qfp_tropo_v4.2

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Dosage postopératoire de la troponine : quelles conséquences ?
Août 2014
Pr Sylvain Ausset
Département d’Anesthésie Réanimation
Hôpital Percy, 92140 Clamart
Dans le cadre de la surveillance des patients à risque en postopératoire après chirurgie
non cardiaque et plus particulièrement en orthopédie, nous sommes régulièrement
confrontés à une situation ambigüe pour nous à savoir : augmentation modérée de la
troponine ultrasensible (TnUS) à H6, J1, J2 avec absence de douleur précordiale et de
modification ECG.
Que faire?
Nos cardiologues semblent peu concernés par ce cas de figure, alors qu'il semblerait
que certains de ces patients présentent effectivement une nécrose myocardique
pouvant être délétère à terme. Bien sûr nous reprenons immédiatement en
postopératoire les traitements à visée cardiovasculaire, débutons une oxygénothérapie
systématique et entreprenons une correction immédiate d’une anémie. Que pouvonsnous faire de plus pour optimiser ce type de patient en postopératoire?
Exemple : Patient de 69 ans, obèse, alcoolique, cardiopathie ischémique stenté en 2006
et opéré le 2/05/2012 d'une prothèse totale de genou (PTG).
Cinétique de la TnUS (test Roche : seuil de détection chez le sujet sain à 0,014 ng/ml et
infarctus au-delà d’un seuil à 0,05 ng/ml) :
H6 :0,029 ng/ml
J1 :0,034 ng/ml
J2 : 0,35 ng/ml
Pas de douleur précordiale et ECG inchangé : avis cardiologique : RAS
Les recommandations formalisées d’experts diffusées en 2011 [1] indiquent que le
dosage répété de la troponine (Tn) dans les 48 premieres heures postopé ratoires est
recommandé « chez le patient coronarien ou a risque de maladie coronaire (Lee
clinique ≥ 2) et opéré d’une intervention de chirurgie non cardiaque a risque
intermédiaire ou é levé́ (GRADE 1+ Accord fort) ». De plus, la diffusion de méthodes de
dosage de la troponine toujours plus performantes conduit à la détection de troponine
circulante chez de plus en plus de patients et la question des seuils décisionnels est de
plus en plus complexe [2]. Dès lors que l’on applique ces recommandations, des
situations cliniques telles que celle décrite plus haut vont devenir fréquentes.
Elles déroutent à juste titre les confrères qui y sont confrontés et soulèvent une série de
questions auxquelles nous nous proposons de répondre dans cet article.
1
Première question: “l’ambiguïté” de la situation. En d’autres termes, une
élévation postopératoire de la troponine (Tn) sans signes cliniques ni ECG at-elle une signification pathologique?
La réponse est oui. Depuis les nombreux travaux datant des années 80 ayant porté sur
la réalisation d’enregistrements Holter dans un contexte post-chirurgical [3] on sait
bien que les épisodes d’ischémie myocardique périopératoire (IMPO) sont fortement
corrélés à une mortalité accrue à court, moyen et long terme. On sait aussi que la
douleur thoracique est rarement présente (dans environ 15 % des cas) de même que
les troubles électrocardiographiques (10 à 30 % des patients) [4–7].
L’utilisation en routine du dosage de Tn a maintenant rendu aisé le diagnostic d’IMPO
et nous fait redécouvrir que ce phénomène est beaucoup plus fréquent et grave que ce
que nos moyens de diagnostic usuels nous incitent à croire. Une méta-analyse publiée
en 2011 identifiait 14 études (3318 patients dont 459 décès postopératoires) ayant
corrélé l’élévation de la Tn avec la mortalité postopératoire [8]. La totalité des ces
études retrouvait une corrélation entre IMPO et décès à moyen ou long terme avec un
accroissement du risque de décès par rapport aux patients exempts d’élévation de la Tn
par un facteur > 3 (cad trois fois plus d’événements si Tn élevée). Lorsque la Tn était
dosée systématiquement en postopératoire, 18 % (min-max : 8 – 53%) des patients
présentaient une élévation de ce marqueur.
Depuis cette méta-analyse, l’analyse post-hoc de la cohorte de patients de l’étude POISE
incluant 8351 patients « à risque » recrutés dans 190 centres et 23 pays a retrouvé une
corrélation entre la survenue d’un phénomène ischémique et la mortalité à 30 jours
ainsi qu’avec le risque de complication cardiaque grave. Cette corrélation existait qu’il
s’agisse d’un infarctus symptomatique (1,7% des patients) ou non (3,3% des patients)
ou bien d’une élévation isolée d’un biomarqueur (8,3% des patients) [7]. Plus
récemment encore, l’étude VISION a inclus 15 133 patients de chirurgie non cardiaque
dont 1757 (11,6%) ont présenté une élévation postopératoire de la Tn. Là encore, la
mortalité à 30 jours était considérablement accrue chez les patients ayant eu une
élévation postopératoire de Tn. Globalement, elle concernait un pour 12 de ces
patients, soit entre un pour 25 et un pour 6 selon le taux de troponine [9] (Tableau 1).
Tableau 1: Risque relatif de décès à J30 postopératoire selon la valeur du pic de
troponine dans la cohorte “VISION” (15 133 patients) après analyse
multivariée [9]
Pic de troponine postopératoire
Risque relatif ajusté (IC 95%)
(% de la cohorte)
<0,01 µg/L
(88,4%)
1 (référence)
0,02 µg/L
(3,3%)
1,65 (0.74-3.67)
0,03-0,29 µg/L
(7,4%)
4,81 (3.18-7.25)
≥0,30 µg/L
(0,9%)
10,01 (5.3-18.9)
1.1 Quelle valeur seuil de Tn retenir comme réellement pathologique?
Schématiquement la réponse est que toute élévation de troponine est assortie d’un
moins bon pronostic. En effet, bien que la relation entre la gravité du tableau et le taux
de Tn ne fasse pas de doute [10–14], il n’est pas possible d’identifier un seuil en deçà
duquel la surmortalité n’existe plus. L’étude VISION, dont le but était d’identifier un tel
seuil, n’y est pas parvenue ; une surmortalité apparaissant dès les plus petits taux
décelables [9]. La Tn utilisée était une Tn de 4ème génération (cf paragraphe 1.2 plus
bas) dont le coefficient de variation à 10% correspondait au 99ème percentile d’une
population de référence et l’essai prévu pour inclure 30 000 patients a été interrompu
à mi-parcours car l’incidence des IMPO était trois fois celle attendue. L’étude est
actuellement poursuivie avec un dosage de TnT de 5ème génération dit « ultrasensible »
(voire paragraphe 1.2). La diffusion de tels kits de dosage risque d’être à l’origine de la
détection d’une proportion plus encore grande d’IMPO, sans que l’on sache pour le
moment quelle valeur retenir comme pathologique [15]. Cette proportion atteindrait
20% d’une population de patients de chirurgie non cardiaque âgés de plus de 45 ans en
préopératoire et plus de 40% en postopératoire [15]. Pour le moment il est difficile de
préconiser de négliger ce surcroit de patients détectés car les données issues des
études de cohortes de syndromes coronariens médicaux révèle que la performance
diagnostique des Tn « ultrasensibles » est meilleure [16,17].
1.2 Est-ce que les seuils présentés dans l’exemple choisi sont applicables
partout et est-ce que la méthode de dosage (troponine T ou I, méthode
ultrasensible ou pas) doit être prise en compte ?
L’American College of Cardiology dans son avis d’experts sur l’usage pratique des
dosages de troponine ne fait pas de différence entre troponine T et I [18]. Elle
recommande, tout comme la National Academy of Clinical Biochemistry [19], d’utiliser
comme valeur seuil le 99ème percentile d’une population normale et précise que cette
valeur varie d’un kit de dosage à l’autre (Tableau 2). Cette question de la variation de ce
seuil n’existe pas pour le dosage de la troponine T dont la propriété intellectuelle
appartient à un seul laboratoire et la question est alors celle de la correspondance des
taux sériques entre des kits de différentes générations.
Tableau 2: seuils diagnostiques de différents kits de dosage de la troponine [20]
Kit de dosage
Concentration plasmatique retrouvée comme 99ème
percentile d’une population normale
Access Accu cTnI
0,03 µg/L
ARCHITECT cTnI
0,02 µg/L
AxSYM, cTnI
0,02 µg/L
Centaur cTnI Ultra
0,021 µg/L
E-170 cTnT
0,01 µg/L
Elecsys 2010 cTnT
0,01 µg/L
VITROS ECi ES cTnI
0,016 µg/L
En ce qui concerne la variation des seuils décisionnels que nous avons pu observer ces
dernières années et qui peut persister d’un établissement à l’autre, quelques
éclaircissements sont nécessaires. En effet, depuis l’introduction du dosage de la
troponine dans l’arsenal diagnostique des syndromes coronariens la limite de détection
est passée de 0,5 à 0,006 µg/L pour certains kits soit un accroissement d’un facteur 100
de la sensibilité analytique. Ceci a permis de détecter des infarctus plus petits et de
manière plus précoce. Schématiquement, trois seuils successifs peuvent être retrouvés
dans la littérature : Celui de 1995 à 1,5 µg/L, celui de 2003 à 0,1 µg/L et celui de 2007 à
0,04 µg/L. Cette évolution du seuil traduit l’adoption à partir des années 2000 du 99ème
percentile d’une population normale comme seuil de référence (c’est à dire la valeur
pour laquelle seul un sujet normal sur 100 sera détecté positif) mais aussi la capacité à
détecter avec un faible risque d’erreur des valeurs toujours plus faibles. Ce risque
d’erreur est exprimé par les biochimistes par la valeur du coefficient de variation (CV)
qui doit être inférieur à 10% pour rendre un résultat avec certitude (c’est à dire que
plusieurs dosages effectués sur un même échantillon ne diffèreront pas entre eux d’une
valeur supérieure à 10%). Pendant des années, aucun test n’a satisfait à cette exigence
analytique pour les valeurs faibles rendant difficile l’adoption du seuil du 99ème
percentile. Récemment des kits ont pu atteindre un CV < 10% pour des valeurs < au
99ème percentile. Ils sont commercialisés depuis 2011 et ont adopté la terminologie de
« troponine ultrasensible » (Tn-us, hs-cTnT) [21]. Ils présentent pour avantage de
détecter très tôt après le début d’une suspicion d’ischémie myocardique des valeurs
très faibles de troponine [16]. Ceci a pour avantage de pouvoir éliminer rapidement ce
diagnostic aux urgences mais pour inconvénient de détecter de la troponine circulante
chez une majorité de volontaires sains et donc d’abaisser le 99ème percentile considéré
comme pathologique, la difficulté étant alors de déterminer les critères de diagnostic
positif d’une ischémie myocardique. A titre d’exemple, pour une population de patients
dont le diagnostic de syndrome coronarien aigü est suspecté au Service d’Accueil des
Urgences, l’algorithme exclut le diagnostic devant une troponine « ultra-sensible »
≤ 0,012 µg/L accompagnée d’une variation ≤ 0,003 µg/L une heure plus tard et son
affirmation devant une valeur ≥ 0,06 µg/L et/ou une variation ≥ 0,015 µg/L [22].
Pour la Troponine T, les termes de 4ème génération (hs-cTnT) ou de 5ème génération
sont parfois employés. La différence observée sur un même dosage entre les deux
méthodes est de l’ordre de 0,02 µg/L pour des valeurs inférieures à 0,1 µg/L [23].
Ajoutons pour conclure qu’une difficulté supplémentaire est que pour la plupart des
kits de dosage « ultra-sensibles » les performances analytiques affichées par les
constructeurs ne sont pas retrouvées dans les études cliniques [21].
1.3 Peut-on cependant penser que toutes les élévations postopératoires de Tn
sont également graves ?
La réponse est non, même si toute élévation de Tn est associée à un sur-risque de
mortalité qu’elle soit accompagnée ou non de symptômes. Les données les plus
robustes permettant d’illustrer ce propos proviennent de la plus vaste et la plus
homogène des séries de patients présentant une IMPO constituée par les 1 295 patients
de l’étude VISION ayant présenté une élévation postopératoire de la Tn ≥ à 0,03 ng/ml.
Ces patients avaient tous bénéficié d’une expertise clinique incluant un ECG. Les
éléments associés en analyse multivariée à une surmortalité des IMPO étaient l’âge
supérieur à 75 ans, un sus-décalage du segment ST ou l’apparition d’un bloc de branche
gauche et l’apparition de signes ischémiques en territoire antérieur. Ces trois éléments
peuvent être regroupés en un score attribuant respectivement un, deux et un points à
chacun de ces éléments. La mortalité prédite d’une IMPO étant grossièrement de 5, 10,
20, 30 et 50% pour des scores de respectivement 0, 1, 2, 3 et 4 points [24]. On peut
observer que la mortalité ne variait pas avec la présence de symptômes cliniques, qui
étaient présents chez 16 % des patients. Parmi les symptômes cliniques, une douleur
angineuse n’était notée que chez moins de 10 % des patients.
1.4 N’y a t-il pas un risque élevé de faux positif?
Cette possibilité est à évoquer, mais les données actuellement disponibles laissent à
penser qu’elle est peu probable. La possibilité d’une cause extra-cardiaque de la
troponine dans un contexte périopératoire avait en effet été évoquée par une étude
réalisée sur une population de chirurgie pour anévrysme de l’aorte abdominale qui ne
retrouvait une élévation postopératoire de la Tn indépendamment de toute autre
complication majeure – septique ou chirurgicale – que dans une faible proportion des
cas [25]. L’étude VISION ne retrouvait que 95 patients ayant une cause extra
coronarienne d’élévation de la Tn (88 sepsis, 5 embolies pulmonaires, 2
cardioversions) chez les 1295 patients (7%) ayant présenté une élévation de la
TnT ≥ 0,03 ng/mL. De plus, considérant que le pic de Tn se produisait dans les 24
premières heures dans 72% des cas alors que le délai moyen d’apparition d’une
pneumopathie était de 6 jours et celui d’un sepsis de 7 jours, il est bien plus probable
que ces dernières complications soient satellites d’une IMPO que l’inverse [24].
2 Deuxième question : Que faire pour ce patient?
2.1 Au plan diagnostique
La première mesure est de prendre en compte l’élévation de Tn dès le premier dosage,
quelle que soit la valeur. En effet les données disponibles indiquent que, même si la
mortalité postopératoire est proportionnelle au taux de Tn, une surmortalité est
observée dès les plus petits taux détectables [9] à l’instar de ce qui est observé dans les
syndromes coronariens aigüs [26]. Cela implique d’une part de réaliser un ECG à la
recherche de signes ischémiques en territoire antérieur (21,3 % des patients des
patients de l’étude VISION) ou plus grave encore d’un sus décalage de ST ou bien de
l’apparition d’un bloc de branche gauche (2,9 % des patients de l’étude VISION) et
d’autre part de faire réaliser un nouveau dosage quelques heures après le précédent
afin de vérifier que l’on est pas en face d’une nécrose massive avec élévation rapide de
la Tn. Le pourcentage de variation à prendre en compte entre deux dosages dans la
phase postopératoire n’est pas connu. Dans un contexte de syndrome coronarien aigu
les recommandations de la société Européenne de cardiologie et celles de la société
américaine de biochimie sont de considérer comme « significatif » une variation entre
deux dosages supérieure à 20% [21,27].
A ce stade, deux situations sont possibles. La première est un patient présentant au
moins un signe clinique et/ou électrocardiographique d’ischémie. On peut alors parler
d’IDM postopératoire. Ces patients représentaient moins de 13 % des IMPO dans
l’étude POISE, 42 % dans l’étude VISION et avaient une mortalité à 30 jours cinq fois
plus élevée que le reste de la cohorte dans l’étude POISE et 13 fois plus élevée dans
l’étude VISION soit 13,5 %.
La seconde situation est un patient asymptomatique cliniquement et électriquement
(les 3/4 des patients de l’étude POISE et 58 % de ceux de l’étude VISION). La
surveillance clinique et les dosages de la Tn doivent être poursuivis les jours suivants.
Même s’il n’apparaît aucune symptomatologie évocatrice d’IDM, le pronostic vital est
également altéré avec une mortalité de 7,7% dans l’étude VISION.
2.2 Au plan thérapeutique
En l’absence d’essai randomisé contrôlé sur la thérapeutique des IMPO, Les seules
données de haute qualité méthodologique disponibles sont celles validant l’utilité de
l’aspirine et des statines en dehors du contexte périopératoire [28,29] ainsi que les
données de l’étude POISE qui montrent que les patients victimes d’IMPO qui ont
bénéficié d’un tel traitement ont eu un meilleur pronostic. L’analyse d’une cohorte
observationnelle de patients victimes d’IMPO a montré que ceux ayant bénéficié d’une
intensification thérapeutique ont eu un pronostic comparable à celui des patients
indemnes d’IMPO [30]. Si l’introduction d’une statine en postopératoire ne soulève
guère de difficultés, l’introduction d’un antiplaquettaire pose la question de
l’augmentation du risque hémorragique. Ce risque peut être quantifié par les données
de l’étude PEP dans lequel l’utilisation de l’aspirine en prévention de la maladie
thromboembolique avait été testée. Il n’y avait pas eu de différence entre le groupe
aspirine et le groupe placebo en terme d’hémorragie mettant en jeu le pronostic vital et
la proportion de patients nécessitant une transfusion bien que plus élevée dans le
groupe aspirine demeurait faible (2,96% vs. 2,41%) [31]. Les données de l’étude POISE
2 qui a testé la capacité de l’administration d’aspirine à prévenir les IMPO sont
comparables en ce qui concerne l’accroissement modeste du risque hémorragique.
L’étude n’a en revanche pas trouvé d’efficacité préventive de l’aspirine [32].
Par ailleurs, la majeure partie des IMPO étant des infarctus de type 2 [33], le
rétablissement de la balance énergétique est un objectif primordial. Les éléments de
cette balance accessibles à une correction associés à la survenue d’une IMPO sont
l’hypotension [34], la tachycardie [7] et l’hémorragie périopératoire [7,34] (Tableau 3).
Des protocoles de soins axés sur le rétablissement de cette balance énergétique ont
prouvé leur efficacité dans la prévention de la survenue des IMPO [35]. Le seuil
transfusionnel est alors celui recommandé dans le cadre d’une ischémie myocardique
c’est à dire un objectif d’une hémoglobinémie supérieure à 10 g/dl.
3
Troisième question : comment gérer cette population de patients présentant
une IMPO?
La validation de la pertinence clinique du dépistage des IMPO par dosage systématique
de la Tn conduit à mettre en évidence une réalité alarmante : 11,6 % d’une population
de patients âgés de plus de 45 ans bénéficiant d’une chirurgie à risque intermédiaire ou
élevé vont présenter une IMPO et 8,6 % d’entre eux décèderont dans les 30 jours. En
faisant l’hypothèse que cette population représente entre 2 et 4 millions de patients par
an en France [36,37], l’incidence attendue des IMPO serait entre 200 et 400 000 par an
dont entre 20 et 40 000 décèderaient dans les 30 jours postopératoires.
Pour alarmants qu’ils soient, ces chiffres ne doivent pas nous accabler et la possibilité
de pouvoir diagnostiquer cette pathologie doit être perçue comme une chance. En effet,
même si nos options thérapeutiques souffrent du manque de données scientifiques,
l’utilisation de la Tn permet de nous guider dans une allocation pertinente des
ressources afin de faire bénéficier des soins les plus attentifs les patients les plus à
risque et inversement de simplifier le parcours de soins des patients à moindre risque.
Ainsi le taux de patients décédés au cours de l’étude VISION ayant été reclassés dans
une catégorie de risque supérieure par rapport à une stratification basée sur des
facteurs de risque cliniques seuls était de 19 % et le taux de patients survivants ayant
été reclassés dans une catégorie de risque inférieure était de 6,2%. Le dosage
systématique de la troponine permettait donc d’améliorer la gradation du risque chez
25% des patients [9].
L’idée qu’une utilisation inappropriée du dosage de la Tn pourrait nous submerger
d’information non pertinente est contredite par un travail récent : en effet, une
politique de dosage systématique conduit à tripler la capacité de détection de l’IDM
postopératoire par rapport à un dosage laissé au libre arbitre des clinicien mais ce gain
diagnostique ne s’observe que pour les patients à risque intermédiaire ou élevé [38],
confortant la recommandation de la SFAR citée en début de texte.
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Tableau 3: Eléments de la balance énergétique du myocarde accessibles à une correction et associés à un surcroit d’IMPO
Facteur de
risque
Etudes
Effectif
Population de l’étude
Hypotension
Devereaux PJ, et al N Engl J Med 2014 [32,34]§
10 010
Patients âgés de plus de 45 ans bénéficiant
d’une chirurgie non cardiaque requérant une
hospitalisation
1,37 (1,16-1,62)
Devereaux PJ et al Ann Intern Med 2011 [7] ∫
8 351
Patients âgés de plus de 45 ans et à risque
cardio vasculaire bénéficiant d’une chirurgie
non cardiaque requérant une hospitalisation
3,62 (2,07–6,36)
Devereaux PJ, et al N Engl J Med 2014 [32,34] ¶
10 010
Patients âgés de plus de 45 ans bénéficiant
d’une chirurgie non cardiaque requérant une
hospitalisation
1,82 (1,40-2,36)
Beattie WS, et al. Anesthesiology 2010[13]‡
5 064
Patients âgés de plus de 18 ans bénéficiant
d’une chirurgie non cardiaque requérant une
hospitalisation – transplantation exclue
3,15 (1,8 –5,5)
Van Klei WA, et al. Anesthesiology 2009 [39]†
5 158
Patients bénéficiant d’une arthroplastie de
hanche ou de genou
1,4 (1,1–2,0)
Devereaux PJ et al Ann Intern Med 2011 [7]
8 351
Patients âgés de plus de 45 ans et à risque
cardio vasculaire bénéficiant d’une chirurgie
non cardiaque requérant une hospitalisation
Feringa HH et Circulation 2006 [40]
272
Patients de chirurgie vasculaire
Saignement
majeur
Anémie
postopératoire
Tachycardie
§ Pression
« Hazard Ratio »
ajusté de surcroit
d’IMPO
artérielle systémique <90 mm Hg nécessitant une intervention
ou nécessitant une transfusion d’au moins deux concentrés de globules rouges
¶Hémorragies mettant en jeu le pronostic vital, baisse de l’hémoglobine nécessitant la transfusion d’au moins deux concentrés de globules rouges
‡Chute du taux d’hémoglobine de plus de 35%
†Pour toute baisse du taux d’hémoglobine 1 g/dl

Pour tout accroissement de 10% de la fréquence cardiaque
∫Symptomatique
1,29 (1,13–1,50)
1,37 (1,04–1,89)
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