N°152 - Juin 2015

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LA LETTRE D’ACTUALITÉS
N°152 - Juin 2015
Le mot de la rédaction
SOMMAIRE
1.
Mise au point sur le bon usage des
fluoroquinolones par voie systémique
2.
Campagne sur le juste
antibiotiques à l’hôpital
3.
Quizz
usage
des
Sans une mobilisation mondiale, en 2050, à
l’échelle de la planète, les résistances aux antibiotiques seront responsables de plus de morts que
le cancer (environ 10 millions par an).
Au-delà des décès, le coût pour la société est estimé, sur la base de deux études prospectives réalisées par l'institut de recherches Rand Europe et le
cabinet d'audit KPMG, à 100 000 milliards de dollars à l’horizon 2050. La perte de croissance annuelle est estimée entre 2 et 3,5% de Produit Intérieur Brut.
ACTUALITES
Recommandations AFEF sur la prise en charge des
hépatites virales C
JUIN 2015
Ces recommandations AFEF (Association Française
pour l’Etude du Foie) sur la prise en charge des hépatites chroniques virales C ont pour but d’aider les soignants, l’ensemble des acteurs impliqués dans la
prise en charge des patients, et les patients euxmêmes à la meilleure démarche thérapeutique possible en vue de contrôler l’épidémie d’infection virale
C en France. Ces recommandations AFEF sont issues
de la journée de travail qui s’est déroulée le 29 mai
2015 à Paris.
Retrouvez l’intégralité des recommandations sur
www.medqual.fr
En octobre 2014, le LIEN (Lutte contre les Infections Nosocomiales et les Accidents Médicaux), la
SPILF (Société de Pathologie Infectieuse de Langue
Française) et la FHF (Fédération Hospitalière de
France) décident de s’unir dans une campagne
visant à engager tous les prescripteurs publics à
titre individuel et l’hôpital public en tant qu’institution pour améliorer le juste usage des antibiotiques à l’hôpital.
Bonne lecture.
L’Equipe MedQual
MedQual – CHU de Nantes – Hôpital Saint Jacques – 44093 Nantes Cedex 1 – Tel : 02.40.84.64.34
Lettre d’actualités MedQual N°152 - Juin 2015
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1. Mise au point sur le bon usage des fluoroquinolones par voie systémique
Les fluoroquinolones constituent une famille d’antibiotiques dont l’efficacité n’est plus à démontrer. Cependant, il
était nécessaire de considérer leur effet collatéral sur le microbiote intestinal et sur l’évolution des résistances, de
même que leur rapport bénéfice/risque en terme de toxicité. C’est pourquoi la SPILF a révisé un certain nombre
de recommandations françaises pour distinguer les situations où les quinolones ne doivent plus être utilisées ou
alors les situations pour lesquelles les quinolones peuvent être utilisées en première ou en seconde intention.
Pour retrouver l’intégralité de cette mise au point, www.infectiologie.com, rubrique Recommandations et consensus

Taux de résistance en ville (données du site Medqual ville)
Le réseau MedQual-ville suit en continu les résistances bactériennes pour E. coli et S. aureus en milieu communautaire. Chaque professionnel peut s’y abonner (inscription gratuite) et ainsi avoir accès aux données de résistance bactérienne à l’échelon de son département, de sa région et du réseau MedQual complet.
Ce réseau est constitué à ce jour de 333 LBM (soit 50 regroupements) répartis sur huit régions françaises
(Aquitaine, Auvergne, Basse-Normandie, Bretagne, Centre, Lorraine, Pays de la Loire, Rhône-Alpes).
Surveillance régionale de la
résistance (R + I) sur l'année 2014.
E. coli/Ciprofloxacine
Taux de résistance de E. coli aux fluoroquinolones
16
13,73
Evolution de la
résistance (R + I) d’ E. coli
aux fluoroquinolones
% de résistance à E. coli
14
12
13,06
8
% Résistance Ofloxacine
9,5
10
13,93
13,74
13,15
14,46
13,79
12,93
9,17
9,14
9,35
9,13
8,74
8,19
7,64
% Résistance Ciprofloxacine
6
4
2
0
Source : www.medqual-atb.fr
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
Lettre d’actualités MedQual N°152 - Juin 2015
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
Utilisation des fluoroquinolones

Caractéristiques ADME (Absorption, Distribution, Métabolisme, Elimination)
QUINOLONE
URINAIRE
ABSORPTION
QUINOLONES SYSTEMIQUES
Ciprofloxacine
Péfloxacine
QUINOLONES ANTIPNEUMOCOCCIQUES
Norfloxacine
Ofloxacine
Lévofloxacine Moxifloxacine
Biodisponibilité
de 35-40%
Biodisponibilité superposable entre la voie orale et IV (de 90 à quasiment 100%) sauf
pour Ciprofloxacine (Biodisponibilité de 70-80%)
T1/2 = 7h
LPP = 10%
DISTRIBUTION
METABOLISATION
T1/2 = 3-4h
LPP < 15%
Forte affinité
tissulaire notamment au
niveau pulmonaire, des muqueuses oropharyngées, de
la peau, des
muscles
Faible (<5%)
T1/2 = 6-8h
T1/2 = 4-7h
LPP = 20-30%
Concentration
élevée dans les
poumons, les
sinus, les voie
urogénitales
T1/2 = 12h
LPP = 30%
Bonne diffusion dans le
Bonne diffusion
tissu pulmodans le LCR et
naire, la peau
le mucus bronet les tissus
chique
prostatiques et
urinaires
Métabolisation
en 4 métabolites
ayant une petite
activité antimi- Métabolisation
crobienne
hépatique très
importante
La ciprofloxacine
est un inhibiteur
modéré du
CYP1A2
Rénale : 50% par
VO et 70% par IV
Rénale : 35-40%
ELIMINATION
Hépatique : 6065%
Rénale à 80%
Hépatique : 30%
par VO et 20%
par IV
LPP = 30-40%
Principalement
hépatique
Faible
T1/2 = 12h
LPP = 40%
Bonne diffusion
dans le tissu
pulmonaire et
les sinus
Transformé en 2
métabolites par
sulfoconjugaison
et glucuronoconjugaison
Principalement rénale
IV : Intra-Veineuse
VO : Voie Orale
T1/2 : Temps de demi-vie plasmatique
LPP : Liaison aux Protéines Plasmatiques
Source : SPILF : mise au point sur le bon usage des fluoroquinolones administrées par voie systémique chez l’adulte (http://
www.infectiologie.com)
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 Sécurité d’emploi cardiovasculaire des fluoroquinolones
Le principal risque de l’utilisation des fluoroquinolones par voie systémique est le trouble du rythme cardiaque et
plus précisément l’allongement de l’espace QT.
Les fluoroquinolones sont stratifiées en 3 groupes en fonction de leur risque d’induire une prolongation de
l’intervalle QT :

Groupe 1 : Fluoroquinolone ayant démontré un potentiel réel à prolonger régulièrement l’intervalle QT :


Groupe 2 : Fluoroquinolones associées à un faible potentiel à prolonger l’intervalle QT.


La seule molécule classée dans ce groupe est la moxifloxacine.
Ce groupe comporte la lévofloxacine, la norfloxacine et l’ofloxacine.
Groupe 3 : Fluoroquinolones associées à un très faible potentiel à prolonger l’intervalle QT, ou pour lesquelles il n’est pas possible de conclure définitivement en l’absence de données pré-cliniques pertinentes.

Ce groupe comporte l’énoxacine, la péfloxacine.
En prenant en compte le risque accru de torsade de pointe lors de prescription ayant lieu dans des situations susceptibles d’allonger l’intervalle QT (hypokaliémie, hypomagnésémie, bradycardie, allongement congénital ou consécutif à d’autres co-prescription de l’intervalle QT), les recommandations et précautions d’emploi suivantes ont
été proposées :

Groupe 1 : prescription contre-indiquée chez les patients présentant des facteurs de risque accrue de torsade de pointe. Il est recommandé de suspendre le traitement et de réaliser un ECG
en cas de survenue de symptômes suggestifs d’arythmie cardiaque.

Groupe 2 et 3 : la prescription n’est pas limitée par la présence de co-facteurs d’allongement de
l’intervalle QT tels que définis ci-dessus. En revanche, le risque arythmique est à prendre en
compte en cas de surdosage avec une Fluoroquinolone du groupe 2.
Recommandations générales du traitement par fluoroquinolones

Eviter de prescrire une fluoroquinolone dans les situations où d’autres antibiotiques peuvent être utilisés.

Ne pas prescrire des fluoroquinolones de façon répétée chez un même patient, et tenir compte des antécédents de traitement par fluoroquinolone, avec prise en compte d’une prescription antérieure d’une fluoroquinolone dans les 6 mois précédents quelle qu’en soit l’indication de prescription (facteur important d’isolement de souche résistante).

Choisir la fluoroquinolone la plus active sur la bactérie isolée ou présumée responsable de l’infection.

Choisir la fluoroquinolone qui a la pharmacocinétique la plus adéquate au site de l’infection.

Respecter la posologie recommandée de la fluoroquinolone car elle permet d’obtenir les objectifs pharmacocinétiques/pharmacodynamiques requis.

Associer à un deuxième antibiotique (dans le but théorique d’élargir le spectre principalement, d’obtenir
une synergie, de renforcer la bactéricidie, et de diminuer le risque d’émergence de souches bactériennes
résistantes).

Utiliser de « fortes » posologies pour les espèces moins sensibles (ex: P. aeruginosa, S. aureus) ou les
souches ayant acquis une résistance de premier niveau aux fluoroquinolones. Il faut donc dépister les premiers niveaux de résistance à l’antibiogramme.

Respecter la durée de traitement recommandée quand elles sont établies.
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2. Campagne sur le juste usage des antibiotiques à l’hôpital

Les résistances aux antibiotiques font peser un risque majeur sur nos sociétés, à la
fois sanitaire et économique

Les ministres de la recherche du G8 ont reconnu les
infections par bactéries multirésistantes comme l’une
des plus grandes menaces en terme de sécurité sanitaire.

Et au-delà de ces coûts, ce sont des activités entières
de la médecine qui pourraient être menacées: chirurgie prothétique, néonatologie et réanimation, chimiothérapie anti-tumorale, greffe, …

Charte d’engagement au juste usage des antibiotiques
En octobre 2014, le LIEN (Lutte contre les Infections Nosocomiales et les Accidents Médicaux), la SPILF (Société de
Pathologie Infectieuse de Langue Française) et la FHF (Fédération Hospitalière de France) décident de s’unir dans
une campagne visant à engager tous les prescripteurs publics à titre individuel et l’hôpital public en tant qu’institution.
La campagne repose sur une charte individuelle signée par les praticiens des hôpitaux et une charte institutionnelle signée par les directeurs, présidents de CME et chefs de pôles.
Cette charte repose sur 4 actions concrètes :

ACTION 1 : L’établissement s’engage à suivre sa consommation d’antibiotiques, et à présenter régulièrement à l’ensemble des prescripteurs une analyse critique de son évolution rapportée à son écologie bactérienne.

ACTION 2 : Un référent antibiotique est identifié au sein de l’établissement. Il est le coordonnateur de la politique de bon usage des antibiotiques dans l’établissement et est soutenu par l’institution. Les missions et
moyens qui lui sont attribués sont clairement établis et adaptés à la taille de l’établissement.

ACTION 3 : L’établissement s’engage à apporter à tout nouveau prescripteur une formation spécifique dans
le domaine du juste usage des antibiotiques, et inscrit la prescription des antibiotiques dans les orientations
prioritaires de formation pour l’ensemble des prescripteurs.

ACTION 4 : Hors de ses murs, l’établissement propose et soutient les actions visant à améliorer la prescription des antibiotiques en médecine libérale et dans les établissements de santé et médico-sociaux limitrophes.
Quelques exemples de mise en application par certains centres hospitaliers
CHU d’Angers : Mise en place d’un guide thérapeutique relayé par le déploiement d’une application ANTIBIOGARDE sur l’intranet du CHU depuis 2013, mise à disposition d’une ligne d’avis en infectiologie par des médecins seniors.
CH de Tourcoing : Mise en place, depuis l’an 2000, d’une Commission des Anti-Infectieux (CAI), multidisciplinaire visant à améliorer le bon usage des anti-infectieux.
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3. Quizz
Quizz de JUIN 2015
1/ Indiquez la ou les affirmations vraie(s) :
A : Le taux de résistance à la ciprofloxacine d’Escherichia coli dans les régions participant à MedQual ville est compris en 10 et 20%.
B : Les fluoroquinolones ont un faible impact sur le microbiote intestinal.
C : Toutes les fluoroquinolones ont une très bonne biodisponibilité (proche de 100%) par voie orale sauf la norfloxacine.
D : La lévofloxacine et la moxifloxacine ont une bonne diffusion dans le tissu pulmonaire.
E : Il n’y a aucun problème d’inhibition enzymatique avec les fluoroquinolones.
2/ Indiquez la ou les affirmations vraie(s) :
A : Les fluoroquinolones sont classées en fonction de leur risque d’induire un allongement de l’espace QT.
B : La lévofloxacine est contre-indiquée en cas de facteurs de risques accrus de torsades de pointe.
C : La norfloxacine fait partie des fluoroquinolones du groupe 2.
D : En cas de survenue d’un symptôme suggestif d’arythmie cardiaque avec une fluoroquinolone du groupe 1, le
traitement est poursuivi et un ECG est réalisé.
E : Le risque arythmique est à prendre en compte en cas de surdosage avec une fluoroquinolone du groupe 2 ou
du groupe 3.
3/ Indiquez la ou les affirmations vraie(s) :
A : La prescription d’une fluoroquinolone doit être évitée en cas d’antécédent d’utilisation de fluoroquinolones
dans les 6 derniers mois.
B : Toutes les fluoroquinolones ont la même efficacité sur une même bactérie.
C : La pharmacocinétique de la fluoroquinolone a peu d’importance dans le choix de la molécule.
D : Il n’est pas conseillé d’associer un deuxième antibiotique avec une fluoroquinolone.
E : Il faut utiliser de faibles posologies de fluoroquinolones pour les bactéries moins sensibles (ex: P. aeruginosa, S.
aureus).
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Réponses au quizz de MAI 2015
1/ Indiquez la (les) affirmations vraie(s) :
A : H. pylori est une bactérie inféodée à l’homme dont elle colonise le tractus gastro-intestinal. FAUX. Elle peut
également coloniser le système digestif des mammifères et des oiseaux.
B : La transmission de la bactérie peut se faire suite au lavage de légumes avec de l’eau souillée par des selles contaminées ou bien par contact salivaire avec une personne infectée. VRAI. La bactérie se transmet de façon directe
de personne à personne, par voie orale et/ou fécale.
C : Les infections à H. pylori sont généralement caractéristiques et transitoires. FAUX. La plupart du temps asymptomatiques, ces infections persisteront jusqu’à la mise en place d’un traitement approprié.
D : Au sein de la muqueuse gastrique, H. pylori sécrète une enzyme, l’uréase, lui permettant ainsi de se protéger
de l’acidité du milieu environnant. VRAI. L’uréase sécrétée par la bactérie la protège en neutralisant l’acidité gastrique, elle peut alors survivre et proliférer à travers le mucus gastrique.
E : L’inflammation ou gastrite chronique due à la prolifération d’H. pylori entraine par suite, des pathologies digestives. FAUX. Cette bactérie est aussi impliquée dans des pathologies non digestives idiopathiques comme l’anémie
ferriprive ou le purpura thrombopénique.
2/ Cas clinique
A : Devant les antécédents du patient et le tableau clinique vous pensez à une récidive et vous réalisez une sérologie afin de rechercher la présence d’H. pylori. VRAI. La recherche d’H. pylori est obligatoire en cas d’ulcère gastrique ou duodénal symptomatique. Elle est réalisée par des gestes non invastifs : analyse histologique ou sérologique ou test respiratoire.
B : L’échec du précédent traitement peut être dû à la résistance de la clarithromycine. VRAI. Le taux de résistance à
la clarithromycine est de 20% en France.
C : Du fait de l’échec du précédent traitement en 2010, vous prescrivez le même traitement en remplaçant la clarithromycine par la lévofloxacine. FAUX. La non efficacité d’une ligne thérapeutique la rend inutilisable ensuite donc
une autre stratégie médicamenteuse devra être appliquée. Cependant l’utilisation de ces antibiotiques ne se fait
qu’en 3ème intention, hors AMM et après résultat de l’antibiogramme.
D : Vous vous tournez vers un traitement alternatif associant PYLERA® et oméprazole pendant 10 jours. VRAI. Un
quadrithérapie à base de bismuth, métronidazole, tétracycline et IPP devra être mise en place. A noter la durée du
traitement n’est plus de 7 mais de 10 jours d’après les nouvelles recommandations.
E : Vous précisez au patient obligatoirement qu’il devra réaliser, un mois après l’arrêt du traitement, un test respiratoire ou une sérologie afin de contrôler l’éradication de l’infection à H. pylori. FAUX. Ce contrôle est impératif
afin de vérifier que la bactérie a complètement disparu du tractus digestif. Néanmoins, la sérologie ne peut pas
être utilisée car les anticorps témoin de l’infection peuvent persister des mois après la disparition d’H. pylori.
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