La faune de nos rivières

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1999
Les dossiers...
...de VivArmor
La faune de nos rivières
La faune de nos rivières
par Anne Claude VAUDIN
Pas trop refroidis par les quelques semaines passées dans l'eau où je vous avais abandonnés
lors du dernier Râle d'Eau ? Voici la suite et fin de ce dossier : la faune des rivières et de ses
abords !
Sous les pierres des ruisseaux, près des bords de nos rivières, tout un monde d'insectes, de
crevettes et autres invertébrés... habite les eaux. Les larves et les vers se cachent dans le
fond. De menus coquillages ne quittent guère les herbes qu'ils broutent paisiblement.
Intéressons nous d’abord à ce qui se voit en surface.
Des insectes de surface
Formant une troupe agile, tantôt sautant verticalement, tantôt glissant, et cela grâce à ces
quatre longues pattes écartées en X sur les eaux tranquilles ou parfois sur les courants
ombragés, je vous présente le Gerris des
Un gerris adulte
marais. Cette faculté à marcher sur l'eau est
rendue possible par ses quatre longs tarses :
ils forment des patins sûrs et légers, élargis
de poils très fins, que l'eau ne mouille pas
(un peu comme des skis) à condition qu'ils
soient bien étalés et exempts de toute
souillure. Une petite expérience à réaliser
pour attirer une cohorte de Gerris pour les
observer plus facilement et de plus près :
secouez une branche de saule au dessus de l'eau … et à vos binocles !
Autre insecte ingénieux, le Tourniquet
(ou Gyrin). Dés les premiers beaux jours
de février, apparaissent ces petites bêtes
ovales et trapues, d'un profil de carrosserie
moderne. Plus dense que l'eau, le Gyrin
flotte malgré tout. Toute la surface de son
corps est faite de corne lisse, paraissant
huilée, s'opposant ainsi à l'eau qui a
tendance à la couvrir. Cette résistance
semble une force bien faible et pourtant
elle suffit à faire flotter une aiguille d'acier
un peu grasse et posée doucement sur
l'eau. Utilisant cette force pour flotter, le
Tourniquet doit la vaincre d'un brusque
effort quand il plonge au premier geste qui
l'inquiète ; au bout de son abdomen poilu
qui dépasse les ailes, il emporte une bulle
d'air argentée signalant le nageur jusqu'au
fond.
Des insectes immergés
Le Tourniquet ou Gyrin
Moins connue que les bestioles glissant sur la surface, et parmi toutes celles qui restent
immergées, intéressons nous à la Nèpe (ou Scorpion d'eau). Celle-ci chasse à l'affût dans les
eaux plutôt calmes, à l'abri dans les végétaux aquatiques et même parfois dans les limons. Elle
possède des pattes ravisseuses (les deux plus proches de sa tête) ; chacune ressemble à un
couteau. Le manche formé par la cuisse montre une rainure
dans laquelle vient se loger la jambe, prolongée par un tarse
La Nèpe
courbé. Cette cuisse renflée abrite les muscles qui font ouvrir
l'outil et d'autres, plus puissants encore, pour le fermer et
maintenir la proie que la trompe buccale transpercera (miam,
miam !). Il est à noter que les autres pattes sont pourvues de
poils qui jouent le rôle de rame et permet ainsi à notre
scorpion de se déplacer. Le siphon situé en bout d'abdomen
vient émerger légèrement lors de la position de l'affût. Il est
formé de deux gouttières appliquées l'une contre l'autre, ce
qui constitue un canal perfectionné. Tout un système de poils,
dirigés vers l'extérieur, occupe la cavité et empêche ainsi
toute effraction. Amené par ce canal, l'air gagne les trachées
de l'abdomen ; il peut alors remplir un espace ménagé sous
les ailes inutiles, ce qui forme une réserve pour les longues
plongées de l'insecte.
Un crustacé prolifique et appétissant pour
la faune aquatique
1
4 insectes aquatiques voisins de la nèpe :
1:la Ranâtre 2:la Corise 3:le Pléa 4:le Naucore
2
4
3
Dans le monde flottant en pleine eau, surtout à la belle saison, on trouve un crustacé, la
Daphnie (ou puce d'eau - 3 mm). Plongez un bocal (en verre ou autre) dans une zone calme de
la surface et la plus ensoleillée possible. On pourra y voir cette
Une
petite "crevette" qui toujours est vie et mouvement : pour assurer
Daphnie
le courant nécessaire à la respiration, les pattes ne cessent de
fouetter l'eau ; vers le dos, le petit cœur transparent bat en
pulsations précipitées ; l'œil noir tourne en tous sens ; même
enfermées dans leur œuf, les futures daphnies ne cessent de
s'agiter.
Des larves dans leur fourreau
Au fond des eaux on trouvera des étuis de différentes formes
constituées de différents débris ; ce sont les
maisons des larves de Phryganes (ou
Trichoptères). Il y en a de différents modèles
et de différentes formes comme l’indiquent les
schémas ci-contre (extraits de “La vie dans
les ruisseaux par Georges CHAUVIN éd.
Ouest-France)
L'adulte passe bien souvent inaperçu ; il se
plaît à se dissimuler dans le pli des feuilles de
Carex qu'il ne quitte qu'à l'approche du soir.
Je ne m'étendrai pas sur ces petits insectes qui
Une Phrygane adulte
pimentent nos nuits avec leur “bzzz “à
répétition ; j'ai nommé Monsieur Sticmou,
autrement dit le Moustique.
Crevettes en tous genres
Présentons maintenant les crevettes de nos rivières. Le Gammare est la plus commune et
reconnaissable avec sa silhouette assez particulière : son corps est très comprimé sur les
flancs. Cette espèce craint l'eau tiédie et privée d'oxygène ; sa zone de prédilection sera
cachée sous des pierres dans l'eau courante (on leur donne ainsi le nom de "Garde
Fontaine"). Le gammare ne vivant que dans les eaux bien fraîches, exemptes de toute
fermentation et de toute putréfaction, sa présence peut être regardée comme un signe
favorable, mais non comme une garantie suffisante, permettant de considérer cette eau
comme potable et saine.
Une autre crevette, beaucoup moins
remarquée que la précédente, marche sans
hâte sur le fond dans des eaux de
préférence dormante, car elle est un trop
médiocre nageur pour lutter contre le
courant du ruisseau. Elle est plate mais
horizontalement. Son allure calme, ses
deux longues antennes balancées en
marchant comme les oreilles d'un baudet
ont fait donner à la bestiole, il y a deux siècles, le nom charmant d'Aselle ou petit âne. De
plus souvent notre aselle se promène en famille, le mâle entraînant sa femelle plus petite ;
elle-même abrite ses œufs sous sa poitrine jusqu'à leur éclosion.
Passons maintenant au monde rampant des mollusques.
Planorbe, Limnée, Physe et autres mollusques sont herbivores.
La Limnée possède un outil formidable : une langue garnie d'une véritable râpe d'un centimètre
de long et armée de dents de corne. Des mâchoires, également cornées, occupent le plafond de la
bouche ; elles contribuent au broyage des végétaux, dont la pulpe forme la seule nourriture de
notre petit brouteur. Les petites algues n'ont qu'à bien se tenir ! Petit détail
concernant sa coquille : elle est dextre ; la spirale d'enroulement tourne dans le
sens des aiguilles d'une montre ; au contraire de la Physe (voir encadré cidessous) dont la coquille est senestre et qui au premier abord semble une
réduction de la limnée.
Quant à la Planorbe sa grosse coquille brune et foncée est en spirale plate,
comme un mètre à ruban ; les deux faces ne sont pourtant pas identiques : la
moins creuse située à gauche a un sens d'enroulement
senestre.
Citons aussi l'Ancyle (Ancylastrum) d’une taille d’environ 1 cm, pour
sa particularité ; sa coquille n'est pas du tout enroulée ; il s'agit d'un cône
surbaissé avec une pointe inclinée vers l'arrière. Il avance avec une grande
lenteur et broute paisiblement. Très timide, il ne laisse guère apercevoir
que deux courts tentacules, le pied solidement appliqué sur son support et
le va-et-vient régulier de sa langue vers l'avant du corps.
On peut aussi rencontrer d'autres mollusques, notamment des bivalves :
- la Dreissena ou moule zébrée fixée par un byssus,
la
Planorbe
- Sphaerium, Pisidium : deux mollusques enfouis
N’oublions pas les libellules
Un peu de prose maintenant pour présenter cette habituée des cours d'eau ! Elégance et légèreté,
palette à cent couleurs, mécanique de précision, souple et rigide, insecte de haute énergie, voici
la libellule adulte. Mais avant d'atteindre cette perfection de forme et de couleur, la libellule est
d'abord une larve "laide", cachée sous l'eau dans la vase, et doit parfois attendre quelques années
cet instant précis et magnifique de la naissance.
La larve est une redoutable chasseresse : elle avance
"sournoisement" une patte après l'autre, comme le chat
abordant un affût ou comme le caméléon sur sa branche.
Cette future libellule possède un outil d'attaque formidable
que l'on appelle le masque (parce qu'il y fait bien entendu
penser) qu'elle projette vers sa proie ; il existe d'ailleurs une certaine analogie avec la langue du
caméléon : même rapidité, même soudaineté étonnante de la part d'animaux que l'on croirait
engourdis. Véritable fusée hydraulique, cette larve garde son intestin rempli d'une réserve d'eau ;
en cas de danger, la brusque expulsion de cette eau lui permet
de s’échapper rapidement. Il est à noter que cette eau sert
aussi à la respiration : l'intestin, tapissé de branchies, se
remplit, se vide en permanence et l'insecte peut prélever dans
cette eau, renouvelée en permanence, l'oxygène vital. Une
remarque qui fera très plaisir à beaucoup d'entre nous : la
libellule adulte (dont les plus grandes représentantes peuvent
atteindre l'envergure de 11 cm) extermine pen-dant les
quelques semai-nes de son existence des milliers d'insectes
nuisi-bles en particulier les moustiques.
Des voisines, les Agrions : ce sont ces petites libellules
entièrement bleu ciel.
Elles se voient sur les
ruisseaux calmes et
ensoleillés, où elles
capturent
de
petits
moucherons.
L’accouplement
de
l'agrion
est
une
technique audacieuse et
élégante qui permet au mâle
entièrement bleu de tenir
ferme la femelle par le cou
tandis que celle-ci offre son
extrémité abdominale aux
glandes séminales de son
partenaire. Née de l'eau, la
libellule souvent encore
tenue par le mâle y retourne
pour y pondre ses œufs qui
sont libérés dans l'eau ou enfoncés un par un avec une
lente et méticuleuse application dans les tiges des
végétaux aquatiques.
Le monde des batraciens
Au printemps, l'arrivée de la nuit sonne le départ de
singuliers concerts donnés par les rainettes, les
crapauds, les grenouilles vertes et autres. Il s'agit là de
la manifestation de leur ardeur amoureuse. Il est
à remarquer que cette étonnante puissance sonore
est paradoxalement produite gueule fermée, par
la simple circulation de l'air entre la gorge et les
poumons. Ces sons portent à des kilomètres à la
ronde, infiniment plus loin que la plus forte des
voix humaines et ce sont, dit-on, les derniers que
perçoivent les aérostiers lors de leur ascension
verticale. Les hormones ont déclenché chez
crapauds communs et grenouilles rousses, le
signal impérieux du rendez-vous général qui,
une fois l'an, conduit tout ce beau monde dans le
trou d'eau de leur naissance pour de frénétiques Divers types de sacs vocaux chez les batraciens
et orgiaques retrouvailles. Cet instinct 1 = grenouille verte 2 = crapaud calamite
reproducteur est d'une force si intense que les 3 = rainette 4 = grenouille rousse
extraits de : “Amphibiens et reptiles dans leur milieu”
mâles se jettent sur tout ce qui bouge y compris
par
Bernard LE GARFF - Editions Ecoguides BORDAS
leurs congénères de même sexe (ah, les
hommes !), jusqu'à trouver, enfin, la compagne
libre, avec laquelle s'accoupler en toute sérénité, à
défaut de tranquillité. Le produit de ces unions d'un
autre temps se retrouve largué sur des herbes
aquatiques en d'étranges guirlandes plombées d'œufs
désormais abandonnés à eux-mêmes, soient quelques
millions d'embryons dont seulement quelques
dizaines d'individus atteindront l'âge adulte. Les
pauvres ! A peine fécondés, ils sont laissés à la merci
de n'importe quel danger. Leur seule et maigre
protection ? Une gangue gélatineuse qui se gonfle peu
à peu les entourant et les défendant de l'invasion des
bactéries ou contre la gourmandise de certains
prédateurs.
Les poissons
Différences entre Truite et Saumon :
1 : la taille de la bouche (plus petite chez le saumon)
2 : la forme de la queue (échancrée chez le saumon)
3 : la forme de la nageoire adipeuse
Abordons maintenant le monde nageant : les
poissons. Plutôt que de faire une description
détaillée de plusieurs espèces, je m'en
tiendrai à l'histoire de deux salmonidés de
nos rivières, la Truite et le Saumon car
compte-tenu de leurs exigences vis-à-vis en
particulier de l'oxygène dissous et de la
température, ils sont des poissons très
sensibles à la pollution ; ainsi la présence de
populations équilibrées dans les cours d'eau
peut être considérée comme un indice de
qualité de l'eau. Sachez tout de même que
l'on peut trouver aussi brochets, gardons,
sandres, vairons, anguilles (et oui !) et
autres...
La truite est des Salmonidés la plus connue
des pêcheurs sportifs. On trouve la truite
commune dans nos cours d'eau dits de
première catégorie et dans tous les ruisseaux et ruisselets du département. La truite arc-en-ciel,
qui est la truite élevée en pisciculture, ne présente pas, semble-t-il, de population sauvage.
Le saumon atlantique est surtout présent à l'Ouest du département (notamment dans le Léguer).
En France, on en trouve encore dans les petits fleuves côtiers de Bretagne, de Basse Normandie et
dans le bassin Loire - Allier.
Les salmonidés ont en commun une reproduction sur des fonds propres de galets et de graviers.
Les frayères sont soigneusement choisies par les femelles sur des lits de galets ou de graviers
stables et non colmatés, ce qui permet d'assurer à la fois le maintien contre les crues et la bonne
circulation de l'eau à l'intérieur de la frayère. Il est à noter qu'au cours de la période de frai, les
poissons apparaissent plus colorés et ont quelque peu changé de forme. Ils deviennent plus ou
moins rouges et il apparaît chez les mâles un bec sur la mâchoire inférieure, plus important
d'ailleurs chez le saumon.
La femelle creuse la frayère en se mettant sur le flanc et en battant vigoureusement de la queue.
Cette frayère est une dépression dans le lit de la rivière et sa taille dépend de la taille de la femelle
(et donc de sa force et du nombre d'œufs qu'elle y déposera). Son "nid" terminé, Madame y
déverse une certaine quantité d'ovules que Monsieur s'empresse de recouvrir de sa semence, la
laitance.
La fécondation a ainsi lieu sur le fond du lit. Aussitôt après cette ponte, la femelle recouvre les
œufs : elle redonne des coups de queue légèrement en amont de la frayère pour tout d'abord les
faire pénétrer dans les interstices des cailloux ou graviers du fond (les œufs seront ainsi protégés
des graviers qui tomberont par la suite) puis pour recouvrir la totalité de sa frayère.
Pour les saumons, remontée des cours d'eau et période de reproduction valent largement une
bonne cure d'amaigrissement : ils perdent environ 30 à 40% de leur poids. Leur abondante
réserve de graisse acquise en mer a pratiquement fondu et comme ils ne se nourrissent pas durant
Tableau des conditions de reproduction idéales
Espèce.
Taille de œufs (mm).
Période de reproduction.
Vitesse du courant (cm/s).
Hauteur d'eau (cm).
Granulométrie dominante.
Creusement de la frayère.
Site préférentiel.
Saumon.
3à6
Mi nov. à fin déc.
50 à 80
25 à 50
galets
Profond
Rivière
Truite.
4à5
Décembre.
40 à 60
15 à 30
graviers
assez profond
ruisseau
leur voyage, la mortalité, surtout chez les mâles est très importante. Les rescapés passent l'hiver
aux endroits profonds des cours d'eau ou retournent tout de suite à la mer. On s'accorde à dire que
seulement 4 à 6 % frayent une seconde fois et peut-être 1%o, une troisième. Pour les chanceux
rescapés, ils reprennent vite des forces et retournent frayer un ou deux ans après.
Laissons là les parents et intéressons nous davantage aux œufs laissés dans les frayères.
Ils vont donc se développer dans les graviers et la durée d'incubation est fonction de la
température.
A leur naissance les jeunes possèdent une vésicule vitelline, véritable poche de réserve
nutritionnelle, grâce à laquelle ils pourront se nourrir en attendant d'être suffisamment développés
pour être autonomes. Ces jeunes salmonidés restent sous les graviers natals jusqu'à ce que ce sac
vitellin soit presque entièrement consommé. A partir de ce moment, c'est la grande aventure. Ils
Espèce
Température en °C
Durée d’incubation en jours
saumon
5 à 10
88 à 44
truite
5 à 10
82 à 41
vont émerger et se retrouver confrontés à un nouvel
environnement et un mode de vie inconnu : les alevins passent
d'un milieu protégé obscur, sans courant et sans prédateur, à un
milieu ouvert où l'intensité lumineuse et ses variations jour/nuit
sont bien marquées, la vitesse du courant relativement
importante et où le risque de prédation est important. Ces jeunes
alevins vont devoir apprendre rapidement à évoluer dans le
courant, à reconnaître et à utiliser les abris, ainsi qu'à capturer
leur première nourriture exogène. Truite et saumon ont à ce stade
un comportement territorial ; chaque alevin a son espace (et donc
sa nourriture) et le défend contre tous ses congénères. Ben
voyons, chacun chez et pour soi ! Ce comportement territorial
favorise bien évidemment les dominants qui auront une
croissance plus rapide et plus favorable que les dominés.
Très inféodés à la présence d'abris tant vis-à-vis du courant que
de la prédation, la jeune truite s'attachera plus facilement aux
berges. La vitesse du courant de l'eau oscille entre 20 et 50 cm/s.
Les jeunes saumons, quant à eux, préfèrent les zones très
courantes (vitesse de courant entre 40 et 60 cm/s) et apprécient
les secteurs de rivières bien éclairés.
Au printemps, un an ou deux après leur sortie des graviers, une importante différence apparaît : le
jeune saumon subit le phénomène de smoltification, processus métabolique et physiologique qui le
transforme et le rend apte à la survie en eau de mer ; il devient alors gris-argent et migre vers la
mer. Il y restera un an voire deux ou trois pour continuer sa croissance et stocker des réserves en
vue de sa reproduction. Quant à la truite, sa migration se cantonne à la descente des ruisseaux aux
rivières. Son site de prédilection sera des eaux profondes et ombragées d'où l'importance de laisser
une ripisylve si l'on veut conserver une rivière truiteuse. Fin de l'histoire.
Les écrevisses
Il semblerait que des écrevisses survivent encore dans nos rivières, là où l’eau est assez riche en
calcaire mais étant une espèce très sensible à la pollution et quasi décimée par la peste des
Ecrevisses, il faut bien la chercher. Autre chose ; il existe une espèce endémique, l'écrevisse
blanche de la Rance dont les populations sont très faibles et qui tendrait à disparaître sous la
pression d'une étrangère, l'écrevisse rouge d'Amérique, moins sensible à la pollution et à la
capacité d'adaptation formidable).
Les oiseaux
Passons maintenant au monde volant : les oiseaux (on pourra aussi se référer à "Oiseaux nicheurs
des Côtes d'Armor" du GEOCA).
Dans les zones calmes des rivières, des sites de nidification du Grèbe castagneux peuvent
être trouvés, bien qu'ils soient plus fréquents sur les petites mares, queues d'étang …Cette
espèce nécessite une végétation pas trop touffue
Grèbe castagneux
mais suffisante pour y cacher son nid flottant.
L'espèce littorale, Tadorne de Belon, peut
pénétrer à l'intérieur des terres par les estuaires
et les rias ; notamment sur le Trieux, le Leff, le
Jaudy le Léguer et en Rance ; mais on ne le
trouvera que là où l'eau est salée ; au delà, point
de tadorne.
Un coin-coin bien connu se rencontre sur une large partie de
notre département : le Colvert.
Tadorne
de Belon
Dans les prairies humides, on peut croiser quelques exemplaires
de ce journal … notre petit Râle d'eau, le Vanneau huppé
(Rance et Sud Ouest du département) et avec un peu de chance
la Bécassine des marais (présence de plus en plus faible du fait
de la disparition progressive des zones humides par drainage).
A réseau hydrographique important comme l'on trouve en Côtes d'Armor, il faut bien un
digne représentant des oiseaux. Cela pourrait être la Poule d'eau. Sa formidable adaptabilité
fait que l'on peut la trouver aussi bien en ville que dans des fossés ou le moindre trou d'eau.
Râle d’eau
Vanneau huppé
Bécassine des marais
Du fait de la présence de ripisylve plus ou moins importante, tous les petits oiseaux
inféodés à ce type d'habitat et bien d'autres encore pourront se laisser surprendre par les
observateurs que nous sommes : troglodyte mignon, mésanges nonnettes ou
Pouillot
bleues, fauvettes, pics, pinson, pouillot siffleur …
fitis
Un habitant des saulaies ou des zones buissonnantes des zones
humides ou peupleraies, le Pouillot fitis ; c'est un "amateur des
zones à fourrés échappant en partie à l'emprise humaine".
"Un jour, sur ses longs pieds, alloit, je ne sais où,
Le Héron au long bec emmanché d'un long cou,
Il côtoyoit une rivière.
L'onde étoit transparente ainsi qu'aux plus beaux jours ;
Ma commère la Carpe y faisoit mille tours
Héron cendré
Avec le Brochet, son compère …".
Ainsi commence la fable "Le Héron" de Jean de La Fontaine. Le
Héron cendré est un hôte de nos rivières costarmoricaines. Ne
faisant plus l'objet de destruction systématique du fait de sa
protection, cet échassier est devenu plus commun. Il se reproduit
en Bretagne, mais en Côtes d'Armor, aucun nid n'a été recensé,
bien que des individus en parure nuptiale aient été rencontrés. Si
vous croisez Maman Héron et ses enfants, signalez-le au
GEOCA.
Dans le chevelu dense des ruisseaux (de bonne qualité), liée à
l'eau courante, on trouve la Bergeronnette des ruisseaux. En
hiver, on pourra la voir se rapprocher des zones habitées pour y
chercher sa pitance qu'elle égaiera toujours d'un complément alimentaire d'insectes dénichés
dans la moindre douve ou mare.
Bergeronnette des ruisseaux
Voici mon petit préféré : perché au-dessus des eaux
transparentes, immobile, le cou tendu, le Martin
pêcheur guette les poissons qui constituent la majorité
de son régime alimentaire. Il mange aussi des insectes :
mouches, libellules … Ce petit poids plume infatigable
de 35 g ne prélève quotidiennement que 5 à 10 g de
nourriture. Son nom vient du Martinet auquel il
ressemble beaucoup morphologiquement.
Ce Martin, lorsqu'il a trouvé sa Martine, creuse son nid
dans les rives escarpées. Durant trois semaines il va user de
son long bec pour y faire un trou horizontal qui se termine
par une petite chambre où seront cachés les œufs. Martine,
pendant ce temps, se charge du déblaiement et de la
fabrication du nid : un berceau de menues arêtes. Fidèles à
la vie, à la mort, Martin et Martine ne se quittent quasiment
jamais ; deux flèches bleues qui dorment, volent et pêchent
l'un près de l'autre. Si l'un meurt, l'autre se laissera mourir.
Ils ne se séparent que lorsque la femelle couve. Et là, le
mâle n'arrête pas de la journée : poissons pour la maman.
Martin pêcheur
Après l'éclosion, un véritable ballet est joué par nos deux
jeunes parents : dans les premiers temps, ils apporteront des
insectes dont ils auront arraché les ailes par délicatesse pour
éviter à ces petits chérubins de s'étouffer, puis des poissons. Abnégation de ces oiseaux qui vont
jusqu'à s'oublier. Et tout ce déploiement d'énergie durera une quinzaine de jours, temps pendant
lequel les bébés, hérissés de piquants noirs, se seront transformés en petits Martin et Martine au
plumage éblouissant. Lorsqu'ils seront autonomes, ils quitteront le territoire parental pour voler
de leur propres ailes.
Un Martin-Pêcheur peut vivre 15 ans mais il est souvent victime des hivers rigoureux, des
rectifications des rivières et de la pollution des cours d'eau.
Pour terminer ce dossier, parlons des mammifères.
Originaire d'Amérique du Sud et introduit au début du siècle dernier pour sa fourrure, le
Ragondin est l'un des exemples types d'une espèce apportée par l'homme et qui a trouvé chez
nous les conditions idéales pour se développer. Principalement végétarien, il fait des dégâts dans
certaines cultures, véhicule certaines maladies du bétail et pose quelques fois des problèmes dans
le maintien des berges qu'il déstabilise en y creusant son
terrier. Une petite caractéristique : la femelle ne possède
pas ses mamelles sous le ventre mais déportées vers le
dos. Ceci lui permet de se déplacer dans le milieu
aquatique avec ses jeunes accrochés aux tétines.
La Loutre est un indicateur vivant de la qualité et de la
richesse des milieux aquatiques. Parfaitement adaptée à
pattes de ragondin
l'eau avec ses pattes palmées, sa queue lui servant de
gouvernail, son pelage dense, soyeux, imperméable, ce
mustélidé peut rester plusieurs minutes sous l'eau à la
recherche de sa pitance constituée principalement de
poissons. La loutre est un super prédateur et se situe tout
Traces de ragondin
en haut des pyramides alimentaires. Prélevant les espèces
les plus abondantes, temporairement ou localement, elle empêche certaines catégories de poissons
de proliférer et joue ainsi le rôle de régulateur. La prédation que la loutre exerce est compensée par
le fait qu'elle élimine des poissons carnivores, mangeurs de fraies. En
outre, son rôle sanitaire n'est pas négligeable car elle supprime en priorité
les poissons malades ou faibles. Ce sympathique animal est surtout présent
dans l'ouest (Léguer). Il est un adage qui dit que "la loutre aime l'anguille,
et l'anguille la nuit", donc pour apercevoir Ki Dour (son nom breton) il
faudra faire preuve d'une très grande patience : un garde-pêche me disait
une fois qu'en trente ans de carrière il n'en avait entrevu qu'une. Bon
courage et bonne chance !
Rivière signifie « point d'eau » : on trouvera donc aussi toutes sortes des traces : cerf, chevreuil,
sanglier et autres dans les endroits propices.
Une dernière chose : en Finistère, il existe une population de Castors ; peut-être que d'ici quelques
années, les Côtes d'Armor pourront aussi se prévaloir de cette chance …
Traces de chevreuil
Traces de sanglier femelle (marche lente)
Traces de
pattes de
castor
La faune des rivières et la pollution de l’eau
Les larves d'insectes présentes dans nos rivières dépendent fortement de la qualité du milieu, du substrat.
En cas de pollution (chimique, agricole, matière organique…), il y a disparition prioritaire des espèces
sensibles qui sont considérées comme indicatrices.
Les tests sur la qualité des eaux par des procédés chimiques ne sont qu'une représentation ponctuelle de
cette qualité des eaux d'une rivière ; l'utilisation de la connaissance de la sensibilité des larves d'insectes
(indice IQBG - Indice de Qualité Biologique Général) apparaît plus représentatif dans le temps. La
détermination des espèces et de leur quantité permet ensuite grâce à un tableau standard et à différents
calculs de "noter" la zone d'échantillonnage (de 1 à 20) et ainsi de connaître la qualité de l'eau.
LA POLLUTION DU RUISSEAU ET SES CONSEQUENCES
extrait de :
“la vie dans les
POPULATION BENTHIQUE ET POLLUTION
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