enquête médico-légale sur le naufrage du hl hunley

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ENQUÊTE MÉDICO-LÉGALE
SUR LE NAUFRAGE DU H. L. HUNLEY
(1864 )
(Ç)
L'Harmattan,
2008
5-7, rue de l'Ecole polytechnique,
75005
http;//www.librairiehannattan.com
[email protected]
hannattan [email protected]
ISBN: 978-2-296-07362-3
EAN : 9782296073623
Paris
Rozenn HÉNAFF-MADEC
ENQUÊTE
MÉDICO-LÉGALE
SUR LE NAUFRAGE DU H. L. HUNLEY
(1864)
Préface du Docteur Xavier RIA UD
L' IItmattan
Médecine
à travers
les siècles
Collection dirigée par le Docteur Xavier Riaud
L'objectif de cette collection est de constituer « une histoire
grand public» de la médecine ainsi que de ses acteurs plus ou
moins connus, de l'Antiquité à nos jours.
Si elle se veut un hommage à ceux qui ont contribué au progrès
de l'humanité, elle ne néglige pas pour autant les zones d'ombre
ou les dérives de la science médicale.
C'est en ce sens que - conformément à ce que devrait être
l'enseignement de l'histoire -, elle ambitionne une « vision
globale» et non partielle ou partiale comme cela est trop
souvent le cas.
Déjà parus:
Henri MORGENSTERN, Les dentÛtes français au XIX siècle,
2009.
Henri LAMENDIN, Historique de l 'odonto-stomatologie du
sport en France, 2009.
Xavier RIAUD, Quand la dent mène l'enquête..., 2008.
Henri LAMENDIN, Fondateurs de la phytothérapie buccodentaire occidentale, 2008.
Dominique LE NEN, L'anatomie au creux des mains. Au
cOlifluent des sciences et de l'Art, 2007.
Robert DELA VAUL T, L'asepsie un demi-siècle avant
Pasteur: Ignace Semmelweis (1818-1865),2007.
Henri LAMENDIN, Soignez votre bouche par les plantes"
2007.
Henri LAMENDIN, Praticiens de l'art dentaire du XIvme au
xx'me siècle, 2006.
Xavier RIAUD, L'influence des dentistes américains pendant la
Guerre de Sécession, 2006.
A mon père, à mon grand-père, à ma famille enfin.
Préface
En 2006, j'ai publié un livre aux Editions L'Harmattan,
intitulé L'influence des dentistes américains pendant la
Guerre de Sécession (1861-1865). J'ai effectué les
recherches à ce sujet auprès, notamment, du National
Museum of Civil War Medicine, avec passion et une
ferveur que je ne me connaissais pas, rendant ainsi
hommage aux films que j'affectionnais dans mon enfance.
Les John Wayne, ou autres Errol Flynn, ont illustré tant de
mes rêves et occupé tant de soirées que je n'ai pas pu les
oublier comme cela. Et j'avoue bien volontiers être un rien
nostalgique de ces westerns si colorés qui, je l'ai compris
bien des années plus tard, édulcoraient, voire éludaient, la
triste vérité historique.
Malgré tout, il a toujours été pour moi d'une importance
fondamentale de poursuivre mes travaux par une approche
de ce conflit fratricide le plus meurtrier que les
Américains aient connu. C'est ce que je suis parvenu à
faire en 2006.
Lorsque j'ai posé mon crayon en tournant la dernière page,
j'étais profondément malheureux, car j'avais un arrièregoût de trop peu. Depuis lors, à chaque fois que je
reprends un sujet en rapport avec cette période, je suis
survolté et enthousiasmé. Un feu sacré s'empare de moi
qui ne cesse qu'avec le point final. Le mémoire du Dr
Rozenn Hénaff a ravivé en moi, cette exaltation, cette
frénésie.
Lorsque je suis venu au congrès de l'Association
Française d'Identification en Odontologie à Nantes, en
2008, j'étais déjà heureux de pouvoir y retrouver
l'ensemble
de mes confrères
spécialisés
dans
l'odontologie médico-légale et les expertises. C'est à ce
même congrès que j'ai croisé l'auteur du présent ouvrage.
Je ne m'attendais pas alors à un tel raz-de-marée. J'avais
déjà été flatté d'apprendre que le Dr Hénaff avait lu mon
livre, mais je ne pensais pas assister à une communication
aussi magistrale, entièrement axée sur le mémoire qu'elle
avait soutenu lors de son Diplôme universitaire
d'Odontologie médico-légale à la Faculté de Chirurgie
Dentaire de Nantes.
Elle présentait l'histoire du sous-marin H. L. Hunley,
vaisseau des mers confédéré, qui a été le premier
submersible à couler un navire de guerre dans l'histoire de
l'humanité.
J'ai tout de suite été saisi de stupeur et d'intérêt. Il n'y
avait aucun doute pour moi. Son mémoire devait être
publié. Coûte que coûte.
Ce manuscrit est sans conteste extrêmement intéressant. A
travers ce conflit, il aborde une période de l'histoire
américaine particulièrement riche et foisonnante. Par les
techniques d'identifications mises en place, la science
n'est pas oubliée non plus. Enfin, par la description de la
méthodologie usitée pour la collecte des données ou pour
leur exploitation, le lecteur assiste en direct à une véritable
enquête policière.
Si ce livre peut paraître ténu, il n'en est rien. L'attention
du lecteur est saisie de la première page à la dernière, tant
son contenu est dense et riche. Le Dr Hénaff a su avec un
style dynamique nous emmener à travers les couloirs du
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temps, pour vivre les dernières heures du H. L. Hunley.
C'est ainsi une véritable oeuvre de prospection historique
que nous livre son auteur.
Qu'elle en soit chaleureusement remerciée!
Docteur Xavier Riaud
Docteur en Chirurgie Dentaire
Docteur en Epistémologie, Histoire des Sciences et des Techniques
Lauréat de l'Académie Nationale de Chirurgie Dentaire
Directeur de Collection aux Editions L'Harmattan
Chercheur au Centre François Viète d'Histoire des Sciences et des
Techniques (EA-1161) - Nantes
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Avant-propos
En devenant le premier sous-marin réussissant à couler un
navire ennemi en 1864, le H. L. Hunley est entré dans
l'histoire. Il a été perdu entièrement, dès sa mission
effectuée en sombrant au large de Charleston, Caroline
du Sud, Etats-Unis. Nombre d'aventuriers ont cherché le
Hunley, mais l'océan a gardé secret le lieu où reposaient
ses hommes d'équipage pendant 131 ans. En 1995, le
navire est enfin repéré et renfloué en 2000. Depuis cette
date, les scientifiques cherchent à comprendre pourquoi il
a coulé. Entre temps, les corps des disparus ont été
récupérés, identifiés et rendus à la terre qui les avait vus
naître ou tout au moins nourris.
Mon intérêt pour la médecine légale remonte à très
longtemps. J'aurais aimé être médecin légiste si je n'avais
pas choisi d'être chirurgien-dentiste comme l'était mon
père. Je suis donc devenue dentiste en 1987 sans oublier
ma prédisposition à être un médecin légiste, cet homme de
médecine susceptible de rendre une identité à un corps
anonyme afin que ses proches puissent en faire leur deuil.
Mon enfance a baigné dans cette quête d'identité. C'est
ainsi que lorsque ma famille se recueillait sur la tombe de
mon grand-père paternel, mort à 29 ans sur le vaisseau
« Dunkerque» à Mers el-kébir en 1942, nous nous, ma
famille et moi, demandions s'il s'agissait bien de ses restes
qui reposaient à côté de ma grand-mère. Cette
interrogation était terrible et le travail de deuil est resté
très difficile à faire pour mon père. Ce n'est qu'il y a très
peu de temps, au hasard des rencontres, que la lumière a
été faite sur le rapatriement de la dépouille de mon grandpère. Un témoin direct présent aux côtés de mon aïeul
dans ses derniers moments a confirmé que le corps était
bien celui de Pierre Madec. Je sais que cela a été un
soulagement pour mon père qui, alors âgé de 72 ans, a pu
enfin accepté sa disparition.
Toutefois, de nombreux marins n'ont pas pu être identifiés
et leurs restes ont été déposés dans un ossuaire bien loin
de leur famille. Il me semble tellement important de rendre
son identité, sa dignité à toute dépouille mortelle. C'est
pour cette raison que, dès qu'elle a été mise en place, j'ai
entrepris la formation proposée par la faculté de chirurgie
dentaire de Nantes. Et c'est en 2008 que j'ai soutenu le
mémoire qui m'a permis d'obtenir un diplôme
universitaire en odontologie médico-légale. Aujourd'hui,
je suis toujours membre de l'Association française
d'identification en odontologie.
Pourquoi avoir développé 1'histoire du H. L. Hunley?
L'histoire de ses marins m'a paru en fin de compte assez
proche de celle de mon grand-père et j'ai été touchée par
l'énergie qui a été déployée pour ramener ces hommes
chez eux, près des leurs. J'ai donc voulu essayer de
retracer l'histoire de leur identification en souvenir de tous
ceux qui sont morts sans avoir jamais été identifiés.
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La Guerre de Sécession (1861-1865)
Les Etats Unis sont nés deux fois. La première, par la
décision libre des treize colonies de s'unir contre
l'Angleterre, découle de la Guerre d'Indépendance
américaine (1775-1783). La seconde au prix d'une terrible
guerre qui a duré quatre longues années.
Cette guerre est le résultat de quarante années de conflits
d'intérêts entre le Nord et le Sud. Les Etats-Unis
d'Amérique au Nord (l'Union) s'opposent aux Etats
Confédérés d'Amérique au Sud (la Confédération).
Le Sud à forte prédominance agricole vit de cultures
commerciales comme le coton, la canne à sucre ou encore
le tabac, qui sont exportés vers le Nord et l'Europe. Mais,
il est dépendant du Nord pour tous les produits
manufacturés et les services financiers, et commerciaux.
Vingt deux millions d'âmes au Nord contre seulement
neuf millions d'habitants au Sud dont... 3,5 millions
d'esclavesl. La force de travail dans le Sud repose sur un
système esclavagiste dont le Nord réclame la suppression.
La conquête de l'Ouest attise la rivalité des deux groupes.
En autorisant l'esclavage au sud et en l'interdisant au nord
d'une ligne située au 36° 30' de latitude nord, ligne tracée
au cœur de la Louisiane toute nouvellement conquise, le
Compromis du Missouri signé en 1820, dicté par le
J
Les 20 premiers esclaves ont débarqué en 1619, à Jamestown.
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gouvernement fédéral, tente d'apaiser le conflit. Mais,
malgré un nouveau compromis signé en 1850, permettant
l'admission de la Californie aux Etats Libres,- c'est-à-dire
les Etats non esclavagistes -, et donnant tout pouvoir à la
souveraineté populaire quant au choix du système
(esclavagiste ou non) employé en Utah et au Nouveau
Mexique, chaque camp cherche à renforcer sa domination.
Bientôt, le Sud ne représente plus qu'une ftaction
minoritaire dont les leaders politiques ont perdu tout
contrôle sur les actes du congrès américain. Le conflit
grandit en intensité. Il voit la création du Parti républicain
et du Free Soil Party, tous deux fortement opposés à
l'extension du système esclavagiste.
En 1860, lors des élections présidentielles, le Parti
démocrate bien ancré dans le Sud est affaibli, car divisé
sur le choix de ses candidats. Le Parti républicain lui
oppose Abraham Lincoln. La victoire de ce dernier achève
de convaincre les Etats du Sud de faire sécession. Ainsi,
en février 1861, très peu de temps avant l'investiture
d'Abraham Lincoln, sept états (Caroline du Sud, Missouri,
Floride, Alabama, Géorgie, Louisiane et Texas) fondent
les Etats Confédérés d'Amérique avec à leur tête Jefferson
Davis.
Abraham Lincoln, affirmant qu'il ne renoncerait pas aux
possessions fédérales dans le Sud, fait ravitailler Fort
Sumter dans la baie de Charleston, en Caroline du Sud, par
les troupes nordistes. Les Confédérés ouvrent le feu.
Lincoln ordonne d'étouffer la rébellion. En riposte, la
Virginie, l'Arkansas, la Caroline du Nord et le Tennessee
rejoignent la Confédération.
La guerre civile éclate le 12 avril 1861. En effet, depuis
Noël 1860, les 68 hommes du major de l'Union Anderson
sont assiégés dans Fort Sumter en Caroline du Sud, par
6000 miliciens de l'Etat sécessionniste. Les renforts
n'arrivent pas. Le 12 avril 1861, le général Beauregard
déclenche des tirs d'artillerie. Anderson refuse d'abord de
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se rendre, puis, le lendemain, après 34 heures de combats,
il renonce à résister.
Mais, en 1861, ni le Nord, ni le Sud ne sont prêts au
conflit. Si le Nord dispose d'un plus grand potentiel
militaire et de très nets avantages matériels, il ne parvient
pas à la rapide victoire escomptée. Le Sud, doté d'une
tradition militaire plus forte, dispose d'hommes plus
expérimentés comme Robert E. Lee. Ce n'est qu'avec le
temps que Lincoln arrive à trouver des hommes d'une
valeur comparable, comme Ulysse. S. Grant ou W. T.
Sherman, par exemple.
La guerre civile américaine dure 4 ans, nous l'avons dit
précédemment, et se termine avec la reddition du général
Lee à Appomattox, le dimanche 9 avril 1865. Ce conflit,
fratricide, est le plus meurtrier de 1'histoire américaine. Il
a coûté la vie à près de 618 000 hommes.
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Le blocus de Charleston
En 1861, Charleston est une ville prépondérante de la
Caroline du Sud qui comprend 1 500 habitants. C'est un
port dont la géographie particulière aide considérablement
la marine confédérée.
Charleston est aussi le point de départ de la guerre
civile: les Cadets de la Citadelle en tirant le 9 janvier
1861, sur les navires fédéraux venant ravitailler le Fort
Sumter, précipitent les évènements.
Le 12 avril, la guerre éclate. Aussitôt, l'Union impose dès
le 19 avril, le blocus des ports du Sud, cherchant ainsi à
asphyxier le commerce des Confédérés, empêchant leur
approvisionnement en armes et autres biens manufacturés.
Charleston est ainsi victime du blocus dès le début du
conflit. L'Union fait couler de vieux bâtiments lestés de
pierres à l'entrée du port, mais les forts courants ont vite
fait de repousser les pierres à l'extérieur de la baie, libérant
de fait les bâtiments confédérés. Ainsi, pendant les deux
ou trois premières années du conflit, la population de
Charleston n'a pas trop souffert.
Cette ville dispose de plusieurs forts et batteries qui
couvrent l'action des «briseurs de blocus ». Ces vaisseaux
rapides, qui trompent la vigilance des navires de l'Union,
livrent ou prennent livraison de diverses marchandises les
attendant à bord de cargos mouillés très à distance, dans
les ports des Bermudes ou de Nassau. Ces bâtiments
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porteurs de pavillons neutres ne sont pas, dans un premier
temps, inquiétés par la marine US. Ces briseurs de blocus
sont très souvent peints en noir et naviguent de nuit, si
possible les nuits sans lune, se repérant grâce aux lumières
peu discrètes des navires ennemis2, en arborant le pavillon
« Stars and stripes3 ». La marine confédérée dispose
également de cuirassés. Le premier, et le plus célèbre, est
le « Merrimack », ancien bâtiment abandonné par la Navy
qui, après avoir été recouvert de plaques de métal, est
rebaptisé « Virginia ». Dès sa première sortie, il coule
deux navires ennemis. L'Union riposte en fabriquant ses
propres cuirassés. Une interminable bataille navale
s'engage alors avec le Monitor, le 9 mars 1862.
En 1863, la marine nordiste commence à contrôler et à
stopper à grande distance des côtes, ces navires, même si
leurs papiers clament leur neutralité. L'été de la même
année voit les premiers combats à Charleston. En 1864,
l'activité des briseurs de blocus est à son apogée, mais si le
blocus n'est pas total, il arrive à très fortement diminuer le
flot des biens entrant dans la Confédération. Charleston est
vitale pour les Confédérés, car elle est au cœur d'un nœud
ferroviaire essentiel. Il faut donc absolument briser ce
blocus. Au Sud, les militaires veulent croire en l'utilité
d'une nouvelle arme: la mine. Toutefois, comment déposer
une mine à proximité d'un navire ennemi sans faire les
frais d'une contre-attaque? Au début, elles sont mises à feu
à l'aide d'un câble électrique dont la manœuvre est bien
aléatoire. D'autres flottent et explosent grâce à un
mécanisme se déclenchant lors du contact avec un objet
qui peut être un navire ennemi ou non. L'état-major décide
alors de faire déposer la bombe par un vaisseau, le
« David », qui a une forme de cigare et est en bois
2
La Navy comprend assez vite son erreur et la corrige en faisant
éteindre les feux de ses bâtiments.
3
Drapeau des Etats-Unis (traduit par « étoiles et bandes », mais plus
littéralement
traduit par « bannière étoilée»).
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renforcé de métal. Propulsé par un moteur à vapeur, il n'est
pas vraiment discret. Seul, un navire silencieux et invisible
peut apporter la solution. Ce navire existe. Il a été
construit à Mobile, en Alabama, par deux inventeurs. C'est
un submersible: Ie H. L. Hunley.
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