
ancienne Assemblée confédérale et le droit d’acquérir des biens au-delà des frontières ; ils suppri-
EN
146 A. C..
mèrent aussi toutes les amendes qu’avait infligées
Mummius. Car il avait imposé aux Béotiens et aux
Eubéens de payer cent talents aux gens d’Héraclée
et aux Achéens de payer deux cents talents aux
Lacédémoniens. Les Grecs obtinrent donc des
Romains remise de ces dettes ; pourtant, jusqu’à
mon époque encore, on envoyait dans le pays un
gouverneur [hègemôn] : les Romains l’appellent
gouverneur non pas de la Grèce mais de l’Achaïe,
parce que les Achéens étaient à la tête du peuple
grec au moment où ils soumirent les Grecs […].
17,1. Ce fut alors surtout que la Grèce en vint à un
dénuement total, elle qui avait été abîmée région
par région et ravagée depuis le début par la divinité […]. 17,2. […] Et au moment où, péniblement,
comme d’un arbre gâté et presque tout desséché,
le rameau achéen, en Grèce, redevint florissant, ce
fut la corruption des chefs militaires qui le mutila
une fois de plus alors qu’il grandissait. 17,3. Par la
suite, la puissance impériale échut à Néron, et
Néron rendit la liberté à tous, ayant fait un échange
avec le peuple des Romains : il leur donna, à la
place de la Grèce, l’île de Sardaigne qui était particulièrement florissante […]. 17,4. Les Grecs cependant n’eurent pas la possibilité de tirer profit de ce
présent. Après Néron en effet, sous le règne de
Vespasien, ils furent entraînés dans une guerre
civile, et Vespasien leur imposa d’être à nouveau
soumis à un tribut et d’obéir à un gouverneur,
parce que, affirmait-il, le peuple grec avait désappris la liberté.
Pausanias, Périégèse, VII, 16, 7-17, 4.
Remarques préliminaires : les principaux centres d’intérêt du texte
Évidents dès le premier abord:
– évocation de la prise de Corinthe par Mummius et de ses conséquences;
– définition du statut de la Grèce à l’époque romaine (IIe siècle a. C.-IIe siècle p. C.).
Apparents dans un second temps:
– présentation d’un processus de déchéance subi par la Grèce;
– une histoire écrite du point de vue d’un Grec attaché au passé glorieux de la Grèce.
1 - Présentation
La nature de la source
Il s’agit d’un extrait du livre VII de la Périégèse de Pausanias, consacré à l’Achaïe. Le
texte se situe à la charnière entre une partie à caractère historique, où Pausanias recom10. Les sources littéraires de l’histoire de la Grèce (VIe s. a. C.-IIe s. p. C.)
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pose à sa manière, c’est-à-dire en choisissant ce qui lui semble le plus digne d’être
mentionné, une histoire de l’Achaïe, depuis les temps légendaires des origines jusqu’à
l’époque de la conquête romaine, et une partie descriptive, où le Périégète fait état de tout
ce qui a attiré son attention lors de son passage dans les différentes régions de l’Achaïe.
Il faut souligner la nature ambiguë d’un tel texte. Pausanias définit son entreprise par le
terme syngraphè qui sert à désigner une composition littéraire et spécialement une
histoire, en tout cas un travail d’écriture tenant à la fois du récit de voyage, de l’enquête
ethnographique et de l’histoire, dont on s’accorde à admettre aujourd’hui qu’il constitue
une composition qu’on ne saurait découper arbitrairement (il est arrivé qu’on publie le
texte de Pausanias en le privant de tous ses développements historiques), et qui s’organise selon deux axes essentiels: l’un descriptif, fondé en principe sur une vision directe
des sites et des monuments visités, et donnant lieu à des classements topographiques ou
thématiques; l’autre narratif, servant à introduire dans la syngraphè les sujets particuliers que Pausanias désigne lui-même par le terme de logoi.
Cette formule d’écriture permet au Périégète de greffer des développements de nature
historique sur des mentions de monuments et de procéder souvent par associations
d’idées. Il arrive cependant – et c’est le cas dans le livre VII, où plus de la moitié des
chapitres se rapportent à l’histoire de l’Achaïe –, que de tels développements s’étendent
sur plusieurs chapitres et constituent de longs exposés dont la place, au sein d’un livre,
devient prépondérante et apparemment disproportionnée. Il faut ajouter que la présentation n’en est pas pour autant équilibrée: l’essentiel de la partie historique du livre VII est
ainsi consacré à l’histoire de la Confédération achéenne entre 280 et 146 et met très
nettement l’accent sur les seules années 149-146.
L’auteur
Point n’est besoin de rappeler ici les quelques maigres informations que nous possédons
sur le personnage de Pausanias lui-même. Il sera plus utile de mettre l’accent sur les
principes de méthode sur lesquels Pausanias entend fonder son récit (sur Pausanias
historien, cf. aussi Le monde grec, Paris, Bréal, 2010, p. 293-297).
Rappelons donc que l’œuvre de Pausanias se présente comme une recherche intentionnelle et constante de la différence et de l’originalité, allant même parfois jusqu’au paradoxe: volontairement elliptique lorsqu’il s’agit de relater ce qui est le plus connu,
l’écrivain s’attarde surtout sur ce qui a été moins développé par ses prédécesseurs, ce qui
est finalement plus rare et plus précieux. Pausanias dispose d’une matière abondante,
mais il fait des choix; ce qui l’intéresse, c’est de compléter, voire de corriger le témoignage de ses prédécesseurs et surtout, de ne présenter que ce dont il vaut la peine de
garder le souvenir.
En ce qui concerne la guerre dite d’Achaïe et la prise de Corinthe, il est très vraisemblable que Pausanias ait construit sa propre version des faits à partir de la lecture de
Polybe, bien que ce dernier ne soit jamais mentionné expressément comme source –
mais un tel silence n’est pas rare chez les écrivains antiques. Le témoignage de Polybe
ne nous étant malheureusement parvenu que sous forme de fragments, il arrive que
Pausanias constitue notre seule source, comme c’est le cas pour le statut de la Grèce
après 146 (sur Polybe, cf. Le monde grec, Paris, Bréal, 2010, p. 276-7).
Le contexte
La bataille de Pydna, en 168 a. C., peut être considérée comme une date charnière dans
l’histoire de l’Antiquité. Polybe, au début du IIIe livre de ses Histoires, considérait la
ruine de la monarchie macédonienne comme le « drame final » qui amène un « dénouement » au processus de la conquête romaine. Après 168, les Grecs peuvent donc être
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10. Les sources littéraires de l’histoire de la Grèce (VIe s. a. C.-IIe s. p. C.)
considérés comme sujets virtuels des Romains et la période qui va de Pydna à l’annexion
de Pergame (133), en passant par la prise de Carthage et la destruction de Corinthe (146),
ne fera que sceller ce qui était apparu comme le destin de la plus grande partie du monde
hellénisé.
Or, c’est à cette vingtaine d’années que Pausanias accorde une importance particulière, eu
égard à la signification historique fondamentale qu’elle revêt à ses yeux, puisqu’elle
marque la fin de la liberté pour les Grecs. C’est dans le livre VII que le Périégète a choisi
de présenter cette période cruciale de l’histoire grecque car, notre auteur le souligne luimême, depuis l’affaiblissement d’Athènes, ce sont les Achéens surtout qui font l’histoire.
Le récit des faits marquants de cette période est organisé autour des quelques personnages
dont l’action fut déterminante dans l’histoire des relations entre Rome et le Péloponnèse
aux lendemains de Pydna, des hommes tels que Callicratès, Ménalcidas, Diaios,
Damocrite ou Critolaos. Pausanias s’attache à montrer comment le désastre que va subir
la Grèce face aux Romains a été préparé par une situation politique instable, favorable aux
scandales et aux intrigues mesquines déclenchées par quelques politiciens corrompus.
Les lectures
Le problème de l’historicité du témoignage de Pausanias est essentiel pour les historiens modernes qui
cherchent à apprécier la manière d’utiliser son texte. Outre les indications bibliographiques fournies à
propos de la dissertation sur Pausanias historien (cf. Le monde grec, Paris, Bréal, 2010, p. 293),
on pourra consulter :
HABICHT, C., Pausanias’ Guide to Ancient Greece, Berkeley, Los Angeles et Londres, University of
California Press, 1985.
FERRARY, J.-L., Philhellénisme et impérialisme. Aspects idéologiques de la conquête romaine du monde
hellénistique de la seconde guerre de Macédoine à la guerre contre Mithridate, Rome, Bibliothèque des
Écoles Françaises d’Athènes et de Rome, 271, 1988.
LAFOND, Y., « Pausanias historien dans le livre VII de la Périégèse », Journal des Savants, 1991, p. 27-45.
2 - Explication
A - La prise de Corinthe
1. La version de Pausanias
Le Périégète se montre très laconique sur le déroulement des opérations elles-mêmes,
connues d’ailleurs par quelques autres sources: Polybe, XXXIX, 2 = Strabon, VIII, 6,
23 (C 381); Florus, I, 32; Velleius Paterculus, I, 13, 4; Tite-Live, Periochae, 52 (où l’on
apprend que Mummius aurait agi en vertu d’un ordre du Sénat). Le point de vue de
Pausanias est grec: il ne cherche pas à analyser la signification de l’événement pour les
Romains - question qui a pourtant déclenché une controverse chez les Modernes, entre
ceux qui voient dans le sac de la ville une mesure économique et ceux qui préfèrent l’interpréter comme une mesure politique. Noter que les enquêtes archéologiques ont révélé
que la cité ne fut sans doute pas détruite aussi radicalement que le laissent entendre nos
sources littéraires.
2. Portrait de Mummius
Parmi les actes de violence habituels, du reste, à toute conquête, Pausanias retient particulièrement le pillage des trésors de Corinthe – thème largement exploité par les sources
antiques en général. Pausanias, quant à lui, évoque à plusieurs reprises dans son œuvre
cette question du pillage des œuvres d’art grecques par les Romains.
La tradition a transmis deux portraits opposés de Mummius: homme sans discernement
ni culture artistique, ou bien personnage généreux et austère à la fois, sachant respecter
10. Les sources littéraires de l’histoire de la Grèce (VIe s. a. C.-IIe s. p. C.)
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les statues consacrées. En fait, Mummius semble avoir été un personnage qui en savait
assez sur la valeur des œuvres d’art grecques pour organiser des ventes aux enchères et
envoyer en Italie des pièces de valeur, un homme soucieux d’afficher sa générosité
en Grèce (comme en témoignent les dédicaces émanant de Mummius lui-même), mais en
même temps un homme qui préférait simuler l’indifférence ou même l’ignorance en art.
Grâce à l’énorme butin pris sur les Achéens, Mummius put orner le temple de Zeus
à Olympie de boucliers et statues que Pausanias vit encore trois siècles plus tard
(V, 10, 5 ; 24, 4-8).
3. La portée de l’événement dans l’œuvre de Pausanias
La prise de Corinthe par les Romains et ses conséquences apparaît comme un motif qui
est mis en place au livre II de la Périégèse, le premier que Pausanias consacre au
Péloponnèse, puis est repris au livre V, avant de servir de clôture, dans notre passage, au
développement consacré à la guerre d’Achaïe. Il est clair que Pausanias tient à marquer
l’importance à ses yeux de l’événement, selon une perspective subjective et moralisatrice.
Dans les deux passages qui encadrent toute l’histoire de la Confédération achéenne
(VII, 6, 8-9 et 17, 2), Pausanias revient sur le processus d’affaiblissement de la Grèce,
en montrant qu’après l’effondrement des puissances athénienne, thébaine et lacédémonienne, le sort de la Grèce était lié aux Achéens et à la force de leur Confédération. Ces
paragraphes, par la place qu’ils occupent, témoignent de l’importance que de telles
considérations revêtent aux yeux de Pausanias – importance encore renforcée par un
style imagé, plutôt inhabituel chez le Périégète.
La question primordiale est celle de la liberté des Grecs: il est significatif qu’après avoir
évoqué la déchéance de la Grèce aux lendemains de la guerre d’Achaïe, Pausanias, faisant
fi de près de deux siècles d’histoire, évoque aussitôt la fameuse proclamation par laquelle
Néron, à Corinthe, déclara la Grèce libre. Quant à l’allusion à Vespasien, la seule de la
Périégèse, elle ne vaut que parce qu’elle souligne la perte irrémédiable pour les Grecs de
la liberté, cette valeur que Pausanias prend soin de célébrer à nouveau à la fin du livre
VIII à travers un portrait de Philopœmen, stratège de la Confédération achéenne.
B - L’œuvre de Mummius et le problème du statut de la Grèce
après 146
1. La fin des régimes démocratiques
L’idée d’un renversement de la démocratie est liée par Pausanias à l’établissement d’une
qualification censitaire qui aurait été désormais exigée pour l’accès aux magistratures,
indication dont il ne semble pas qu’on doive contester l’historicité. Les données de l’épigraphie révèlent le renforcement du rôle des conseils (synédria, singulier synédrion) aux
dépens de celui des magistrats et des assemblées populaires, mais aussi le maintien
formel des institutions démocratiques.
Il se peut donc ici qu’à partir d’un fait qui reste probable (l’établissement d’une qualification censitaire), Pausanias ait voulu, dans une intention peut-être polémique, associer
ce renseignement à l’idée d’une dissolution des régimes démocratiques. À ce sujet,
J.-L. Ferrary a bien montré qu’en lisant Pausanias, il faut savoir au besoin distinguer le
renseignement brut de l’interprétation qu’en propose le Périégète, et tenir compte d’éventuelles bévues commises par Pausanias dans la lecture ou la collecte de ses sources.
2. Les autres mesures
Elles furent prises, selon Pausanias, par Mummius et la commission de dix sénateurs qui
furent envoyés dans le Péloponnèse pour régler la situation et devaient revenir six mois
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10. Les sources littéraires de l’histoire de la Grèce (VIe s. a. C.-IIe s. p. C.)
après (cf. Polybe, XXXIX, 3, 9; 4, 1 et 5, 1). Sur l’activité exacte de ces légats, seul
Pausanias fournit ici quelques détails (le texte de Polybe, fragmentaire, ne mentionne
que la vente des biens confisqués à ceux qui avaient dirigé la lutte contre Rome).
Si l’imposition d’un tribut à la Grèce reste probable, bien qu’elle ne soit indiquée par
aucun témoignage épigraphique, et que l’assertion de Pausanias puisse résulter d’une
mauvaise interprétation du terme phoros (tribut) tel que l’emploie notamment Polybe
pour désigner un paiement aussi bien temporaire que permanent, l’affirmation concernant la dissolution des Confédérations partout en Grèce se heurte à des témoignages
épigraphiques ou monétaires qui attestent un maintien de Confédérations en Béotie, en
Phocide et en Achaïe après 146. Au reste, Pausanias lui-même ajoute aussitôt que les
Romains revinrent sur cette décision quelques années plus tard: si l’on écarte l’idée que
Pausanias n’a pas bien compris la situation, on peut admettre que les structures fédérales
ont été abolies en 145, puis rétablies quelque temps après, et le Périégète aurait commis
seulement l’erreur d’appliquer cette mesure à toute la Grèce.
3. Le statut de la Grèce après 146
Sur cette question controversée, le texte de Pausanias représente une source principale, mais doit être utilisé avec prudence car le Périégète, ayant mal lu Polybe, ou
s’étant servi d’une source elle-même déficiente, a manifestement commis certaines
erreurs : il parle des Grecs en général, alors que seuls certains d’entre eux furent affectés par ces mesures ; il mentionne l’envoi d’un gouverneur d’Achaïe à partir de 145,
ce qui constitue une interprétation fautive, liée peut-être au désir de combler une
lacune dans sa documentation.
Pour se représenter ce que put être l’implication de Rome dans la vie des cités grecques
après 146, on peut se référer à un document épigraphique découvert à Dymè, en Achaïe
occidentale, et daté de 144/143 (texte traduit par Bertrand J.-M., Inscriptions historiques
grecques, Paris, Les Belles Lettres, coll. La Roue à livres, 1992, n° 132): il s’agit d’une
lettre envoyée par Q. Fabius Maximus à la cité de Dymè, d’où il ressort qu’à partir de
145, une partie de la Grèce appartenait à la provincia d’un magistrat romain.
Pausanias, en fin de compte, semble avoir confondu des mesures prises en 145 avec
celles qui furent prises en 27 a. C. et qui aboutirent à la création d’une province sénatoriale d’Achaïe lors du partage des provinces entre le Sénat et l’empereur.
5 - Conclusion
Pausanias ne semble guère avoir eu le souci de contrôler exactement la véracité de ses
informations et son témoignage sur le statut des cités grecques à l’époque du règlement
de 145, s’il reste digne d’intérêt, ne permet pas de résoudre de façon sûre les problèmes
que pose en général le statut de la Grèce après 146. Plutôt que d’élaborer une représentation fidèle du passé, le Périégète veut faire valoir la portée de la guerre d’Achaïe et la
rupture que détermine un tel événement. Il est d’ailleurs significatif que l’histoire, dans
l’œuvre de Pausanias, semble s’arrêter à la seconde moitié du IIe siècle a. C.
10. Les sources littéraires de l’histoire de la Grèce (VIe s. a. C.-IIe s. p. C.)
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Documents proposés
FONDATION
Athéna - Écoutez maintenant ce qu’ici j’établis,
peuple d’Athènes, premiers juges du sang versé.
Jusque dans l’avenir le peuple d’Égée conservera,
toujours renouvelé, ce Conseil de juges. Sur ce
mont d’Arès, où les Amazones jadis s’établirent et
plantèrent leurs tentes, aux jours où elles firent,
en haine de Thésée, campagne contre Athènes –
en face de sa citadelle alors elles dressèrent les
remparts élevés d’une autre citadelle ; elles y
sacrifiaient à Arès, et le rocher, le mont en ont
gardé le nom d’Arès – sur ce mont, dis-je, désormais le Respect et la Crainte, sa sœur, jour et nuit
également, retiendront les citoyens loin de l’injustice, à moins qu’ils n’aillent eux-mêmes encore
bouleverser leurs lois : qui trouble une source
claire d’afflux impurs et de fange n’y trouvera plus
DE L’ARÉOPAGE.
à boire. Ni anarchie ni despotisme, c’est la règle
qu’à ma ville je conseille d’observer avec respect.
Que toute crainte surtout ne soit pas chassée par
elle hors de ses murailles ; s’il n’a rien à redouter,
quel mortel fait ce qu’il doit ? Si vous révérez,
vous, comme vous devez, ce pouvoir auguste,
vous aurez en lui un rempart tutélaire de votre
territoire et de votre État tel qu’aucun peuple n’en
possède ni en Scythie ni sur le sol de Pélops.
Incorruptible, vénérable, inflexible, tel est le
Conseil qu’ici j’institue, gardien toujours en éveil
de ceux qui dorment. Voilà les avis que j’ai voulu
en termes exprès donner à mes citoyens pour les
jours à venir. Maintenant vous devez vous lever,
porter votre suffrage et trancher le litige en
respectant votre serment. J’ai dit.
Eschyle, Les Euménides, v. 681-710 ; traduction Mazon, P., Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1931.
Comprendre le document et ses centres d’intérêt
– Institution de l’Aréopage, dans le cadre du procès d’Oreste (transformation de la
légende attique);
– définition des pouvoirs de l’Aréopage, exaltation de son importance morale et
politique ;
– mythe et histoire: rapports du texte avec les réformes d’Éphialte (critique ou acceptation de l’actualité? cf. Le monde grec, Paris, Bréal, 2010, p.106).
Présenter le document
– La fondation de l’Aréopage est mise en scène dans la conclusion d’une trilogie représentée en 458;
– discours d’Athéna au public athénien, conférant à cette fondation la majesté du sacré.
Construire un plan à partir des centres d’intérêt suivants
– Les pouvoirs de l’Aréopage: une puissance judiciaire; un tribunal démocratique;
– l’Aréopage et les Athéniens: les réalités institutionnelles dans la cité de l’après
Éphialte;
– le mythe de la fondation de l’Aréopage: un mythe politique.
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10. Les sources littéraires de l’histoire de la Grèce (VIe s. a. C.-IIe s. p. C.)
VAINE
TENTATIVE DE
CYLON
POUR S’EMPARER DE L’ACROPOLE.
126,2. Les Lacédémoniens envoyèrent une
mission demandant aux Athéniens d’éloigner la
souillure contractée envers la déesse. Voici ce
dont il s’agissait. 126,3. Cylon était un vainqueur
olympique athénien d’autrefois, noble et important. Il avait épousé la fille de Théagène, un
Mégarien, qui, à cette époque, était tyran de
Mégare. 126,4. Comme Cylon consultait l’oracle
de Delphes, le dieu lui prescrivit de s’emparer de
l’acropole d’Athènes pendant « la plus grande
fête de Zeus ». 126,5. Notre homme reçut des
forces de Théagène, réussit à convaincre ses
propres amis et, lorsque vinrent les fêtes olympiques du Péloponnèse, il occupa l’Acropole,
avec l’intention d’établir la tyrannie : il avait pensé
que c’était là « la plus grande fête de Zeus » et
qu’elle avait un lien avec lui, un vainqueur olympique ; 126,6. s’agissait-il de la plus grande fête en
Attique ou en quelque autre lieu, il n’approfondit
pas davantage, et l’oracle ne le laissait pas
entendre (les Athéniens, eux, ont la fête appelée
les Diasia, la plus grande fête de Zeus Meilichios ;
elle se célèbre hors la ville ; toute la population
participe aux sacrifices, beaucoup de gens avec,
au lieu de victimes, des offrandes locales non
sanglantes) : croyant donc comprendre comme il
fallait, Cylon passa à l’action. 126,7. Or, ayant
appris ce qui se passait, les Athéniens, en masse,
vinrent des campagnes contre nos gens et s’ins-
tallèrent pour les assiéger. 126,8. Puis, le temps
passant, la plupart, las de poursuivre le siège,
s’en retournèrent, donnant pleins pouvoirs aux
neuf archontes pour exercer la surveillance et
tout régler selon ce qu’ils jugeraient le mieux
(à cette époque, le principal de l’administration
était aux mains des neuf archontes). 126,9. Cylon
et ses hommes, ainsi assiégés, étaient en
fâcheuse posture, car ils manquaient d’eau et de
vivres. 126,10. Cylon et son frère, alors, s’échappent. Quant aux autres, pressés par la faim,
certains même à la mort, ils s’installent en
suppliants au pied de l’autel sur l’Acropole.
126,11. Les Athéniens chargés de la surveillance
les relevèrent et les firent s’éloigner, en voyant
qu’ils mouraient dans le sanctuaire : ils les emmenèrent, sous la promesse de ne leur faire aucun
mal, puis ils les tuèrent. Dans le trajet, il y en eut
même qui se placèrent auprès des Augustes
Déesses et qu’ils exécutèrent. À la suite de cela,
ces gens furent décrétés sacrilèges et criminels
envers la Déesse, eux et leurs descendants […].
127,1. C’est cette souillure que les Lacédémoniens
priaient d’éloigner : apparemment, ils défendaient
avant tout les dieux, mais ils savaient que Périclès,
fils de Xanthippe, y touchait par sa mère, et ils se
disaient que, lui banni, ils obtiendraient plus facilement satisfaction du côté athénien.
Thucydide, Histoire de la Guerre du Péloponnèse, I, 126, 2-127, 1 ; traduction Romilly, J. de, modifiée,
Paris, Les Belles Lettres, CUF,1953.
Comprendre le document et ses centres d’intérêt
– Contexte: lors des négociations Sparte/Athènes en 432/431;
– épisode de l’histoire archaïque d’Athènes, remontant à 636 ou 632 (?);
– une requête qui s’explique par le souci de discréditer Périclès, qui était un lointain
descendant de Mégaclès, l’un des meurtriers des partisans de Cylon.
Présenter le document
– Récit à la manière d’Hérodote d’une affaire très ancienne de « souillure » (miasma),
utilisée pour ternir l’image d’une grande famille (Alcméonides);
– un des trois passages du livre I, avec les digressions concernant le régent Pausanias et
Thémistocle, préparant la présentation de Périclès.
Construire un plan à partir des centres d’intérêt suivants
– Récit « hérodotéen », écrit avec le souci de corriger Hérodote sur certains détails
(gouvernement d’Athènes à l’époque, sort de Cylon ; sur Hérodote et Thucydide,
cf. Le monde grec, Paris, Bréal, 2010, p. 289-292);
– affaire religieuse: détails sur les Diasia; double sacrilège (parjure, meurtre de
suppliants);
– permanence de conceptions primitives et intervention du sacré dans la vie politique.
10. Les sources littéraires de l’histoire de la Grèce (VIe s. a. C.-IIe s. p. C.)
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PLAIDOYER
EN FAVEUR DES CITOYENS FRAPPÉS D’ATIMIE.
Le chœur - ô Muse, viens prendre ta place dans la
sainteté de nos danses, et donner charme à nos
cantiques ! Viens voir ici ce peuple immense, sur
les bancs : mille et mille talents se pressent qui ont
au cœur plus de noblesse qu’un Cléophon ! Sa
bouche, à celui-là, ne sais quelle jacasse, éclose
en Charabie, l’a prise pour perchoir, et débagoule
un horrible sabir, posée sur cette fleur de
Barbarie ! – bien triste rossignol, qui geint
complainte amère : c’est qu’on aura sa peau,
même en cas de partage exact entre les voix !
Le coryphée - C’est le rôle, en toute justice, de
notre sainte cohorte, que de donner à la cité bons
conseils et bonnes leçons. Et pour commencer,
voici notre avis : qu’on fasse régner l’égalité entre
les citoyens, qu’on renonce à inquiéter les gens !
Oui, en cas de défaillance, de faux pas dus aux
manigances de Phrynichos, je prétends qu’il faut
laisser la possibilité à ceux qui ont trébuché à ce
moment-là de se mettre hors d’inculpation et de
se laver de leurs erreurs passées. Je prétends
ensuite que personne, dans la cité, ne doit être
privé de ses droits. Sinon, quel scandale ! Voilà
des matelots qui, pour prix d’un unique combat
qu’ils ont livré, sont assimilés aux héros de
Platées et passent d’un seul coup du clan des
esclaves à celui des maîtres ! D’ailleurs, je ne
saurais vous en blâmer, c’est une excellente idée,
à laquelle j’applaudis : c’est même la seule chose
judicieuse que vous ayez faite… Mais une autre
mesure s’impose : accordez à ceux qui, eux et
leurs pères, ont tant de fois combattu à vos côtés
sur vos navires, à vos frères de race, pour cet
unique accident, le pardon qu’ils vous demandent ! Allons, apaisez votre rancœur, vous qui êtes
si sages par nature ; tous les hommes, considérons-les de bon gré comme des parents, des
égaux en droits, des concitoyens, s’ils s’embarquent pour partager nos combats. Si nous continuons ainsi à asphyxier, par tant de morgue et de
hautaine raideur, notre communauté, et cela au
moment où elle est « entre les griffes de la
tempête », un jour viendra, dans l’avenir, où l’on
ne nous félicitera pas de nos lumières !
Le chœur - Si je vois clair dans le destin et les
façons d’un personnage à qui bientôt il en cuira,
lui non plus, le petit Cligène – le macaque qui pour
l’instant nous empoisonne, le blanchisseur, l’archi-fripouille des tripatouilleurs d’ersatz de savon,
gouverneur d’un royaume où la terre est… de
cendre et les eaux… de lessive – nous ne le
verrons plus longtemps moisir chez nous ! Il le sait
bien, mais n’en est pas rendu plus pacifique : on
ne le voit jamais sortir sans son gourdin, de peur
d’être, après boire, un beau jour, détroussé !
Aristophane, Les Grenouilles, v. 674-717 ; traduction Debidour, V.-H., modifiée, Paris, Gallimard, coll. Folio, 1966.
Comprendre le document et ses centres d’intérêt
– Une ,période difficile pour Athènes: crise de 411 (échec de la prise du pouvoir par les
oligarques), victoire des Arginuses (été 406), mais défaite d’Aigos Potamoi (août 405)
et fin temporaire de la démocratie (gouvernement des Trente);
– problèmes de la pacification et de l’atimie (perte des droits politiques pour ceux qui
avaient participé à la révolution oligarchique de 411);
– texte rejoint par l’actualité: décret de Patrocleidès (cf. Andocide, Sur les Mystères,
73-80).
Présenter le document
– Composé lors du procès contre les stratèges des Arginuses (automne 406), représenté
aux Lénéennes de 405;
– parabase, séparant la comédie en deux parties, l’une joyeuse, l’autre grave.
Construire un plan à partir des centres d’intérêt suivants
– Actualité et bouffonnerie: les charges comiques contre les démagogues (Cléophon et
Cligène);
– la question de la citoyenneté dans l’Athènes de la fin du Ve siècle;
– un message politique (sur l’héliaste vu par Aristophane dans Les Guêpes en 422,
(cf. Le monde grec, Paris, Bréal, 2010, p. 118-121).
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10. Les sources littéraires de l’histoire de la Grèce (VIe s. a. C.-IIe s. p. C.)
ÉLOGE
DE LA DÉMOCRATIE ATHÉNIENNE.
Avec cette naissance et cette éducation, les
ancêtres de ces morts vivaient sous le régime politique qu’ils avaient organisé pour leur usage, et
qu’il convient de rappeler brièvement. C’est en
effet le régime politique qui forme les hommes :
gens de bien s’il est bon, méchantes gens dans le
cas contraire. Que nos devanciers ont été formés
sous un bon gouvernement, voilà ce qu’il importe
de montrer : c’est à lui qu’ils ont dû leur vertu,
comme les hommes d’aujourd’hui dont justement
font partie les morts que nous célébrons ici. Car
c’était alors le même régime que de nos jours, le
gouvernement des meilleurs, qui nous régit
aujourd’hui, et qui toujours, depuis cette époque
lointaine, s’est généralement maintenu. Tel le
nomme démocratie, tel lui donne, à sa fantaisie,
un autre nom ; mais c’est en vérité le gouvernement des meilleurs avec l’approbation de la foule.
Des rois, certes, nous en avons toujours : tantôt ils
ont tenu ce titre de leur naissance, et tantôt de
l’élection ; mais le pouvoir dans la cité appartient
principalement à la foule ; charges et autorité sont
données par elle à ceux qui chaque fois ont paru
être les meilleurs. Ni l’infirmité, ni la pauvreté, ni
l’obscurité de la naissance ne sont pour personne
une cause d’exclusion, non plus que les avantages
contraires un titre d’honneur, comme c’est le cas
dans d’autres États. Il n’est qu’une règle : autorité
et pouvoir appartiennent à l’homme réputé
capable et honnête ; et la cause de ce régime politique est chez nous l’égalité de naissance. Les
autres cités sont constituées par des populations
de toute provenance, et formées d’éléments non
homogènes, d’où résulte chez elles le manque
d’homogénéité des gouvernements, tyrannies ou
oligarchies ; les gens y vivent, un petit nombre en
regardant le reste comme des esclaves, la plupart
en tenant les autres pour des maîtres. Nous et les
nôtres, tous frères nés d’une même mère, nous ne
nous croyons pas les esclaves ni les maîtres les
uns des autres, mais l’égalité d’origine, établie par
la nature, nous oblige à rechercher l’égalité politique établie par la loi, et à ne céder le pas les uns
aux autres qu’au nom d’un seul droit, la réputation de vertu et de sagesse.
Voilà pourquoi les pères de ces morts, qui sont
aussi les nôtres, et ces morts eux-mêmes, nourris
dans la plénitude de la liberté et doués d’une
bonne naissance, ont fait briller aux yeux de tous
les hommes, en particulier comme en public, tant
de nobles actions, se croyant tenus de combattre,
dans l’intérêt de la liberté, contre les Grecs pour la
défense des Grecs et contre les Barbares pour la
défense de la Grèce entière.
Platon, Ménéxène, 238 b-239 b ; traduction Méridier, L., modifiée, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1931.
Comprendre le document et ses centres d’intérêt
– Un éloge du régime démocratique athénien, présenté comme démocratie aristocratique ;
– thématique de l’oraison funèbre: excellence du régime politique athénien, exaltation
des ancêtres, autochthonie, combat pour la liberté ;
– utiliser Loraux, N., L’Invention d’Athènes. Histoire de l’oraison funèbre dans la « cité
classique », Paris, La Haye et New York, Mouton, 1981, rééd. Paris, Payot, 1993.
Présenter le document
– Discours d’Aspasie (femme et étrangère) rapporté par Socrate, selon une chronologie fictive ;
– intention parodique: pastiche du discours de Périclès (Thucydide, II, 37, 1-3 notamment).
Construire un plan à partir des centres d’intérêt suivants
– Rhétorique de l’éloge: une oraison funèbre modèle…
– … ou un pastiche platonicien de Thucydide, lié à une réflexion sur la valeur de ce
genre de discours à Athènes;
– image de la démocratie athénienne à confronter aux réalités politiques du IVe siècle et
à la pensée philosophique de Platon.
10. Les sources littéraires de l’histoire de la Grèce (VIe s. a. C.-IIe s. p. C.)
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INTERVENTION D’ANTIGONE DÔSÔN
52,5. Lorsque Cléomène eut connaissance des
accords passés entre les Achéens et Antigone, il
leva son camp devant Sicyone et alla prendre
position sur l’Isthme de Corinthe, en coupant d’un
retranchement et d’un fossé l’intervalle compris
entre l’Acrocorinthe et les monts Onéia, ayant
déjà fermement embrassé dans ses espérances la
domination totale du Péloponnèse. 52,6. Mais
Antigone était prêt depuis longtemps, observant
la suite des événements, selon les conseils
d’Aratos : 52,7. estimant alors, d’après ce qui
venait de se passer, que Cléomène envahirait
bientôt la Thessalie avec son armée, il envoya
rappeler leurs conventions à Aratos et aux
Achéens, puis il arriva sur l’Isthme avec ses
troupes après avoir traversé l’Eubée. 52,8. Car les
Étoliens, entre autres gestes inamicaux, pour
empêcher Antigone d’arriver à la rescousse, lui
avaient interdit de franchir avec son armée les
Thermopyles : sinon ils lui barreraient le passage
par la force. 52,9. Antigone et Cléomène se mirent
donc en position face à face pour s’efforcer, l’un
d’entrer dans le Péloponnèse, et Cléomène d’en
barrer l’accès à Antigone. 53,1. Les Achéens, en
dépit des terribles revers qu’ils avaient subis, ne
renonçaient pas à leurs plans et ne perdaient pas
espoir en eux-mêmes. 53,2. Ainsi, lorsque l’Argien
Aristotélès se souleva contre les partisans de
Cléomène, ils vinrent à la rescousse et, par une
attaque brusquée sous le commandement du stratège Timoxénos, ils s’emparèrent de la ville. 53,3.
Ce succès doit être tenu pour la cause principale
d’un redressement de la situation, car ce fut ce qui
arrêta l’élan de Cléomène et ébranla d’avance le
DANS LE
PÉLOPONNÈSE
EN
224 a. C..
moral de son armée, comme les faits l’ont montré.
53,4. Bien qu’il occupât le premier des positions
plus favorables, qu’il disposât d’un ravitaillement
plus abondant qu’Antigone et qu’il fût poussé par
une audace et une ambition plus grandes, 53,5.
dès que lui parvint la nouvelle que la ville d’Argos
était tombée aux mains des Achéens, rompant
aussitôt le contact, abandonnant les avantages
qu’il avait, il opéra une retraite qui ressemblait à
une fuite, par crainte de se voir enveloppé de tous
côtés par ses ennemis. 53,6. Il se jeta sur Argos et,
pendant un moment, tenta de s’emparer de la
ville, mais bientôt, repoussé vaillamment par les
Achéens et, avec l’ardeur du repentir, par les
Argiens, il renonça aussi à cette entreprise et c’est
ainsi que, faisant route par Mantinée, il regagna
Sparte.
54,1. Antigone pénétrant dans le Péloponnèse
sans coup férir occupa l’Acrocorinthe ; mais sans
s’arrêter, il exploita son avantage et marcha sur
Argos. 54,2. Il félicita les Argiens et rétablit l’ordre
dans la ville, puis il reprit immédiatement sa
marche et se dirigea sur l’Arcadie. 54,3. Lorsqu’il
eut chassé les garnisons des fortins que
Cléomène avait fait construire dans l’Aigytide et la
Belminatide et qu’il en eut remis la garde aux
Mégalopolitains, il vint à Aigion pour l’Assemblée
fédérale des Achéens. 54,4. Il rendit compte de ce
qu’il avait fait, conféra sur les opérations futures
et fut nommé général en chef de l’ensemble de la
coalition ; 54,5. puis il passa quelque temps dans
ses quartiers d’hiver du côté de Sicyone et de
Corinthe.
Polybe, Histoires, II, 52, 5-54, 5 ; traduction Pédech, P., Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1970, modifiée.
Comprendre le document et ses centres d’intérêt
– Un épisode de la guerre contre Cléomène, roi de Sparte, lié à l’histoire de la
Confédération achéenne et de la Macédoine sous Antigone Dôsôn (cf. Le monde grec,
Paris, Bréal, 2010, p. 235);
– portraits de Cléomène et d’Antigone ;
– récit fondé sur une lecture critique des Mémoires d’Aratos, intégré cependant – d’où
son ampleur limitée –, non à l’exposé historique proprement dit de Polybe, mais à un
préambule.
Présenter le document
– Un extrait de la 2de moitié du livre II des Histoires de Polybe, consacrée à l’ascension
de la Confédération achéenne entre 281 et 221 ;
– bonnes dispositions de Polybe à l’égard d’Antigone ; volonté de justifier l’alliance
achéo-macédonienne et la politique d’Aratos.
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10. Les sources littéraires de l’histoire de la Grèce (VIe s. a. C.-IIe s. p. C.)
Construire un plan à partir des centres d’intérêt suivants
– La campagne d’Antigone à l’Isthme de Corinthe et dans le Péloponnèse (importance
des événements politiques survenus à Argos) ;
– rôle historique des hommes d’État qui conduisent les événements ; philosophie de
l’histoire ;
– intérêt d’une comparaison avec Plutarque (Aratos et Cléomène) pour poser le
problème de l’objectivité du témoignage de Polybe.
10. Les sources littéraires de l’histoire de la Grèce (VIe s. a. C.-IIe s. p. C.)
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