Reportage ( PDF 688Ko ) - Architecture Hospitalière

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Un nouveau plateau technique pour le CHU
de Martinique
La construction d’un nouveau plateau technique représente la première étape du programme de reconstruction de l’hôpital Pierre Zobda-Quitman,
l’établissement principal du CHU de Martinique, situé au quartier La Meynard à Fort de France. Ce chantier dont la première pierre a été posée
fin novembre 2013 a été décidé suite au diagnostic parasismique et aux conclusions de la commission de sécurité incendie qui imposent
une mise aux normes des bâtiments, le drame haïtien de 2010 ayant servi de catalyseur au projet.
Le nouveau plateau technique sera plus grand et plus fonctionnel : il s'étendra sur près de 30 000 m², pour un investissement de 169 millions
d'euros. La livraison est prévue en mars 2016.
Plus de précisions avec Françoise TANIC, Chef de Projet Nouveau
Plateau Technique
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Comment définiriez-vous ce projet autour du plateau technique ?
Françoise Tanic : Il s’agit du projet de reconstruction pour mise
aux normes parasismiques du plateau technique de l’hôpital Pierre
Zobda-Quitman, le plus grand des six établissements du CHU de
Martinique. Ce projet comprend un nouveau bâtiment de 28 788 m2
SDO construit en liaison avec le secteur d’hospitalisation existant
et le Pôle Femme Mère Enfant. Il accueillera le plateau technique,
soit 13 salles de bloc opératoire et interventionnel, 68 lits de soins
critiques, les services d’imagerie médicale, d’urgence, de stérilisation,
les laboratoires ou encore une partie des explorations fonctionnelles.
S’ajoutent à cela trois unités d’hospitalisation de 28 lits, pour la
cardiologie, la chirurgie cardiaque et la neurologie, et une unité de
14 lits de chirurgie d’urgence. Le bâtiment dispose également d’une
hélistation en terrasse et de 160 places de parking. Cette nouvelle
construction se situe à l’emplacement de l’ancienne hélistation et du
bâtiment qui abritait la morgue et le laboratoire d’anatomopathologie.
Pour libérer l’emprise de ce nouveau bâtiment, nous avons donc dû
mener à bien au préalable cinq sous-projets comprenant la création
d’un parking de 250 places, d’une chambre mortuaire, d’une hélistation,
d’un laboratoire d’anatomopathologie et de neuro-myologie (CERCA)
ainsi que les transferts de différents stockages de pharmacie.
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Architecture hospitalière - numéro 10 - CHU de Martinique
Pourquoi avez-vous décidé la construction d’un nouveau
plateau technique ?
F.T : La conception de l’Hôpital Pierre Zobda-Quitman date des années 1970.
Livré en 1984, ce bâtiment a été construit selon les normes parasismiques PS 69. C’est un établissement classé en zone de sismicité
maximale devant rester fonctionnel après un séisme majeur. Un diagnostic
parasismique, effectué à la demande de la Préfecture en 2003, a confirmé
que le bâtiment analysé pourrait certes résister à un séisme majeur
mais qu’il ne serait plus fonctionnel pour la prise en charge des patients
après le cataclysme. Il fallait donc le renforcer. Étant donné le coût
pressenti du renforcement nécessaire et son incidence sur le fonctionnement du CHU, une étude sur la faisabilité de ce renforcement a été
lancée dès 2004. Les résultats de l’étude se sont révélés sans appel :
du fait des importantes nuisances impliquées, ces travaux de confortement
étaient impossibles en site occupé et inenvisageables au sein d’un
plateau technique. Le plan directeur du CHU, réalisé en 2005, a souligné
également une non-conformité de l’actuel plateau technique aux
nouvelles normes de sécurité incendie en vigueur. En conséquence,
la décision de reconstruction de l’hôpital a été prise pour permettre
la mise aux normes parasismiques PS 92 et Eurocode 8 de l’établissement,
son opérabilité immédiatement après un séisme, ainsi que sa mise
aux normes de sécurité incendie.
Une reconstruction globale de l’ensemble de la structure en trois
phases a alors été mise à l’étude par le directeur général en place.
La première de ces trois phases concernait le secteur plateau technique
et a rapidement été jugée prioritaire. En effet, en cas de catastrophe
naturelle majeure, il est indispensable pour sauver des vies de disposer
d’un plateau technique totalement fonctionnel, l’hospitalisation pouvant
être traitée avec des solutions palliatives, comme un hôpital de campagne,
par exemple. Le projet, qui était donc en gestation depuis l’année
2005, a d’ailleurs été véritablement relancé au premier trimestre 2010,
lorsque le Président de la République s’est rendu en Martinique,
après le terrible séisme qui a endeuillé Haïti le 12 janvier 2010. A
cette occasion, il a confirmé le caractère indispensable au sein de
l’hôpital Pierre Zobda-Quitman d’un plateau technique opérationnel
immédiatement après séisme.
À quand remontent les premières réflexions ?
F.T : Elles remontent à 2003 et au premier diagnostic parasismique,
suivi de l’avis de la commission d’analyse des cas du Ministère de
l’Equipement qui concluent à la nécessité de reconstruire le bâtiment.
Quels ont été les différents acteurs associés à ces réflexions ?
F.T : La direction de l’établissement bien entendu était en première
ligne, ainsi que la Commission Médicale d’Etablissement, le Conseil
d’Administration et l’Agence Régionale d’Hospitalisation de l’époque.
Un expert parasismique et un programmiste étaient également associés.
Quels partenaires vous accompagnent sur ce projet ?
F.T : Dès le départ, nous avons souhaité constituer une équipe de
maîtrise d’ouvrage forte et multidisciplinaire pour mener à bien ce
projet en conception réalisation. Autour de l’équipe projet, comprenant
notamment des ingénieurs génie civil, biomédicaux et des cadres
soignants et administratifs, nous retrouvons également les secteurs
ou groupes d’appui comme l’informatique, l’hygiène, la sécurité, la
logistique, l’ergonomie, ainsi que les services utilisateurs qui seront
implantés dans le nouveau plateau technique. Le tout est piloté par
un Comité stratégique ou siègent la direction de l’établissement et
les référents médicaux. Nous disposons également de nombreux
partenaires externes. Ainsi, l’Agence Régionale de Santé de la Martinique
nous accompagne sur cette opération depuis sa gestation. Le parasismique
étant au centre de ce projet, un expert en la matière, M. Victor Davidovici,
était indispensable à nos cotés. S’agissant d’un chantier d’envergure
en conception réalisation, nous avons jugé nécessaire de nous doter
d’un mandataire, le groupement SEMAFF/ICADE et d’un AMO technique
et HQE, SETEC Bâtiment. Bien évidemment, sont associés un bureau
de contrôle, Bureau Veritas, et un contrôleur Sécurité Protection
Santé, Guez Caraïbes. Le marché de conception réalisation, quant
à lui, a été attribué au groupement comprenant SCAU Architectes
(Bernard Cabannes), SNC LAVALIN (Bureau d'études), SOGEA (mandataire) SIMP (Groupe VINCI.) COMABAT, et CEGELEC pour les lots
techniques.
Pourquoi avez-vous retenu le projet de SCAU Architectes ?
F.T : Ce projet surnommé « le triangle », du fait de la forme de triangle
équilatéral du bâtiment, est celui des trois projets présentés qui a
obtenu le meilleur score au niveau du jury. Les commissions techniques
et les différents experts ont souligné le respect des demandes du
programme des besoins, la modularité du projet, son évolutivité, et
son coût compatible avec le budget de l’opération. « Le triangle » a
en effet su répondre aux contraintes fortes du programme, c’est-àdire des espaces fonctionnels, une réponse efficace à la contrainte
sismique, une maintenance optimisée et un bâtiment conçu dans
une démarche de développement durable.
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Architecture hospitalière - numéro 10 - CHU de Martinique
Quelles sont les particularités architecturales de ce nouveau
bâtiment ?
F.T : Le projet tire parti des contraintes foncières, notamment la très
forte déclivité du terrain (plus d’une dizaine de mètres), deux hôpitaux
mitoyens à maintenir en activité et une emprise disponible limitée.
Il s’insère dans le site en respectant les bâtiments voisins et en particulier
ceux de la dernière génération tels la Maison de la Femme, de la Mère
et de l’Enfant. Le nouveau plateau technique est accessible par chacune
de ses façades. Les trois accès sont traités de manière distincte ;
nous avons une entrée publique générale en façade ouest au niveau
haut, une entrée « urgences » sur la pointe en façade sud, et une entrée
logistique en façade est au niveau bas du terrain. L’implantation des
façades permet des passerelles de connections simples et directes
vers les bâtiments existants. Ainsi, un véritable dialogue s’instaure
entre les trois entités. L’ouvrage est constitué de six niveaux complétés
d’une hélistation en terrasse. Son implantation est volontairement
et légèrement désaxée par rapport à l’existant pour dégager un vaste
parvis et éviter les vis-à-vis. Les façades sont constituées de voiles de
béton épais (50cm), et de châssis équipés de brise-soleils orientables
extérieurs permettant un contrôle de l’ensoleillement. La protection
sismique est assurée par une isolation à la base, le bâtiment étant
posé sur isolateurs complétés par des amortisseurs. En cas de séisme,
le maximum de l’énergie est dissipé au niveau de l’infrastructure,
limitant ainsi les sollicitations imposées à la superstructure et aux
équipements, tant au niveau des équipements liés au bâtiment
(techniques, ascenseurs,...) que des équipements biomédicaux. La
volumétrie simple et compacte de l’ouvrage (triangulaire) assure
une bonne répartition des efforts et donc un bon comportement en
cas de séisme. Dans un souci d’hygiène, le plateau technique est
conçu sans joint de dilatation. Une attention particulière a donc été
portée aux calculs de retrait puisqu’il s’agit de réaliser un ouvrage
de plus de 123 m de long sans aucun joint de dilatation. Le contreventement est assuré essentiellement par les voiles de façades et de
patios. Le contreventement intérieur est limité aux cages d’escaliers
et aux gaines des appareils élévateurs, offrant ainsi une modularité
aux différents niveaux.
A combien s’élève l’investissement ?
F.T : L’investissement total représente 169M€ (libération de l’emprise
nécessaire à la construction du nouveau bâtiment comprise). Le financement est porté par l’Etat dans le cadre du plan hôpital 2012 (93M€),
par l’Europe (Fonds FEDER - 34.6M€), par la Région Martinique
(16.9M€) et par le CHU (emprunt - 24.5M€), dont 12.2M€ auprès
de l’Agence Française de Développement.
La première pierre a été posée le 22 novembre dernier. Comment
se déroulent les travaux ?
F.T : Après les premiers travaux de libération de l’emprise effectués
de fin 2010 à début 2013, c’est donc en février de l’an dernier que nous
avons débuté les travaux de dévoiement de réseaux et de terrassement
de la nouvelle structure. Cette première phase, particulièrement délicate,
a consisté à réaliser des travaux au pied même du Plateau Technique
actuel et du Pôle Mère Enfant tout en garantissant le maintien de
l’accès des urgences aux patients amenés par ambulance ou par
hélicoptère. Un autre défi était de ne pas perturber, pendant toute
la durée des travaux, l’activité des services sensibles en mitoyenneté
(réanimation adulte, réanimation néonatale, urgences, bloc opératoire,
etc.). En fonction des différentes phases de travaux, les sens de circulation, les accès et les stationnements ont été modifiés. Enfin, après
le montage des grues en août et septembre, les travaux de fondations
ont été lancés en octobre 2013 et devaient s’achever fin janvier 2014.
La pose des isolateurs parasismiques est en cours.
Quel est le calendrier prévu ?
F.T : Cette opération débutée en 2010 doit s’achever en mars 2016
par la livraison de l’ouvrage. Le clos couvert devrait être réalisé en
décembre 2014, et les OPR d’octobre 2015 à février 2016.
Avez-vous rencontré des difficultés particulières dans le
développement de ce projet ?
F.T : Le CHU de Fort de France est devenu au 1er janvier 2013 le CHU
de Martinique du fait de la fusion avec les centres hospitaliers du
Lamentin et de Trinité. Il est confronté depuis plusieurs années à
d’importantes difficultés financières. Dans de telles conditions, la
finalisation du plan de financement était, et reste d’ailleurs aujourd’hui,
très difficile. Le projet n’a été maintenu que parce qu’il est l’unique
solution qui pourra permettre la prise en charge immédiate de la
population martiniquaise et de la Caraïbe, en cas de catastrophe
naturelle majeure. Par ailleurs, comme pour tout projet qui nécessite
plusieurs opérations tiroirs, il nous a fallu résoudre l’ensemble des
difficultés liées à la libération de l’emprise avant de pouvoir envisager
le premier coup de pelle pour le plateau technique. Enfin la procédure
de conception réalisation que nous avons choisie, qui présente
l’énorme avantage d’octroyer une réduction significative des délais,
a nécessité quelques ajustements des conventions FEDER dont nous
bénéficions, pour permettre le paiement de la subvention européenne.
Avez-vous déjà prévu un plan d’équipement pour ce nouveau
bâtiment ?
F.T : Le nouveau plateau technique de l’hôpital Pierre Zobda Quitman
qui sera livré en 2016, vient en remplacement du plateau technique
actuel. De ce fait il ne sera pas nécessaire de remplacer l’intégralité
des équipements, mais seulement ceux devenus obsolètes ou qui
ne pourraient pas être déménagés. Ce plan d’équipement est d’ores
et déjà élaboré et chiffré.
Doit-on forcément être « à la pointe de la technologie »
quand on conçoit et équipe un plateau technique aujourd’hui ?
F.T : Notre nouveau plateau technique a été conçu comme un véritable
« trauma center », à même d’être fonctionnel et de prendre en charge
un afflux massif de blessés immédiatement après un séisme majeur.
Les toutes dernières normes y seront mises en œuvre, comme par
exemple la norme NFS 90351 sur la maîtrise de la contamination
aéroportée dans les zones à environnement maîtrisé des établissements
de santé publiée en avril 2013, au moment ou débutaient déjà nos travaux.
Il ne s’agit pas tant pour nous d’être « à la pointe de la technologie »,
que d’assurer des soins de grande qualité pour la population qui nous
fait confiance, et d’assurer pleinement et entièrement notre rôle qui
est celui d’un Centre Hospitalier Universitaire mais également celui de
l’hôpital de recours, pour la Martinique comme pour toute la Caraïbe.
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Architecture hospitalière - numéro 10 - CHU de Martinique
Au niveau de ce nouveau bâtiment, quels sont les éléments
qui vont concourir à améliorer le confort et l’accueil des
patients ?
F.T : En premier lieu, les patients bénéficieront des services
d’urgence (avec une Zone de Soins de Très Courte Durée de 25 lits
dont deux psychiatriques) et d’imagerie (avec 2 scanners et 2 IRM)
de plain-pied au niveau R-2 et avec un parking attenant, pour un
accès facilité. L’hélistation en terrasse est également un atout, avec
ses ascenseurs axe rouge, y compris pour grands obèses, desservant
les urgences, l’imagerie médicale, la réanimation, l’ensemble des
soins critiques et les blocs opératoires. Enfin, l’ensemble de nos
locaux, et notamment les chambres d’hospitalisation, sont climatisés.
Qu’en est-il des conditions de travail du personnel ?
F.T : La conception architecturale, basée sur une forme triangulaire,
a l’avantage de minimiser les déplacements du personnel. Un système
de transport léger par pneumatique dessert également l’ensemble
des niveaux du plateau technique. Nous avons mis en place des
distributeurs automatiques de tenues. De plus, le bâtiment est
conçu pour optimiser les apports de lumière naturelle. Cinq patios
permettent d’éclairer naturellement le maximum de locaux, y
compris pour les blocs opératoires qui sont situés en façade.
mentale. Nous avons retenu un expert HQE qui nous accompagne
depuis la phase de l’appel d’offres. Sur les quatorze cibles de la
démarche HQE, le CHU a souhaité placer en « Très Performant » la
cible 3 « chantier à faible impact environnemental », la cible 4 « Gestion
de l’Energie » et la cible 7 « Maintenance et Pérennité des performances ». La maintenance et l’exploitation de l’ouvrage font l’objet
d’une démarche responsable en maîtrise de l’énergie, tout particulièrement sur les aspects d’éclairage et de climatisation. Il est prévu
la production d’Eau Chaude Sanitaire en combinant l’énergie solaire
et la récupération de la chaleur gratuite des groupes froids. Au-delà
de l’objectif environnemental, cette démarche entend contenir,
autant que faire se peut, les coûts d’exploitation du futur plateau
technique. Pour la climatisation, poste le plus important de la
facture électrique, il est ainsi prévu l’installation de groupes frigorifiques à hautes performances. Les installations techniques sont
centralisées au niveau -4 et en terrasses, les locaux techniques dans
les étages étant limités aux impératifs de fonctionnement. Enfin,
nous avons recherché une diminution maximale de l’impact du
chantier, à la fois pour l’environnement et pour les nuisances vis-àvis du CHU, par la mise en place d’une charte « chantier vert ». Cette
charte définit nos engagements de réduire les pollutions de site (air,
eau, sol, poussière émise) et le recours à un tri sélectif des déchets
valorisables en Martinique.
Dans quelle mesure le développement de ce projet s’inscrit-il
dans une démarche de développement durable ?
F.T : Pour la conception et la réalisation de ce projet, nous avons
souhaité mettre en œuvre une démarche Haute Qualité Environne-
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