La tomate de serre, un hôte pour

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BIEN CONNAÎTRE LES COUPABLES DES MALADIES BACTÉRIENNES
SUR LA TOMATE, LE PIMENT ET LES CRUCIFÈRES
Michel Lacroix, agronome-phytopathologiste
Laboratoire de diagnostic en phytoprotection
Direction de l’innovation scientifique et technologique
Différentes maladies bactériennes peuvent affecter la tomate, le piment et les crucifères (chou,
chou-fleur, brocoli, chou chinois, chou de Bruxelles). Celles qui nous intéressent particulièrement
sont causées par des bactéries connues sous les noms de Pseudomonas et Xanthomonas. D’une
façon plus précise, les maladies dont ces bactéries sont responsables sont les suivantes :
•
Moucheture bactérienne (Pseudomonas syringae pv. tomato) (tomate).
•
Tache bactérienne (Xanthomonas campestris pv. vesicatoria) (tomate et piment).
•
Nervation noire (Xanthomonas campestris pv. campestris) (crucifères).
Depuis quelques années, ces maladies bactériennes ont su se maintenir dans les premières
positions du palmarès étant donné leur présence régulière dans les cultures. Bien que les
bactéries nous semblent familières, elles demeurent tout de même inconnues sous bien des
aspects puisqu’il nous est souvent difficile de s’imaginer ce qu’elles sont réellement.
QU’EST-CE QU’UNE BACTÉRIE ?
Une bactérie est un organisme extrêmement petit, constituée d’une seule cellule et nécessitant
un grossissement de 1000 fois pour être observée au microscope. En somme, les Pseudomonas
et les Xanthomonas responsables des maladies chez les plantes ont la forme de minuscules
bâtonnets mesurant entre 1 et 4µm. Il est particulièrement difficile de se faire une idée concrète
de la dimension extrêmement petite d’une bactérie. Pour en faciliter la visualisation, imaginer
que sur une longueur de 1 cm seulement, nous pourrions aligner entre 2 500 et 10 000
bactéries appartenant aux genres Pseudomonas et Xanthomonas.
Bien qu’elles soient minuscules, les bactéries ont su développer une capacité de multiplication
extraordinaire. La multiplication est relativement simple puisqu’elle consiste en un mécanisme
permettant à une cellule bactérienne (une bactérie) de se diviser en deux et ainsi donner deux
bactéries. Une bactérie augmente donc rapidement sa population car une seule cellule
bactérienne donnera deux bactéries, à leur tour ces deux bactéries se diviseront pour donner
quatre bactéries, les quatre bactéries deviendront huit et ainsi de suite selon le patron suivant :
1» 2 » 4 » 8 » 16 » 32 » 64 » 128 »…..
Les espèces bactériennes ne se multiplient pas toutes au même rythme. Par exemple la
croissance des Xanthomonas est généralement plus lente que celle des Pseudomonas.
Cependant, pour illustrer la rapidité de multiplication des bactéries, imaginons qu’une bactérie
double sa population en 20 minutes. Ainsi à ce rythme, si les conditions de croissance sont
optimales, une bactérie pourrait produire 1 million de bactéries en 10 heures. Il est certain que
différents facteurs peuvent ralentir ou inhiber cette croissance mais il demeure que les bactéries
possèdent un immense pouvoir de multiplication. Il nous est maintenant facile de s’imaginer le
développement extrêmement rapide d’une maladie bactérienne dans un champ de tomates, de
piments ou de crucifères lorsque les conditions climatiques sont favorables.
Bien que les bactéries puissent se multiplier abondamment dans un court laps de temps,
comment peuvent-elles alors assurer leur dispersion afin d’infecter plusieurs plantes dans un
même champ. Comparons les bactéries aux plantes et aux champignons. Chez les plantes,
plusieurs espèces se reproduisent grâce à la production de graines lesquelles sont dispersées
par différents facteurs. Il suffit de penser aux graines de pissenlit qui sont disséminées par le
vent grâce à la présence d’aigrettes. Il en est de même pour les champignons, dont plusieurs
produisent des spores transportées par les courants d’air ou le vent.
En ce qui a trait aux bactéries, il en est tout autre. Les Pseudomonas et les Xanthomonas ne
produisent pas de spores. Ces bactéries possèdent un ou plusieurs flagelles lesquels sont des
filaments flexibles ayant en quelque sorte la forme d’un cheveu. Ces flagelles, utilisés par les
bactéries afin se mouvoir dans l’eau, permettent des déplacements que sur d’infimes distances.
Ainsi, les bactéries affectant les plantes ont donc besoin de facteurs extérieurs qui assureront
leur dispersion afin d’infecter plusieurs plantes dans un même champ. Les manipulations de
plantes contaminées par les travailleurs, les contacts de la machinerie agricole avec des plantes
infectées, les éclaboussures d’eau dues à la pluie, aux orages ou à l’irrigation, les vents
favorisant les blessures foliaires et provoquant des contacts directs entre des plantes saines et
malades sont les moyens propices pour la dissémination des maladies causées par les
Pseudomonas et les Xanthomonas.
Une fois sur les plantes hôtes, les bactéries peuvent causer divers types de symptômes soit du
flétrissement, de la pourriture, des galles, des taches et des brûlures. En ce qui concerne les
Pseudomonas et les Xanthomonas, ils induisent principalement des taches et brûlures foliaires
ainsi que des taches sur les fruits.
LES SYMPTÔMES
Bien qu’il soit difficile « d’illustrer » les symptômes d’une maladie par de simples mots, voici une
brève description des principales manifestations des maladies causées par les différentes
espèces de Pseudomonas et de Xanthomonas infectant les cultures de tomates, de piments et
de crucifères.
Moucheture bactérienne (tomate)
Sur les feuilles, minuscules taches (< 1mm) brun foncé à noires entourées d’un halo jaune. Sur
les fruits, petites lésions (< 1mm) légèrement surélevées habituellement accompagnées d’un
halo vert foncé.
Tache bactérienne (tomate et piment)
Sur les feuilles de tomate, les taches sont similaires à celles de la moucheture bactérienne. Sur
le piment, les taches foliaires sont généralement d’un brun foncé à noires et ont une plus
grande dimension (3 à 5 mm). Un halo aqueux peut border les taches. Sur les fruits, présence
de lésions circulaires noires et craquelées pouvant atteindre 1 cm de diamètre.
Nervation noire (crucifères)
Le symptôme le plus caractéristique est un jaunissement ou une brûlure à la marge des feuilles
ayant la forme d’un V. De plus, les fines nervures à l’intérieur de ces lésions sont noires.
LE DÉVELOPPEMENT D’UNE MALADIE BACTÉRIENNE
Maintenant que nous connaissons un peu plus ce qu’est une bactérie, examinons les étapes de
développement des maladies sur la tomate, le piment et les crucifères causées par les
Pseudomonas et Xanthomonas.
Avant même que la maladie puisse se développer, il est nécessaire que la bactérie responsable
soit introduite au champ. Les diverses sources à partir desquelles peuvent provenir la bactérie
sont communément appelées les sources d’inoculum. Dans le cas des Pseudomonas et des
Xanthomonas, la bactérie peut être transportée par la semence. Il est important de préciser
qu’un très faible taux de contamination de la semence par une bactérie pathogène suffit au
développement de la maladie. Ainsi, une étude rapporte que la présence de 5 graines
contaminées dans un lot de 10 000 a été suffisante pour assurer une forte incidence de la
maladie au champ.
La bactérie peut également être introduite dans le champ par des transplants ne présentant
aucun symptôme de la maladie. En effet, plusieurs recherches rapportent que des transplants,
produits sous des conditions non favorables à l’expression des symptômes (température non
adéquate et humidité relative basse), peuvent contenir des quantités importantes de bactéries
bien que leur aspect extérieur soit normal. Ainsi, ces transplants seront mis au champ et lorsque
les conditions seront adéquates à l’expression de la maladie, les symptômes se développeront.
Le sol peut représenter une autre source d’inoculum, principalement s’il y a eu, l’année
précédente, présence d’une culture ayant favorisé la multiplication de la bactérie pathogène. Au
Québec, aucune étude n’a été réalisée pour démontrer si les Pseudomonas et les Xanthomonas
responsables des maladies sur la tomate, le piment et les crucifères peuvent survivre dans le
sol. Cependant, des travaux réalisés dans certains pays démontrent que ces bactéries peuvent
survivre dans le sol. Habituellement, les Pseudomonas et les Xanthomonas persistent plus
longtemps dans les sols où l’on note la présence des résidus de culture ou de mauvaises herbes.
En effet, les bactéries affectant la tomate, le piment ou les crucifères ont été isolées des feuilles
et des racines de diverses mauvaises herbes ayant poussé dans un champ où la culture a été
affectée par une maladie bactérienne. Ces différentes parties des mauvaises herbes présentes
sur ou dans le sol servent donc d’abris pour les bactéries et favorisent leur conservation. Il en
est de même pour les plantes cultivées. Bien que les symptômes soient présents sur les feuilles
ou les fruits, les racines peuvent également contenir une grande quantité de bactéries et ainsi
servir de réservoirs pour l’agent pathogène. Cependant, il est important de répéter qu’aucune
étude n’a été réalisée au Québec pour vérifier si les Pseudomonas et les Xanthomonas peuvent
survivre dans le sol suite aux basses températures hivernales.
La bactérie, maintenant présente dans le champ, a besoin de conditions favorables pour sa
multiplication ainsi que pour le développement de la maladie. D’une façon générale, le
Pseudomonas syringae pv. tomato est considéré comme une bactérie favorisée par des
températures fraîches (13oC à 26oC, température optimale 21oC) tandis que le Xanthomonas
campestris pv. vesicatoria et le Xanthomonas campestris pv. campestris sont avantagés par des
températures plus élevées (20oC à 35oC, température optimale 26oC) bien que ces espèces
puissent croître sous des températures plus basses. Outre la température, ces bactéries ont
besoin d’une humidité relative élevée afin d’induire la maladie sur la plante hôte. Si les
conditions climatiques sont optimales, la multiplication bactérienne sera très active et d’une
façon générale plus le nombre de bactéries est élevé dans la plante, plus l’incidence de la
maladie sera importante.
En plus des conditions favorables à la multiplication de la bactérie, l’incidence de la maladie sera
d’autant plus grave si les facteurs favorisant la dispersion sont propices. Très souvent les
maladies bactériennes débutent dans un champ par la présence d’un ou de quelques foyers
d’infection. Ces foyers sont constitués de quelques plantes localisées dans une section du champ
et présentant des symptômes de la maladie. C’est à partir de ces sites d’infection que se
disperseront les bactéries afin de contaminer des plantes saines. Ainsi tout facteur provoquant le
contact entre les plantes malades et saines sera très propice à la propagation de la maladie. Les
diverses interventions au champ par les travailleurs et la machinerie agricole, principalement si
les plantes sont mouillées, sont des moyens très favorables pour la dispersion de la bactérie.
L’incidence de la maladie sera plus grande si les plants sont blessés. Le vent incitant le
frottement entre les plants ainsi que les particules de sol poussées par le vent sont des
événements qui augmentent les risques de blessures foliaires d’où le plus grand nombre de
portes d’entrée pour les bactéries. Des vents violents précédant une pluie intense ou un orage
est une situation propice pour la propagation de la maladie. Il est certain que les ouvertures
naturelles sur une feuille sont des sites d’entrée pour la bactérie. Cependant il ne faut certes pas
négliger l’importance des blessures pour augmenter la gravité des maladies bactériennes. La
pluie constitue également une excellente façon de dissémination étant donné les éclaboussures
qu’elles engendrent.
Comme il a été mentionné précédemment, une infection bactérienne débute régulièrement dans
une zone localisée dans un champ et la progression de la maladie, bien que pouvant être rapide,
sera possible principalement si des facteurs extérieurs assurent la dispersion de la bactérie à
partir de ce site de contamination.
En connaissant mieux le développement des maladies bactériennes de la tomate, du piment et
des crucifères, il est souvent plus facile d’envisager les étapes de la production où il sera
possible d’intervenir afin de minimiser les risques d’infection de la culture par une bactérie
pathogène et éventuellement le développement de la maladie.
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