B O TA N I Q U E GOETHÉENNE Les ombellifères : belles et fières Par leur haute taille, leurs feuilles amples, leurs larges tiges et leurs ombelles blanches (ou jaunes) qui s'ouvrent pour la plupart en été, les ombellifères sont essentiellement des plantes d'été qui jouent et manifestent les multiples jeux entre l'eau, l'air et la lumière. Partez à la découverte de cette famille aux fleurs «à la puissance deux» et aux multiples «gestes» étonnants. Ombelle de carotte sauvage : on remarquera la plus grande taille des pétales des fleurs périphériques ainsi que la forme générale pentagonale de l’ombelle 2 BIODYNAMIS - N° 58 ETÉ 2007 n été, à partir de juin, on voit dans les prés, les lisières de forêt et dans les marais de grandes plantes dont les tiges épaisses et ramifiées s'achèvent par de larges plateaux réunissant une multitude de petites fleurs blanches ou jaunes, parfois verdâtres : ce sont des ombellifères (cette famille a été récemment renommée apiacées d'après le nom du céleri, Apium), fleurs d'été essentiellement avides de lumière. En bordure de champ, sur un terrain sec et éclairé, on trouvera la carotte sauvage aux feuilles finement découpées et aux ombelles formant une très belle dentelle. Dans le sud de la France, on pourra aussi trouver les longues tiges aux feuilles tendres du fenouil. Puis, en lisière des bois, dans les chemins creux, dans tous les endroits plus ou moins ombragés, on trouvera de nombreuses ombellifères d'apparence assez semblable : ce sont les différents cerfeuils et anthrisques et torilis extrêmement difficiles à déterminer avec précision. Dans les prés gras fortement fumés on découvrira les épaisses ombelles de la berce spondyle butinées par une multitude d'insectes. Puis dans les prés humides et les La berce spondyle marais, c'est l'angéDessin La Hulotte lique sylvestre aux ombelles beige rosé qui déploie ses tiges et ses feuilles charnues teintées de rouge. Dans la E rivière, on peut aussi découvrir la berle, sorte de persil aquatique dont l'appartenance à la famille des ombellifères est reconnaissable à la forme des feuilles divisées. En passant en revue quelquesunes de ces plantes, pour essayer de se former une image commune, on découvrira certains caractères spécifiques de la famille. Ce sont toutes des plantes formant des tiges épaisses, charnues souvent cannelées et parfois creuses, emplies d'air. Les feuilles toujours amples et très souvent découpées s'étendent dans l'espace en sortant d'une gaine à la base du pétiole. La morphologie des feuilles est un bon indicateur des conditions du milieu : en simplifiant, on peut dire N° 58 ETÉ 2007 - BIODYNAMIS 3 que plus les feuilles sont finement divisées, plus le milieu est sec et lumineux ; à l'inverse plus les feuilles sont pleines, plus le milieu est frais, le sol riche et l'ambiance humide et/ou ombragée. Ainsi on comprendra facilement que la carotte est un légume de sol plutôt pauvre et de pleine lumière alors que le céleri préfère les sols plus riches. Le persil veut un terrain assez frais, pas trop lumineux alors que le fenouil cherche la chaleur et la lumière du sud. Au sommet de ces tiges, atteignant chez certaines espèces plus d'un mètre de hauteur, s'étalent les ombelles parfois plates, parfois bombées, formées d'ombellules regroupant elles-mêmes une multitude de petites fleurs à cinq pétales. L'observation détaillée de certaines ombelles permet de faire une découverte très intéressante : les fleurs extérieures de l’ombelle ont souvent leurs pétales extérieurs plus larges que les pétales orientés vers le centre. Comment comprendre cela ? Une organisation générale (un champ de forces pourrait-on dire) ordonne toutes les fleurs de l'ombelle, nous donnant l'impression d'avoir à faire à une unité : c'est une fleur à la puissance deux. Nous avons là un bel exemple montrant que, dans le monde vivant, le tout est supérieur à la somme de parties. En effet une telle fleur séparée de l'ensemble perd tout sens. En repassant plus tard en été aux mêmes endroits, on verra les tiges sèches beiges des ombellifères portant à leur sommet les ombelles couvertes de fruits secs se séparant à maturité en deux akènes dotés d'ailes plus ou moins larges. On ne trouve aucun fruit charnu ni capsule, aucun processus d'enveloppement des graines chez les ombellifères. L'objet de cet article est de vous inciter à observer cette famille de plantes bien connue au jardin pour en découvrir les forces particulières qui ont donné naissance à ces formes et approcher le " geste essentiel " de la famille. Tentons une brève esquisse à partir de ces premières observations que vous pourrez compléter à loisir au cours de l'été. Sous terre les ombellifères forment des racines épaisses, souvent pivotantes (carotte, céleri…) quelquefois des rhiLa carotte sauvage sur le bord du champ zomes (aégo- 4 BIODYNAMIS - N° 58 ETÉ 2007 pode podagraire, adventice des jardins très vitale). Les tiges massives s'élèvent haut vers le ciel telles des colonnes et les feuilles s'étalent amplement dans l'espace, laissant souvent l'air et la lumière les pénétrer. La découpe des feuilles souvent très finement ciselées est très régulière, géométrique. Un ordre strict, rigoureux vient structurer cette exubérance végétative venant du sol. Parfois la rencontre entre la force végétative (formant la matière des feuilles) et la force structurante provenant du pôle floral est tellement brutale qu'il se forme des substances toxiques (ciguë, œnanthe, etc.) avec des odeurs fades ou nauséabondes. Par contre, quand le processus floral domine et structure toute la plante, on trouve des espèces formant des graines riches en huiles essentielles (anis, cumin, carvi, fenouil, etc.). L'influence florale favorisant la formation des substances affirmant l'identité de la plante comme les pigments, les huiles essentielles, peut même descendre de la fleur dans les feuilles qu'elle aromatise (feuilles d'aneth, de fenouil, etc.) ou même dans la racine qu'elle colore (carotte) ou parfume (présence d'huiles essentielles dans la racine de l'angélique sylvestre). Le geste général est alors une organisation, une structuration des processus végétatifs se déroulant essentiellement dans les liquides qui sont maîtrisés. Ce geste permet de Feuilles d’angélique sylvestre comprendre que ces plantes sont tout à fait favorables pour remettre de l'ordre dans les processus métaboliques exagérés, comme c'est le Feuilles de cerfeuil des prés. cas avec Anthriscus sylvestris les problèmes digestifs tels que ballonnements, digestion difficile, etc. C'est en particulier le cas pour le fenouil qui est présenté plus en détail ci-dessous. JEAN-MICHEL FLORIN Feuilles de berce. Heracleum sphondylium N° 58 ETÉ 2007 - BIODYNAMIS 5