CANAUX IONIQUES Introduction La membrane plasmique qui entoure les cellules (sépare le cytoplasme de l’extérieur) est constituée d’une bicouche phospholipidique fluide (2 couches constituées de lipides et de protéines). La membrane plasmique est un élément important dans le fonctionnement cellulaire. Elle contient différents types de protéines qui sont insérées dans sa structure: - Les canaux ioniques - Les pompes ioniques - Les récepteurs membranaires - Les enzymes membranaires. Toutes ces protéines ont des rôles dans le fonctionnement cellulaire et sont impliquées dans les échanges entre milieu extérieur et cellule et dans la communication entre les cellules. Ainsi, les canaux ioniques interviennent dans 2 formes de communication entre les cellules: - transmission de l’information par des signaux électriques membranaires qui se propagent. C’est l’exemple de la transmission nerveuse. - transmission de l’information par la liaison d’une molécule informative appelée ligand et de son récepteur membranaire, en général spécifique. C’est l’exemple de la transmission humorale ou hormonale . Définition : Les canaux ioniques sont des protéines membranaires agencées de manière à former des pores qui, lorsqu’ils sont ouverts, permettent le transport passif d’ions de part et d’autre de la membrane cellulaire. Le passage des ions à travers les canaux ioniques se fait donc sans consommation d’énergie (transport passif), de la zone où l’ion est le plus concentré vers la zone où il est le moins concentré. Les canaux ioniques sont très importants car impliqués dans de nombreux processus physiologiques tels que: - l’excitabilité cellulaire - la communication inter cellulaire - le contrôle des fonctions cellulaires. La répartition inégale des ions de part et d’autre de la membrane des cellules excitables est responsable d’une Différence de Potentiel (DDP) mesurable par un voltmètre. La répartition des ions est maintenue grâce aux pompes ioniques qui peuvent transporter les ions de manière active, contre un gradient de concentration. Ainsi, à l’intérieur de la cellule, le potassium (K+) est l’ion prédominant, alors qu’à l’extérieur, c’est l’ion sodium (Na+) qui est le plus abondant. Cette répartition inégale des ions est responsable d’une accumulation de charges différentes à l’extérieur et à l’intérieur de la membrane des cellules excitables : on dit qu’elle est polarisée (chargée positivement à l’extérieur et négativement à l’intérieur). Les mouvements d’ions peuvent modifier cette polarité : - Dépolarisation lors de l’entrée d’ions positifs tels que les ions sodium ou calcium - Hyperpolarisation lors de l’entrée d’ions négatifs tels que les ions chlore ou de la sortie d’ions positifs tels que les ions potassium I. Différents types de canaux ioniques 1.1. En fonction de la sélectivité ionique Les canaux ioniques ont une certaine spécificité par rapport à l’ion transporté. Ainsi, en fonction de l’ion transporté, on peut distinguer différents types de canaux ioniques: Canaux à Sodium ou sodiques (Na+) Canaux à Calcium ou calciques (Ca++) Canaux à Potassium ou potassiques (K+) Canaux chlorures ou à chlore (Cl-) 1.2. En fonction du facteur contrôlant l’ouverture Les canaux ioniques obéissent à divers mécanismes d’activation. En effet, certains canaux sont ouverts en permanence et sont appelés Canaux de fuite. C’est l’exemple de certains canaux K+ présents sur la membrane des cellules nerveuses (neurones) Les autres canaux ont une ouverture ponctuelle (transitoire) pouvant être déclenchée par 2 types de facteurs: - Electriques : canaux voltage dépendants - Chimiques : canaux ligand dépendants Canaux ioniques voltage dépendants : parmi les canaux ioniques ayant une ouverture transitoire, certains sont ouverts à la suite d’une variation du potentiel de membrane, ils sont appelés canaux voltage dépendants ou potentiel dépendants (Voltage operated channels VOC en anglais) qui ont été décrits pour la première fois par Hodgkin et Huxley (Prix Nobel de Médecine: physiologie 1963). Les canaux ioniques étant constitués de protéines chargées, les DDP transmembranaires qui créent un champ électrique peuvent agir sur leur structure moléculaire ce qui permet leur ouverture ou leur fermeture et ainsi le transport passif des ions. Canaux ioniques ligand dépendants: d’autres canaux ioniques s’ouvrent à la suite de la fixation d’une molécule informative appelée ligand sur son récepteur spécifique, entrainant l’activation du canal. Ils sont appelés Canaux ligand dépendants ou canaux activés par des récepteurs (Receptor operated Channels : ROC en anglais). Le récepteur peut être situé à distance du canal et, dans ce cas, impliquer un second messager pour la transmission de l’information (exemple protéine G,…) Le canal ionique lui-même peut porter le récepteur: Récepteur – canal et s’ouvrir directement, dès fixation du ligand. II. Méthodes d’étude Plusieurs méthodes expérimentales existent et ont permis une meilleure compréhension du fonctionnement des canaux ioniques. 2.1. Technique du potentiel imposé (Current – clamp) Cette technique permet d’étudier les canaux voltage dépendants. Il s’agit de l’étude des effets de la variation du potentiel de membrane (par un générateur de courant) sur le canal ionique. Le dispositif comprend 2 électrodes implantées dans la cellule. L’électrode 1 mesure le potentiel de membrane par rapport à une électrode de référence. L’électrode 2 permet d’injecter un courant fourni par un générateur. L’application d’un stimulus active des canaux ioniques, donc, entraîne des mouvements d’ions. Pour maintenir le potentiel de membrane constant, malgré ces mouvements ioniques, on devra appliquer un courant de même amplitude mais de signe contraire qui va équilibrer la variation du potentiel de membrane. Ce courant injecté sera le reflet (avec le signe contraire) des variations des courants ioniques membranaires. Grâce à cette méthode, de nombreux canaux ioniques ont pu être étudiés et leurs mécanismes de fonctionnement mieux compris. 2.2. Technique du patch – clamp La mise en œuvre de cette technique a valu à NEHER ET SAKMANN le prix Nobel de Médecine en 1991. C’est une technique qui permet d’étudier les canaux ioniques de manière plus fine (à l’échelon unitaire). Un fragment de membrane (patch) comprenant au mieux un canal ionique est isolé du reste de la membrane grâce à une micropipette (ayant un diamètre de l’ordre du micromètre). On applique ensuite, grâce à un dispositif électronique utilisant la micropipette, un certain potentiel au fragment isolé. On enregistre le courant électrique passant par le canal ainsi isolé ce qui permet son étude. Il existe plusieurs techniques différentes en fonction de l’orientation du fragment isolé : - Cell attached (où le fragment isolé reste collé à la cellule) - Whole cell (où le fragment isolé est étudié en rapport avec la totalité de la cellule) - Inside - out (où le fragment isolé est détaché et retourné sur lui même) - Outside – out (où le fragment isolé est détaché mais étudié dans le même sens) 2.3. Méthode des inhibiteurs spécifiques des canaux ioniques Il s’agit d’appliquer sur une membrane des substances qui bloquent spécifiquement certains canaux ioniques ce qui permet d’identifier la nature ionique des canaux présents sur la membrane étudiée. III. Propriétés des canaux ioniques 3.1. Sélectivité Sélectivité vis-à-vis de l’ion transporté Elle est essentiellement liée au diamètre du pore lorsque le canal est ouvert. Ainsi, la taille du pore permet de déterminer une certaine spécificité vis à vis de l’ion transporté. Les principaux canaux ioniques sont : les canaux K+, les canaux Na+, les canaux Ca2+, les canaux Cl-. Sélectivité liée aux systèmes de contrôle La sélectivité est également obtenue grâce à diverses structures de contrôle qui déterminent le passage des ions: Filtre sélectif qui trie les ions à la surface de la membrane Porte d’activation permettant l’ouverture du canal sensible à des signaux électriques ou à des signaux biochimiques Porte d’inactivation chargée de limiter le flux ionique. C’est une protéine interne qui est chargée d’assurer ce rôle 3.2. Etat de conformation des canaux ioniques Les canaux ioniques ont généralement 2 conformations possibles Ils s’ouvrent selon la loi du tout ou rien Ils sont soit ouverts, soit fermés Jamais partiellement ouverts ou partiellement fermés Certains canaux sodiques peuvent avoir une conformation fermé inactivable (cet état est à l’origine de la « période réfractaire absolue » de la membrane qui les porte, c’est à dire que la cellule devient inexcitable pendant la période correspondant à celle de la conformation « fermé inactivable » des canaux sodiques). IV. Courant ionique canalaire et potentiel de membrane Les canaux ioniques sont des protéines membranaires ayant un rôle très important dans de nombreux processus physiologiques et plus particulièrement dans le fonctionnement des cellules excitables (cœur, muscle, cellules nerveuses). Les dysfonctionnements des canaux ioniques appelés canalopathies, souvent d’origine génétique peuvent entrainer des troubles graves voire mortels : - troubles du rythme cardiaque (canaux sodium, calcium et potassium) - anomalies de la contraction du muscle cardiaque (canaux sodiques) - épilepsies (canaux sodiques cérébraux) - mucoviscidose (canaux chlore),… 4.1. Canaux ioniques et potentiel de membrane Lorsqu’un canal ionique est ouvert, il est traversé par un courant d’intensité i : i = g.Fe ion Où : g : conductance ou perméabilité du canal Fe ion : force électromotrice de l’ion considéré, Fe ion = Vm - Eion Vm = potentiel de membrane E ion : potentiel d’équilibre de l’ion : c’est le potentiel de membrane pour lequel le flux net transmembranaire est nul pour l’ion considéré (plus aucun mouvement de part et d’autre de la membrane). Ainsi i = g (Vm - E ion) E ion est calculé en utilisant l’Equation de Nernst (tableau II). Ainsi, grâce à l’équation de Nersnt, les potentiels d’équilibre des différents ions ont pu être déterminés : EK = - 94mV + ENa+ = +62mV ECa = +130mV ++ ECl = -65mV - Les canaux ioniques déterminent l’excitabilité des cellules. De par les mouvements d’ions qu’ils entrainent, ils peuvent également modifier la valeur du potentiel de la membrane qui les porte. 4.2. Canaux ioniques et potentiel de repos Rappelons qu’il existe un déséquilibre des concentrations ioniques de part et d’autre de la membrane responsable d’une différence de potentiel (DDP). Au niveau d’une cellule excitable au repos, l’intérieur est négatif par rapport à l’extérieur. Cette DDP est due à l’inégalité de répartition des ions entre l’extérieur et l’intérieur de la membrane Au repos, les mouvements ioniques sont minimes, ainsi la conductance de la membrane aux différents ions étant quasiment nulle, le courant ionique global lié aux différents canaux ioniques présents sur la membrane et à la pompe Na+/K+ATPase peut être considéré comme égal à 0. Cependant, au repos, du fait de l’existence des canaux de fuite au K +, la conductance membranaire au K+ est supérieure à celle des autres ions ce qui fait que le potentiel de la membrane est proche de celui des ions K +. (En réalité, quel que soit l’état d’excitation de la membrane, le potentiel de la membrane tend vers celui de l’ion pour lequel la conductance est la plus élevée K+ au repos, Na+ lorsqu’elle est dépolarisée,….) 4.3. Canaux ioniques et potentiel d’action Le Potentiel d’action (PA) est un signal électrique propagé qui permet la transmission de l’information au niveau des cellules excitables. Il comprend plusieurs phases qui peuvent légèrement différer en fonction du type de cellule excitable Si l’on prend comme exemple le PA du neurone, nous pouvons décrire les phases suivantes : Phase 1: dépolarisation Phase 2: sommet du PA Phase 3: repolarisation Phase 4 : petite hyperpolarisation Le PA implique la mise en jeu successive de nombreux canaux ioniques après stimulation de la membrane cellulaire. Cependant le rôle des canaux ioniques est différent en fonction des différentes phases du PA. Ainsi : Phase 1: dépolarisation correspond à l’ouverture massive des canaux sodiques et à l’entrée de sodium dans la cellule Phase 2: sommet du PA correspond à la fermeture des canaux sodiques Phase 3: repolarisation correspond à l’ouverture des canaux potassiques et sortie de potassium de la cellule Phase 4 : petite hyperpolarisation correspond à la mise en jeu des pompes Na+/K+ ATPase Les canaux sodiques jouent un rôle majeur dans la naissance du PA de nombreuses cellules excitables (nerveuses, cardiaques, musculaires striées). En effet, lorsqu’un stimulus dépolarise une partie de la membrane cellulaire, certains canaux sodiques vont s’ouvrir permettant une entrée d’ions Na + dans la cellule. Cet influx d’ions Na+ dépolarise la membrane. La dépolarisation ainsi enclenchée, entraine l’ouverture de plus de canaux sodiques (VOC) faisant tendre le potentiel de membrane vers le potentiel d’équilibre des ions Na+ sans jamais l’atteindre (phase 1). A ce stade, la force électromotrice des ions Na + s’annule et fait cesser l’influx de Na+ dans la cellule. Les canaux sodiques deviennent instables et se ferment (phase 2). Les Canaux Potassiques K+ sont également mis en jeu dans le PA. En effet, la dépolarisation de la membrane entraine également l’ouverture des canaux K + mais celle-ci est retardée par rapport à celle des canaux Na+ puisqu’elle est maximale lorsque les canaux Na+ se ferment. L’ouverture des canaux K+ entraine la sortie massive des ions K+. Cet Efflux de K+ est responsable de la repolarisation de la membrane (ramène le potentiel de membrane à une valeur proche du potentiel d’équilibre des ions K +) faisant revenir le potentiel de membrane à sa valeur de repos (phase 3). La mise en jeu de la pompe Na+/K+ ATPase rétablit les différences de concentration du Na+ de part et d’autre de la membrane (sortie de 2K+ et entrée de 3Na+, phase 4). Les Canaux calciques, lorsqu’ils sont ouverts tendent à prolonger la dépolarisation membranaire (plateau de dépolarisation comme dans le PA de la cellule musculaire cardiaque) Leur potentiel d’équilibre étant plus élevé que celui des ions Na+ (+130mV), ils s’ouvrent à un potentiel élevé et permettent ainsi de maintenir la dépolarisation induite par les ions Na +. Conclusion Les canaux ioniques sont des protéines membranaires ayant un rôle très important dans de nombreux processus physiologiques et plus particulièrement dans le fonctionnement des cellules excitables (cœur, muscle, cellules nerveuses). La connaissance de leur physiologie est essentielle car ils peuvent être le siège de dysfonctionnement dont les conséquences sont souvent graves voire mortelles.