Défi diagnostic L’anévrisme de l’aorte abdominale : une bombe à retardement François Melançon, M.D. C © t h g e i l r a i y c r Copn comme e Vent Le s e t i d inter ondition relativement fréquente touchant entre 2 et 4 % de la population, t hommes l’anévrisme de l’aorte abdominale (AAA) affecte sept fois plus nles euve nnel p s e que les femmes, particulièrement ceux âgés entre 65 retis75 à la é ans. Ilpest so ersecondaire to e u a g a s s dégénérescence de la média de la paroinn artérielle qui sans arrêt, causant la e u ur grossit rso r le e u p o mort d’un grand nombre.de gens qui n’ont jamais pu être diagnostiqués. En effet, la s p e Le coupie é b i h asymptomatiques plupart dest cas et ne sont découverts que de façon accine rosont es p primer u e é dentelle au cours ris im d’examens faits pour d’autres raisons. auto liser et n o a nn su L’AAA, dans la vaste majorité des cas, est liée à l’athérosclérose. Moins de 5 % satio ficher, vi des cas sont secondaires à une infection à Gram positifs d’origine hématogène, l’ini l i t u L’ af rger, a h vasion de l’intima et de la média créant alors un abcès et une dilatation anévrismale c télé secondaire du vaisseau. Des causes encore plus rares d’AAA sont les syndromes de Marfan et Ehlers-Danlos, les maladies du collagène et les anévrismes mycotiques. Les AAA sont fusiformes (et en général assez étendus) ou sacculaires, cas de M. Skulehr auquel cas ils sont alors beaucoup plus localisés. io t u b i str i d t e M. Skulehr, ventripotent notaire de 53 ans, vous consulte au sans rendezvous pour un orteil noirâtre au pied gauche, associé à une douleur significative dans cet orteil. La douleur l’a réveillé la nuit passée, il a donc pris de l’acétaminophène, en comptant les heures, jusqu’à l’ouverture de votre clinique. À l’examen, l’orteil est effectivement noir. Le patient est clairement obèse. Les pouls fémoraux, pédieux et poplités sont bien perçus.Vous entendez un souffle abdominal mais ne palpez aucune masse. La tension est notée à 210/95. De quoi souffre M. Skulehr? Comment l’investiguez-vous? Les symptômes Cette condition demeure longtemps asymptomatique, jusqu’à ce que la lésion atteigne le point de rupture. Les patients peuvent alors ressentir un vague inconfort dans le dos, le flanc ou l’aine, quelques temps avant la rupture. Ce malaise inguinal particulièrement insidieux est dû à la pression de la masse en expansion sur un des nerfs fémoraux. Cet inconfort peut être le seul symptôme et présente un défi important pour le clinicien. Une fois l’anévrisme rompu, les patients peuvent se présenter en choc avec de la cyanose, une atteinte de l’état mental, de la tachycardie et de l’hypotension. Ce choc est si brutal que 65 % des gens souffrant d’une rupture d’anévrisme abdominal décèdent en collapsus cardiovasculaire avant même d’arriver en centre hospitalier. Cela dit, plusieurs patients présentent une augmentation rapide des symptômes (apparition rapide et progressive de douleur abdominale ou dorsale, de vomissements, de claudication ou de syncope) et le clinicien devra prêter une grande attention à cette progression, synonyme de rupture imminente. L’investigation Examen physique Jusqu’à la survenue de choc et de collapsus vasculaires, les signes physiques d’un AAA sont souvent extrêmement discrets. Même lorsque l’anévrisme est rompu, la le clinicien avril 2011 1 Défi diagnostic L e diagnostic d’un anévrisme aortique n’est pas facile et on doit se fier à un diagnostic présomptif face à tout patient de plus de 50 ans souffrant d’une douleur abdominale soudaine. tension et le pouls peuvent être normaux, d’une part parce que la masse de sang est encapsulée dans le rétropéritoine, d’une autre part parce que la douleur peut entraîner une hypertension secondaire. Une masse abdominale pulsatile signe en général le diagnostic, mais se retrouve malheureusement seulement dans moins de la moitié des cas. De fait, même en connaissant le diagnostic et en se préparant à une chirurgie, on ne détecte pas encore 25 % des anévrismes abdominaux à la palpation. Le diagnostic erroné le plus fréquent est la colique néphrétique, d’autant plus qu’une dissection associée de l’artère rénale se présente avec de la douleur grave au flanc et de l’hématurie. Plus fréquents que la masse pulsatile, un souffle (ou bruit) abdominal ou une subtile progression latérale de l’onde de pouls aortique ne doivent pas être manqués. Tests d’imagerie Il n’existe aucun test de laboratoire spécifique afin de détecter l’AAA. Les tests suivants servent surtout à écarter la possibilité d’autres conditions pouvant mimer l’AAA. Échographie Dr Melançon est omnipraticien et compte 29 années d’expérience dont 18 en salle d’urgence. Il a pratiqué en cabinet privé et en CLSC. Il est récemment revenu à ses premières amours, soit la médecine d’urgence, la traumatologie et la psychiatrie. 2 le clinicien avril 2011 L’échographie a une sensibilité de quasi 100 % et une spécificité au-delà de 95 %. Ce test permet, entre autres, de mettre en évidence du sang dans le péritoine. Il a cependant quelques limitations : la qualité des images est notamment diminuée en présence de gaz intestinaux ou d’obésité abdominale, un problème de plus en plus prévalent. L’ultrason demeure le test de dépistage par excellence, car il permet d’évaluer la taille de la masse et permet aussi de suivre l’évolution des anévrismes découverts. Tomodensitométrie La tomodensitométrie fournit plus d’informations que l’échographie et n’est pas affectée par la présence de gaz abdominaux ou l’obésité du patient. Ce test permet d’évaluer avec précision la zone suprarénale – là où une extension est possible –, alors que l’échographie est très limitée dans cette région. Imagerie par résonance magnétique (IRM) L’IRM fournit des images d’une qualité supérieure à celles des échographies et des tomodensitométries, puis, tout comme l’échographie, elle n’expose pas les patients aux radiations ionisantes. Par contre, le test est moins efficace pour l’évaluation des extensions suprarénales et ne devrait pas être utilisé chez les patients instables. Angiographie L’angiographie est le test qui démontre de la façon la plus précise l’anatomie aortique. L’angiographie, utilisée en préopératoire, demeure un test invasif qui n’est pas sans complications (saignement, perforation, embolisation, etc.). Il ne devrait pas être utilisé comme examen de dépistage. Quoiqu’intéressante, l’angiographie par soustraction digitale n’est pas disponible partout et ne présente pas d’avantage particulier par rapport à la tomodensitométrie. Défi diagnostic Retour sur le cas de M. Skulehr Vous soupçonnez – avec raison – une embolie périphérique en raison d’un anévrisme probable de l’aorte abdominale.Vous traitez l’hypertension du patient avec un bloqueur calcique, vous appelez le département de radiologie et vous parlez au radiologiste de garde qui accepte de lui faire une échographie d’urgence. Celle-ci confirme un AAA infrarénal d’un diamètre de 4 cm. Le patient est hospitalisé d’emblée, pour réparation semi-urgente d’un anévrisme de l’aorte abdominale avec complications. Le patient a finalement été vu par un interniste puis il a été opéré. Quoique son évolution postopératoire ait été un peu houleuse, notamment en raison de son tabagisme, M. Skulehr s’en est sorti. Le traitement préhospitalier Les patients dont l’anévrisme rompt doivent être stabilisés. On doit absolument maintenir une voie respiratoire, oxygéner le patient (O2 100 %) et contrôler le choc. De grosses voies veineuses (14 ou 16 G) sont ensuite posées. On fait alors une surveillance constante de l’électrocardiogramme. Le diagnostic d’un anévrisme aortique n’est pas facile et on doit se fier à un diagnostic présomptif face à tout patient de plus de 50 ans souffrant d’une douleur abdominale soudaine. Ces patients doivent être transférés dans un milieu qui puisse les investiguer et les opérer. Ils doivent alors être accompagnés d’un médecin capable de traiter un choc hypovolémique pendant le transport. Moins de 40 % des patients souffrant d’un anévrisme rompu atteignent vivants le centre hospitalier dans lequel ils pourraient être opérés. Une fois à l’urgence À l’urgence, on fonctionne à nouveau avec un diagnostic présomptif; tout patient de plus de 50 ans qui présente une douleur abdominale soudaine et croissante doit être considéré comme souffrant d’un AAA en voie de rupture ou déjà rompu, surtout si cette douleur est accompagnée de syncope ou des symptômes d’un choc hémorragique. L’hypertension augmente de façon significative la tension sur la paroi artérielle et augmente, par conséquent, le risque de rupture. Tout patient hypertendu chez qui on retrouve un AAA non rompu doit recevoir un traitement antihypertenseur agressif avec une tension systolique visée de 100 à 120 mmHg. Lorsqu’un AAA commence à rompre, le phénomène est associé à une douleur significative qui entraîne tachycardie et hypertension. Dans ce cas, des analgésiques narcotiques, telle la morphine, peuvent aider à diminuer l’hypertension, tout en ayant un effet calmant sur le patient. La consultation chirurgicale L’urgence d’une consultation dépend de la stabilité de l’état du patient. Lorsque les patients sont à la fois hémodynamiquement stables et asymptomatiques, l’investigation prime. Le patient doit alors consulter un chirurgien vasculaire si le diamètre de l’aorte abdominale dépasse 3 cm ou si une partie de l’aorte présente un diamètre équivalant une fois et demi celui du segment adjacent. Avant une chirurgie élective, le patient doit rencontrer un interniste, pour stabiliser l’ensemble de ses conditions médicales. Les anévrismes de moins de 4 cm sont suivis avec des échographies sériées, tous les six mois. Si le diamètre de l’anévrisme augmente de plus de 0,5 cm sur une période de six mois, ou s’il dépasse 4 cm, une correction chirurgicale est nécessaire. Les patients instables sont immédiatement évalués en chirurgie vasculaire et on prépare alors le bloc pour une intervention immédiate. Si le temps le permet, on peut procéder à une échographie au chevet, pour évaluer l’anévrisme, en autant que ceci ne retarde pas la chirurgie. C