BIOFILMS Cours Interaction Microbiennes 1M BIOTECH Dr. BENLARBI Larbi 15/11/2022 2 BIOFILMS PLAN DU COURS 1. Biofilms ou comment des êtres unicellulaires s’organisent en communautés 2. Les étapes de formation des biofilms 3. Les propriétés spécifiques des biofilms 4. Les biofilms : des réservoirs de bactéries en dormance • Historique Les premiers regroupements de bactéries furent observés au XVIIe siècle par Antoni van Leeuwenhoek [1], suite a l’analysé des échantillons de plaque dentaire. Mais ce n’est que dans les années 1980 que le terme de « film bactérien » puis de « biofilm » fut popularisé, notamment par J. William Costerton [2]. Il a montré que, contrairement aux données établies, le mode de vie dominant des bactéries était sous forme de communautés complexes apparentées à un être pluricellulaire qu’il a dénommées biofilms. Les biofilms sont définis comme des agrégats organisés de microorganismes pouvant contenir jusqu’à 100 millions (108) à 10 milliards cellules par gramme de matière déshydratée. La majorité des bactéries sont capables de former des biofilms et les différentes étapes conduisant à la formation d’agrégats complexes et hétérogènes Il s’agit de phénomènes parfaitement coordonnés et génétiquement programmés. 3 Introduction BIOFILM Qu’est-ce qu’un biofilm ? C’est un mode de vie en communautés qui permet à des microorganismes - des êtres unicellulaires tels que les bactéries d’adopter un comportement de groupe. Les biofilms sont le plus souvent fixés à un support et ils sont ubiquitaires (Qui est ou semble être partout à la fois, Ces les espèces pouvant s'adapter aux milieux les plus divers). Ce fut d’ailleurs un des premiers modes d’organisation du vivant au fond des océans, il y a quelques milliards d’années. La majorité des infections bactériennes impliquent des biofilms, ce qui favorise la survenue des formes chroniques et entraine des difficultés de traitement. 15/11/2022 4 Les biofilms : 1 ère forme de vie organisée sur Terre depuis environ 3,5 milliards d’années. Ils se retrouvent dans l’environnement terrestre à tous les niveaux, même dans les environnements extrêmes (pores au sein des glaciers), Ces formations vivantes constituent des processus de colonisation de divers environnements associés à des processus de survie et d’adaptation. 65% des infections bactériennes chez l’homme sont dues à des biofilms. Dans les suspensions liquides, la plupart de ces micro-organismes sont regroupés en amas mobiles, animés par des mouvements browniens et sont dépourvues de toutes attaches à une surface : on parle d’état planctonique. Sur les surfaces (naturelles ou synthétiques), la plupart de ces micro-organismes forment des amas adhérents en remaniement permanent : on parle d’état sessile. Toutes ces formes de communautés vivantes plus ou moins organisées sont regroupées sous le vocable de « Biofilm » (termes plus employés pour la forme sessile). L’étude des micro-organismes dans leur environnement naturel, in vivo montre une organisation en communautés structurées, de composition plus souvent hétérogène dans l’espace comme le temps et liées à une matrice de polymères exocellulaires (EPS). Tous les micro-organismes se développent non isolément sous la forme de micro-colonies, de taille, forme, densité et organisation variées (en agrégat, en monocouche, ou multicouche, en suspension dans les gaz, les liquides ou adhérent à une surface) 6 • Définition « Un biofilm est une communauté microbienne adhérente à une surface et fréquemment incluse dans une matrice de polymères exocellulaires ». Cette matrice est aussi appelée « couche muqueuse ». Les biofilms sont des couches de micro-organismes associés à un type de surface et constitués d’un seul type ou de plusieurs types de micro-organismes (levures, bactéries, protozoaires ou des combinaisons de toutes ces espèces). 7 Quelques exemples de conséquences positives du biofilm Biotechnologie production de médicaments (insulines, héparines…) production de vinaigre (acetobacter spp) industrie des fromages … Biofiltres traitement des eaux usées urbaines et industrielles traitement des effluents gazeux ( composés odorants, xénobiotiques traitement des sols pollués Quelques exemples de conséquences negatives du biofilm 1. Résistance aux biocides et aux antibiotiques (étude sur le modèle de la mucoviscidose) 2. Contamination des surfaces en agro-alimentaire (notion de «biofouling» L'encrassement biologique: ) 3. Infections nosocomiales 4. Autres infections ou colonisations cathéters, prothèse tissus (émail des dents, os, coeur…) plaque dentaire Lentilles … Les étapes de formation des biofilms On distingue 4 étapes dans le mécanisme de formation des biofilms (figure.1) 10 1- Tout d’abord, les bactéries interagissent avec un substrat et s’y fixent de façon réversible par des interactions non spécifiques de type liaison hydrogène ou liaison de Van der Waals : on parle d’adhérence. 2- Puis les bactéries se fixent de façon irréversible et spécifique au substrat grâce à des molécules d’adhésion comme par exemple les pili, et synthétisent une matrice d’exopolysaccharides : il s’agit de la phase d’adhésion. 3- On distingue ensuite des phases de croissance et de maturation du biofilm 4- Puis, sous l’effet de facteurs environnementaux, des bactéries vont se détacher du biofilm, et se disperser sous forme planctonique dans le milieu environnant : on parle d’essaimage du biofilm 11 Bases de l’adhésion des biofilms L’adhésion est une accumulation de micro-organismes et de matériels extracellulaires sur une surface solide. C’est un processus s’effectuant en plusieurs étapes : 1- Transport vers la surface 2- Adhésion non spécifique ou réversible 3- Adhésion spécifique ou irréversible L’adhésion est un phénomène purement physico-chimique qui est suivi de phénomènes biologiques. 12 • Adhésion non spécifique L’adhésion non spécifique des microorganismes est décrite au travers de la théorie DVLO, du nom des auteurs de cette théorie (Dejarguin-Landau-Verwey-Overbeek). Elle consiste dans un premier temps en l’interaction des charges en milieu liquide avec une surface solide. • Adhésion spécifique L’adhésion spécifique est le fait des structures moléculaires à la surface des microorganismes bactériens (phospholipides, acides teichoïques, LPS, résidus d’acides gras) et des appendices filamenteux ou organelles propres aux microorganismes (pili ou fimbriae et flagelles). 13 Formation du biofilm Trois niveaux influencent la formation d’un biofilm : - Le phénotype et le métabolisme bactérien - Le type et l’état de surface - L’environnement physico-chimique et biologique. Cinq étapes établissent la formation d’un biofilm : • L’adhésion initiale (non spécifique) des micro-organismes avec une entrée en contact avec la surface : cette adhésion est réversible • L’adhésion irréversible (spécifique) avec la formation de colonie à la surface avec des attachements par leurs organelles • La colonisation avec deux étapes de maturation : -Une maturation primaire marquée par une croissance en surface, la formation d’une matrice de polymères exocellulaires sur laquelle se développe la fine monocouche de biofilm (10 ) -Une maturation secondaire marquée par une croissance en multicouches donnant un biofilm important (100 ) 14 • La dispersion/dissolution par rupture des liaisons inter-cellulaires et avec la matrice de polymères exocellulaires La formation, la croissance du biofilm comme la dissociation du biofilm dépendent de l’équilibre et du gradient des molécules biologiques circulantes autour et au sein du biofilm par : Les gradients de molécules signals bactériennes assurant la croissance de la même espèce (notion de quorum sensing) Les interactions entre molécules signals bactériennes d’espèces différentes limitant la croissance (notion de quorum quenching) 16 Les propriétés spécifiques des biofilms La matrice des biofilms est également le siège d’échanges entre bactéries, via la mise en place de réseaux de communication. Ainsi, par le biais de molécules dites de « quorum sensing » (Lire Dialogues et coopération chez les bactéries), l’ensemble des membres de la communauté harmonise ses réponses au-delà d’un seuil de concentration en cellules et peut ainsi se prévaloir d’une conduite type organisme multicellulaire. Cette aptitude permet notamment des coopérations métaboliques sur un plan nutritionnel avec utilisation successive des métabolites produits par les différents acteurs du biofilm. 17 De par la proximité géographique établie au sein des biofilms, cette forme de vie communautaire facilite également les échanges horizontaux de fragments d’ADN et donc de matériel génétique entre membres de la communauté, ce qui permet d’enrichir leur patrimoine génétique via l’acquisition de nouvelles fonctions. 18 Le biofilm bactérien est une structure hétérogène. Les variations locales de composition en nutriments, enzymes, et autres molécules produites par les bactéries créent des microenvironnements différents au sein du biofilm. Certaines bactéries modifient leur état physiologique et adoptent un état de tolérance vis-à-vis des agents anti-microbiens 19 Les biofilms : des réservoirs de bactéries en dormance Les communautés organisées que sont les biofilms constituent des réservoirs de bactéries, capables de survivre aux agressions extérieures (agents anti-infectieux, déshydratation,..) et de maintenir ainsi des formes viables malgré des conditions extérieures hostiles. Ceci est rendu possible par la transformation de certaines cellules du biofilm en formes dormantes, avec des fonctions vitales ralenties, ce qui leur permet d’échapper à l’action de la plupart des agents anti-infectieux qui nécessitent pour être actifs des bactéries capables de se répliquer. Mais si cette forme de vie permet aux bactéries de franchir des étapes difficiles, 20 21 Ce phénomène complexe dit de dispersion représente l’étape ultime de formation des biofilms et il est induit par des événements extérieurs tels que l’appauvrissement en nutriments, les modifications de concentration en oxygène ou de densité bactérienne. Ces modifications sont perçues par les bactéries, ce qui entraine l’activation de signaux intracellulaires et ultimement le décrochage d’une partie du biofilm. Plusieurs actions peuvent ainsi conduire au détachement physique de bactéries ou de microagrégats : synthèse et sécrétion d’enzymes de dégradation de la matrice (nucléases, glycosidases, protéases), modifications de surface des bactéries conduisant à une moindre adhésion, production de surfactants induisant une réduction des tensions de surface ou encore lyse de quelques bactéries, des phénomènes qui tendent à fragiliser localement la cohésion du biofilm. Les bactéries ou amas de bactéries ainsi libérés sont alors capables de coloniser d’autres surfaces, voire de créer d’autres points infectieux car les bactéries ainsi libérées sont particulièrement virulentes. 22 Messages à retenir Nos principales connaissances du monde bactérien découlent de l’étude des bactéries sous la forme de cellules individualisées cultivées en laboratoire dans des milieux adaptés. Dans la nature, les bactéries vivent majoritairement sous la forme de communautés agrégées appelées biofilms. Ce mode de vie leur permet d’opter pour un comportement coordonné de groupe et leur confère un certain nombre d’avantages, concernant notamment leurs capacités à résister aux agressions extérieures. Cette découverte a modifié profondément l’approche du monde bactérien au cours des dernières décennies et invite à considérer d’un œil nouveau l’ensemble des données, que ce soit à propos des bactéries pathogènes ou de celles qui constituent nos microbiotes. 23 BIOFILMS 15/11/2022 24 MERCI POUR VOTRE ATTENTION Dr. BENLARBI Larbi Benlarbi,larbi@univ-bechar,dz Univ-bechar,dz