Chapitre 14 : mouvement volontaire et plasticité cérébrale. Si le réflexe myotatique sert d'outil diagnostique pour identifier d'éventuelles anomalies du système neuromusculaire local, il n'est pas suffisant car certaines anomalies peuvent résulter d'anomalies touchant le système nerveux central et se traduire aussi par des dysfonctionnements musculaires. Ainsi, la contraction d’un muscle peut se réaliser suite à son étirement dans le cas du réflexe myotatique mais il peut également s’agir d’une contraction volontaire contrôlée par le cerveau. Problèmes : comment les mouvements volontaires sont-ils contrôlés ? Quelles sont les possibilités d’adaptation du cortex cérébral tout au long de la vie ? TP 24 : Mise en évidence des zones de la motricité volontaire et conséquences d’un AVC 1. La commande volontaire du mouvement A. le cortex moteur. L’exploration du cortex cérébral, soit par des stimulations locales du cortex, soit par imagerie médicale récente (ex : IRM = Imagerie par résonance magnétique), permet de localiser les zones du cerveau spécialisées dans le contrôle volontaire des mouvements appelée cortex moteur. La localisation du cortex moteur est identique pour tous les individus. La réalisation des mouvements volontaires implique la collaboration entre 3 types d’aires corticales connectées entre elles : - Certaines aires (cortex pariétal) sont impliquées dans l’intention de mouvement : décision de réaliser tel ou tel mouvement. Ex : allumer la lumière de la pièce. - D’autres aires (aires prémotrices = APM) motrices sont impliquées dans la sélection des mouvements qui vont être nécessaires pour réaliser une séquence motrice donnée correctement au bon moment. Ex : contracter certains muscles pour appuyer sur le bouton. Ces sélections s’effectuent sur la base de stimuli externes (il fait nuit) ou internes (je me souviens qu’il faut appuyer sur ce bouton). - Certaines zones (aires motrices primaires = M1) commandent la contraction de tel ou tel muscle de sorte que la séquence motrice est réalisée. L’aire motrice primaire est une zone du cortex cérébral assurant la motricité des différentes parties du corps, ainsi chaque partie du corps est associée à un territoire défini du cortex cérébral qui assure sa commande motrice et cette région corticale occupe une surface d'autant plus grande que la partie du corps considérée est plus complexe du point de vue de sa motricité. 1 On peut ainsi dresser une cartographie de l’aire motrice. Si on représente une figurine humaine dont la taille de chaque partie du corps est proportionnelle à la surface de projection corticale associée, on obtient l’Homonculus moteur (de Penfield). Chez l’Homme, les surfaces de l’aire motrice primaire dédiées à la main et au visage sont importantes au regard de la complexité des mouvements effectués par ces deux parties du corps. Lorsque la moelle épinière est lésée, la commande volontaire des muscles ne se fait plus. Les messages qui partent du cerveau cheminent par des faisceaux de neurones qui descendent dans la moelle et établissent des connexions avec les motoneurones qu’ils stimulent. Le trajet des neurones entre le cortex moteur (aire motrice primaire) et les motoneurones présente un croisement dans le bulbe rachidien. En effet, les axones des neurones du cortex moteur droit regroupé en faisceaux bifurquent au niveau du bulbe rachidien et change donc de côté. Ils établissent alors des synapses avec les motoneurones de la moelle épinière situés du côté gauche. L’information issue du cerveau droit contrôle des muscles situés dans la partie gauche du corps et inversement. 2 B. Le rôle intégrateur des motoneurones Exercice mise en évidence du rôle intégrateur des motoneurones - exemple de l’anxiété. Le corps cellulaire d’un motoneurone est connecté (par des synapses) à de nombreux autres neurones. Le corps cellulaire du motoneurone reçoit notamment des informations de neurones sensitifs issus du fuseau neuromusculaire et des neurones provenant du cortex moteur. Or certaines synapses sont soit : - inhibitrices, elles diminuent l’activité du motoneurone par l’intermédiaire d’un neurotransmetteur qui provoque une hyperpolarisation de la membrane du motoneurone (ex. synapse au GABA). Ainsi, elle a tendance à empêcher la naissance d’un potentiel d’action dans le motoneurone. - excitatrices. Dans ce cas le neurotransmetteur favorise la naissance du message nerveux dans le motoneurone en provoquant une petite dépolarisation. (ex. synapse à acétylcholine) Un motoneurone réalise alors une sommation spatiale (la somme des messages des différents neurones qui font synapse avec le motoneurone) ou temporelle (la somme d'un message répété transmis par un seul neurone présynaptique) de l’ensemble des messages excitateurs ou inhibiteurs. Si l’excitation est suffisante, c’est à dire si le seuil de dépolarisation est atteint, alors un train de potentiels d’action est émis au niveau de son axone en direction du muscle. Ainsi, à partir de toutes les informations reçues, le motoneurone élabore un message nerveux moteur unique codé en fréquence : c’est ce que l’on appelle l’intégration. 3 C. Un exemple d’inhibition : l’innervation réciproque des muscles antagonistes. Au niveau des articulations, il y a des muscles antagonistes. Ils permettent la réalisation de mouvements opposés (flexion et extension par exemple). Ainsi lorsque l’un se contracte, l’autre muscle doit se décontracter pour permettre la réalisation du mouvement. Que se passe-t-il dans le cas du réflexe myotatique au niveau de la moelle épinière ? Exemple du réflexe rotulien : Dans le réflexe myotatique, afin de coordonner les muscles antagonistes, l'axone du neurone sensitif provenant du fuseau neuromusculaire se divise en 2 branches dans la substance grise de la moelle épinière : l'une permet l'arc réflexe au moyen d’une synapse excitatrice avec le motoneurone commandant la contraction du muscle extenseur de la jambe (Quadriceps), l'autre au moyen d’un interneurone qui fait synapse à son tour avec le motoneurone commandant le muscle fléchisseur de la jambe (biceps crural (Hamstrings sur l’image))). Cette synapse est inhibitrice et provoque le relâchement de ce muscle. 4 2. Motricité et plasticité cérébrale A. Des variations individuelles de l’organisation du cortex en relation avec le mode de vie. La disposition des zones de contrôle des différentes parties du corps dans le cortex moteur constitue la carte des aires motrices. La disposition aires motrices dans le cortex moteur est globalement (mais pas strictement) la même pour tous les individus. Ainsi la comparaison des cartes motrices de plusieurs individus montre des différences plus ou moins importantes. (cf. TP 24 Etape 5) Ces différences au niveau des cartes motrices d'un individu à l'autre ne sont pas innées, elles sont acquises lors du développement de l’individu. L’apprentissage moteur (= acquisition d’une nouvelle performance motrice) ou l’entrainement, provoque un développement des zones fortement sollicités du cortex moteur. Par exemple, un pianiste qui sollicite beaucoup ses mains présente des zones corticales très étendues pour les muscles de la main. L’amélioration de ses performances est due à une extension de l’aire motrice commandant le mouvement des doigts de sa main. De plus, cet accroissement est stabilisé par un entrainement répété sur une grande période de temps (plusieurs semaines) Ces modifications des cartes motrices mettent ainsi en évidence une capacité fondamentale du cortex : la plasticité cérébrale c’est-à-dire sa capacité à se modifier en réponse à une stimulation environnementale. Ainsi l'histoire personnelle de chaque individu en relation avec la plasticité cérébrale permet l’élaboration d’un phénotype du cortex moteur qui lui est spécifique. B. Une plasticité du cortex en cas d’accidents. Chez des patients ayant subi un accident vasculaire cérébral (AVC) affectant les aires motrices corticales (et donc la motricité de certains muscles), on constate une récupération progressive des capacités motrices. Dans le même temps, les régions corticales endommagées retrouvent progressivement leurs fonctions et de nouvelles régions sont recrutées lors de la réalisation des mouvements que l’AVC avait affectés. Exercice réorganisation cérébrale suite à une perte de fonction motrice et réversibilité De même, après une greffe des mains, on constate une modification des cartes motrices des mains : la taille des territoires concernés de l’aire M1 augmente considérablement, pour les deux mains, après la greffe. Ces observations attestent de la plasticité cérébrale du cortex moteur et montrent que cette plasticité est essentielle aux facultés de récupération motrice après un accident. 5 C. Préserver son capital nerveux La plasticité du cortex existe tout au long de la vie mais les capacités de remaniement se réduisent avec l’âge. On a évalué le nombre de neurones corticaux d’individus d’âges différents et on a ainsi pu montrer que le nombre de cellules nerveuses diminue d’environ 10% au cours de la vie. Les performances intellectuelles diminuent avec l’âge. Par contre on a constaté que le vieillissement cérébral est moins important pour les individus qui pratiquent une activité physique et/ou une activité intellectuelle régulière(s). L’alimentation semblerait également avoir un rôle important (rôle de substances comme les flavonoïdes présents dans les fruits, légumes, le vin…) Le vieillissement cérébral qui a lieu au cours de la vie peut donc être réduit grâce au comportement des individus. Le capital nerveux peut ainsi être préservé en ayant un comportement responsable en matière de santé. 6