Sommaire du CHAPITRE 10 TUBERCULES ET RACINES

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Sommaire du CHAPITRE 10
TUBERCULES ET RACINES
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
La pomme de terre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
Description de la plante . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
Origine, centre de domestication et évolution de la culture de la pomme de terre . . . . . . . . . . 4
Écologie et culture de la pomme de terre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
Statistiques de production pour la pomme de terre (FAOSTAT 2001, révisé) . . . . . . . . . . . . . . . 9
Le manioc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
Description de la plante de manioc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Origine et évolution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Écologie, méthodes de culture et utilisation du manioc . . . . . . . .
Amélioration génétique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Statistiques de production du manioc pour 2001 (FAOSTAT, révisé)
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. . . . . . . . . . . . . . 13
La patate douce
Description de la plante . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
Origine et évolution de la patate douce . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
Écologie, méthodes de culture, variétés et utilisation de la patate douce . . . . . . . . . . . . . . . . 16
Statistique de production pour 2001 (FAOSTAT, révisé) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
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TUBERCULES ET RACINES
Introduction
uelques 428 espèces de plantes appartenant à 63 familles ont été répertoriées comme plantes ayant été
Q
cueillies ou étant présentement cultivées pour l'utilisation de leurs organes souterrains de réserve
comme aliment. Les réserves sont principalement des glucides (sous forme d'amidon) enfermées dans
une matrice riche en eau. Sauf pour quelques exceptions, les racines et les tubercules contiennent en général très
peu de protéines et des quantités réduites de vitamines, de minéraux et de lipides. Ces plantes ne peuvent fournir
tous les éléments nutritifs en concentrations suffisantes pour satisfaire les besoins de l'Homme. Plusieurs espèces
de ce groupe ont probablement été les premières à être cultivées dans les régions tropicales et sous-tropicales,
car elles peuvent être propagées végétativement. Ce moyen de propagation demande beaucoup moins d'efforts
que la plantation des graines. Dans le contexte et le temps alloué à ce cours, nous allons décrire les espèces les
plus importantes pour l'alimentation humaine directe telles que choisies par l'organisation pour l'Alimentation
et l'Agriculture des Nations-Unies (FAO). La pomme de terre, le manioc, la patate douce et les ignames sont les
espèces dont l'importance alimentaire, la production et la superficie cultivée sont, de loin, les plus importantes.
Ces plantes ont eu et continuent à avoir un impact sur le développement socio-économique global rattaché à l'agriculture des régions tempérées aux régions tropicales de tous les continents. Nous allons aussi faire mention
de la culture du taro qui, bien que d'une importance régionale et locale, est une culture qui a encore un impact
socio-économique important dans certaines régions tropicales du monde.
-2-
La pomme de terre
ien que les céréales majeures forment la base de l'alimentation humaine, la pomme de terre (Solanum
tuberosum L., famille des Solanacées) est aussi importante comme source alimentaire dans les régions tempérées de l'hémisphère Nord du globe. Pourtant l'origine de sa culture se situe dans les régions montagneuses des zones tropicales et subtropicales d'Amérique du Sud et son adoption comme aliment en Europe et en
Amérique du Nord ne remonte qu'à environ 250 ans. L'intérêt de sa culture est dû à l'apport énergétique des
tubercules produits dans les portions souterraines des tiges de la plante. Comparée aux céréales des régions tempérées, la pomme de terre produit un rendement plus élevé par unité de surface plantée et son apport en calories par hectare est plus de deux fois celui du blé et du riz et 1,5 fois celui de maïs.. Par contre la valeur nutritive de la pomme de terre est inférieure à
celle des céréales car la teneur en proD.
téines, bien que de bonne qualité, est
très basse, entre 1% et 3% du poids des
tubercules. À part une quantité appréciaE.
ble de vitamine C, concentrée dans la
région périphérique (périderme) des
tubercules, la teneur en vitamines est
réduite. L'atout principal de la pomme de
terre est sa richesse en glucides en forme
d'amidon (17 à 34 % du poids du tubercule), lequel après cuisson, est facilement digérable. Une alimentation basée
presque exclusivement de pommes de
C.
terre conduit inexorablement à des problèmes graves de malnutrition.
B
Description de la plante :
La pomme de terre (Solanum tuberosum L. (2n = 48) est une plante
tétraploïde et allogame qui, du fait
qu'elle à la capacité de se propager végétativement à partir de ses organes
souterrains, est considérée une plante
vivace. Les plantes peuvent être issues de
la germination de graines ou par propagation végétative à partir des bourgeons
("yeux") situées sur les tubercules. La
plupart des plantations sont initiées
par propagation végétative, mais la production de graines est importante pour
produire de nouvelles variétés issues de
croisements contrôlées. Suite à la germination des graines ou des bourgeons
végétatifs, les deux premières feuilles
produites sont simples et alternées tandis que celles qui suivent sont composées de 5-9 folioles de dimensions
variables. Lors du développement végétatif les parties souterraines des tiges
A.
B.
Figure 1. Solanum tuberosum (L.): Pomme de terre. Plante entière.
A.- Tige secondaire tubérisée; B.- Racines; C.- Feuille; D.- Fleur; E.- Fruit
(Adapté de Heiser 1990).
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produisent
des
ramifications
latérales qui portent des tubercules
en position terminale. La croissance
des tubercules est complétée vers la
fin de l'été, à mesure que les
journées raccourcissent. La croissance de la plante est de type déterminée et une inflorescence en forme
de cyme est produite à l'apex de la
plante environ 4 à 5 mois après la
germination. Dans les régions de climats tempérés froids au Nord du
42ème degré de latitude Nord, les
plantes fleurissent rarement à la fin
de la saison de croissance. Les fleurs,
au nombre de 8 à 15, sont régulières
(actinomorphes), composées de 5
sépales et 5 pétales soudés (gamosépales et gamopétales), de 5 (parfois
4-6) étamines ancrées à la base de la
corolle, d'un pistil dimère et d'un
ovaire à deux loges contenant de
nombreux ovules. Suite à une
pollinisation croisée entomophile, il
y a production d'une baie triloculaire. Les plantes atteignent entre 80
cm et 1m 40 de hauteur lorsqu'elles
complètent leur développement
(FF i g u r e s 1 & 2).
Noeud
Rhizome
Bourgeon terminal
Jeune tubercule
Germe (oeil)
Épiderme
Jeune
tubercule
Tissu
vasculaire
Moëlle
Graine de pomme de terre
Figure 2 . Formation d'un tubercule de pomme de terre.
Origine, centre de domestication et évolution de la culture de la pomme de terre
Le genre Solanum, auquel appartient la pomme de terre, contient plus de 1500 espèces d'origine américaine
distribuées dans les régions montagneuses de l'Amérique centrale, de l'Amérique du Sud, du Mexique au Chili.
Solanum tuberosum (2n = 48) a été placée dans la section Tuberarium, de la série Tuberosum, du genre qui
contient les espèces capables de produire des tubercules à partir des tiges souterraines. La section Tuberarium
comprend un grand nombre d'espèces tellement variables morphologiquement qu'il est difficile de se mettre
d'accord sur le nombre d'espèces. Certains, comme Corell (l962) et Hawkes (1966) en classifient près de 159
espèces distribuées dans 17 séries différentes, tandis que d'autres, comme Ugent (1966), n'en reconnaissent que
36 espèces. Il est maintenant accepté que seulement une quinzaine de ces espèces soit impliquée dans l'évolution de la pomme de terre. Nous nous rapportons à la synthèse de Grun (l990) et aux recherches évolutives rapportées par Gepts 1993 qui sont basées sur la biologie moléculaire, qui proposent l'évolution indépendante de
deux sous-espèces de pomme de terre cultivées, la première S. tuberosum ssp. andigena (2n=48) dans l'Altiplano
bolivien-péruvien, l'autre S. tuberosum ssp. tuberosum (2n=48) au sud du Chili, dans les régions de l'île de
Chiloe ( S c h é m a à l a F i g u r e 3).
Des espèces diploïdes (2n=24) placées dans le complexe S. brevicaule se seraient hybridées naturellement
entre elles et auraient été impliquées dans l'évolution de S. stenotomum, une espèce diploïde qui pourrait être
la première à être cultivée de façon primitive dans le Plateau Andéen. Deux autres espèces diploïdes, dérivées de
l'hybridation des espèces du complexe S. brevicaule, auraient été cultivées pendant de brèves périodes: S. goniocalyx dans les régions andéennes et S. phureja dans les basses terres côtières sur le versant du Pacifique. La culture de ces espèces aurait été abandonnée au profit des espèces tétraploïdes cultivées par la suite. Un croise-4-
Evolution de la pomme de terre
Genre Solanum = 1800 - 2000 espèces;
Section Petota
èces (20 séries);
Série
de terre cultivé
ée.
ées dans l'évolution de la pomme
Espèces diploïdes (2n = 24)
ées dans l'évolution du
complexe S. brevicaule;
**S. brevicaule, **S. multidissectum,
(12 espèces)
**S. bukasovii, **S. canasense
*, **S. goniocalyx
égions
andéennes)
**S. stenotomum (complexe)
(2n=24; cultivée sur les plateaux
des Andes, hautes altitudes)
S. phureja
ée dans les régions
côtières de la Colombie et du Pérou)
*,
X
*S. sparsipilum
(2n=24)
(Autopolyploïdisation)
*, **S. tuberosum ssp. andigena
(2n=48)
(Introgressions multiples)
*, **S. tuberosum ssp. andigena
ïdie,
cultivé
plateaux des Andes
X
*, **S. maglia ?
*, **
?
(
)?
(2n=24, Chili, Argentine)
*, **S. tuberosum ssp. tuberosum
(2n=48, cultivée au Chili (Chiloe) et en Argentine)
*, preuves basé
**, preuves basé
électrophorétiques des allozymes
Figure 3. Évolution de la pomme de terre (Tiré de Grun, P. (1990) The evolution of cultivated
potatoes. Econ. Bot. 44: 39-55. et Gepts, P. (1993) Evol. Bot. 27:51-94.)
ment entre S. stenotomum et l'espèce spontanée diploïde S. sparsipilum aurait produit un hybride qui aurait
subit par la suite un processus d'autopolyploïdisation et une série de croisements et d'introgressions supplémentaires. Les formes introgressées de S. tuberosum ssp. andigena (2n=48), auraient produit des tubercules plus
volumineux et auraient été cultivées dans les régions intra montagneuses et les hauts plateaux des Andes, dans
une période aussi lointaine que 4000 à 6000 années A.P. Bien plus tard, au cours de l'expansion de la civilisation inca, vers ll00 de notre ère, des variétés cultivées de cette sous-espèce auraient été transportées et cultivées
dans les régions du sud du Chili et en Argentine. Les plantes se seraient croisées naturellement avec des espèces
diploïdes spontanées locales produisant l'hybride S. tuberosum ssp. tuberosum (2n = 48). Cette plante aurait
été cultivée par la suite dans cette région qui avait déjà été proposée comme centre secondaire d'origine de la
pomme de terre par Vavilov (l928).
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Ce schéma est basé sur les analyses génétiques et cytogénétiques faites au cours des derniers 50 ans et est
appuyé, dans ses grandes lignes, par les analyses biochimiques plus récentes (protéines, allozymes et ADN) telles
que décrites par Gepts (l993). Malgré cela, il comporte encore bien des éléments inconnus et difficiles à vérifier. Par ailleurs, l'élément temporel de l'évolution de la pomme de terre reste très spéculatif, car les données
archéologiques concernant la domestication et la culture de la pomme de terre sont imprécises, peu nombreuses
et de datation trop récente par rapport à ce que l'on devrait s'attendre intuitivement. Le problème ici est le fait
que les artéfacts des végétaux qui pourraient établir la preuve de la domestication et culture de la pomme de
terre, ainsi que ceux d'autres plantes utilisées pour leurs organes et tissus végétatifs mous, sont mal conservés et
ont tendance à disparaître des sites archéologiques. De plus, l'augmentation du volume des tubercules lors du
processus de domestication a été graduelle. Il est donc difficile de déterminer avec certitude à quelle phase de
développement d'un tubercule nous nous retrouvons en présence d'une preuve irréfutable indiquant la présence
d'une plante cultivée.
Les tubercules des espèces sauvages du complexe S. brevicaule ont probablement été ramassés et utilisés
comme aliment par les peuples de cueilleurs-chasseurs sud-américains plusieurs milliers d'années avant leur
domestication. Les fouilles archéologiques effectuées au site de Monteverde, dans le centre-sud du Chili, font état
de restes de ces plantes accompagnant les ossements des habitants datés d'il y a 12 000 années. La preuve
archéologique la plus ancienne de la présence de l'utilisation de la pomme de terre cultivée ne vient pas des
régions intra montagneuses de l'Altiplano bolivien-péruvien mais des régions côtières désertiques du centre du
Pérou, à l'embouchure de la rivière Casma. Une vingtaine de tubercules desséchés, mais bien conservés, ont été
découverts dans des niveaux d'occupation humaine datés entre 4000 et 3200 années A.P. On considère que ces
tubercules appartiennent à des plantes domestiquées, car leurs grains d'amidon sont de grande taille et de forme
elliptique. Ils sont différents de ceux des formes spontanées qui sont de taille réduite et plus allongée. Bien que
d'autres tubercules, possédant certaines caractéristiques des formes cultivées, aient été retrouvés dans la vallée
de Chilcas à l'intérieur des terres, dans des couches de sédiments datés d'il y a 10 000 ans, il faudra attendre une
confirmation indépendante de datation, car il y a des doutes de la possibilité de contamination des strates de
sédiments. Des restes de tubercules de pomme de terre, datés de 4000 ans, ont aussi été découverts dans le site
archéologique de Taihuanaco, dans la région du lac Titicaca, mais il n'est pas certain que ces tubercules proviennent de plantes cultivées. Les preuves les plus évidentes de la culture de la pomme de terre proviennent des
dessins et des reliefs de poterie développés par les individus des civilisations Pré-Incas datant du deuxième siècle de notre ère. Ces dessins et ces poteries montrent, de façon stylisée, différentes parties de la plante. Celles-ci
sont encore plus abondamment dépeintes par les artisans des civilisations Mochica et Chimu, les ancêtres directs
des Incas, qui ont peuplé l'Altiplano bolivien-péruvien à partir de 800 A. D.
A l'arrivée des Espagnols sur le continent sud-américain, la culture de la pomme de terre s'étendait des
régions montagneuses de la Colombie jusqu'au sud du Chili. Les Espagnols découvrirent pour la première fois
cette plante en 1537 quand ils remontèrent la rivière Magdalena et explorèrent les hauts plateaux andéens de la
Colombie. A haute altitude dans les Andes, les Amérindiens cultivaient la pomme de terre par la méthode de
"chacras" (plantation horticole), souvent dans des champs établis en terrasse et à l'aide d'irrigation. Pour préserver les tubercules après la moisson, les agriculteurs plaçaient ceux-ci sur la surface des champs où ils demeuraient
exposés pendant la nuit à des températures bien au-dessous du point de congélation. Les tubercules gelaient et
le lendemain ils étaient piétinés afin d'éliminer le plus possible l'eau des tissus. L'eau s'évaporait rapidement
pendant la période d'ensoleillement sous l'atmosphère sèche à haute altitude. Après quelques jours, l'on obtenait des masses de tubercules macérés et séchés, légèrement fermentés, appelés chuno (prononcer ''Chugno'')
qui pouvaient être entreposés sans détérioration pendant plusieurs mois. Le chuno possédait aussi l'avantage
d'avoir son amidon partiellement hydrolysé par le processus de fermentation. Il pouvait ainsi être cuit plus rapidement à des températures inférieures à 100o C, un atout important à haute altitude.
Des échantillons de pomme de terre, que les Espagnols assimilaient à des ''truffes'', furent ramenés en
Espagne en 1570 où cette espèce fut, pendant un certain temps, confondue avec la patate douce (Ipomoea
batatas ), d'où son nom de "patata", qui provient du nom de "batata", un des termes utilisés par les Amérindiens
des Caraïbes pour nommer la patate douce. Ce nom fut adopté dans la langue espagnole et éventuellement
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traduit en France (et au Québec) sous le nom de "patate", un terme fort utilisé dans le langage commun. Jusqu'en
1600, la pomme de terre fut cultivée comme curiosité dans les jardins botaniques établis par la royauté, car les
Européens ne l'apprécièrent guère comme nourriture, la jugeant sans goût, trop bourrative et produisant la flatulence. Ce manque d'intérêt fut probablement accentué par le fait que la famille des Solanacées était représentée en Europe par des espèces riches en alcaloïdes mortels ce qui plaçait la pomme de terre dans une catégorie
suspecte et dangereuse. Un regain de popularité de courte durée s'établit lorsque membres de la royauté espagnole et française attribuèrent un pouvoir aphrodisiaque à cette plante, probablement due à l'association aux
truffes. La pomme de terre finit par s'établir comme culture européenne par sa capacité de produire un aliment
riche en calories dans ses parties souterraines. Pendant les longues guerres entre le royaume de Suède et celui
de l'Empire Austro-Prussien au cours du 18e siècle, les champs de céréales étaient constamment détruits ou
brûlés lors des avances et retraits des armées en lice. Par contre, les champs de pomme de terre étaient piétinés,
mais une partie de la récolte de tubercules sous terre était préservée et permettait de sauver de la famine les populations qui survivaient aux envahisseurs. En constatant cet avantage, les rois de Suède, et par la suite, ceux de
l'alliance Austro-Prussienne, décidèrent d'imposer la culture de la pomme de terre. Les régions de l'Europe centrale et du Nord, où cette culture fut imposée, étaient soumises à un climat favorable à sa culture, car il était très
semblable aux zones de culture de la pomme de terre à haute altitude dans les régions tropicales et subtropicales
de l'Amérique du Sud. Vers la fin du 18e siècle, la culture de la pomme de terre sur le continent européen était
bien implantée et cette plante, plus que n'importe qu'elle autre, est considérée comme ayant contribué à l'augmentation de la population humaine dans ces régions.
La pomme de terre fut introduite en Angleterre de façon indépendante vers la fin du 16e siècle. Une controverse existe à savoir si c'était Sir Walter Raleigh, ou Sir Francis Drake, qui est le responsable de son introduction
sur l'Ile. L'on raconte que la reine Elizabeth I accusa Drake de vouloir l'empoisonner quand, par mégarde, les
cuisiniers lui servirent une salade de feuilles de pomme de terre (qui contient de la solanine, un alcaloïde qui
peut être mortel), au lieu d'un plat de tubercules cuits à partir de la plante offerte par son navigateur favori. Par
la suite, la pomme de terre fut quand même adoptée comme aliment en Angleterre et sa culture pris une importance quasi exclusive dans la voisine Irlande qui subissait le joug de l'occupation anglaise. Non seulement les
conditions climatiques humides et fraîches de l'Irlande se prêtaient admirablement à la culture de la pomme de
terre, mais cette plante pouvait produire assez de calories sur des lopins de terre de petites dimensions afin de
satisfaire les besoins alimentaires de base d'une famille nombreuse. Hors, la structure de sous-division excessive
des terres agricoles dans les zones rurales de l'Est de l'île et la politique de propriété et de sous-location de cellesci, obligeaient les fermiers à l'autarchie dans un contexte de pauvreté extrême. Vers 1840, l'Irlande rurale était
devenue dépendante de la pomme de terre à tel point que cette plante avait remplacé les céréales comme aliment
de base sur de grandes étendues de territoire. La consommation journalière de pomme de terre par personne
était en moyenne de 3 à 6 kg de tubercules, qui étaient préparés en bouillie et servis aux trois repas quotidiens.
Quelques suppléments de viande (mouton), de thé, de sucre, de pain de seigle ou d'orge et de beurre s'ajoutaient
en petites quantités et de façon irrégulière sur une base hebdomadaire.
En 1845-46, les plantations de pomme de terre de l'Irlande furent ravagées par l'attaque d'un champignon,
Phytophtora infestans, introduit accidentellement d'Amérique. Ce fléau détruisit presque entièrement la culture
de la pomme de terre sur l'île en moins de 5 ans. Il est estimé que près de 1.5 millions d'irlandais moururent de
faim au cours des 4 à 5 ans qui suivirent à l'épidémie initiale. Le manque de nourriture et une politique d'émigration agressive favorisée par les intérêts économiques anglais, forcèrent plus de un million d'habitants des
régions rurales à émigrer, la plupart aux État-Unis et au Canada. L'épidémie de champignons s'étendit aux plantations de pomme de terre de l'Angleterre et en Europe continentale où, du fait d'une agriculture plus diversifiée, elle eue un impact moindre sur la population humaine de ces régions.
La susceptibilité des plantations de pomme de terre de l'Irlande et de l'Angleterre étaient due au fait qu'elles
étaient toutes issues d'une seule introduction. De plus, l'uniformité génétique de la variété originale était
préservée par l'utilisation de semence végétative, ce qui revient à propager des individus qui sont des clones
identiques. Au fait, toutes les plantations européennes étaient issues, tout au plus, de deux ou trois introductions
indépendantes dont l'identité génétique avait été perpétuée par la propagation végétative.
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Suite à la débâcle irlandaise, les améliorateurs et associations de fermiers européens développèrent des programmes de sélection pour produire des variétés de pomme de terre résistantes à Phytophtora et à d'autres maladies. De nouvelles sources de germoplasme furent obtenues à partir d'espèces, spontanées et cultivées, de
pommes de terre dans diverses régions du centre et du sud des Amériques et un programme d'hybridation intensif fut développé à partir de 1880. Par exemple, des sources de résistance à Phytophtora infestans furent retrouvées parmi des populations de Solanum demissum, une espèce mexicaine. Jusqu'en 1870, les quelques introductions qui avaient été la source des premières plantations européennes provenaient de Solanum tuberosum ssp.
andigena, des régions tropicales et subtropicales des hauts plateaux des Andes. À partir de cette date, des variétés de S. tuberosum spp. tuberosum provenant du sud du Chili seront introduites en Europe, sélectionnées et
utilisées par la suite dans des programmes d'hybridation avec des variétés de la ssp. andigena. Au cours des
derniers 30 ans, près de 550 variétés de pomme de terre ont été issues de ces programmes d'amélioration. La
qualité et l'uniformité des tubercules se sont beaucoup améliorées par rapport au début du siècle. Sous des conditions favorables de culture, la production par hectare d'une ferme de l'Idaho, nommé l'état de la pomme de
terre aux États-Unis, peut atteindre aujourd'hui les 70 tonnes de tubercules, quatre fois la production atteignable
en 1930. Les généticiens considèrent que le potentiel de production de tubercules de cette plante pourrait
atteindre les 200 tonnes métriques par hectare en utilisant des variétés améliorées et des conditions de pratiques
agricoles et de culture optimales.
Écologie et culture de la pomme de terre:
La pomme de terre est adaptée aux climats tempérés froids et humides, conditions qui sont aussi retrouvées
en altitude dans les régions tropicales et subtropicales des Andes, leurs régions d'origine. Bien que la culture de
la pomme de terre puisse être effectuée sur toutes sortes de sols, la production optimale est obtenue sur des sols
de texture moyenne à argileuse, légèrement acides (pH 6.0-6.5), enrichis en cations échangeables, en phosphore et en matière organique. Un bon drainage des sols est important pour éviter des malformations des tubercules.
Si les conditions climatiques ne permettent pas de maintenir les sols humides au cours de la saison de croissance,
il est nécessaire de d'irriguer les champs artificiellement. Les sols doivent être bien préparés au moyen de disques brise-mottes avant de semer les semences végétatives qui sont des morceaux de tubercules comprenant de
deux à trois bourgeons à partir desquels se développerons les tiges et racines primaires. Traditionnellement, les
plantations de pomme de terre sont initiées tôt au printemps avec des semences végétatives, car les plantes de
pomme de terre fleurissent de façon irrégulière et un fort pourcentage des fleurs sont infertiles. Près de 90 %
des plantations dans le monde sont initiées à partir de semences végétatives qui proviennent de la moisson de
l'année antérieure. Le désavantage des semences végétatives est la possibilité de celles-ci de transmettre des
pathogènes (en particulier des virus) et des nématodes d'une année à l'autre. A partir des années 50, les compagnies de semences ont commercialisé des semences végétatives qui sont certifiées libres de pathogènes. Plus
récemment, une nouvelle de variété de pomme de terre appelée "Pioneer" a été développée en Amérique du
Nord. Elle est plantée directement de graines issues des fruits. Les plants de pommes de terre qui émergent de
semences, placées à une équidistance de 40 cm sur le rang et de 60-70 cm entre les rangs, se développent sur
une période de 3 à 5 mois. La croissance des nombreux tubercules, produits à l'extrémité des rhizomes de chaque
plante, est favorisée par le raccourcissement des journées vers la fin de l'été et la récolte peut être effectuée au
début de l'automne.
Traditionnellement, la récolte est effectuée manuellement aux moyen de fourches ou assistée par des charrues
voltigeuses tirées par des animaux de trait. Dans les pays industriels, l'on utilise des récolteuses mécanisées
pourvues de fourches frontales qui s'enfoncent en diagonale dans le sol et qui remontent les tubercules en surface. Ceux-ci sont laissés exposés pendant quelques heures à la surface du champ afin de permettre au périderme
de "durcir" ce qui réduit les dommages occasionnés au cours du ramassage et du transport. Par la suite, les tubercules sont ramassés sur des convoyeurs, secoués de leur terres sur des tamis et transportés aux lieux d'entreposage. Les tubercules peuvent être entreposés pendant plusieurs mois à l'obscurité, soit dans des chambres
froides à des températures de 4 à 6o C, soit à des températures de 15-18o C suite à une fumigation d'hydrazide
maléique. Les deux traitements ont pour objectif d'empêcher la germination des bourgeons latents (yeux) des
tubercules et éviter la synthèse de chlorophylle. La formation de tissus chlorophylliens à la lumière favorise une
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synthèse accélérée d'alcaloïdes (solanine) et de certains phénols, tels que les isoflavones, lesquels à basses doses
peuvent provoquer des avortements chez les mères enceintes. Dans le cas du traitement au froid, les tubercules
doivent être reconditionnés avant d'être mis en vente pour la consommation. Pour ce faire, ils sont placés dans
des entrepôts bien aérés maintenus à 18-20o C pendant 3 à 4 semaines afin d'éliminer la coloration brunâtre
due à une réduction des sucres qui se développe de façon provisoire et réversible pendant l'entreposage au froid.
Les plus grands producteurs de pomme de terre sont la Chine, la Fédération Russe, la Pologne et l'Inde qui, à eux
seuls produisent plus des deux tiers de la production mondiale estimée à plus de 308 millions de tonnes
métriques de tubercules en 2001. Les États-Unis suivent avec moins de 5 % de la production mondiale. A part
de la Chine, où presque toute la récolte est utilisée directement pour l'alimentation humaine, environ 40 % de
la production européenne et américaine est destinée, à parts égales, à l'alimentation du bétail et à l'usage industriel de son amidon (papier et tissus) et d'alcools. Seulement 60 % de la production est utilisée pour l'alimentation humaine, mais la moitié de cette production et soumise à une préparation industrielle avant d'être consommée ("chips", pommes de terre frites congelés, purées déshydratées, amidon ajouté à d'autres aliments, etc.).
Les principaux états producteurs américains de pomme de terre sont l'Idaho, Washington et l'Oregon, où les conditions de climats tempérés froids et humides favorisent la croissance de cette plante. La pomme de terre est toujours un aliment important des peuples des régions andines de l'Amérique du Sud ainsi que du Mexique et
d'autres régions montagneuses de l'Amérique centrale où cette plante fut introduite par les Espagnols.
A la suite de la débâcle occasionnée par l'attaque de Phytophtora en Irlande, des programmes d'amélioration
génétique de la pomme de terre furent développés dans le but de conférer de la résistance aux maladies et de
diversifier les sources de germoplasme de cette culture. De nombreux croisements, utilisant des variétés traditionnelles collectées dans les régions andéennes et des espèces spontanées de ces régions et du Mexique, furent
effectués dans le but de sélectionner des variétés résistantes adaptées à des conditions plus variées de climats et
de sols. Depuis 1960, ces activités ont été concentrées au Centre International de Recherche sur la Pomme de
Terre situé près de Lima au Pérou. Les recherches plus récentes ont permis de développer des variétés de pomme
terre plus productives, adaptées non seulement aux régions de climats tempérés, mais aussi avec un certain succès aux basses terres de certaines régions situées dans les tropiques.
Statistiques de production pour la pomme de terre en 2001 (FAOSTAT, révisé))
La production mondiale de la pomme de terre en 2001 était de 308,2 MTM réparties dans 152 pays sur une
superficie d'environ 19,3 millions d'hectares. Les pays producteurs les plus importants étaient la Chine (64,0
MTM), la Fédération russe (34,5 MTM), l'Inde (25,0 MTM), la Pologne (20,4 MTM), les États-Unis (20,2 MTM),
l'Ukraine (13,5 MTM), l’Allemagne (10,9 MTM), les Pays-Bas (7,7 MTM) et la France (6.5 MTM). L e C a n a d a é t a i t
p l a c é e n 1 7è m e p o s i t i o n a v e c u n e p r o d u c t i o n d e 4 . 0 M T M. Le rendement moyen par hectare était
estimé à 15,9 TM avec des rendements pouvant atteindre 46 TM/Ha (Hollande, Danemark) ou être aussi bas que
2 à 5 TM/Ha (Burkina Faso, Rwanda, Swaziland). Les généticiens prévoient que la pomme de terre offre un potentiel de production qui pourrait facilement atteindre les 250-300 TM/Ha avec des variétés améliorées quand elles
sont cultivées et entreposées sous des conditions optimales.
-9-
Le manioc
e manioc, cassava, mandioca ou yucca, est pratiquement inconnu des régions tempérées. Pourtant, c'est la
source alimentaire principale dérivée d'un organe de réserve souterraine d'une plante dans les régions tropicales de trois continents. Cette ressource alimentaire est utilisée par plus de 600 millions de personnes qui
habitent les régions tropicales et sous-tropicales du globe. Cette espèce, Manihot esculenta Crantz, appartient
à la même famille que l'arbre caoutchouc (la famille des Euphorbiacées) et elle contribue à près de 38 % des calories consommées en Afrique et plus de 11 % de l'énergie alimentaire utilisée par les habitants de l'Amérique
latine. Originaire de l'Amérique du Sud, son importance s'est accru au cours des dernières décennies en Afrique
et en Asie où elle remplace la culture de l'igname dans bien des régions. Les raisons de cette popularité croissante sont que le manioc produit plus par hectare que les sources d'igname cultivées locales tout en étant plus
facile à cultiver, plus tolérant à la sécheresse et plus résistant aux maladies et aux attaques des herbivores.
L'inconvénient principal du manioc comme aliment, est sa basse concentration de protéines dans ses racines
tubéreuses, qui en moyenne est de 1 % et rarement excède 3 %. De plus, il y a la présence de substances toxiques
cyanogéniques qui requière une préparation spéciale des racines avant qu'elles puissent être consommées.
L
Description de la plante de manioc :
Le manioc (Manihot esculenta Crantz, 2n = 36) est un arbuste ligneux, vivace et ramifié qui peut atteindre
jusqu'à 5 m de hauteur. Il produit de larges feuilles fortement lobées et spiralées de formes très variables. Lors de
leur croissance, les arbrisseaux produisent plusieurs racines tubéreuses de réserve, contenant jusqu'à 35 %
d'amidon, qui peuvent atteindre jusqu'à 1 m de longueur et peser collectivement jusqu'à 40 kg. Le manioc est
une plante monoïque qui produit des fleurs régulières (actinomorphes) femelles et mâles de petites dimensions
réunies en petits racèmes séparés. Les fleurs femelles, portées sur des racèmes à l'aisselle des feuilles, sont composées de 5 sépales, 5 pétales, parfois réduits, et d'un ovaire supère à trois loges soutenant un stigmate simple.
Les fleurs mâles sont apétales et comportent 5 sépales et 10 étamines. Suite à une pollinisation croisée, il y a
maturation d'un fruit triloculaire (schizocarpe) qui est, en fait, une capsule non charnue ( F i g u r e 4 ). Le système
photosynthétique du manioc est de type C4 et cette espèce est une héliophyte qui pousse sous les conditions de
hautes températures et d'ensoleillement caractéristiques des régions tropicales et subtropicales.
D
F
C
E
G
B
A
- 10 -
I
H
Figure 4. Manihot esculenta (Crantz):
Manioc. A.- Jeune tige avec feuille; B.- Feuille
avec stipule; C.Tige avec des fleurs; D.- Fleur
femelle; E.- Fleur mâle en coupe longitudinale;
F.- Fleur femelle en coupe longitudinale; G.Fruit; H.- Graine; I.- Tubercule.
Origine et évolution :
Le manioc est la seule espèce du genre à avoir été domestiquée et on ne lui connaît pas de formes sauvages.
Le genre Manihot comprend quelques 17 espèces spontanées originaires des régions tropicales et subtropicales
de la région amazonienne. Le centre de diversité du genre est localisé dans la région comprenant le sud du Brésil
et le Paraguay. La variabilité des formes cultivées de Manihot esculenta et la grande dispersion de sa culture en
Amérique au cours des périodes préhistoriques ont créé des difficultés pour interpréter son évolution et déterminer son centre d'origine de domestication. Les analyses d'ADN récentes, utilisant les enzymes de restriction,
indiqueraient que l'espèce spontanée M. aesculifolia ssp. flabelliformis serait l'ancêtre du M. esculenta, bien que
deux autres espèces, M. rubricaulis et M. pringlei pourraient aussi être impliquées. Par contre, il n'est pas possible de retracer des formes spontanées de M. esculenta. Il est probable, sans en être certain, que M. aesculifolia soit l'espèce spontanée du manioc. Bien que certains placent l'origine de domestication du manioc en
Amérique centrale (Mexique et Bélize-Guatemala), la plupart des experts optent pour une origine sud américaine
suivie d'une expansion de sa culture en Amérique centrale pendant la période pré colombienne. Bien que l'on
n'exclue pas que sa domestication puisse avoir été initiée dans le sud du Brésil, l'on favorise plutôt la région nordest du Brésil.
La situation est compliquée du fait de la présence de deux types de variétés de manioc, le manioc "amer" et le
manioc "sucré". Cette classification fait état de différences dans la distribution de deux glycosides
cyanogéniques, la linamarine et la lotaustraline (manihotoxine) ( F i g u r e 5 ) , qui sont présentes dans toutes les
parties de la plante, mais qui sont distribuées
différemment dans les racines tubéreuses des
H3C
O-Glc
O-Glc
CH3CH2
deux types de manioc. Les racines des variétés
C
C
"sucrées" contiennent ces produits toxiques en
H3C
C N
H3C
C N
basse concentration et seulement dans les celLotaustraline
Linamarine
lules corticales périphériques adjacentes au
périderme, alors que les racines des variétés
"amères" possèdent des concentrations élevées Figure 5.- Ia linamarine et la lautostraline produites par le manioc
de ces glycosides distribuées dans toute leur
masse parenchymateuse. D'après la plupart des experts, les variétés amères auraient été domestiquées les premières dans le nord-est de l'Amérique du Sud, dans une vaste région que délimitent les frontières actuelles du
Brésil, du Venezuela et des Guyanes. Les variétés de manioc "sucrées" auraient été domestiquées plus tard dans
les terres basses de la Colombie et de l'Équateur, sur la côte du versant Pacifique. Par contre, Renvoize (1972) a
proposé une hypothèse discordante en affirmant que le manioc sucré aurait été domestiqué par les Mayas en
Amérique centrale, au Guatemala et au Mexique, au cours de périodes relativement plus récentes. Les découvertes archéologiques nous donnent peu de renseignements sur ce point, car s'il est vrai que des restes de manioc datés du premier millénaire av. J.C. ont été découverts au Mexique, des grattoirs destinés au manioc (budares)
vieux de 4 000 ans ont été retrouvés dans des sites archéologiques du Venezuela. Ceux-ci ne font leur apparition
dans les sites archéologiques de l'Amérique centrale que bien plus tard au cours des premiers siècles de notre
ère.
A l'arrivée des Espagnols en Amérique, la culture du manioc était déjà bien implantée chez les Amérindiens
des îles des Caraïbes et ceux d'Amérique centrale. Le manioc a été introduit en Afrique par les Portugais dès l570,
mais sa culture est devenue importante à partir de la fin du 19e siècle lorsque l'on découvrit que cette plante
était facile à cultiver, produisait plus sur des sols pauvres que d'autres cultures et, de surcroît, était résistante
aux maladies et à l'attaque de sauterelles qui faisaient des ravages dans diverses régions d'Afrique occidentale. A
partir de 1910, le manioc déplace et remplace peu à peu la culture des espèces et variétés d'ignames locales, et
ce dans bien des régions de l'Afrique tropicale. Une situation semblable se développe en Asie où le manioc fait
son entrée à partir de 1950 en Inde, en Thaïlande, en Chine et, particulièrement, en Indonésie qui est actuellement le quatrième pays producteur le plus important après le Nigeria, le Brésil et la Thaïlande.
- 11 -
Écologie, méthodes de culture et utilisation du manioc :
Le manioc est une plante bien adaptée aux climats tropicaux et subtropicaux sous des conditions d'ensoleillement et tolère bien la sécheresse. Sa croissance est favorisée dans des sols bien drainés et humides, mais
est affectée par des périodes d'inondation prolongée. Elle peut générer une bonne production de racines
tubéreuses de réserve même dans des sols pauvres et requière un minimum de labours et de soins tout en ayant
un taux de production par hectare très élevé. Les plantations sont effectuées par propagation végétative sans
labourage préalable des sols dont on a coupé ou brûlé la végétation de surface. Des tiges de 30 cm de longueur,
portant plusieurs bourgeons axillaires, sont enfoncées latéralement dans le sol à des distances d'environ 1 m
l'une de l'autre. Chaque plant produira un arbrisseau et des racines tubéreuses dans les 12 à 18 mois qui suivent. Celles-ci peuvent être récoltées ou laissées en place jusqu'au moment requis. Dépendant des conditions et
de la période de croissance écoulée, chaque plant peut produire entre 5 et 30 kg de racines (avec un record de
72 Kg à Cali (Colombie)) .
La présence de glycosides cyanogéniques dans les racines du manioc rend nécessaire un procédé d'extraction
pour éliminer ces substances nocives. Pour les variétés "amères", les racines doivent être coupées finement ou
grattées et la masse est ensuite comprimée pour en extraire le jus. Ce procédé libère l'enzyme linamarase de son
compartiment cellulaire. Celle-ci hydrolyse les deux glycosides cyanogéniques produisant de l'acide cyanhydrique (HCN*) qui s'évapore rapidement ( F i g u r e 6 ).
H3C
CN*
O-Glc
C
H3C
C
HO C
N
CH3
CH3
Glucose + acetone cyanohydrine
Linamarine
O
C
CH3
CH3
HCN* + Acetone
Linamarase
(enzyme)
Figure 6.- Libération de cyanure par l'action de l'enzyme linamarase.
Par la suite, le séchage des morceaux de racines ou la cuisson de la pâte (ou de la farine produite) permet
d'éliminer les résidus de cyanure qui pourraient être encore présents. Le procédé pour les variétés "sucrées" est
plus simple, car il suffit de peler la zone péridermale des racines tubéreuses pour éliminer les substances
cyanogéniques qui sont concentrées dans les cellules corticales périphériques. Les Amérindiens des régions amazoniennes avaient développé un procédé d'extraction en employant le "tt i p i t i", sorte d'exprimoir vertical à
tourniquet en forme de manche. En suivant le même principe, des pressoirs horizontaux ont été développés plus
b u d a r e s", sortes de grattoirs faits
récemment dans plusieurs pays d'Afrique équatorial. Dans le même but, les "b
en pierre ou de treillis de végétaux tressés, ont été développées au cours de la période pré colombienne par les
amérindiens de l'Amérique Centrale et du nord-est de l'Amérique du Sud..
Les racines ainsi traitées sont séchées et sont moulues en farine. Celle-ci est utilisée pour la préparation de
galettes plates ou ajoutée en forme d'une purée gélatineuse à différents mets cuisinés. Au Brésil et au Venezuela,
pays où le manioc est une denrée alimentaire importante, les racines sont traitées par un procédé mécanisé qui
coupe celles-ci en lanières qui sont, par la suite, pilées jusqu'à formation d'une pâte informe. Celle-ci est laissée
au repos pendant la nuit ce qui permet au cyanure d'être libéré et évaporé. Cette pâte humide est par la suite
utilisée pour préparer des galettes plates et minces de l m de diamètre ("tortillas de yucca") qui sont cuites au
four et qui peuvent être entreposées pendant de nombreuses semaines. La cuisson permet d'éliminer tous les
résidus d'acide cyanhydrique qui pourraient encore persister. La pâte de manioc peut être séchée et moulue en
farine. La farine est rôtie pour préparer le f a f a r o, une nourriture de base des peuples amazoniens. La pâte de
manioc peut aussi être décantée de son eau et l'amidon obtenu est purifié par un processus en chaîne d'hydratations et de décantations multiples. L'amidon purifié peut être utilisé par l'industrie ou déposé sur des
- 12 -
plaques métalliques, ou dans des tambours chauffés, pour la préparation du t a p i o c a, qui est composé de conglomérats (pellets) d'amidon gélatinisées et séchés par la chaleur. Le tapioca est un excellent gélifiant qui est utilisé comme ingrédient pour la préparation de poudings, de tartes à fruits et d'aliments pour nourrissons. L'eau
drainée issue du processus de préparation et purification des farines de manioc et de tapioca contient assez
d'amidon pour être fermenté afin de produire des bières locales.
Amélioration génétique :
Les programmes d'amélioration génétique du manioc sont relativement récents et ont été concentrés principalement au Centre International de Recherches sur les Cultures Tropicales de Cali, en Colombie. De nombreuses sources de germoplasme, comprenant non seulement des variétés traditionnelles de Manihot esculenta,
mais aussi des collections de formes spontanées de d'autres espèces de Manihot, ont été utilisées dans les programmes d'hybridation et de sélection. L'objectif le plus important est de produire des variétés dont le contenu
de protéines est significativement plus élevé que celui des variétés traditionnelles. Au cours de la dernière décennie, plusieurs nouvelles variétés contenant jusqu'à 8 % de protéines ont été développées et sont présentement
sujettes à sélection. Le deuxième objectif est de réduire la concentration de glycosides cyanogéniques des racines
sans affecter leurs concentrations dans les feuilles et parties aériennes. L'objectif est de remplacer les variétés
"amères" par des variétés "sucrées" de haute productivité sans que leur résistance aux maladies et aux pestes en
soit affectée. Le botaniste américain D. J. Rogers a découvert en 1962 que les feuilles du manioc contenaient des
hautes concentrations de protéines de bonne qualité pouvant atteindre 36 % de leur poids, ce qui place cette
source de protéines au même niveau que celle des graines de légumineuses. Cette découverte a engendré un programme culinaire innovateur qui a proposé l'apprêt de plats combinant la cuisson de feuilles et de racines afin
de corriger les déficiences nutritives de ces dernières. Bien que les coutumes et usages soient difficiles à changer, ces nouveaux plats, proposés sur le modèle des tamales de maïs, sont maintenant bien acceptés par plusieurs
communautés rurales dans les régions tropicales des trois continents où le manioc est une nourriture de base
des peuples les plus démunis.
Statistiques de production du manioc pour 2001 (FAOSTAT, révisé)
La production mondiale de manioc en 2001 était de 178,9 MTM réparties dans 100 pays sur une superficie plantée d'environ 17,0 millions d'hectares. Les cinq principaux pays producteurs étaient le Nigeria (33,9 MTM). Le
Brésil (24,1 MTM), la Thaïlande (18,3 MTM), l'Indonésie (16,2 MTM) et la République Démocratique du Congo
(15,4 MTM). Le rendement moyen par hectare était environ de 10,5 TM; il pouvait atteindre les 27,2 TM/Ha
(Barbade) et être aussi bas que 2 à 5 TM/Ha (Burkina Faso, Malawi, Togo, Polynésie Française).
La patate douce
a patate douce (Ipomoea batatas Lam.) était cultivée pour ses racines dans les régions tropicales et subtropicales en Amérique et dans les îles du Pacifique bien avant l'arrivée des premiers explorateurs
européens. La distribution de cette plante, conjointement avec celles du cocotier et de la gourde d'eau, a
été utilisée comme argument pour appuyer l'hypothèse de contacts et d'échanges préhistoriques entre les peuples d'Amérique du Sud et ceux des îles de l'Océanie. Jusqu'à très récemment les arguments proposés pour expliquer l'évolution de la domestication et la culture de la patate douce étaient sujets à controverse. Les études taxonomiques et évolutives récentes ainsi que les découvertes archéologiques des deux dernières décennies
indiquent que la domestication et la culture de cette espèce ont débuté dans les régions tropicales de la côte
L
- 13 -
nord-ouest de la Colombie, en Amérique du Sud. Cette plante, qui fournit un aliment de meilleure qualité que la
plupart des autres plantes cultivées pour leurs racines et tubercules, a été et est encore un aliment de base traditionnel important pour les populations habitant les régions côtières et les îles du bassin de l'océan Pacifique.
La culture de la patate douce s'est étendue aux régions tempérées aux cours des deux derniers siècles. La production mondiale en 2001 était estimée à environ 136 MTM, production se rapprochant à celle du manioc, mais
près de 2.5 fois inférieure à celle de la pomme de terre. La Chine est de loin le premier producteur du monde
avec une production en 2001 de 115 MTM, représentant plus de 83 % de la production mondiale.
Description de la plante :
La patate douce, Ipomoea batatas Lam, placée dans la famille des Convolvulacées, est la seule espèce
économiquement importante des quelques 400 espèces que comporte ce genre. Cette herbacée est une vigne
rampante hexaploïde (2n=6X=90) qui est vivace dans les zones tropicales, mais qui se comporte comme une
annuelle dans les régions tempérées. Ses racines de
réserve sont de vraies racines souterraines. Elles se
développent à partir des racines adventices par
Cortex
croissance secondaire, de façon similaire au
développement de la betterave à sucre. Cependant,
Xylème
au lieu que la croissance secondaire se développe
Cambium
en anneaux concentriques, elle se forme de façon
désorganisée dans la masse de la racine (FF i g u r e
Phloème
7 ). Bien que les plantations soient initiées par
Panais
propagation végétative à partir de portions de
Radis
tiges aériennes ou, parfois, de racines de réserve,
les plantes fleurissent de façon sporadique sous les
tropiques (et plus fréquemment dans les régions
subtropicales et tempérées). Elles produisent des
fleurs bisexuelles régulières (actinomorphes) dont
Xylème
les 5 sépales et les 5 pétales sont soudés à leur
Cambium
base (FF i g u r e 8). Suite à une fertilisation croisée,
Phloème
Carotte
il y se développe une baie triloculaire semblable à
Xylème
Navet
celle des espèces de Solanacées, famille très proche
Cambium
des Convolvulacées.
Anneaux concentriques
Phloème
de tissus vasculaires
Origine et évolution de la patate douce :
On ne connaît pas de formes spontanées de
Ipomoea batatas, mais deux espèces hexaploïdes
(2n=6x=90) spontanées d'origine américaine, I.
trifida et I. tiliaceae, sont considérées les ancêtres
de la patate douce à cause de leur morphologie et
de leur caryologie similaires à celles de l'espèce
cultivée. Ipomoea trifida originaire du Mexique, a
été proposée par la botaniste japonaise Ichizo
Nishiyama comme étant l'espèce ancestrale de la
patate douce. Par contre, plusieurs botanistes considèrent que I. trifida n'est pas une espèce
sauvage, mais une forme de I. batatas qui a subit
une réversion des caractéristiques associées aux
plantes cultivées. Douglas Yen, un ethnobotaniste
de l'Université d'Hawaii, favorise Ipomoea tiliaceae, distribuée dans régions des basses terres
- 14 -
Patate douce
Faisceaux vasculaires
secondaires entourés
de cellules d'entreposage
Betterave
Figure 7. Coupe transversale de différentes racines. Dans cellesci, différentes zones sont le site d'accumulation de l'amidon.
Chez le radis et le navet, le parenchyme du xylème se développe
et accumule l'amidon. Chez le panais et la carotte, l'amidon est
emmagasiné dans le cortex. Chez la betterave, on retrouve des
bandes successives de tissus vasculaires, chacune de ces bandes
accumule de l'amidon. Chez la patate douce,l'amidon est accumulé dans le parenchyme au centre de la racine dans lequel on
retrouve plusieurs faisceaux de xylème.
(Modifié de Simpson & Ogorzaly1995)
B1
B2
A
C
B3
E
D
Figure 8. Ipomoea batatas: Patate douce. A.- Tige végétative;
B.- (1-3) Différentes formes de feuilles; C.Fleur; D.- Fleur ouverte
artificiellement; E.- Racine.
tropicales du nord-ouest de la Colombie, comme étant l'ancêtre spontané de la patate douce. Les analyses de
biologie moléculaire effectuées récemment et les considérations linguistiques lui donnent raison. De plus, il n'existe aucune preuve archéologique ancienne de la présence de la patate douce en Amérique centrale et sa culture
n'a jamais été particulièrement développée au Mexique, ce qui n'appuie pas l'hypothèse que cette plante aurait
été domestiquée initialement en Amérique centrale.
Des restes fossilisés de patates douces datés d'il y a 8 000 et 10 000 ans ont été retrouvés dans les contreforts
des Andes en Amérique du Sud. Les fouilles archéologiques démontrent que cette espèce était cultivée et domestiquée en Amérique du Sud depuis au moins 4 500 ans. L'énigme qui n'est toujours pas expliqué est la présence
de la patate douce en Polynésie, en Nouvelle Zélande, en Nouvelle Guinée, et dans d'autres îles du Pacifique Sud
dans les périodes pré colombiennes remontant au 13ème siècle de notre ère. L'hypothèse la plus acceptée et celle
d'échanges préhistoriques entre les peuples d'Amérique du Sud et des îles du Pacifique Sud, ce qui aurait permis
d'introduire la culture de la patate douce dans ces régions. Bien que près de 6 000 km de mer ouverte séparent
ces deux régions, le voyage du radeau Kon Tiki, effectué par le navigateur norvégien Thor Heyerdahl en 1947, a
suggéré très fortement que des navigateurs sud-américains de la période pré colombienne habitant les côtes du
Pacifique aient pu atteindre les îles polynésiennes en employant des méthodes de transport maritime de
l'époque. Ces voyages auraient pu être organisés, mais il est bien plus probable qu'ils auraient été accidentels
- 15 -
causés par des tempêtes qui auraient éloigné les radeaux des côtes américaines après quoi ils auraient dérivé à
la faveur des courants prévalent vers l'Ouest. Un seul voyage réussi aurait pu suffire pour introduire cette plante,
mais la question est de savoir si des racines de patate douce, qui n'ont pas une capacité de conservation particulière, auraient pu survivre à la suite d'un voyage de plusieurs semaines ou mois.
Quel que soit le moyen d'introduction de la patate douce dans les îles d'Océanie, cette plante faisait partie
intégrale de l'agriculture pratiquée par les peuples maoris qui ont colonisé ces îles, plusieurs siècles avant l'arrivée des premiers explorateurs européens. Cette plante était aussi cultivée en Nouvelle-Guinée et dans certaines
régions de l'Indonésie et de la Malaisie, où des systèmes de caches souterrains élaborés avaient été développés
pour entreposer les racines. Les fouilles archéologiques dans l'archipel des îles Hawaii rapportent des fragments
de patate douce datées du 10-11éme siècle de notre ère, époque qui coïncide avec la colonisation de ces îles par
les navigateurs maoris venant de la Polynésie. Il est intéressant de noter que les premiers habitants d'Hawaii nommaient cette plante "Uala". Karl Reich, expert linguistique de l'Université Nationale d'Australie, associe ce nom à
la famille des langages Cuna utilisés par les peuplades pré colombiennes du nord-ouest de la Colombie, région,
qui comme nous l'avons mentionné, est considérée le centre d'origine de domestication de la patate douce.
À l'arrivée des Espagnols, la patate douce était cultivée dans les îles et basses terres de l'Amérique centrale et
du sud. Dépendant des régions de culture, les Amérindiens lui donnaient des noms différents: apichu au Pérou,
camote au Mexique, et aje (variétés amidonneuses) et batata * (variétés sucrées) dans les régions des Caraïbes.
La patate douce fut ramenée par Colomb en Espagne où elle fut cultivée comme plante exotique dans les jardins
botaniques. Au début du 16ème siècle, elle fut transportée du Mexique à l'île de Guam. À cette époque l'île de
Guam était une colonie asiatique de l'Espagne, et la patate douce y fut cultivée pour nourrir les marins des
bateaux espagnols faisant la navette entre les diverses colonies asiatiques. De leur côté, entre 1740 et 1770, les
Portugais introduisirent la culture de la patate douce dans les régions côtières de leurs colonies d'Inde (Goa), de
Ceylan (Sri Lanka), des îles Moluques et d'Indochine. À cette époque, des patates douces cultivées en Espagne
furent exportées en Angleterre où, pour une raison étrange, elles furent considérées aphrodisiaques ce qui augmenta leur popularité pendant un certain temps.
Bien que la patate douce soit encore utilisée de façon intensive dans les régions tropicales et sous-tropicales
des Amériques et qu'elle soit devenue une culture importante dans les états du sud-est des États-Unis, sa production est maintenant concentrée en Afrique et en Asie, où l'on retrouve les dix pays producteurs les plus importants. La Chine est de loin le premier producteur mondial, accaparant plus de 83 % de la production mondiale.
Bien que la production au Japon, le septième producteur mondial en 2001, ait diminué au cours des deux
dernières décennies, elle est plus élevée que dans tous les pays américains réunis. Dans plusieurs pays asiatiques,
la patate douce est considérée comme une protection contre les ravages des typhons. En effet, ceux-ci ravagent
les cultures de surface tels que le riz et d'autres plantes de culture utilisés pour leurs fruits et végétation de surface et ne laissent intactes que les plantes cultivées pour leurs organes souterrains.
Écologie, méthodes de culture, variétés et utilisation de la patate douce :
Cette vigne d'origine tropicale est bien adaptée aux températures chaudes et à l'humidité des tropiques et ne
tolère pas le gel. Dans ces conditions, la patate douce est traditionnellement cultivée comme une espèce vivace
avec un prélèvement des racines à chaque année à partir de plants qui sont laissés sur place. Bien que cultivée
principalement dans les régions côtières et dans les basses terres des régions tropicales, cette plante peut être
cultivée avec succès, sous des conditions favorables, jusqu'à 2 800 m d'altitude. Dans les régions subtropicales
_____________________________________________________________________________________________________________
* le nom batata fut plus tard attribué par erreur à la pomme de terre ("patata") lorsque celle ci fut introduite en Espagne
en 1537, semant une confusion qui n'a jamais été corrigée. Les noms Kumar, kumara, ou une variante de ces mots, étaient
aussi utilisés au Pérou et en Polynésie pour nommer la patate douce. L'utilisation de ces termes dans les deux régions était
considérée comme une preuve de l'introduction de la patate douce du Pérou dans les régions du Pacifique du Sud. Le terme
Kumar est maintenant considéré d'origine polynésienne par les experts linguistiques et l'on suppose que ce terme a été
introduit au Pérou au cours du 16e siècle, pendant la période post-colombienne.
- 16 -
et tempérées chaudes, où les températures de la saison hivernale peuvent descendre en dessous de 14o C, la culture de la patate douce se fait sur une base annuelle, généralement en rotation avec d'autres cultures
enrichissantes des sols comme le soja et l'arachide. Du fait de sa récolte souterraine, la culture de la patate douce
est bien adaptée aux sols légers, même sablonneux, si ceux-ci sont maintenus humides pendant la saison de croissance. Par contre, sa production est affectée par des périodes prolongées d'inondation et les sols doivent posséder un bon drainage sous des conditions d'humidité excessive. L'ajout d'engrais riches en phosphore et en
potassium améliore les rendements de cette culture.
Les plantations de patate douce sont initiées par la propagation végétative de segments de tiges aériennes ou
d'une racine de réserve entière. Dans le premier cas, des racines adventices à géotropisme positif seront produites
dans la partie inférieure de la tige et un méristème végétatif surgira du sol et produira les premières feuilles ayant
une forme de flèche. Dans le second cas, les nombreux bourgeons situés en surface de la racine produiront des
racines adventices sur la partie inférieure et des tiges aériennes desquelles se développeront des feuilles sur la
partie supérieure de la racine (FF i g u r e 9). Bien que des plantes de patate douce puissent être produites à partir de graines, les plantations sont rarement initiées de cette façon, car la floraison est peu fréquente et le
développement des plantes et des racines à partir de graines prend beaucoup plus de temps. L'inconvénient le
plus important est que les plantes issues de graines
sont, contrairement à celles propagées végétativement,
trop variables quant à leur physiologie et leur morphologie, ce qui affecte l'uniformité et la synchronisation dans la production et les récoltes des racines. La
production de graines est par contre essentielle aux
programmes d'amélioration basés sur les croisements
contrôlés et les programmes de sélection qui suivent.
Dans les tropiques, la récolte peut être effectuée en
tout moment et dépendra de l'état du développement
des racines de réserve. Dans les régions subtropicales
et tempérées chaudes, les plantations sont effectuées
au printemps afin que les récoltes soient faites à l'automne. Le développement des racines étant favorisé par
une diminution de la photopériode. Des périodes de
croissance allant de 3 mois à 6 mois (variétés hâtives Figure 2- (A) Les feuilles d'une patate douce peuvent se
cultivées dans les régions plus septentrionales et var- développer à partir d'une racine basale mais la plupart des
feuilles se développent à partir des bourgeons situés sur la
iétés cultivées dans les régions les plus chaudes) sont
partie supérieure (B) plant obtenu de la germination d'une
nécessaires pour atteindre un développement racinaire graine.
optimal.
La plupart des régions productrices de patate douce utilisent des méthodes traditionnelles de culture où les
pratiques agricoles sont manuelles et dépendent principalement d'une main-d’œuvre abondante. Par contre,
cette culture s'est mécanisée aux États-Unis et dans certains pays d'Asie. Des équipements semblables à ceux utilisés pour la culture de la pomme de terre ont été adaptés pour les labours, l'ensemencement et la récolte de la
patate douce.
La valeur nutritive de la patate douce est supérieure à celles du manioc et de la pomme de terre. La quantité
d'hydrates de carbone oscille entre 21 et 32 % dont 3 à 6 % en forme de sucres dont le contenu augmente
suite à l'entreposage et à la cuisson. Bien que les racines de la plupart des variétés de cette plante contiennent
2 à 3 % de protéines, certaines variétés sélectionnées au cours des derniers 20 ans atteignent les 5 à 6 %, ce qui
place cette plante en tête, avec l'igname, pour la qualité nutritionnelle de ces organes de réserve souterraine. Les
racines sont presque aussi riches en vitamine A que les carottes et contiennent des taux de vitamine C semblables
à la pomme de terre. C'est une bonne source de minéraux et sa valeur calorique est supérieure à celle de la
pomme de terre.
Deux types de patate douce ont été développés. Les variétés amidonneuses contiennent rarement plus de 2 %
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de sucres dans leurs racines. Celles-ci sont généralement de couleurs jaune à brun clair et de structure fibreuse.
Les racines des variétés sucrées, développées au cours des derniers trente ans, accumulent jusqu'à 6 à 8 % de
sucres et contiennent aussi un pourcentage supérieur en vitamine A (carotènes) ce qui leur confère une coloration orangée et une structure plus dense et hydratée que les formes riches en amidon..
Dans la plupart des pays tropicaux producteurs de patate douce, les racines, issues de petites plantations privées
ou communautaires, sont utilisées comme légumes accompagnant les plats cuisinés ou sont préparées en purées.
Aux États-Unis, une partie importante, environ 40 % de la production, est utilisée pour l'alimentation du bétail
et le reste comme légumes ou comme dessert après une cuisson des racines dans du sucre (confiserie). Au Japon
et à Taiwan, près de la moitié de la production est utilisée pour l'extraction d'amidon destiné en grande partie à
la fermentation pour la production de vins et d'alcools industriels.
Statistique de production pour 2001 (FAOSTAT, révisé)
La production mondiale de patate douce en 2001 était environ de 135,9 MTM distribuée dans 109 pays et
couvrait une superficie d'environ 9,4 millions d'hectares. Les pays producteurs les plus importants de patate
douce étaient la Chine (115,1 MTM) , le Nigeria (2,5 MTM), l'Ouganda (2,5 MTM), le Viêt-Nam (1,6 MTM), ),
l'Indonésie (1,7 MTM), l'Inde (1,2 MTM), le Japon (1,1 MTM) et le Rwanda (1.1 MTM) . Il est possible que cette
production soit sous-estimée, car dans bien des pays du Tiers-Monde la patate douce et cultivée dans des jardins
privés et cette production n'est pas toujours rapportée dans les statistiques régionales. La production moyenne
par hectare était estimée à 14,5 TM et les rendements peuvent varier entre 35 TM/Ha (Israël, Hong Kong) et 12 TM/Ha (Tanzanie, Chad, Swaziland).
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