Quelques pistes pour comprendre la nouvelle classification Nous avons l’habitude de désigner les êtres vivants par un nom. Ce nom est celui de leur espèce, c'est-à-dire de l’ensemble de tous les individus qui se ressemblent beaucoup et peuvent se reproduire entre eux en donnant des descendants fertiles. Sous sa version exacte, ce nom est en deux parties : nom de genre suivi du nom d’espèce. Ainsi, la mésange bleue ressemble beaucoup à la mésange charbonnière, mais elles ne peuvent se reproduire entre elles. LA CLASSIFICATION DE LINNE En mettant au point un système pour nommer ainsi toutes les espèces, le médecin et naturaliste suédois Linné avait intégré l’idée d’une classification des êtres vivants par leur degré de ressemblance. La classification qu’il établit alors, en triant les êtres vivants par embranchements, classes, ordres, familles, genres et espèces, présente l’avantage d’intégrer tous les êtres vivants dans des ensembles emboîtés qui présentent une bonne cohérence. Ce sont les bases de cette classification que nous avons apprise sur les bancs de l’école. Mais Linné croyait que les espèces avaient été crées sous la forme qu’elles ont aujourd’hui (théorie fixiste).Cependant, avec les travaux de Darwin, on a compris depuis que les êtres vivants sont tous le résultat d’une évolution qui a constamment remodelé les espèces à la surface de notre planète. LES ESPECES SE SONT SUCCEDEES AU COURS DU TEMPS Certaines espèces sont apparues il y a longtemps, elles ont eu une période d’expansion sur quelques milliers ou millions d’années puis se sont éteintes, laissant la place à d’autres espèces issues de leur évolution. Ainsi, les caractères que présentent les espèces actuelles sont autant d’héritages légués par des espèces ancestrales désormais disparues. Ces caractères ont souvent été remaniés par des innovations supplémentaires. LA SIGNIFICATION DES RESSEMBLANCES A la lumière de l’évolution, les ressemblances entre espèces actuelles prennent alors un sens nouveau. Ces caractères morphologiques, anatomiques, embryologiques ou génétiques que l’on retrouve presque à l’identique chez deux espèces pourtant bien distinctes, ne peuvent résulter d’une coïncidence : ce sont des caractères hérités d’un ancêtre commun à ces deux espèces, et c’est cet ancêtre qui les leur a légués. On parle de caractères homologues. Ces espèces sont donc apparentées, et même plus apparentées entre elles qu’avec nulle autre espèce qui ne possède pas ce caractère qu’elles partagent. Pourquoi alors ne pas logiquement réunir les espèces en fonction de ce qui les apparente ? les ensembles emboîtés de la classification « nouvelle » doivent restituer cet apparentement plus ou moins étroit : ainsi, on réunira les espèces « soeurs » dans un ensemble qui sera inclus dans l’ensemble des espèces « cousines germaines » forcément plus vaste, lui-même inclus dans l’ensemble des « cousins éloignés » Ces nouveaux ensembles qui constituent la « nouvelle » classification, ne sont donc plus déterminés de manière arbitraire. Ils rassemblent des espèces qui partagent un même héritage donc une partie de leur histoire. Il s’agit toutefois de décoder correctement ces caractères, qui, bien qu’identiques au départ ont été modifiés au cours de l’évolution et présentent donc aussi des différences. Plus le temps s’est écoulé, plus l’héritage est ancien, plus il a subi de transformations ! Bien sûr, seules seront utilisables des ressemblances qui témoignent de cet héritage commun ; les caractères tels que la forme hydrodynamique des organismes aquatiques par exemple, n’est pas un caractère hérité mais une convergence de forme sélectionnée par le milieu de vie de ces espèces. Les scientifiques s’attachent à comprendre et à comparer l’organisation des êtres vivants actuels et fossiles ce qui les conduit à la fois à établir leurs parentés et à retrouver leur histoire. La classification est une représentation de cette étude. Elle n’est donc pas définitive car elle dépend des progrès des méthodes d’investigation dont disposent les chercheurs. ENSEIGNER LA « NOUVELLE » CLASSIFICATION C’est d’abord comprendre clairement les principes sur lesquels elle s’appuie. Elle n’est pas une nouvelle élucubration des scientifiques, mais se veut au contraire une simple reconstitution de l’organisation de la grande « famille » des êtres vivants telle qu’elle s’est faite, naturellement, au cours de l’histoire de la Terre. Il ne s’agit pas de l’apprendre ni de la faire apprendre par coeur, comme un dogme, mais d’en retenir éventuellement quelques repères, marqués par l’apparition d’innovations que possèdent beaucoup d’êtres vivants qui nous sont familiers et connaître bien sûr la place de notre propre espèce dans cette grande famille. Pour cela, on privilégiera les activités pratiques sur du matériel le plus proche possible du vivant : animaux en élevage, animaux naturalisés, squelettes, et à défaut : photographies, images, dessins... CONSEILS ET ECUEILS On distinguera bien, avec les enfants, deux activités différentes qui peuvent être menées indépendamment ou successivement : • La détermination des espèces d’êtres vivants, c’est à dire trouver le nom de chacun, par une clé de détermination dichotomique. Attention : Ce n’est pas une démarche de classification ! Ce type d’activité est mené en début d’année, par exemple lorsque nous rencontrons des espèces nouvelles que nous cherchons à identifier, particulièrement lors de la constitution de l’herbier. • La classification d’une collection d’espèces sous forme de spécimens (musée), d’images, de photos….Il s’agit alors d’observer attentivement les êtres vivants, pour reconstituer leurs parentés et de les rassembler en conséquence (des plus apparentées aux moins apparentés). On pourra peut-être nommer les groupes constitués, éventuellement par un caractère qu’ils possèdent tous : par exemple, les vertébrés qui sont les seuls à partager le caractère « présence de vertèbres » mais ce n’est pas la finalité de cet enseignement. • Ainsi on pourra montrer que la présence d’ailes chez la chauve-souris et la libellule est une ressemblance qui ne permet pas de les apparenter étroitement : en effet, ces deux types d’ailes ne présentent pas la même structure, elles ne sont donc pas un héritage commun ! CONCLUSION Nous avons tous des connaissances sur la façon de classer les êtres vivants. A l’image de ce que nous avons appris, certaines de ces connaissances sont utiles, mais d’autres sont obsolètes. La classification de Linné était performante et donc satisfaisante à nos yeux ; elle constituait une référence dont nous avons du mal à nous défaire. La classification actuelle ne prétend pas s’opposer à celle de Linné ; elle nous oblige simplement à regarder le monde vivant dans toute sa biodiversité comme une entité fondamentalement organisée ; c’est cette organisation qu’elle nous invite à repérer à travers l’observation et la comparaison fine des espèces. A quoi bon dès lors s’encombrer d’une autre ? Classer les espèces par parentés nous permet tout simplement de les mettre à la place qu’elles ont acquise au cours de leur propre histoire. Désormais, le fait de classer des êtres vivants nous donnera aussi accès à cette histoire, l’histoire de nos espèces-sœurs, de nos espèces-cousines …. l’histoire de notre grande famille avec laquelle nous partageons ce bien inestimable : la Vie.