Zoom sur Trichiasis Comprendre pour mieux traiter n Le trichiasis présente une grande variabilité de tolérance. Son dépistage n’est pas toujours aisé et nécessite une analyse complète des paupières. A défaut de le faire toujours disparaître, bien des traitements permettent d’améliorer la situation du patient. Pour autant, tous les trichiasis sont-ils à traiter ? L e trichiasis est un motif de consultation récurrent car il est souvent responsable d’irritations douloureuses de la surface cornéo-conjonctivale. Cette épine irritative entraîne une gêne visuelle par augmentation du clignement (blépharospasme) et trouble de la trophicité cornéenne (kératite avec sécheresse ou au contraire larmoiement). Le trichiasis est une pathologie palpébrale singulière dont le traitement est quasi exclusivement réalisé par les ophtalmologistes et en particulier par les oculoplasticiens. Le traitement du trichiasis peut sembler facile, mais reste toujours délicat et son résultat peut parfois décevoir. La prise en charge du trichiasis constitue un authentique défi que l’opérateur sensibilisé à l’oculoplastie doit relever avec prudence. Le traitement repose sur des méthodes pragmatiques qui tiennent compte de l’écosystème ciliaire et de l’analyse statique et dynamique des paupières. Dr Jean-Luc Fau* surface oculaire par sa pointe. Le bord libre de la paupière reste anatomiquement normal dans la majorité des cas (Fig. 1). Le trichiasis se distingue des anomalies ciliaires congénitales que sont l’épiblépharon et le dystrichiasis. L’épiblépharon correspond à un bourrelet cutané prétarsal et orbiculaire présent au niveau du bord libre de la paupière du nouveauné. L’absence d’insertion cutanée du faisceau antérieur des muscles rétracteurs au niveau de la zone sous-ciliaire est responsable d’une verticalisation des cils. Le contact se fait par la tige pilaire et non par la pointe (Fig. 2). Le dystrichiasis se présente comme une rangée ciliaire surnuméraire, en arrière de la rangée normale des cils et de la ligne grise. Il peut être complet ou non (toute la largeur du bord libre) voire associé à un authentique trichiasis. Un dystrichiasis acquis est possible dans les inflammations chroniques de la marge palpébrale. SIGNES CLINIQUES La sensation de corps étranger, la photophobie et la rougeur sont fréquents mais pas systématiques. La kératite ponctuée localisée résistante aux traitements locaux doit faire rechercher des cils trichiasiques “noyés” dans un tableau d’inflammation locale. L’inflammation du bord libre est parfois trompeuse et il faut savoir être vigilant dans la recherche d’une anomalie ciliaire. DÉFINITION Le trichiasis est une orientation anormale d’un ou plusieurs cils, responsable d’une irritation de la *Oculoplasticien, Nancy, Hôtel-Dieu, Paris 174 Figure 2 - Epiblépharon racial de ­l’enfant (sujet asiatique). Verticalisation Figure 1 - Cil trichiasique de paupière des cils qui touchent la surface cornéo- inférieure. La pointe ciliaire irrite conjonctivale par leur tige pilaire. la surface cornéenne. Absence de signe fonctionnel. Pratiques en Ophtalmologie • Septembre 2011 • vol. 5 • numéro 46 Trichiasis Figure 5 - Shaving de nævus non pigmenté du bord libre. On distingue la médullaire et la corticale des cils. L’enjeu Figure 4 - Dessin schématique du cil. La est ici de laisser le bulbe ciliaire en place tige pilaire est composée de la médul- pour permettre la repousse de la tige et laire et de la corticale en périphérie. d’éviter une madarose localisée. Le bulbe est enfoui dans le derme et comporte la papille dermique (jaune) et la matrice qui sécrète la kératine. Les glandes sébacées de Zeiss et de Moll se déversent dans le conduit pilaire. Figure 3 - Coupe histologique d’un cil avec le bulbe ciliaire et matériel ­environnant. ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE DES CILS Anatomie Les cils sont des poils de grande taille qui appartiennent au groupe des poils terminaux comme les cheveux (Fig. 3). Ils sont localisés de façon oblique sur les bords palpébraux antérieurs avec une orientation externe en haut et en avant pour les paupières supérieures et une orientation en bas et en avant pour les paupières inférieures (Tab. 1). ❚❚Leur nombre Il varie de 60 à 150 par paupière. Les cils sont constitués d’un bulbe pilaire (follicule pileux) enfoui et d’une tige pilaire visible à point de départ intra-dermique (Fig. 4). ❚❚Le bulbe pilaire ❚ (follicule ciliaire) Il est principalement composé d’une papille dermique et d’une matrice responsable de la croissance du cil. Le bulbe est au contact du tarse entre la portion pré-ciliaire du muscle orbiculaire et du muscle rétro-ciliaire de Riolan. En paupière supérieure, le bulbe est enfoui entre 1,5 et 2 mm du bord libre alors qu’il n’est qu’à 0,8 à 1,2 mm dans le bord libre inférieur. Il est entouré d’un tissu musculaire très richement vascularisé. Le rôle du muscle orbiculaire est de la plus haute importance dans la trophicité du follicule ciliaire. La papille dermique bénéficie de cette vascularisation et les artérioles modifient l’épaisseur de leur membrane basale au cours du cycle pilaire. Les plexus nerveux sensitifs terminaux de la papille la rendent très sensible aux stimulations mécaniques (contact du cil et épilation). La matrice adjacente de la papille organise la croissance de la tige pilaire. ❚❚La tige pilaire Elle présente trois couches dans son axe transversal : la médullaire, la corticale et la cuticule. La médullaire est une couche centrale mono ou bicellulaire qui participe à la pigmentation du cil par la mélanine qu’elle contient. La corticale entoure la médullaire grâce à un réseau fibrillaire de kératine. Elle contient également de la mélanine (Fig. 5). La cuticule est formée de l’imbrication de cellules de kératine à la manière de tuiles d’un toit. C’est la couche la plus fine et la plus externe. Deux glandes sébacées de Zeiss et Tableau 1 - Fonctions des cils. Fonction mécanique de protection Fonction d’évacuation de la lacrymation Fonction esthétique Fonction de cicatrisation Pratiques en Ophtalmologie • Septembre 2011 • vol. 5 • numéro 46 Ils protègent le bord libre des paupières et contribuent à arrêter les corps étrangers lors du clignement. Drainage de l’excès de larmes par capillarité lors du clignement forcé. Leur présence et leur répartition symétrique participent à l’harmonie et à la beauté du regard. Les cellules germinales de l’infundibulum pilaire participent à la cicatrisation du bord libre. 175 Zoom sur une glande sudorale de Moll accompagnent chaque tige pilaire dans sa position intra-dermique. Lors d’une transformation des cellules germinatives des glandes de Méibomius en cellules matricielles pilaires, les tiges pilaires produites présentent une altération qualitative en kératine et en mélanine. « L’anatomie du bulbe et de la tige pilaire du cil trichiasique est conservée sauf en cas de métaplasie mébomienne. Les cellules germinales situées à la base du bulbe sont responsables de la repousse en cas de destruction incomplète de celui-ci. » Le cycle pilaire (Tab. 2) Le follicule ciliaire adopte un fonctionnement cyclique, non synchrone, c’est-à-dire que tous les cils ne sont pas au même stade d’évolution (Fig. 6). La phase anagène correspond à l’enfouissement du follicule dans le derme, avec une prolifération cellulaire responsable de la formation du bulbe et du cil. Cette phase est active et sensible au traumatisme. Le cil peut être en phase d’atrophie ou catagène, correspondant à une migration du bulbe ciliaire vers la surface du bord libre. Enfin, dans la majorité des cas (60 à 85 %), le cil est en phase d’inactivité ou phase télogène qui aboutit à la perte du cil. Le nombre de follicules pilaires est prédéfini avant la naissance. L’ablation du bulbe ciliaire doit conduire logiquement à l’absence de repousse du cil lors de son ablation. Le cycle pilaire n’est pas synchrone et l’effet d’une épilation ciliaire sera différent en fonction du cycle : l’épilation va endommager le cil lors de la phase anagène, alors qu’en phase télogène, elle favorisera une stimulation de la repousse ciliaire (Tab. 3). Métaplasie des glandes de méibomius Une inflammation chronique ou post opératoire favorise la transformation des cellules des glandes de mébomius en cellules ciliaires. Les cils poussent alors verticalement en herse et sont pauci-pigmentés, courts et cassants (Fig. 7). Il faut penser à les rechercher au fort grossissement (biomicroscope) en cas d’une irritation ressentie en permanence avec un bord libre anatomique normal. LE BORD LIBRE DE LA PAUPIèRE La paupière est classiquement divisée en un plan cutanéo-orbiculaire (lamelle antérieure) et un plan tarso-conjonctival (lamelle postérieure). Le septum orbitaire et ses expansions assurent le lien entre ces deux lamelles (Fig. 8). Le bord libre de la paupière est angulé avec un bord antérieur cutanéo-ciliaire et un bord postérieur cutanéo-muqueux séparé par la ligne grise. La ligne grise correspond au muscle de Riolan. C’est un muscle orbiculaire rétro-ciliaire perceptible en transparence à travers la peau très fine du bord libre. L’incision longitudinale de la ligne grise permet un abord des bulbes ciliaires ou la réalisation d’une marginoplastie. Ces différentes couches constituent un véritable “mille-feuille” palpébral mobile. La paupière subit la tension d’un vecteur vertical et d’un vecteur horizontal, ce qui lui confère une dynamique oblique surtout pour la paupière supérieure. La paupière inférieure présente une mobilité moindre en raison de ses points d’ancrage médiaux et latéraux qui lui garantissent une bonne suspension. En cas de relâchement des connexions septales, les forces de contrainte provoquent un glissement progressif des deux lamelles. Figure 6 - Cycle pilaire. Phase anagène avec enfouissement du bulbe pilaire et grande activité métabolique permettant la croissance de la tige pilaire. Phase catagène : migration progressive du bulbe vers la surface avec séparation de la pa- Figure 8 - Coupe du bord libre de la pille dermique qui reste en profondeur. paupière avec un angle postérieur qui Phase télogène : expulsion progressive Figure 7 - Métaplasie des glandes de est un conjonctivo-cartilagineux et un de la tige pilaire et végétation de la Meibomius. Les cils sont fins, cassants et angle antérieur qui est cutanéo-orbicu- papille dermique. peu pigmentés. laire et qui reçoit le bulbe pilaire. 176 Pratiques en Ophtalmologie • Septembre 2011 • vol. 5 • numéro 46 Trichiasis Tableau 2 - Le cycle ciliaire. PHASE DU CYCLE PILAIREMODIFICATIONS HISTOLOGIQUES CATAGENE - arrêt de la production des cellules de la médullaire - arrêt de la production de mélanine - isolement de la papille dermique du bourgeon pilaire TELOGENE - papille dermique totalement isolée du bulbe - tige pilaire totalement kératinisée ANAGENE - nouveau bourgeon pilaire - pénétration de la papille dans le bourgeon pilaire - stimulation matricielle et mélanogenèse ASPECT DU CIL - cils plus fins - cils plus clairs - ralentissement de la croissance - expulsion du cil télogène - repousse ciliaire avec cil - anagène profond et cil télogène - en voie d’expulsion Tableau 3 - Comparaison entre cils et poils du cuir chevelu. CILS Nombre compris entre 60 et 150 par paupière. Bulbe pilaire et tige pilaire avec médullaire et corticale. Croissance cyclique non synchrone. La phase anagène ne représente que 10 % du volume. Un décalage des couches se voit ainsi dans la lamelle antérieure : le plan cutané glisse sur le muscle orbiculaire. Lors d’une marginoplastie supérieure, il sera toujours préférable de réaliser une sur-correction verticale du repositionnement de la lamelle antérieure. Il en sera de même en paupière inférieure où la retension du vecteur horizontal y sera associée par le biais d’une canthopexie. POILS DU CUIR CHEVELU 100 000 à 150 000 cheveux sur le cuir chevelu. Bulbe pilaire et tige pilaire avec médullaire et corticale. Croissance cyclique non synchrone (à la différence de la fourrure des mammifères). 80 % des cheveux sont en phase anagène. dique ou séquellaire d’inflammation localisée du bord libre après traumatisme chirurgical (chalazion par exemple) (Fig. 9). la différence du trichiasis traumatique. Dans la forme segmentaire et diffuse les foyers de cils sont répartis sur le tiers nasal, central ou temporal de la paupière. Elle est fréquemment associée à des métaplasies des glandes de Méibomius liées à des inflammations chroniques (blépharites) (Fig. 12). Une des classifications des trichiasis repose sur la localisation, le nombre et la disposition des cils. Le trichiasis isolé qui concerne 1 à 3 cils avec un trajet vertical ou oblique. Cette forme est spora- La forme segmentaire peut être différenciée en forme focale et en forme diffuse. La forme focale comporte un foyer de cils sur 4 à 8 mm de longueur de bord libre. Sa survenue est sporadique ou après inflammation locale (Fig. 10). On en distingue la malposition par rotation postérieure ou rotation marginale. Dans cette forme, le trichiasis n’est pas lié à une rétraction de la lamelle postérieure mais à une orientation oblique de la ligne ciliaire par migration antérieure de la jonction cutanée muqueuse (Fig. 11). Les cils gardent une direction parallèle entre eux à Figure 9 - Cil trichiasique central sur Figure 10 - Trichiasis central sur inflam- Méibomius. Les cils sont fins, cassants et séquelle post-opératoire de chalazion. mation chronique. peu pigmentés. CLASSIFICATION DES TRICHIASIS Figure 11 - Trichiasis temporal supérieur par rotation marginale du bord libre. Figure 12 - Métaplasie des glandes de Pratiques en Ophtalmologie • Septembre 2011 • vol. 5 • numéro 46 177 Zoom sur Figure 13 - Paupière supérieure. Glisse- Figure 14 - Symblépharon dans le cadre Figure 15 - Cil trichiasique après ouver- d’une conjonctivite fibrosante. ture de blépharorraphie pour paralysie faciale. ment de la lamelle antérieure cutanéoorbiculaire. Les formes totales sont simples ou associées. La malposition ciliaire de tout le bord libre de la paupière supérieure est souvent associée à une laxité de la lamelle antérieure. Le glissement de la lamelle antérieure s’accompagne d’une perte du pli palpébral supérieur (Fig. 13). Le trichiasis total peut également être associé à un entropion (malposition du bord libre), à une fibrose conjonctivale et une rétraction de la lamelle postérieure, comme dans le cas de pemphigoïde cicatricielle oculaire ou de séquelle de brûlure cornéo-conjonctivale (Fig. 14). Enfin, les formes compliquées associées comportent un remaniement majeur du bord libre voire une destruction du tarse. Il peut s’agir de mutilations post -opératoires répétées (Fig. 15) ou de séquelles de trachome lorsque le tarse est très incurvé par la fibrose. L’inadéquation entre le contenu et le contenant orbitaire est source de difficultés supplémentaires. L’atrophie de la graisse orbitaire est responsable d’une énophtalmie qui rend le traitement du trichiasis plus délicat (Fig. 16). TRAITEMENT DU TRICHIASIS Les traitements non conservateurs visent à faire une épilation du cil ou à détruire le bulbe trichiasique. 178 A l’inverse, le traitement conservateur s’attache à garder 50 à 80 % des cils et se base sur un glissement des différentes couches du “mille-feuille” palpébral (marginoplastie). Les jeux médullaires antagonistes du muscle releveur et rétracteur de la paupière d’une part et de l’orbiculaire d’autre part, ont tendance à repositionner le bord libre à son origine. La règle de la sur-correction verticale en paupière supérieure et retension légèrement sur-corrigée en paupière inférieure est nécessaire pour pérenniser le résultat post-opératoire. Le traitement non conservateur ❚❚Epilation Elle se pratique sans anesthésie, au biomicroscope, avec une pince fine. La récidive est de règle (4 à 10 semaines) (Fig. 17). ❚❚Le laser Le laser Argon (ou Nd : YAG avec doubleur de fréquence) est surtout efficace sur les cils très pigmentés (convient donc mal aux cils métaplasiques). Son utilisation est maintenant réservée à la paupière inférieure car la paupière supérieure ne présente pas une ergonomie adéquate et la position des bulbes y est trop profonde. En pratique chaque cil nécessite des constantes de puis- sance, de temps et de diamètre de spot qui lui sont propres. Il ne faut pas oublier que l’irradiance finale de l’impact laser est inversement pro- A B Figure 16 - A et B. Enophtalmie par squelettisation de l’orbite. Noter la peau sèche et la bascule postérieure de la paupière inférieure. Figure 17 - Epilation à la pince. Il faut s’assurer de la présence du bulbe ciliaire gage d’une bonne épilation. Mais du fait du cycle pilaire, la récidive est quasi systématique. Pratiques en Ophtalmologie • Septembre 2011 • vol. 5 • numéro 46 Trichiasis portionnelle au carré de la surface du faisceau, il faut donc savoir augmenter largement la puissance en cas d’agrandissement du diamètre du spot. Le faisceau doit toujours être axial et centré sur la tige pilaire. ❚❚Cryothérapie Elle consiste à appliquer une cryode à -30°C directement sur le bord ciliaire ou sur les bulbes concernés après incision le long de la ligne grise. L’application de deux cycles d’au moins 20 secondes est nécessaire pour être efficace. ❚❚La trépanation sélective ❚ du bulbe ciliaire Le microscope opératoire est indispensable. Il faut vérifier que l’on obtient bien le bulbe ciliaire dans sa totalité avec un halo cellulaire blanchâtre périphérique (cellules germinatives de la couche externe). L’abord est direct par voie antérieure au couteau droit de 45° ou 15° (Fig. 18). Si plusieurs cils sont en cause, l’incision de la ligne grise permet de visualiser l’ensemble des bulbes et d’en assurer leur résection in toto (Fig. 19). Tableau 4 - Complication du traitement non conservateur. TRAITEMENT Epilation Laser Argon Cryothérapie Résection bulbaire Résection pentagonale COMPLICATIONS récidive en 4 à 10 semaines - récidive primaire et/ou secondaire - mutilation du bord libre - récidive primaire ou secondaire - dépigmentation du bord libre - perte de l’harmonie du bord libre qui devient irrégulier - nécrose cutanée si application trop longue - aggravation des symblépharons en cas de conjonctivite fibrosante - récidive primaire ou secondaire - cicatrice du bord libre visible (rouge) - récidive secondaire +++ - cicatrice visible (bord ciliaire et peau) - colobome par lâchage des sutures ❚❚La résection pentagonale ❚ du bord libre Le but est de retirer “en bloc” le segment de cil trichiasique. C’est une technique de base en chirurgie oculoplastique pour retendre le vecteur horizontal. Il faut s’assurer au préalable que la suture bord à bord se fera sans tension excessive. Les fils non résorbables sont préférables pour minimiser l’inflammation post-opératoire. Ils sont retirés entre le cinquième et le septième jour. Ces différentes interventions ne sont pas exemptes de complications (Tab. 4). Figure 18 - Trépan de 2,5 mm. Couteau à 45° et couteau à 15° pour la résection du La mutilation du bord libre est définitive avec un scléral show d’autant plus inesthétique que le trichiasis est unilatéral. C’est une intervention à proscrire en paupière supérieure (risque de lagophtalmie et complication cornéenne) (Fig. 20). Le traitement conservateur ❚❚Repositionnement de la lamelle antérieure (Fig. 21) La remise en tension de la lamelle antérieure s’adresse surtout au trichiasis total de la paupière supérieure. La paupière est incisée dans le pli palpébral supérieur pour séparer la lamelle antérieure de la lamelle postérieure, jusqu’à la ra- ❚❚La résection marginale totale ❚ de paupière inférieure Cette technique du “dernier recours” est radicale mais au prix d’une disgrâce esthétique majeure. bulbe ciliaire. Figure 20 - Marginectomie de paupière inférieure droite. Outre la disgrâce esthétique (scléral show), l’enroulement de Figure 19 - Marginoplastie au couteau de 45° et clivage de la lamelle antérieure. Les l’orbiculaire et le duvet cutané peuvent bulbes pilaires sont bien visibles avec leur engainement périphérique. poursuivre l’irritation. Pratiques en Ophtalmologie • Septembre 2011 • vol. 5 • numéro 46 179 Zoom sur cine des bulbes. Le plan cutanéoorbiculaire situé entre le bord libre et le pli est raccourci et l’orbiculaire est amarré au tarse par du Vicryl 6/0. Des points d’ancrage supplémentaires entre l’orbiculaire et l’aponévrose du releveur renforcent la traction verticale. Le geste peut être complété par une incision marginale de la ligne grise qui permet de renforcer la verticalisation des cils. techniques et qui sont réservées au trichiasis sub-total ou total sur paupières multi-opérées ou compliquées. Nous utilisons une technique personnelle pour la paupière inférieure où une greffe de muqueuse buccale n’est pas toujours nécessaire. Le néo-bord libre cicatrise suivant la technique du “laisser faire”, la ligne ciliaire se trouvant à distance du bord libre. ❚❚Lambeau de rotation en Z (Watson) (Fig. 22) C’est un lambeau d’échange réalisable en cas d’entropion marginal du bord libre de paupière supérieure ou inférieure (mais sans rétraction de la lamelle postérieure). La courbe de la ligne ciliaire s’en retrouve légèrement modifiée. La madarose partielle est de mise au niveau de la pointe du lambeau qui se comporte comme une greffe. CONCLUSION ❚❚Marginoplastie de glissement (Fig. 23) Le principe de la marginoplastie est d’inciser la ligne grise pour réorienter les cils. Un juste équilibre entre les forces de tractions verticales et horizontales s’avère nécessaire. Il existe de nombreuses La prise en charge chirurgicale du trichiasis est différente en fonction de la localisation palpébrale supérieure ou inférieure. Cette différence est contingentée par l’anatomie propre de chaque paupière. Le traitement du trichiasis peut être simple ou très complexe. La récidive récurrente n’est pas rare et peut conduire à une lassitude du patient, d’où la nécessité de réaliser un geste efficace d’emblée. Comme souvent en chirurgie oculoplastique, le type de traitement sera adapté en fonction de l’aspect clinique, de la statique et de la dynamique des paupières et notamment du comportement du muscle orbiculaire, ainsi que du contexte cutané palpébro-facial. La tolérance du trichiasis est variable en fonction des patients. La gêne palpébrale n’est pas forcément proportionnelle à l’importance du trichiasis (Fig. 24). Un cil irritant discret (cycle pilaire) Les points-clés du trichiasis - La prise en charge du trichiasis est parfois facile, souvent délicate mais jamais certaine quant à sa réussite. Le patient doit en être précisément informé. - Le traitement repose sur des méthodes pragmatiques, tenant compte de l’écosystème ciliaire qui peut être perturbé (rosacée oculaire, blépharite mébomienne, dystopie palpébrale ou orbitaire). - Il faut parfois attendre jusqu’à 6 mois pour confirmer la réussite définitive du traitement. A B C D E F G H Figure 21 - Repositionnement de la lamelle antérieure. A-H. Désinsertion de la lamelle antérieure de paupière supérieure. Abord dans le pli palpébral. Exposition de l’orbiculaire qui est désinseré jusqu’à la racine des bulbes pilaires. Fixation de l’orbiculaire sur le tarse. Résection peau et orbiculaire puis suture. Aspect post-opératoire immédiat puis à 7 j. G et H. La marginoplastie (ici sans greffe de muqueuse) accentue la bascule des cils. 180 Pratiques en Ophtalmologie • Septembre 2011 • vol. 5 • numéro 46 Trichiasis A B D C E F G Figure 22 - Lambeau de rotation en Z. A-C. Entropion externe paupière inférieure gauche. Technique du lambeau d’échange. Aspect postopératoire immédiat et à 15 J. La nécrose des bulbes ciliaires est très fréquente à la pointe du lambeau. D-G. Procédure identique. Noter la permutation des lambeaux et la conservation du bord libre. La ligne ciliaire reste présente. A E B F C G D H I Figure 23 - Marginoplastie de glissement. A-F. Marginoplastie de glissement. Technique personnelle de “l’iceberg”. Canthopexie externe par mini-incision dans le pli palpébral supérieur. Incision de la ligne grise. Séparation de la lamelle antérieure. Résection de peau et orbiculaire avec plan orbiculaire large. Positionnement du néo-bord libre et suture de l’orbiculaire au tarse. Aspect à 15 jours. G. L’interposition d’une greffe de muqueuse buccale permet de “bloquer” le néo-bord ciliaire mais avec une rançon cicatricielle plus délicate. H et I. Patient en postopératoire à J10 et J45. Les glandes de Méibomius sont visibles par transparence. Les cils trichiasiques sont à distance du bord libre. est parfois responsable d’une irritation sévère. La localisation et la demande spontanée du patient (parfois la supplique) sont aussi déterminants pour engager un traitement radical et surveillé (Fig. 25). Le trichiasis des conjonctivites fibrosantes est un cas particulier, décevant dans sa prise en charge chirurgicale mais qui concède une Figure 24 - Trichiasique irritant de la Figure 25 - Rotation marginale supé- paupière supérieure. Le traitement est rieure. La tolérance est excellente et le indispensable. patient ne se plaint pas. Ne pas opérer Pratiques en Ophtalmologie • Septembre 2011 • vol. 5 • numéro 46 dans l’immédiat. 181 Zoom sur tolérance parfois surprenante. Les formes compliquées nécessitent souvent une combinaison de plusieurs techniques opératoires voire des réinterventions. On ne peut que conseiller d’avoir le succès modeste car un bon résultat initial n’est pas toujours un gage de guérison définitive. n Mots-clés : Trichiasis, Bulbe et tige pilaire, Cycle pilaire, Marginoplastie, Muscle orbiculaire, Récidive primaire ou secondaire, Lambeau de glissement et de rotation Bibliographie • Ducasse A, Ruban JM, Baggio E. Labrousse M. Paupières et sourcils : anatomie chirurgicale. Ophtalmologie. Encycl Méd Chir. Paris : Elsevier Masson, 2009, 21-004-A-10. • Adenis JP, Robert PY. Entropion, trichiasis et districhiasis. Ophtalmologie. Encycl Méd Chir. Paris : Elsevier Masson, 2001, 21-100-B-20, 14 p. • George JL. Physiologie des mouvements palpébraux. Ophtalmologie. Encycl Méd Chir. Paris : Elsevier Masson, 1998, 21-020-A-10. • Bartley GB, Bullock JD, Olsen TG, Lutz PD. An experimental study to com- pare methods of eyelash ablation. 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Thomas Clarion, adhérent de Retina France, a proposé cette idée à l’automne dernier et c’est avec l’association Adret qu’il a suivi un entraînement : vélo, course à pied, suivi en montagne,…Des liens forts se sont noués dans l’équipe entre voyants et nonvoyants. Au final, le drapeau Retina France a été déplié cet été en haut du MontBlanc, tout un symbole ! Retrouvez les images de cette incroyable ascension sur : www.dailymotion.com/ video/xjqeu2_deux-nonvoyants-au-sommet-dumont-blanc_creation 182 diabétique D epuis 7 ans, le petit camion laboratoire de l’Union régionale des professionnels de santé (URPS)-Médecins Libéraux de Bourgogne sillonne les 4 départements de la région. Une action en faveur du dépistage de la rétinopathie chez les patients diabétiques qui, pour la moitié d’entre eux, n’effectue aucun dépistage ! La rétinopathie est la 1re cause de cécité en France. Cette maladie avait été diagnostiquée chez près de 28 % des diabétiques examinés lors de la 6e campagne de dépistage. Les patients dépistés sont ensuite redirigés vers les ophtalmologistes proches de chez eux. Cette prévention permet à la fois un bénéfice pour les patients et une réduction des coûts induits pour chaque patient. Le calendrier a prévu une première étape dans la Nièvre à partir du 20 septembre, puis dans la Côte d’Or en novembre. Les patients peuvent appeler le N°AZUR 0 810 811 155, pour toute question sur la rétinopathie diabétique, sur les lieux et dates de passage du dépistage gratuit. ß Pour en savoir plus : www.urps-med-bourgogne.org DMLA L’afssaps rappelle qu’Avastin® n’est toujours pas indiqué en ophtalmologie A vastin® (bévacizumab) est un médicament approuvé pour le traitement de certains cancers. Sa prescription est réservée aux médecins compétents en cancérologie. Or, en pratique, ce médicament est souvent prescrit hors AMM. En effet, son mode d’action anti-VEGF le rend proche des médicaments indiqués dans le traitement de la DMLA. D’après une toute récente étude américaine publiée dans le NEJM en mai 2011, l’efficacité du bévacizumab serait équivalente à celle du ranibizumab (Lucentis®), produit de référence dans cette indication. Avastin® est toujours non autorisé en Europe pour le traitement de la DMLA. Le groupe pharmaceutique Roche a indiqué ne pas prévoir de développer Avastin® pour une indication en ophtalmologie. ß Pour en savoir plus : www.afssaps.fr Pratiques en Ophtalmologie • Septembre 2011 • vol. 5 • numéro 46