Par Georges Leleux

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janvier 1945)
Bodenplatte
Par Georges Leleux
Le 16 décembre 1944, la Wehrmacht appuyée par plusieurs divisions de Waffen-SS
lance une importante contre-offensive (du nom de Wacht am Rhein) dans le secteur
des Ardennes, région qui, plus de quatre années auparavant, avait permis la traversée
victorieuse des Panzerdivisionen. Cette attaque surprend totalement les responsables
alliés du renseignement s’étant laissés « endormir » au fil du temps car confiants en
deux certitudes :
-depuis la percée de Normandie en août 1944, l’armée allemande était en passe de
capituler avant la fin de 1944 ;
-l’absence de messages « alarmants » émis par Enigma et décryptés par Ultra. Mais, à
cette époque, les Allemands avaient quelques doutes quant à la sûreté de leurs codes et
employaient de moins en moins les machines de transmission Enigma.
D’où, pendant tout le début de décembre, une importante concentration sur la frontière
germano-belge d’unités terrestres allemandes « au nez et à la barbe » d’Alliés quelque
peu engourdis dans leur certitude de proche victoire.
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Lors de la campagne de
Normandie, la Luftwaffe
avait surtout fait de la
figuration et perdu de
nombreux appareils
comme ce Bf 109 G
pris sous le feu d’un
chasseur de l’USAAF
(NAA).
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situés au sud de Francfort : les Stab et I./
JG 11 à Biblis, le II./JG 11 à Zellhausen et
le III./JG 11 à Groß-Ostheim. Jusqu’à la
fin de l’année, la JG 11 perdit 142 avions
détruits ou endommagés et 33 pilotes
tués ou disparus. La saignée fut telle que
l’on affirme (selon un rapport Ultra) que
l’escadre se trouvait réduite fin décembre
1944 à … deux FW 190 en état de vol !
C’est ainsi que, lors de Bodenplatte, seuls
six pilotes du I./JG 11 prirent part à cette
mission avec quatre autres du Stab. Le III.
Gruppe avait plus d’avions disponibles
que de pilotes et plusieurs de ceux-ci,
venus des autres Gruppen gagnèrent GroβOstheim pour prendre part à l’attaque du
III. Gruppe.
La JG 11 était menée à l’époque par le
Major Günter Specht. Cet ancien pilote de
bimoteur (Bf 110) avait perdu un œil en
septembre 1940 lors d’un combat avec la
RAF. Il avait surmonté cette infirmité en
passant sur monomoteur et en combattant
dans le ciel allemand. Il avait à son actif
trente-quatre victoires dont la moitié était
des quadrimoteurs. Le 8 avril 1944, il
avait reçu la Ritterkreuz.
La Jagdgeschwader 26
Un Bf 109 E de la JG 26
entretenu en 1941.
La Jagdgeschwader 26 Schlageter est
sans nul doute une des escadres de chasse
allemandes les plus célèbres de la guerre.
Ayant combattu dans toutes les batailles
importantes à l’ouest, l’unité disposait de
pilotes de chasse très expérimentés en son
sein et, comme la JG 2, était respectée par
ses adversaires anglo-saxons.
Comme la plupart des JG, la JG 26 avait
été engagée en Normandie, y avait subi
de lourdes pertes puis s’était repliée dans
le Reich. Le 24 novembre, les Stab et I./
JG 26 s’étaient déplacés de Greven à
Fürstenau. Les deux unités y resteront
jusqu’en mars 1945. À Fürstenau, le
premier Gruppe reçut enfin les FW 190
D-9 tant attendus. Le Gruppe effectua
quelque douze missions d’appui lors de
Wacht am Rhein, perdant au moins dixsept pilotes.
À la mi-novembre 1944, le II./JG 26 fut
transféré de Kirchhellen à Reinsehlen.
L’unité reçut de nouveaux FW 190 D-9
pour remplacer ses désuets A-8 et A-9 et, le
17 décembre, elle gagna Klausheide pour
reprendre le combat face aux aviations
alliées.
À fin d’octobre 1944, le III./JG 26 s’était
implanté à Plantlünne, un assez grand
terrain d’aviation herbeux. Le groupe
devait y demeurer jusqu’à la mi-mars
1945. Lors des missions de combat,
l’unité perdit trois pilotes tués ainsi que
treize Messerschmitt 109.
Depuis janvier 1943 la JG 26 était
commandée par l’Obstlt Josef Priller,
un des pilotes de Luftwaffe les plus
talentueux à l’Ouest ayant 101 victoires à
son crédit à cette époque.
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Le 24 décembre, deux Kapitäne
expérimentés furent tués au combat et, le
lendemain 25, le Major Johannes Wiese,
le Kommodore, fut lui-même abattu
par un Spitfire et grièvement blessé.
L’escadre fut alors reprise au pied levé
par un vétéran haut en couleurs, le Major
Siegfried Freytag.
Le 31 décembre, le III./JG 77 reçut
l’ordre de transférer le reste de ses
avions à Dortmund, soit quelque douze
Messerschmitt. Un combat s’engagea
avec des chasseurs alliés et trois avions
furent perdus.
Selon les chiffres disponibles, la JG 77
avait perdu environ 50% de ses effectifs en
moins de deux semaines. Mais plusieurs
de ses pilotes étaient toujours des vétérans
compétents.
La Schlachtgeschwader 4
Des FW 190 A de la
JG 54 à l’Est avec le
fameux insigne au
cœur vert. On remarque
le camouflage assez
inhabituel pour une
unité de la Luftwaffe.
L’appui aérien au sol (Schlacht) était
réservé avant-guerre aux Ju 87 et Hs
123. Cependant, lors de la Bataille
d’Angleterre, apparut le concept du Jabo,
le Jagdbomber ou chasseur bombardier.
Des bombes furent accrochées sous le
ventre des Bf 109 (plus tard également
des FW 190) pour permettre des
attaques en piqué. La bombe larguée, le
Jabo redevenait pur chasseur, capable
d’affronter ses homologues adverses.
La SG 4 (ou Schlachtgeschwader 4)
était le fruit de la fusion des SG 2 et
SKG 10 équipées de FW 190, lors de la
réorganisation des unités d’attaque au sol
en octobre 1943. Durant la fin de 1943 et
jusque en mai 1944, la SG 4 avec ses I. et
II. Gruppe opéra en Italie. En juin, les deux
groupes furent remis à neuf près de Turin.
Pendant ce temps-là, le III./SG 4 stationné
en France effectuait des opérations antisous-marines en Méditerranée avant de
lutter peu après en Normandie, tout en
subissant de sérieuses pertes. En juillet
1944, l’escadre au complet gagna le front
oriental avant de revenir en novembre dans
le Reich. Au début décembre, les Stab et
I./SG 4 furent transférés à Ziegenhain. En
novembre, le II./SG 4 se déplaça à Oppeln
(Silésie), puis à Gütersloh. Le III./SG 4 fut
transféré à Reinsehlen. Le 14 novembre,
le maréchal Göring ordonna à la SG 4
d’appuyer la prochaine offensive à l’ouest
avec une attention toute particulière pour
les ponts de la Meuse. Le 14 décembre, la
5. Jagddivision ordonna au III./SG 4 de se
déplacer à Kirtorf.. Aux alentours du 18
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Un Bf 109 G
du III./JG 77 à
Neuruppin en septembre
1944. L’unité avait
adopté l’insigne au cœur
rouge mais ce dernier
sera rarement peint sur
les appareils en cette fin
1944.
décembre, les Stab et I./SG 4 gagnèrent
Bonn/Hangelaar et le II./SG 4 quitta
Kirtorf pour Köln/Bützweilerhof. Le I./
SG 4 était mené par le Major Werner
Dörnbrack tandis que le Kommandeur du
II./SG 4 était le Hptm Hans Stollnberger
(qui volait déjà sur la Manche en 1940).
Fin décembre, l’escadre fut maintenue
au sol suite aux mauvaises conditions
météorologiques. Les opérations ayant
été décevantes, le 29 décembre, l’Obstlt
Ewald Janssen, Kommodore de la SG
4, fut remplacé par un autre grand as,
l’Oberst Alfred Druschel. Ce dernier
profita du mauvais temps pour visiter ses
différents Gruppe.
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Focke-Wulf FW 190 A-8/R2 « 11 blanc » (WNr. 681497) de la 5.(Sturm)/JG 4,
piloté par le Gefr Walter Wagner lors de l’attaque contre Saint-Trond le 1er
janvier 1945 et qui fut capturé.
posant sur le ventre son appareil. Ce fut la
troisième et dernière sortie opérationnelle
de Wagner dont l’avion, remis en état, sera
repeint par le 404th FG puis abondamment
photographié.
Deux pilotes seulement revinrent de
Belgique : Lothar Wolff et le Lt Josef
Kunz. Selon les souvenirs du Kommandeur
Wolff : « Volant vers l’est à une altitude de
huit mille mètres, je franchis le Rhin puis
suivis la vallée du Rhin vers le sud jusqu’à
notre aérodrome. J’étais le seul pilote
à rejoindre Rhein-Main. Deux ou trois
autres avions avaient atterri sur d’autres
aérodromes. Je dus immédiatement faire
rapport à l’Obstlt Gotthardt Handrick, le
Jagdabschnittsführer Mittelrhein, qui fut
choqué d’apprendre que presque personne
n’était revenu. Il ordonna alors que nous
devrions effectuer la même mission le
lendemain ! Quel type de commandement
L’avion du Gefreiter
Walter Wagner sera
remis sur roues et testé
par le 404th FG.
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route les menait presque directement sur
Ophoven (Y-32), une piste récente utilisée
par le N° 125 Wing à juste cinq kilomètres
au nord d’Asch (Y-29). Une grande partie
de la formation pensant qu’il s’agissait
de l’objectif fixé, commença à mitrailler
Ophoven en rase-mottes, cela alors que le
reste de la formation continuait vers Asch !
Quelque
trente
Focke-Wulf
et
Messerschmitt attaquèrent Ophoven mais
se heurtèrent très vite à des chasseurs
appelés à la rescousse. La féroce
bataille aérienne dans laquelle toute la
JG 11 fut impliquée ne laissa que peu
d’occasions d’attaquer réellement le(s)
terrain(s) d’aviation. Les mitraillages au
sol n’eurent que peu de conséquences
dommageables pour la majorité des plus
de cent cibles potentielles constituées des
352nd et 366th FG. La Jagdgeschwader 11
allait subir des coupes sombres dans cet
engagement disputé. Vingt-quatre FW
190 et Bf 109 furent perdus au-dessus du
territoire adverse ; seuls quatre pilotes
furent capturés. Plusieurs autres pilotes
réussirent très difficilement à regagner le
territoire allemand mais durent se poser
sur le ventre ou abandonner leur avion.
Seuls quelques-uns rentrèrent à leur base.
La perte la plus pénible pour la JG 11 fut
celle du Major Gunther Specht, titulaire
de trente-quatre victoires (dont dix-sept
bombardiers quadrimoteurs) et porteur de
la Ritterkreuz. L’ailier de Specht, l’Uffz
Sophus Schmidt, ne revint pas non plus
et les deux hommes sont toujours portés
disparus. Tout comme le Kommandeur
du III./JG 11, le Hptm Horst-Günther
von Fassong, autre Ritterkreuzträger.
Manrho et Pütz l’ont bien remarqué :
« Le nombre de morts et, spécialement
celui des disparus, étonne ». Il doit en fait
s’expliquer par le secteur des combats.
Le Limbourg belge était une province
dominée par une résistance communiste
aussi active que brutale, basée sur les
mineurs très nombreux dans cette région
vouée à l’exploitation du charbon. Lors
de l’occupation, à partir de la fin de 1941,
des groupes de tueurs assassinèrent bien
des collaborateurs et, en septembre 1944,
lors de la retraite allemande un grand
nombre de partisans armés fut tué dans
des engagements avec la Wehrmacht.
Pour se venger, leurs camarades auraient
assassiné plusieurs aviateurs allemands,
les inhumant alors à la sauvette.
Quatre P-51, quatre P-47 et un Typhoon
furent revendiqués par les chasseurs
allemands ; ce qui est excessif. Quelques
victoires furent néanmoins remportées.
Walter Köhne, Staffelkapitän de la 6./]G
11, se souvient de sa victoire au-dessus
d’Asch : « Sur le terrain d’aviation le P-47
grimpa à six cents mètres. Je ne pouvais
ajuster mon tir à chaque fois trop court.
Je n’avais pas assez de puissance pour le
rattraper. Il ne me restait seulement que
quelques obus lorsque le Thunderbolt
vira soudainement vers la droite. Je pus
l’atteindre à l’emplanture de l’aile droite.
Lentement, elle commença à brûler et
devint une traînée de flammes. Jusqu’au
Asse (photographié ici
vers le mois d’octobre)
avait rapidement été
occupé par l’aviation
américaine.
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base. Dès la mi-1943, depuis le moment
où le General der Flieger Galland, était
venu en Sicile pour imposer qu’un pilote
de chasse sur dix soit traduit devant le
conseil de guerre pour « lâcheté devant
l’ennemi » (cela pour tenter d’expliquer le
manque de succès d’une chasse allemande
exsangue), il y eut rupture de confiance
tant du bas vers le haut que du haut vers le
bas. Les officiers supérieurs, « planqués »
dans des ministères à Berlin ou ailleurs,
ne comprenaient plus les difficultés du
terrain. Alors qu’Hitler voulait continuer
à défendre le pays, ses officiers supérieurs
défendaient, eux, surtout leurs privilèges.
Quand la fin inéluctable approchera, ils
déclencheront la grotesque « fronde des
généraux » pour tenter de faire retomber
tous les manquements de la Luftwaffe sur
leur supérieur direct, le maréchal de l’air
Hermann Göring.
On peut donc penser que le déclenchement
de Bodenplatte fut le fait de quelques
officiers supérieurs (Handrick, Peltz,
Galland, … ?). Dans ses mémoires,
Hajo Hermann impute pour sa part cette
responsabilité au seul commandant en chef
du Luftwaffenkommando, le général Josef
« Beppo » Schmidt. On peut cependant
douter qu’un officier isolé ait osé prendre
sur lui de lancer des centaines de chasseurs
vers l’ennemi sur base d’un plan dépassé
remontant à trois semaines. Dans ses
propres mémoires, Adolf Galland joue la
carte « de celui qui ne savait pas ». Si l’on
se fie à son texte, tout se serait déroulé à
son insu. Mais comment croire qu’on ait
pu se passer de l’avis d’un personnage
qui s’était toujours présenté comme un
pilier de la Tagjagd ?
Si Bodenplatte détient encore bien des
zones d’ombre, laissons l’Histoire les
éclairer éventuellement et, à titre de
conclusion
définitive,
replongeonsnous dans un bon vieux « classique » de
l’histoire aérienne de la Seconde Guerre
mondiale.
Ainsi, Pierre Clostermann, dans son
ouvrage Une sacrée guerre cite les résultats
de l’opération du 1er janvier 1945. On
admirera sa clairvoyance lorsqu’il écrit,
des années pourtant avant la parution du
livre de Manrho et Pütz : « Les Allemands
venaient de perdre 25% des effectifs ». Et
d’ajouter : « La Luftwaffe à partir de ce
jour ne livra plus qu’un combat désespéré
dont l’héroïsme fou laisse rêveur et force
l’admiration ».
Même si le trait peut sembler pour certains
un peu exagéré, tel fut le jugement
sans appel d’un adversaire, d’un réel
combattant du front, sur les derniers mois
d’existence d’une Tagjagd pour laquelle
Bodenplatte fut certainement le dernier
grand fait d’armes mais également un
indéniable chant du cygne.
Sources
Bodenplatte, the Luftwaffe’s last hope. John Manrho & Ron Pütz. Hikoki Pub. 2004
Chasseurs d’assaut, Jistoire de la JG 4. Eric Mombeek. Lela Presse 2002.
Histoire de la JG 53. Jean-Louis Roba. Lela Presse. Coll. Batailles Aériennes N° 65.
The History of the Hell Hawks. Charles R. Johnson. South Coast 1975.
Une épave de chasseur
allemand perdue
quelque part dans les
Ardennes belges.
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LE FOCKE-WULF FW 190 D-9
LE FOCKE-WULF FW 190 D-9
Comme tous les avions de fin de guerre de la Luftwaffe, le FW 190 D-9 n’échappe pas à la part de
mystère qui lui est due. Le but de ce modeste article n’est certes pas de fournir réponse aux nombreuses
questions en suspens quant à l’histoire de ce superbe appareil ; nous vous proposons plutôt de le
découvrir sous ses aspects techniques, en marge du récit de Bodenplatte, bataille dans laquelle il joua
un rôle assez important.
Pourquoi le FW 190 D ?
Le Professeur Kurt
Tank. (toutes les photos
coll. J-L Roba sauf autre
mention)
Lorsqu’il fait son apparition sur la Manche à l’été 1941, le FW 190 A prend immédiatement l’avantage
sur son adversaire britannique d’alors, le Spitfire Mk.V. Mais s’il donne satisfaction dans bien des
domaines, le nouveau chasseur de la Luftwaffe n’affiche que de médiocres performances à haute altitude
et au-delà de 8000 m, un Spitfire reprend l’avantage. Un an plus tard, les raids diurnes des bombardiers
américains allaient confirmer cette carence et placer la Tagjagd dans une situation sinon préoccupante,
au moins très gênante.
Toutefois, ne perdant guère de temps, le professeur Kurt W. Tank est mis au courant des faiblesses de
l’appareil au-delà de 7000 m en lisant les rapports des escadres utilisatrices. Il n’est d’ailleurs pas le seul
puisque le RLM ne tarde guère à entamer un programme de recherche sur un chasseur à haute altitude.
Tout devient ensuite très compliqué à cause des problèmes rencontrés avec les moteurs (le DB 603
notamment) et les hésitations du RLM quant au choix de ce dernier. Tank est cependant convaincu que
le DB 603 sera un excellent moteur. Dès la fin de 1941, il met en place trois programmes distincts :
-FW 190 B à cabine pressurisée et moteur BMW 801 surpuissant ;
-FW 190 C à moteur DB 603 ;
-FW 190 D à moteur Jumo 213 A.
Pour ce programme, Tank se réserve 18 avions pris sur la chaîne de production afin de les utiliser à sa
guise comme bancs d’essai. Il établit ainsi une série de 8 améliorations désignées Ra-1 à Ra-8 (Ra =
Rechnerische Ankündigung ou objets d’analyse comptabilisés) dont seulement les Ra-1, Ra-4 et Ra-8
concernent le FW 190 D. Il s’agit alors du programme le plus coûteux jamais entrepris pour un chasseur,
surtout si l’on sait que la firme Messerschmitt est également concernée. D’ailleurs, au fil des mois,
les problèmes sont si importants que le RLM ne voyant arriver que des factures et aucune solution de
chasseur à haute altitude, exige une solution rapide ; lors d’une réunion tenue à Bad Eilsen le 5 juillet
1943, le RLM demande aux deux constructeurs de proposer une solution qui permettrait de disposer le
plus rapidement possible d’un chasseur ayant d’excellentes performances à haute altitude. Focke-Wulf
finit par se concentrer sur le projet FW 190 D, le moteur Jumo 213 présentant un important potentiel
et son développement étant alors plus avancé que celui du DB 603. Focke-Wulf n’a de toute façon pas
le choix vu les échecs enregistrés avec les autres programmes. Sachons que les travaux sur le moteur
Jumo 213 A-1 ont débuté depuis mars 1942 et qu’à l’été 1943, les ingénieurs découvrent que ce moteur,
à l’origine développé pour les bombardiers, a un potentiel assez considérable. Tank ne manquera guère
de prototypes, entre ceux « récupérés » des programmes abandonnés et les nouveaux, aucun problème
pour tester, essayer et comparer les solutions à adopter !
Le FW 190 V17 fut le
premier prototype de la
version D-9 du célèbre
chasseur. On remarque
l’armement d’aile qui
comprenait alors deux
canons supplémentaires
MG 151 qui furent
ensuite supprimés.
Le Dora de Waasmunster
Par Cynrik De Decker (Président de la BAHAAT)
Le pilote Paul
Drutschmann, de
nombreuses années plus
tard, à droite sur cette
photo.
Paul Drutschmann à
l’époque…
Le premier jour de l’An, la Luftwaffe déclencha l’opération Bodenplatte avec ce dont elle disposait.
Mais la plupart de ses pilotes étaient trop jeunes et trop peu expérimentés pour affronter cette tâche. Sur
la Flandre Orientale, le Wing polonais de Spitfire basé à St Denijs-Westrem allait jouer un rôle important
dans l’interception de plusieurs intrus. Ainsi, un engagement aérien débuta sur le pays de Waas. Un
pilote polonais, le P/O Dromlewicz, put se placer derrière l’appareil du Feldwebel Paul Drutschmann,
le “Weisse 3”, un Focke-Wulf 190 D-9 de la 9./JG 54. L’Allemand fut un temps pris sous le feu de son
adversaire, des impacts frappant son fuselage et son aile droite. Bientôt, le moteur du ‘Dora’ lâcha. Un
témoin de cet engagement fut le jeune Jozef De Munck, un volontaire de guerre belge âgé de dix-neuf
ans temporairement en congé à Waasmunster : « Quand j’ai entendu le bruit des moteurs et le fracas des
mitrailleuses, je me suis précipité à l’extérieur pour voir ce qui se passait. Le Spitifre s’est débarrassé
de son réservoir externe et a attaqué le chasseur allemand qui volait au-dessus de l’aérodrome et du
château Blauwendaal. Il n’a pu éviter les tirs du Spitfire. Lorsque son appareil a été touché, le pilote du
FW 190 a pris de la hauteur et, après avoir atteint son maximum, a ouvert sa verrière puis a sauté. Le
parachute s’est ouvert quelques secondes plus tard. Le FW s’est écrasé dans une zone marécageuse,
localement connue sous le nom de « Sint-Anna-broek ». Le pilote a aussi atterri dans l’eau boueuse
de la rivière locale, la Durme. Il a eu de la chance que le niveau de l’eau fut très bas, évitant ainsi la
noyade. Il a pataugé dans la boue, pointant son revolver en direction des personnes qui s’approchaient
de lui. La police locale est arrivée mais le pilote a refusé de se rendre. Comme il a vu que je portais
un uniforme, je me suis rapproché prudemment. Il a alors baissé son pistolet et m’a dit : ‘ Je vous suis
mais pas ces personnes’ en pointant du doigt les officiers de police. Il m’a rendu mon salut et m’a remis
son arme. Nous l’avons conduit jusqu’au pont « Fons D’Hoe » à bicyclette, puis nous l’avons emmené
à l’hôtel de ville. Le pilote était trempé mais a refusé de mettre des vêtements secs. Il a aussi poliment
refusé la cigarette que je lui ai offerte car elle était de marque anglaise. Je lui ai alors demandé d’où il
venait mais il est resté silencieux pendant un moment puis a déclaré : « J’aurais pu m’en tirer à un contre
deux, mais trois c’était trop… ». Il était encore en
plein combat ». Paul Drutschmann reviendra de
captivité en 1948 ; il est décédé en Allemagne en
2000.
A la fin de la guerre, les rapports d’Intellligence
alliés étaient assez précis quant à la localisation
et au sort des avions trouvés sur le continent lors
de l’avance alliée. C’est ainsi que l’on savait que
le Dora de Waasmunster n’avait pu être examiné
en 1945, l’épave étant toujours “buried in marshy
land” – enterrée dans des marais. Après avoir
rencontré et interviewé divers témoins, notre
organisation se rendit sur les lieux et, grâce à un
détecteur de métaux, de petits morceaux de l’avion
furent retrouvés. Il faudra cependant attendre
encore dix années pour pouvoir concrétiser ces
recherches grâce à un GPS.
Un impressionnant trou fut creusé pour récupérer
l’épave du Dora !
Malgré les années sous terre, le moteur Jumo 213
A ressemble toujours à ce qu’il fut, même si de
nombreux éléments en sont absents.
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